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01/03/2010 | LUXEMBOURG | N°24885

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 mars 2010, 24885


Tribunal administratif Numéro 24885 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 octobre 2008 2e chambre Audience publique du 1er mars 2010 Recours formé par la … (Islande) contre une décision prise par la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg en matière d’affiliation à la Chambre de Commerce

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24885 du rôle et déposée le 6 octobre 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Katia Panichi, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la …, établie

et ayant son siège social à … (Islande), …, immatriculée au registre de commerce de ...

Tribunal administratif Numéro 24885 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 octobre 2008 2e chambre Audience publique du 1er mars 2010 Recours formé par la … (Islande) contre une décision prise par la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg en matière d’affiliation à la Chambre de Commerce

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24885 du rôle et déposée le 6 octobre 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Katia Panichi, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la …, établie et ayant son siège social à … (Islande), …, immatriculée au registre de commerce de l’Islande sous le numéro …, dont la succursale est établie à L-…,…,…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant à l’annulation d’une décision prise par la Chambre de Commerce de procéder à l’affiliation de sa succursale luxembourgeoise et de l’assujettir au paiement de cotisations, telle que cette décision se trouverait matérialisée par deux bulletins de cotisation émis par la Chambre de Commerce en date du 2 juillet 2008 portant respectivement fixation des cotisations pour les années 2007 et 2008 et notifiés à la succursale luxembourgeoise ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Josiane Gloden, agissant en remplacement de l’huissier de justice Jean-Claude Steffen, demeurant tous les deux à Esch-

sur-Alzette, du 10 octobre 2008, portant signification de ce recours à la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg, établie à L-1615 Luxembourg, 7, rue Alcide de Gasperi ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2009 par Maître Patrick Kinsch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg, ledit mémoire en réponse ayant été notifié par acte d’avocat à avocat au mandataire de la partie demanderesse en date du 9 janvier 2009 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 février 2009 par Maître Katia Panichi pour compte de la …, ledit mémoire en réplique ayant été notifié par acte d’avocat à avocat au mandataire de la Chambre de Commerce en date du 5 février 2009 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2009 par Maître Patrick Kinsch pour compte de la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg, ledit mémoire en duplique ayant été notifié par acte d’avocat à avocat au mandataire de la partie demanderesse en date du 4 mars 2009 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2009 par Maître Katia Panichi pour compte de la …, à la suite d’une autorisation afférente lui accordée par le tribunal, ledit mémoire supplémentaire ayant été notifié le même jour au mandataire de la Chambre de Commerce ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Mariya Gadzhalova, en remplacement de Maître Katia Panichi, ainsi que Maître Patrick Kinsch en leurs plaidoiries respectives.

En date du 2 juillet 2008, la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg, dénommée ci-après la « Chambre de Commerce », émit à l’égard de la succursale luxembourgeoise de la …, dénommée ci-après la …, deux bulletins de cotisation portant respectivement sur les années 2007 et 2008, des montants respectifs de 5.785,01 € et 5.378,73 €.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 octobre 2008, la … a fait introduire un recours tendant à l’annulation d’une décision prise par la Chambre de Commerce portant sur l’affiliation de sa succursale à ladite chambre professionnelle et sur l’assujettissement de celle-ci au paiement de cotisations, telle que cette décision ressortirait des bulletins de cotisation précités du 2 juillet 2008 fixant les cotisations à verser à la Chambre de Commerce pour les années 2007 et 2008.

Il y a tout d’abord lieu de relever qu’à défaut de l’existence d’un recours au fond en matière de décisions prises par une chambre professionnelle et portant sur l’affiliation à ladite chambre, seul un recours en annulation a pu être dirigé contre une prétendue décision prise par la Chambre de Commerce en matière d’affiliation.

C’est à tort que la Chambre de Commerce conclut au défaut d’existence d’une décision formelle d’affiliation dans le chef de la partie demanderesse en soutenant qu’une telle décision séparée et indépendante des bulletins de cotisation annuels n’aurait pas été prise par elle, étant donné que s’il est vrai qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier administratif soumis au tribunal qu’une décision expresse a été prise par la Chambre de Commerce par laquelle il a été décidé de reconnaître la succursale de la … comme ayant la qualité de ressortissante de la Chambre de Commerce, il n’en demeure pas moins que par le fait d’émettre des bulletins de cotisation à l’encontre de ladite succursale, la Chambre de Commerce a non seulement fixé le montant des cotisations réclamées à la succursale de la …, mais elle a également retenu d’une manière unilatérale l’obligation de principe de l’assujettissement au paiement de la cotisation dans le chef de cette succursale, en lui reconnaissant ainsi la qualité de ressortissante de la Chambre de Commerce, une telle décision étant nécessairement sous-jacente, en l’absence d’une quelconque autre décision expresse prise par la Chambre de Commerce, à la décision portant fixation des cotisations annuelles. Il s’ensuit que dans le cadre d’un recours dirigé contre un bulletin de cotisation, le destinataire dudit bulletin peut également introduire une contestation portant sur sa qualité de ressortissant de la Chambre de Commerce.

Il échet encore de constater dans ce contexte que le recours est dirigé contre les bulletins de cotisation du 2 juillet 2008 portant respectivement fixation des cotisations pour les années 2007 et 2008.

Dans la mesure où la Chambre de Commerce n’a pris aucune décision séparée retenant la qualité de ressortissante dans le chef de la succursale de la partie demanderesse, il y a lieu de considérer que la décision afférente, concernant plus particulièrement la succursale de la …, est nécessairement sous-jacente aux deux bulletins précités. Il s’ensuit que la partie demanderesse a valablement pu introduire un recours en annulation contre les deux bulletins précités de la Chambre de Commerce, dans la mesure où ceux-ci contiennent implicitement mais nécessairement des décisions quant à la reconnaissance de la qualité de ressortissante dans le chef de la succursale de la ….

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est à déclarer recevable.

Quant au fond, la partie demanderesse soutient que ce serait à tort que la Chambre de Commerce aurait pris la décision de qualifier sa succursale de ressortissante de ladite chambre professionnelle, alors qu’elle n’exploiterait aucune industrie ni aucun établissement financier ou commercial, que ce soit au Luxembourg ou à l’étranger, de sorte qu’elle ne saurait être qualifiée de ressortissante de la Chambre de Commerce. Elle fait soutenir dans ce contexte que sa succursale constituerait une société de participations financières dont l’activité se limiterait à la prise et à la détention de participations.

C’est toutefois à bon droit que la Chambre de Commerce soutient que la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création de chambres professionnelles à base élective, ci-après dénommée la « loi du 4 avril 1924 », contient des critères et définitions suffisantes pour déterminer la qualité de ressortissant de cette chambre professionnelle. En effet, concernant la question de la détermination de la qualité de ressortissant de la Chambre de Commerce, il échet de relever que l’article 3, alinéa 1er de la loi du 4 avril 1924 dispose que pour faire face à leurs dépenses, les chambres professionnelles sont autorisées à percevoir de leurs ressortissants une cotisation dont la base de perception est établie par chaque chambre.

S’il est vrai qu’avant une réforme législative intervenue le 3 juin 1926, la loi considérait comme assujettis les électeurs de la chambre, depuis une loi du 3 juin 1926 modifiant l’article 3, alinéa 1er de la loi du 4 avril 1924, le terme « électeur » a été remplacé par celui de « ressortissant » pour tenir compte de ce que certaines personnes qui bénéficient de l’activité de la chambre professionnelle ne se font pas inscrire sur les listes électorales.

Ceux qui sont en droit d’être électeurs sont partant à considérer comme ressortissants, l’inverse n’étant par ailleurs pas forcément vrai.

En vertu de l’article 37, alinéa 1er de la loi du 4 avril 1924, sont qualifiées pour participer à l’élection des délégués composant la Chambre de Commerce les personnes qui exploitent une industrie ou un établissement financier ou commercial ne ressortissant pas de la Chambre des Artisans et figurant sur le registre aux firmes prescrit par la loi et l’arrêté du 23 décembre 1909 relatifs au registre de commerce et des sociétés.

La disposition en question suffit à déterminer les personnes qui sont qualifiées pour être électeurs aux élections professionnelles et partant ressortissants de la Chambre de Commerce.

Au vu de cette conclusion d’ordre général, il échet ensuite de déterminer si la succursale de la société demanderesse remplit les conditions posées par l’article 37, alinéa 1er de la loi du 4 avril 1924. En effet, une réponse affirmative à cette question caractériserait dans son chef l’obligation de principe de payer les cotisations annuelles à percevoir par la Chambre de Commerce.

Comme il a été relevé ci-avant, l’article 37, alinéa 1er de la loi du 4 avril 1924 dispose que sont qualifiées pour participer à l’élection des délégués composant la Chambre de Commerce – et constituent dès lors des ressortissants de celle-ci, ainsi que cela résulte des développements qui précèdent – les personnes qui exploitent une industrie ou un établissement financier ou commercial ne ressortissant pas de la Chambre des Artisans et figurant sur le registre aux firmes prescrit par la loi et l’arrêté du 23 décembre 1909, précités.

Selon les indications contenues dans sa requête, la succursale de la … est inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro ….

La première des conditions fixées par l’article 37, alinéa 1er de la loi du 4 avril 1924 étant ainsi remplie, il échet encore de vérifier si la succursale exerce l’une des trois activités limitativement énumérées par ledit article 37 dans son alinéa 1er, à savoir une activité industrielle, financière ou commerciale, étant entendu qu’il peut y avoir des recoupements entre ces différentes activités.

Il ressort des pièces versées en cause que la succursale a pour objet social d’exercer des activités financières au sein du groupe qui peuvent comprendre entre autres l’émission et l’acquisition d’emprunts, l’émission de prêts, ainsi que la détention d’actifs et de créances. Il peut être conclu de cet objet social que la succursale exerce des activités financières qui peuvent également être qualifiées d’activités commerciales. Son objet social lui permet ainsi d’effectuer des opérations commerciales, ce qui lui confère un caractère commercial, indépendamment de la question de savoir si, concrètement, elle se livre pendant l’un ou l’autre exercice à de telles opérations. La deuxième condition de l’article 37, alinéa 1er se trouve partant également remplie.

Il s’ensuit que la succursale de la … est à considérer comme ressortissante de la Chambre de Commerce et, en tant que telle, soumise à l’obligation de payer les cotisations légalement dues1. Le fait que la qualité de ressortissante a été ainsi reconnue à la succursale de la demanderesse ne saurait énerver cette conclusion, étant donné que cette possibilité est expressément prévue par l’alinéa 2 de l’article 37 de la loi du 4 avril 1924, en ce que cet alinéa fait référence à l’hypothèse dans laquelle une personne morale, de droit étranger, possède un établissement au Luxembourg. Cette hypothèse ayant été spécifiquement prévue par le droit national, il ne saurait être fait application du droit islandais, contrairement aux développements de la partie demanderesse, la législation régissant la Chambre de Commerce étant d’application territoriale. Il est à cet égard sans intérêt de connaître et de qualifier la forme juridique sous laquelle la demanderesse est constituée suivant le droit applicable au lieu de son siège social, étant donné qu’afin de reconnaître la qualité de ressortissante à sa succursale suivant le droit national, il suffit de qualifier les opérations accomplies par elle au lieu de son établissement.

1 cf. Cour adm. 8 juillet 2008, n°s 24036C et 24037C du rôle Il suit des développements qui précèdent que le moyen tiré de ce que la succursale de la … ne serait pas à considérer comme constituant une ressortissante de la Chambre de Commerce est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Enfin, c’est à bon droit que la Chambre de Commerce conclut au rejet d’un moyen nouveau inclus dans le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2009, au-delà de l’autorisation présidentielle afférente, et qui a trait à l’illégalité du bulletin de cotisation pour l’année 2007, étant donné qu’une partie demanderesse doit faire valoir ses moyens dans la requête introductive d’instance et ne peut, sous peine de forclusion, faire valoir d’autres moyens ou prendre d’autres conclusions après l’expiration du délai de recours2.

Aucun autre moyen n’ayant été invoqué en cause par la société demanderesse, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 1er mars 2010 par le premier vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 mars 2010 Le Greffier assumé du Tribunal administratif 2 cf. Cour adm. 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 2009, V° Procédure contentieuse, n° 590 et autre référence y citée 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 24885
Date de la décision : 01/03/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-03-01;24885 ?

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