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03/03/2010 | LUXEMBOURG | N°25299

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mars 2010, 25299


Tribunal administratif N° 25299 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 janvier 2009 3e chambre Audience publique du 3 mars 2010 Recours formé par Monsieur …, … et consorts contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en matière de contentieux électoral pour la désignation des délégués du personnel

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25299 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2009 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à L

uxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, Madame …, demeurant à L-…, Madame …,...

Tribunal administratif N° 25299 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 janvier 2009 3e chambre Audience publique du 3 mars 2010 Recours formé par Monsieur …, … et consorts contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en matière de contentieux électoral pour la désignation des délégués du personnel

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25299 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2009 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, Madame …, demeurant à L-…, Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 16 décembre 2008 en ce qu’il a déclaré irrecevable la contestation introduite par Monsieur … et les contestations introduites par Madame … et Madame … non fondées ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Roland Funck demeurant à L-1143 Luxembourg, 21, rue Astrid, du 26 janvier 2009 portant signification de ce recours à l’établissement public …, représenté par le président de son conseil d’administration actuellement en fonctions, établi et ayant son siège social à L-… ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 25 février 2009 par Maître Albert Moro, avocat à la Cour, au nom de l’établissement public … ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 16 avril 2009 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mai 2009 par Maître Jean-Marie Bauler au nom de Monsieur … et Madame … et Madame … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juin 2009 par Maître Albert Moro au nom de l’établissement public … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juin 2009 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, Maître Karim Sorel, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, Maître Sébastien Schmitz, en remplacement de Maître Albert Moro, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er juillet 2009 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 13 juillet 2009 prononçant la rupture du délibéré et ordonnant à la partie demanderesse de mettre en intervention, moyennant signification à personne, à domicile ou à domicile élu, en leur qualité de tiers intéressé, tous les candidats aux élections pour la désignation d’une délégation du personnel ayant eu lieu au sein de l’établissement public … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Roland Funk, du 25 septembre 2009, préqualifié, portant signification du prédit recours aux bureaux de l’… à L-… aux dames …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, et aux sieurs …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Roland Funk du 25 septembre 2009, préqualifié, portant signification d’un mémoire en réplique de Maître Jean-Marie Bauler du 15 mai 2009 aux bureaux de l’…, à L-… aux dames …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, et aux sieurs …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, …, … ;

Vu la requête d’intervention volontaire déposé au greffe du tribunal administratif le 24 septembre 2009 par Maître Jean-Marie Bauler déclarant à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, à l’établissement public …, que les dames …, …, …, …, …, …, … et les sieurs …, …, … entendent intervenir volontairement dans l’instance introduite par Monsieur … et les dames … et … ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, Maître Jonathan Holler, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, Maître Sébastien Schmitz, en remplacement de Maître Albert Moro, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 janvier 2010 ;

Le 12 novembre 2008, des élections pour la désignation des délégués du personnel ont été organisées au sein de l’établissement public …, ci-après « l’établissement public … ».

Par courrier de leur mandataire du 21 novembre 2008, Monsieur …, en sa qualité de mandataire de la liste présentée par le syndicat …, et les dames … et …, introduisirent auprès du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines, ci-après « le directeur », une contestation relative à la régularité des opérations électorales ayant eu lieu le 12 novembre 2008, en application de l’article 39 du règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel.

Par décision du 16 décembre 2008, le directeur déclara la contestation introduite par Monsieur … irrecevable et celles introduites par Madame … et Madame … recevables, mais non fondées et prit une décision, qui est libellée comme suit :

« Vu l'article L.417-3(1) du Code du travail Vu l'article 39 du règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel ;

Vu la requête introduite par l'organe de leur mandataire soussigné Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au barreau de Luxembourg, par … …, secrétaire syndical en sa qualité de mandataire pour la remise de la liste des candidats présentée par le …, … et …, toutes deux salariées de l'établissement public …, établi à L-…, moyennant une lettre recommandée datée du 21 novembre 2008, reçue à l'Inspection du travail et des mines le 24 novembre 2008 ;

Attendu que les parties intéressées ont été valablement convoquées et entendues en leurs explications et arguments en date du 09 décembre 2008 ;

Attendu que la requête a pour objet une contestation relative à l'électorat et à la régularité des opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel dans l'établissement public …, de sorte que le directeur de l'Inspection du travail et des mines est compétent pour en connaître ;

Attendu qu'en ce que la requête a été introduite au nom de … … en sa qualité de mandataire pour le dépôt de la liste des candidats …, ce mandat dont il a disposé en vertu de l'article 6 du règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel se limite au dépôt de la liste des candidats et ne le mandate pas pour exercer un recours ;

qu'en conséquence en ce qu'elle a été introduite par … …, la requête est irrecevable pour défaut de mandat ;

Attendu qu'en ce que la requête a été introduite au nom de … et … dans les forme et délai prévus par l'article 39 du règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel, elle est à déclarer recevable ;

Attendu que les requérants par l’organe de leur mandataire Maître Jean Lutgen, avocat à la Cour, inscrit au barreau de Luxembourg, en remplacement de Maître Jean-Marie Bauler, exposent que l'employeur n'a pas procédé à l'affichage de la liste des candidats présentée par le …, alors qu'elle a été régulièrement remise par le mandataire au représentant du chef de l'établissement qui l'a accepté et que ce n'est que le jour après le dépôt, alors que le délai légal pour la remise des listes des candidats était écoulé, que le chef d'entreprise a averti le mandataire d'un problème ;

Attendu que le représentant à l'audience de l'employeur … explique que le 28 octobre 2008 à 16:40, le mandataire a fait la remise de la liste … entre ses mains alors qu'il était le délégué du chef d'entreprise à cette fin conformément à l'article 4(4) du règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel ;

que par sa signature sur le document de remise de la liste des candidats il n'a donné qu'accusé de réception permettant de vérifier que l'article 4 précité a été respecté, mais n'a pas accepté la liste ;

que c'est le chef d'entreprise qui a fait la vérification de la liste en vue de l'enregistrement et qui a constaté le soir même que sur la liste des candidats … figurent deux noms de personnes non salariées de …, à savoir … et … et a refusé de l'enregistrer ;

Attendu que l'article 4(4) du règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel dispose que:

"Les listes ou les candidatures isolées doivent être remises au chef de l'établissement ou à son délégué au plus tard le quinzième jour de calendrier précédant celui de l'ouverture du scrutin à six heures du soir. Passé ce délai, les candidatures ne sont plus recevables" ;

Attendu que l'article 7 du règlement prédit dispose que : "Le chef de l'établissement ou son délégué enregistre les listes ou les candidatures isolées dans l'ordre de leur présentation. Il refuse l'enregistrement de toute liste ou de toute candidature isolée qui ne répond pas aux prescriptions du présent règlement" ;

que le 28 octobre 2008 la liste … a été remise au délégué du chef de l'établissement qui en a donné accusé de réception par sa signature conformément à l'article 4(4);

que cela ne vaut pas acceptation de la liste ;

que l'article 7 précité oblige le chef d'entreprise de refuser d'enregistrer une liste non conforme ;

que dans le cas d'une acceptation d'une liste non conforme l'élection est gravement viciée ;

qu'il n'est pas contesté que les deux candidats prénommés n'étaient pas salariés de …, comme l'exige pourtant l'article L.413-3 du Code du travail ;

qu'en conséquence ils ne remplissaient pas les conditions d'éligibilité et ne figuraient pas sur la liste d'électeurs ;

que les élections ont été faites selon les règles de la représentation proportionnelle avec remise d’une liste et non d’une candidature isolée ;

que la liste était entachée d'irrégularité par la présentation des deux candidats non salariés de l'entreprise ;

que l'employeur devait dès lors refuser d'enregistrer la liste … non conforme aux dispositions du Code du travail et des prescriptions du règlement grand-ducal d'application ;

qu'il ne pouvait en conséquence pas procéder à l'arrêt de la liste et à son affichage ;

que le moyen n’est pas fondé ;

Attendu que Maître Lutgen pour sa partie argumente en second lieu que le procès-verbal des opérations électorales ne renseigne pas sur l'irrégularité par rapport à une liste déposée constatée par le chef d'entreprise ou son délégué ;

que le procès-verbal est en conséquence incorrect ce qui vicie les élections ;

Attendu que le procès-verbal des opérations électorales constate le déroulement des opérations le jour des élections ainsi que les incidents éventuels avec les décisions y relatives prises par le bureau de vote constitué le jour du scrutin ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs le dirceteur et de l’Inspection du travail et des mines ouï les parties intéressées ;

se déclare compétent pour connaître des contestations relatives à l’électorat et à la régularité des opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel dans l’établissement public … introduites par … …, … et … ;

dit la contestation de … irrecevable ;

dit les contestations de … et … recevable, mais non fondées ; ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2009, Monsieur … et Mesdames … et … ont fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision directoriale du 16 décembre 2008.

Les demandeurs en se référant à un arrêt de la Cour administrative du 20 mars 2008, n° du rôle 24148C, sont d’avis que le tribunal administratif est compétent pour connaître de la requête introduite.

L’établissement public … conclut à l’incompétence du tribunal administratif pour connaître du présent recours en faisant valoir que ladite jurisprudence ne saurait être appliquée au présent litige au motif que l’espèce tranchée par la Cour administrative aurait porté sur une contestation en matière de désignation des membres du personnel d’une société anonyme au conseil d’administration et non sur une contestation en matière d’élections sociales. En plus, l’article L. 417-3 du Code du travail serait bien plus précis quant à la compétence revenant au directeur en matière de contestations liées aux délégués du personnel, de sorte qu’il ne pourrait être soutenu comme l’a décidé la Cour administrative par rapport à l’article L. 427-2 du Code du travail que cet article aurait été implicitement mais nécessairement abrogé par l’article L. 614-14 du même Code. Il conclut que le tribunal administratif devrait par conséquent se déclarer incompétent pour connaître du présent recours.

L’Etat estime qu’en application de l’article L. 614-14 du Code du travail, toutes les décisions administratives prises sur base de cette disposition seraient soumises à un recours en réformation, de sorte que le recours en annulation serait irrecevable.

La loi du 31 juillet 2006 portant introduction d’un Code du travail est venue mettre en place, parmi les dispositions relatives aux délégations du personnel, l’article L. 417-3 du Code du travail disposant en son paragraphe (1) que « les contestations relatives à l’électorat et à la régularité des opérations électorales sont de la compétence du directeur de l’Inspection du travail et des mines ; sa décision peut faire l’objet d’un recours devant la Cour administrative, statuant en dernière instance et comme juge du fond ».

La loi du 21 décembre 2007 portant réforme de l’Inspection du Travail et des Mines (Mémorial A n° 249 du 31 décembre 2007, p. 4584) est venue introduire un article L. 614-14 du Code du travail, libellé comme suit : « toutes les décisions administratives prises sur base des dispositions de la présente loi sont soumises au recours en réformation visé à l’article 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ».

L’article 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose que « (1) le tribunal administratif connaît en outre comme juge du fond des recours en réformation dont les lois spéciales attribuent connaissance au tribunal administratif. (2) Sauf disposition contraire de la loi, appel peut être interjeté devant la Cour administrative contre les décisions visées au paragraphe 1er ».

La loi du 21 décembre 2007 ne prévoyant pas de disposition d’entrée en vigueur spécifique concernant plus particulièrement l’article L. 614-14 du Code du travail, son entrée en vigueur doit être entrevue suivant le droit commun, comme étant intervenue quatre jours après sa publication au Mémorial, soit le 31 décembre 2007.

Ladite loi du 21 décembre 2007 est partant applicable ratione temporis à la décision directoriale actuellement déférée.

Si le bout de phrase initial de l’article L. 614-14 du Code du travail disposant que « toutes les décisions administratives prises sur base des dispositions de la présente loi » peut induire en erreur du fait que ledit article fait partie du Code du travail, la gestation de cet article et son introduction dans le Code du travail à travers la loi du 21 décembre 2007 sont cependant de nature à cerner avec précision la portée du texte légal en question en ce qu’il vise toutes les décisions administratives prises par des organes de l’Inspection du Travail et des Mines dans le cadre de la loi en question.

La loi du 21 décembre 2007 statuant à travers l’article L. 614-14 du Code du travail pour toutes les décisions administratives tombant sous les attributions de l’Inspection du Travail et des Mines telles que définies à l’article L. 611-1 du Code du travail à travers elle également introduit, elle recouvre plus précisément les attributions du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines statuant dans le cadre de la législation relative aux délégations du personnel.

S’agissant d’une loi postérieure à celle du 31 juillet 2006 ayant introduit le Code du travail, dont plus particulièrement son article L. 417-3, tout en portant par ailleurs modification en abrogeant les articles L. 611-1 à L. 614-5 anciens pour introduire à travers le titre premier du livre VI des nouveaux articles L. 611-1 à L. 615-2, ce sont les dispositions de cette loi postérieure qui sont appelées à s’appliquer à la décision directoriale déférée.

Devant l’incompatibilité patente entre les dispositions de l’article L. 417-3 du Code du travail prévoyant un recours devant la seule Cour administrative par rapport à celles de l’article L. 614-14 dudit code, postérieur, qui, à travers le renvoi à l’article 3 de la loi du 7 novembre 1996 précitée prévoit un double degré de juridiction, emportant que la requête de première instance doit être introduite devant le tribunal administratif, force est au tribunal de retenir qu’eu égard au caractère postérieur et général pour toutes les décisions administratives des organes et plus particulièrement du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines les dispositions de l’article L. 417-3 du Code du travail sont à considérer comme ayant été implicitement, mais nécessairement abrogées à travers celles de l’article L. 614-14 du même code, telles qu’y introduites à travers la loi du 21 décembre 2007 précitée1 Le moyen soulevé par l’établissement public … n’enlève rien à cette constatation. En effet, s’il est certes exact que le libellé de l’article L. 427-2, paragraphe 2 du Code du travail n’est pas identique au libellé de l’article L. 417-3 du Code du travail, il n’en reste pas moins que le même raisonnement que celui appliqué par la Cour administrative, à travers deux arrêts de principe2 peut être appliqué en l’espèce. A ce sujet la Cour administrative a d’ailleurs précisé, après avoir retenu que l’article L. 427-2 du Code du travail est à considérer comme implicitement mais nécessairement abrogé, ce qui suit :

« En effet, en présence de cette dualité de régimes au niveau des recours contentieux en la présente matière et mue par un souci d’harmonisation, la Cour, constatant que le régime à double degré de juridiction, tel que prévu par l’article L.614-14 du code du travail, correspond au régime de droit commun en matière de recours contentieux administratifs, tout comme il s’applique à la quasi-totalité des décisions prises au niveau de l’Inspection du travail et de mines, juge inopportun que les domaines hautement sensibles des décisions prises en matières de comités mixtes d’entreprise et de délégations du personnel restent soumis à un régime avec une seule instance juridictionnelle présentant a priori moins de garanties pour les parties en cause, et ceci d’autant plus qu’il est actuellement admis de façon générale que le directeur ne fait pas fonction de juridiction administrative de premier degré mais qu’il agit en tant qu’autorité administrative disposant d’un simple pouvoir de décision administrative (voir Doc. parl. n° 5346, p.467 et Cour adm. 12 février 2004 précitée).

La solution retenue ci-avant a partant encore l’avantage de consacrer en la matière le principe du double degré de juridiction, tel que mis en avant par la recommandation n° R (95) 5 du 7 février 1995 adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur l’instauration de systèmes de procédures de recours en matière civile et commerciale et sur l’amélioration de leur fonctionnement, ledit comité se déclarant convaincu que des procédures de recours efficaces à double degré sont dans l’intérêt à la fois de tous les justiciables et de l’administration de la justice »3.

Il suit des développements qui précèdent que conformément aux dispositions de l’article L. 614-14 du Code du travail telles qu’introduites à travers la loi du 21 décembre 2007, le tribunal est compétent pour connaître en tant que juge du fond de la décision actuellement déférée. Il s’ensuit que le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est irrecevable.

Quant à la recevabilité du recours ratione temporis, l’établissement public … fait valoir que le recours serait irrecevable au motif qu’il aurait été introduit après le délai de 15 jours tel 1 TA 7 juillet 2009, n° 25223 du rôle et TA 12 janvier 2010, n° 25295, disponibles sous www.jurad.etat.lu 2 Cf. CA 20 mars 2008, n° 24148C du rôle et CA 15 janvier 2009, n° 24599C du rôle ayant trait à la même problématique relative à l’article L. 427-2 en matière de comités mixtes dans les entreprises et de représentation des salariés dans les sociétés anonymes disponibles sous www.jurad.etat.lu.

3 Cf. CA 15 janvier 2009, n° 24599C du rôle.

que prévu à l’article 40 du règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel, ci-après « le règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 ».

Les demandeurs répliquent qu’ils auraient introduit le recours dans le délai légal qui serait de trois mois. A supposer que le délai d’introduction du recours ne soit que de 15 jours, l’indication erronée des voies de recours sur la décision litigieuse aurait entraîné que le délai imparti pour introduire le recours n’aurait pas commencé à courir, de sorte que le recours introduit serait recevable ratione temporis.

Il y a d’abord lieu de trancher la question de savoir quel délai de recours est applicable en l’espèce.

L’article 13 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », est libellé comme suit :

« Sauf dans les cas où les lois ou les règlements fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où il a pu en prendre connaissance ».

L’article 40 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 dispose que :

« Dans les quinze jours de leur notification, les décisions du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines peuvent faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat, Comité du Contentieux, qui statue d’urgence et en tout cas dans le mois, en dernière instance et comme juge du fond ».

Si l’article 40 in fine du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 n’est plus tel quel applicable en ce que la référence au Conseil d’Etat, Comité du Contentieux s’entend, en vertu de l’article 100 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, comme référence au tribunal administratif et en ce que l’article L. 614-14 du Code du Travail prévoit désormais un double degré de juridiction en matière de décisions prises par le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines dans le cadre de la législation relative aux délégations du personnel tel que retenu ci-avant, il n’en reste pas moins que ledit article, à défaut d’avoir été abrogé, reste applicable en ce qui concerne le délai applicable en matière de recours introduit à l’encontre d’une décision prise par le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en matière de contestations relatives à l’électorat et à la régularité des opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel. En effet, ni ledit article, ni le règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 n’ont été abrogés.

Il s’ensuit qu’en application combinée des dispositions de l’article 13, paragraphe 1 de la loi du 21 juin 1999 et de l’article 40 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979, le délai pour introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision litigieuse est de 15 jours, étant donné que le délai de recours de droit commun de trois mois est mis en échec par l’application d’un délai de recours plus court prévu en la présente matière par une disposition réglementaire spéciale.

Il y a encore lieu d’analyser, compte tenu du moyen afférant soulevé par les demandeurs, si en raison d’une indication erronée des voies de recours le délai de recours n’a pas commencé à courir.

Il est constant que la décision directoriale déférée contient des indications sur les voies de recours renseignant respectivement un délai de recours de quarante jours devant la Cour administrative et un délai de trois mois devant le tribunal administratif, alors que l’article L. 417-

3 (1) du Code du travail auquel la décision directoriale se réfère ne comporte aucune indication sur le délai de recours et l’article 40 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979, applicable en l’espèce tel que retenu ci-avant, prévoit un délai de 15 jours.

D’après l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes « les décisions administratives refusant de faire droit, en tout ou en partie, aux requêtes des parties … doivent indiquer les voies de recours ouvertes contre elles, le délai dans lequel le recours doit être introduit, l’autorité à laquelle il doit être adressé ainsi que la manière dans laquelle il doit être présenté ».

En l’espèce, la demanderesse se fiant à l’indication du délai de recours contenue dans la décision litigieuse n’a pas introduit son recours devant le tribunal administratif dans le délai prévu.

Conformément aux exigences d’essence supérieure d’un procès équitable, telles que découlant de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dans l’hypothèse vérifiée de l’espèce d’une indication erronée du délai de recours mentionnant un laps de temps plus long que le délai applicable non respecté, la formulation erronée du délai de recours équivaut à une absence d’indication y relative, de sorte que sous cet aspect aucun délai de recours n’a commencé à courir.4 Il s’ensuit que le recours en réformation introduit par requête du 19 janvier 2009 n’est pas tardif et le moyen afférant est à rejeter comme étant non fondé.

L’établissement public … fait encore valoir que Monsieur … n’aurait aucun intérêt à agir en justice dans la mesure où la décision litigieuse ne serait pas susceptible de lui causer un préjudice et ajoute que la réformation de la décision ne pourrait lui apporter une satisfaction certaine et personnelle.

Dans la mesure où le directeur a déclaré irrecevable la contestation introduite par Monsieur … à l’encontre des élections sociales, celui-ci a un intérêt suffisant à faire contrôler la régularité de cette décision devant le tribunal administratif et plus précisément l’appréciation portée par le directeur sur la recevabilité dans son chef de sa contestation introduite à l’encontre des élections sociales ayant eu lieu au sein de l’établissement public …. Le moyen d’irrecevabilité 4 Cf. TA 21 janvier 2002, 13031 du rôle, Pas. adm. 2008, V° PANC, n° 162 et les autres références citées.

fondé sur un prétendu défaut d’intérêt à agir dans le chef de Monsieur … doit dès lors être rejeté pour ne pas être fondé.

Madame … et Madame … ont également un intérêt suffisant à agir à l’encontre de la décision directoriale dans la mesure où leurs contestations ont été déclarées non fondées.

Il s’ensuit, et à défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, que le recours en réformation est recevable.

Au niveau de la décision directoriale ayant déclaré irrecevable la contestation introduite par Monsieur …, les demandeurs contestent l’appréciation du directeur faite à ce sujet et font valoir qu’il n’y aurait pas lieu de discuter l’existence d’un mandat dans son chef pour le compte des dames … et … mais de déterminer s’il a un intérêt à formuler une contestation en son propre nom. Ils estiment qu’en tant que mandataire et signataire de la liste du syndicat …, il aurait un intérêt nécessaire et suffisant pour introduire une contestation devant le directeur.

Tant l’établissement public … que la partie étatique renvoient à la motivation de la décision directoriale à ce sujet. En ce qui concerne l’intérêt personnel de Monsieur … à introduire une contestation devant le directeur en tant que mandataire de la liste, l’établissement public … estime que la fonction et les pouvoirs d’un mandataire d’une liste de candidats seraient limités au seul dépôt de la liste et ne pourraient justifier l’intérêt de Monsieur … à voir remettre en cause la régularité des opérations électorales organisées.

Il ressort du courrier du 21 novembre 2008 adressé au directeur par le mandataire des demandeurs que Monsieur … a introduit une contestation relative à l’organisation des élections sociales en sa qualité de mandataire de la liste présentée par le syndicat ….

A ce titre, le directeur a retenu que le mandat dont Monsieur … a disposé en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 se limiterait au dépôt de la liste des candidats et ne le mandaterait pas pour exercer un recours.

Etant donné qu’il ressort clairement du courrier cité ci-avant que Monsieur … a introduit une contestation relative à l’organisation des élections sociales en sa qualité de mandataire de la liste au sens de l’article 6 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979, tel que relevé d’ailleurs à juste titre par le directeur, il y a lieu de retenir qu’il n’a pas entendu agir en tant que mandataire d’autres personnes pour soumettre devant le directeur une contestation relative à l’électorat et à la régularité des opérations électorales, de sorte que la conclusion du directeur en ce que le mandat lui conféré ne le mandaterait pas pour « exercer un recours » pour compte d’autrui devant lui ne saurait être partagée par le tribunal. Il s’ensuit que le directeur n’a pas pu déclarer la contestation introduite par Monsieur … irrecevable pour défaut de mandat.

Il y a dès lors lieu de vérifier si Monsieur … en tant que mandataire de la liste au sens de l’article 6 (1) du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 a pu introduire valablement une contestation en la matière devant le directeur.

En application de l’article 6 (1) du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979, chaque liste de candidat porte la désignation d’un mandataire que les présentateurs de la liste ont choisi pour remettre la liste entre les mains du chef de l’établissement. En l’espèce, Monsieur …, secrétaire syndical du …, a été choisi par le syndicat … afin de déposer la liste du … aux mains du chef de l’établissement public ….

L’article 39 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 ne précise ni par qui le directeur doit être saisi d’une contestation, ni n’exige-t-il que l’auteur de la contestation doit être personnellement et directement concerné par cette contestation, ni d’ailleurs, dans le cas où la contestation est présentée par un candidat, qu’il doit s’agir d’un candidat qui n’a pas été élu. Il y a dès lors lieu d’admettre qu’il suffit de justifier d’un intérêt afin d’introduire une réclamation auprès du directeur.

Dans la mesure où le mandataire de la liste est expressément prévu par le règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 comme étant la personne compétente pour remettre une liste et étant donné qu’il a fait état, en l’espèce, d’irrégularités en rapport avec la liste présentée par son syndicat par lequel il a été choisi comme mandataire, il y a lieu de retenir que Monsieur … a un intérêt suffisant pour introduire une contestation devant le directeur afin de voir contrôler si les élections se sont déroulées dans le respect de la loi.

Au vu de ce qui précède, il convient de réformer la décision directoriale litigieuse en ce qu’elle a déclaré irrecevable la contestation introduite par Monsieur ….

Le bien-fondé de la contestation de Monsieur … ayant néanmoins été analysée par le directeur, étant donné que le directeur a analysé le bien-fondé des contestations introduites par les dames … et … lequel est identique au bien-fondé de la contestation introduite par Monsieur …, le tribunal peut continuer à analyser la motivation de la décision directoriale litigieuse sans qu’il n’y ait lieu, malgré la réformation sur ce point, de renvoyer la décision litigieuse en prosécution de cause devant le directeur.

Pour le surplus, les demandeurs estiment que dans la mesure où ils n’auraient pas reçu communication du procès-verbal prévu à l’article 35 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979, ledit article ainsi que les articles 11 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, auraient été violés, de sorte que la procédure des élections aurait été viciée de nature à entraîner l’annulation desdites élections. Ils ne partagent en outre pas la motivation avancée par le directeur quant au contenu dudit procès-verbal et font valoir que ledit procès-verbal aurait dû renseigner l’irrégularité constatée au sujet de la liste déposée par l’…, afin de permettre à une juridiction de vérifier le déroulement exact des faits. Ils ajoutent que les termes « opérations électorales » viseraient toute la procédure des élections, y compris le processus de dépôt et d’enregistrement des listes et l’arrêt des candidatures.

L’établissement public … et la partie étatique estiment que les moyens soulevés ne seraient pas fondés.

L’article 35 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979, en ce qui concernent les obligations de communication du procès-verbal, est libellé comme suit :

« Un procès-verbal, signé séance tenante par le président et les assesseurs, est dressé sur les opérations électorales et les résultats du scrutin ; il est transmis en copie à l’Inspection du Travail et des Mines ».

Cet article prévoit la seule transmission d’une copie du procès-verbal à l’Inspection du Travail et des Mines. C’est dès lors à bon droit que l’établissement public … et la partie étatique font valoir que ni l’article 35, ni un autre article du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 ne prévoient une obligation de communication du procès-verbal par le chef d’établissement respectivement aux candidats d’une liste qui n’a pas été enregistrée et à leur mandataire, de sorte que l’article 35 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 n’a pas été violé. Le moyen afférant est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Il y a ensuite lieu d’analyser la violation alléguée des articles 11 et 12 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979.

Pour autant que le reproche de la non communication du procès-verbal est adressé au chef d’entreprise, le moyen fondé sur les articles 11 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 manque de pertinence, ledit règlement n’étant pas applicable dans la mesure où le chef d’entreprise n’est pas à qualifier d’autorité administrative.

Pour autant que le reproche de la non communication du procès-verbal est adressé au directeur, il convient de relever que l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 en ce qu’il a pour objet la communication intégrale du dossier relatif à la situation administrative d’un administré chaque fois que celle-ci est atteinte, ou susceptible de l’être, par une décision administrative n’est pas applicable en l’espèce étant donné que la décision litigieuse prise par le directeur n’a pas trait à la situation administrative individuelle d’un administré, mais à une contestation relative à l’électorat et à la régularité des opérations électorales.

Quant à l’article 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, en ce qu’il prévoit que toute personne concernée par une décision administrative qui est susceptible de porter atteinte à ses droits et intérêts est en droit d’obtenir communication des éléments d’information sur lesquels l’Administration s’est basée ou entend se baser, cette disposition est applicable en l’espèce étant donné que la décision litigieuse a tranché notamment la question de savoir si le chef d’établissement a refusé à bon droit l’enregistrement de la liste remise sur laquelle les demandeurs figuraient en tant que candidats aux élections avec toutes les conséquences qui s’en suivaient, de sorte qu’il y a lieu de retenir que la décision litigieuse est susceptible de porter atteinte à leurs droits et intérêts.

Il n’en reste pas moins que l'administration n'est pas obligée de communiquer de manière spontanée auxdites personnes les éléments d'information sur lesquels elle s'est basée ou entend se baser, mais cette obligation présupposé l'initiative de la personne en cause5.

A ce titre, le courrier introductif des contestations adressé par les demandeurs au directeur le 21 novembre 2008 ne renseigne pas d’une demande formelle en ce sens. A cela s’ajoute que le mandataire des demandeurs a précisé, à travers son mémoire en réplique, suite à l’allégation de 5 Cf. TA 24 octobre 2007, n° du rôle 22109, Pas. adm. 2009, V° Panc, n° 97.

l’établissement public … que les demandeurs auraient eu connaissance du procès-verbal litigieux au cours de la réunion auprès du directeur ayant eu lieu le 9 décembre 2008, que lors de cette réunion il a demandé oralement au directeur si l’incident concernant la liste déposée par le … avait été consignée dans le procès-verbal et que suite à la réponse négative lui fournie, il avait encore été soutenu oralement que la procédure aurait dès lors été irrégulière, sans cependant formellement demander à ce moment de la procédure une communication dudit procès-verbal, de sorte qu’il y a lieu de retenir qu’aucune demande formelle en ce sens n’a eu lieu devant le directeur. Force est encore de constater que suite à la demande formelle formulée en ce sens par les demandeurs dans le cadre de la requête introductive d’instance, ledit procès-verbal a été versé tant par l’établissement public … que par l’Etat, de sorte qu’aucune violation de l’article 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne saurait être retenue en l’espèce et le moyen soulevé est à écarter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 35 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 quant au contenu du procès-verbal, il y a lieu de retenir que les articles pertinents, à savoir les articles 23, 27, 28 et 35 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979, ne prévoient aucune obligation selon laquelle le procès-verbal devrait mentionner un incident ayant trait au non enregistrement et au non affichage d’une liste remise entre les mains du chef d’établissement. En effet, tant les articles 23, 27 et 28 repris sous le chapitre 9 relatif au dépouillement du scrutin, que l’article 35 repris sous le chapitre 10 relatif à l’attribution des sièges, ont trait à la phase électorale proprement dite. Les articles 23, 27 et 28 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 renseignent les informations que le procès-verbal doit impérativement contenir, à savoir le nombre de votants, le nombre de bulletins, le nombre des bulletins blancs, nuls et valables, le nombre de suffrages de liste obtenus par chaque liste de candidats, le nombre des suffrages nominatifs obtenus pour chaque candidat et enfin les réclamations relatives aux bulletins et les décisions prises à ce sujet par le bureau électoral.

L’article 35 en disposant que les informations nécessaires selon la formulation « un procès-

verbal est dressé sur les opérations électorales et le résultat du scrutin » précise en outre que ledit procès-verbal doit être signé par le président et les assesseurs du bureau électoral et transmis en copie à l’Inspection du Travail et des Mines. A cela s’ajoute que les articles 7, 8 et 10 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 relatifs à l’enregistrement des listes, à leur arrêt et à leur affichage n’exigent, d’un côté, aucune décision formelle dans le cas où une liste n’est pas enregistrée et par conséquent pas arrêtée et pas affichée et, d’un autre côté, ne contiennent aucune précision en ce que ces incidents devraient être actés de façon formelle.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que l’objet du procès-verbal se limite à acter les opérations électorales se déroulant le jour même des élections et le résultat du scrutin. Ledit procès-verbal n’a dès lors pas pour objet d’acter les différentes étapes et les incidents éventuels relatifs à la phase préélectorale servant à organiser les élections proprement dites, de sorte que le moyen soulevé selon lequel le contenu du procès-verbal ne serait pas conforme aux indications de l’article 35 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne le moyen selon lequel l’absence de l’indication de l’incident en cause dans le procès-verbal, en violation de l’article 35 cité ci-avant, aurait rendu impossible de retracer objectivement les faits et les circonstances exactes dudit incident, force est de constater que le déroulement des faits n’est pas litigieux. En effet, en premier lieu, il n’est pas contesté par l’établissement public … qu’il n’a pas enregistré et arrêté, ni affiché la liste remise par l’… et en deuxième lieu, ces faits ressortent encore à suffisance des pièces déposées par l’ensemble des parties, de sorte que ledit moyen est également à écarter pour manquer en fait.

Quant au fond de la décision litigieuse, les demandeurs font valoir que le chef d’établissement en opposant sa signature sur la liste aurait procédé en fait à son enregistrement, en violation de l’article 7 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979. Ils estiment que le refus d’enregistrement de la liste leur aurait cependant permis de procéder à la régularisation.

D’un autre côté, ils font valoir que dans la mesure où la liste aurait été enregistrée, elle aurait dû être affichée et les candidats auraient dû être admis au scrutin.

L’établissement public … et la partie étatique répondent que l’apposition de la signature par le chef d’établissement sur la liste déposée vaudrait seulement accusé de réception du dépôt de la liste mais non pas enregistrement.

Il ressort des pièces et plus précisément de l’ « Avis d’élections » du 10 octobre 2008 relatif à l’organisation des élections pour la désignation des délégués du personnel au sein de l’établissement public …, que les listes électorales des salariés remplissant les conditions pour exercer l’électorat actif et passif ont été déposées à l’inspection des intéressés à partir du 21 octobre 2008 à la division des ressources humaines à la direction générale, qu’une copie de la liste s’est trouvée auprès des chargés de direction de chaque centre et que les candidatures ont dû être présentées, sous forme de listes, au plus tard le mardi 28 octobre 2008 avant 18.00 heures au chef de l’établissement ou à son délégué.

Il ressort encore d’un document comportant les insignes du …, les informations relatives au présentateur de la liste, au mandataire choisi, à la dénomination de la liste, à savoir « … » et comportant par ailleurs en tant qu’annexes la liste de 13 candidatures et les déclarations relatives des différents candidats, que les signatures du mandataire de la liste et du chef d’établissement sont précédées de l’indication suivante : « La présente candidature a été remise entre les mains du chef d’établissement resp. de son délégué par le mandataire à la date du 28/10/2008 à 16:40 heures », de sorte qu’il y a lieu de retenir, à défaut de toute autre précision relative à l’enregistrement de la dite liste, que la signature du chef d’établissement sur ledit document vaut seulement accusé de dépôt de la liste litigieuse.

En effet, la date de remise de la liste peut différer de la date de son enregistrement, étant donné qu’il appartient au chef d’entreprise, avant de procéder à l’enregistrement de la liste, de procéder d’en procéder à un contrôle formel afin de vérifier que les prescriptions du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 ont été respectées en la matière, ce contrôle nécessitant un minimum de temps. Ce contrôle est à effectuer en application de l’article 7 du règlement grand-

ducal du 21 septembre 1979 qui impose au chef de l’établissement de refuser l’enregistrement de toute liste qui ne répond pas aux prescriptions dudit règlement.

Au vu de ce qui précède, le chef d’établissement n’a dès lors pas enregistré la liste en apposant sa signature sur le document visé ci-avant en date du 28 octobre 2008, de sorte que le moyen soulevé à ce titre par les demandeurs est à rejeter pour ne pas être fondé.

Les demandeurs font ensuite valoir qu’il aurait appartenu au chef d’établissement en application de l’article 8 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 d’écarter les deux candidatures irrégulières et d’admettre au scrutin les autres onze candidats.

L’établissement public … et la partie étatique sont d’avis que le chef d’établissement n’aurait pu que refuser l’enregistrement de l’ensemble de la liste en application de l’article 7 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 et ce d’autant plus que les élections auraient été organisées selon les règles de la représentation proportionnelle avec remise de listes et non pas de candidatures isolées.

Il est constant que la liste « … » déposée par ledit syndicat a comporté la candidature de deux personnes qui ne figuraient pas sur les listes électorales, de sorte que les deux candidats ne remplissaient ni les conditions pour exercer l’électorat actif, ni les conditions pour exercer l’électorat passif et ne pouvaient dès lors pas figurer sur ladite liste en application de l’article 2 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979.

C’est dès lors à bon droit que l’établissement public …, en application de l’article 7 in fine du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 a refusé l’enregistrement de la liste remise par l’…. En effet, l’article en question impose au chef d’établissement de procéder de la sorte en disposant qu’il « refuse l’enregistrement de toute liste (…) qui ne répond pas aux prescriptions du présent règlement ».

Les demandeurs font encore valoir, à admettre que la liste n’a pas été enregistrée, qu’il aurait appartenu, à ce moment-là, au chef d’établissement lequel aurait dû se rendre compte de l’erreur commise, à inviter le mandataire de la liste, sinon les candidats à régulariser les erreurs commises, en vertu de l’article 1er du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 qui prévoit que le chef d’établissement organise et dirige les élections. Les demandeurs ajoutent que dans ce cas là, il leur aurait été possible de régulariser l’erreur matérielle commise dans la mesure où l’article 10 (1) prévoit que les candidatures valables doivent être affichées durant seulement les trois derniers jours ouvrés précédant le scrutin.

L’établissement public … estime qu’on ne saurait reprocher au chef d’établissement de ne pas avoir aperçu l’irrégularité au moment du dépôt de la liste au vu du nombre élevé de personnes travaillant au sein de l’établissement, d’autant plus que la responsabilité de déposer une liste en bonne et due forme appartiendrait au présentateur de la liste et non au chef d’établissement. La partie étatique partage le même raisonnement. L’établissement public … fait encore valoir qu’il se serait trouvé dans l’impossibilité matérielle de faire procéder à l’enregistrement d’une éventuelle liste rectifiée remise entre ses mains dans la mesure où le délai pour déposer les listes aurait expiré le 28 octobre 2008 à 18.00 heures.

Il ressort des déclarations de l’établissement public …, non autrement contestées, que le chef d’établissement a constaté l’irrégularité sur la liste présentée par l’… le 28 octobre 2008 à 19.00 heures.

Aucun reproche quant à la diligence du chef d’établissement mise en avant pour se livrer au contrôle de ladite liste ne saurait être retenu en l’espèce, au motif que celui-ci a procédé le jour même de la remise de la liste litigieuse audit contrôle nécessitant au vu du nombre important de salariés s’élevant à 836 personnes un certain temps.

En ce qui concerne l’affirmation des demandeurs qu’il aurait appartenu au chef d’entreprise d’informer les intéressés de l’erreur commise, force est de souligner que s’il est certes exact qu’il appartient au chef d’établissement d’organiser et de diriger les élections et d’établir la liste alphabétique des salariés qui remplissent les conditions pour exercer l’électorat actif et passif en application des articles 1er et 2 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979, il ne lui appartient cependant pas de s’immiscer dans la présentation, respectivement la composition des différentes listes. En effet, il appartient aux présentateurs, tels qu’ils sont définis aux articles 5 et 6 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979, de remettre au chef d’établissement respectivement les listes ou les candidatures isolées en vérifiant que les candidats choisis figurent sur la liste électorale établi par le chef d’établissement et soumise à l’inspection des salariés par voie d’affichage. A cela s’ajoute que le règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 ne prévoit aucune obligation en ce sens qu’il appartiendrait au chef d’établissement d’informer respectivement le présentateur ou les candidats de l’irrégularité constatée. En l’espèce, il ressort cependant encore des déclarations non autrement contestées de l’établissement public … que le chef d’établissement a, malgré l’absence d’une obligation formelle quant au devoir d’information, pris le soin d’informer, dès le 29 octobre 2008, les responsables de l’… de l’irrégularité constatée. Or, dans la mesure où le délai fixé pour la remise des différentes listes avait expiré le 28 octobre 2008 à 18.00 et que les candidatures ne sont plus recevables après l’expiration dudit délai en vertu de l’article 4 (4) du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979, c’est à bon droit que l’établissement public … fait valoir qu’elle se trouvait dans l’impossibilité matérielle d’enregistrer une éventuelle liste rectifiée.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que le recours n’est fondé en aucun de ses moyens, de sorte qu’il est à rejeter.

Concernant la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par l’établissement public …, une demande en allocation d’une indemnité de procédure qui omet de spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qui ne précise pas en quoi il serait inéquitable de laisser ces frais à sa charge est à rejeter, la seule référence à la mauvaise foi des demandeurs laquelle aurait contraint l’établissement en cause à débourser des frais de défense reste en l’état de pure allégation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation introduit ;

déclare le recours en réformation recevable ;

au fond le déclare justifié en ce que la décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 16 décembre 2008 a déclaré la contestation introduite par Monsieur … non recevable ;

partant par réformation de ladite décision dit que la contestation introduite par Monsieur … est recevable ;

pour le surplus le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire irrecevable ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par l’établissement public … ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 3 mars 2010 par le premier juge en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Catherine Thomé Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 04.03.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 17


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 25299
Date de la décision : 03/03/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-03-03;25299 ?

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