Tribunal administratif N° 25951 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 août 2009 2e chambre Audience publique du 22 février 2010 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25951 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 août 2009 par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Monsieur …, né le … à … (Kosovo), 2) son épouse, Madame …, née le … à … (Kosovo), ensemble avec leurs enfants majeurs, 3) Monsieur …, né le …, 4) Mademoiselle …, née le … et 5) Mademoiselle …, née le …, tous de nationalité kosovare et demeurant tous ensemble à …, tendant à la réformation sinon à l’annulation 1) d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 28 mai 2009 ayant refusé à Monsieur … le bénéfice d’une autorisation de séjour suite à une demande afférente introduite par courrier du 28 mars 2009 et 2) d’une décision implicite de rejet du même ministre de la même demande pour autant qu’elle vise les autres demandeurs ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 octobre 2009 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Louis Tinti déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 novembre 2009 pour le compte des demandeurs ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis Tinti et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives.
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Par courrier de leur mandataire du 28 mars 2009, Monsieur …, son épouse, Madame …, et leurs enfants majeurs, Monsieur …, Mademoiselle … et Mademoiselle …, tous de nationalité kosovare, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre », une demande en obtention d’une autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg, sur base de l’article 89 (1) 2 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ».
Par courrier daté du 28 mai 2009, le ministre informa le mandataire des consorts … que l’autorisation de séjour est refusée à Monsieur …. Le corps de cette décision est libellé comme suit :
« Maître, J'ai l'honneur d'accuser bonne réception de votre courrier du 28 mars 2009 concernant l'objet sous rubrique.
Je suis toutefois au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête. En effet, Monsieur … ne remplit pas les conditions exigées pour obtenir un titre de séjour dans le cadre de l'article 89 (1) 2 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration.
Conformément à l'article précité, un ressortissant d'un pays tiers peut être autorisé à séjourner au Grand-Duché de Luxembourg pour motifs exceptionnels à condition qu'il rapporte la preuve qu'il a accompli sa scolarité dans un établissement scolaire au Grand-
Duché de Luxembourg depuis au moins six ans, sous la condition d'introduire la demande dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire.
Alors que la première condition est remplie en ce qui concerne Monsieur …, à savoir l'accomplissement de la scolarité dans un établissement scolaire au Grand-Duché de Luxembourg depuis au moins six ans, dont vous m'avez rapporté la preuve, la deuxième, à savoir l'introduction de la demande dans l'année qui suit le dix-huitième anniversaire du ressortissant de pays tiers, ne l'est pas. Le dix-neuvième anniversaire de Monsieur … a eu lieu le 30 janvier 2009. La demande datée du 28 mars 2009 est donc hors délai.» Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 août 2009, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation, d’une part, de la décision ministérielle précitée du 28 mai 2009 en ce qu’elle refuse à Monsieur … la délivrance d’une autorisation de séjour, et, d’autre part, d’une décision implicite de refus d’accorder une autorisation de séjour au reste de la famille … résultant du silence gardé par le ministre pendant plus de trois mois suite à leur demande du 28 mars 2009.
Le tribunal constate que dans sa décision du 28 mai 2009, le ministre n’a pris position qu’à l’égard de la demande d’autorisation pour autant qu’elle vise Monsieur …, bien qu’aux termes de la demande afférente du 28 mars 2009, une autorisation de séjour a été sollicitée également au bénéfice de ses parents et de ses deux sœurs. Le ministre n’a par ailleurs pris aucune décision expresse séparée à l’égard de ces derniers.
Aux termes de l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif « dans les affaires qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif ».
Un recours a dès lors valablement pu être interjeté contre la décision implicite de refus résultant du silence gardé par le ministre pendant plus de trois mois suite à la demande du 28 mars 2009, pour autant qu’elle vise les époux … ainsi que leurs deux filles … et ….
Aucune disposition légale n’instaurant de recours au fond en la matière des autorisations de séjour, seul un recours en annulation a pu être introduit contre les décisions ministérielles de refus déférées.
Le tribunal est dès lors incompétent pour connaître d’un recours en réformation qui se dégage du dispositif de la requête introductive d’instance.
Le recours en annulation, tant en ce qu’il est dirigé contre la décision expresse du 28 mai 2009 prise à l’égard de Monsieur …, qu’en ce qu’il est dirigé contre une décision implicite de refus du ministre en ce qui concerne les époux … et leurs deux filles … et …, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.
A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent être originaires du Kosovo, avoir fui leur pays d’origine au courant de l’année 2002, avoir été déboutés de leur demande en obtention du statut de réfugié, et depuis, avoir bénéficié d’une tolérance sur le territoire du Luxembourg.
Ils font état de leurs efforts d’intégration qui se seraient exprimés plus particulièrement pour les enfants par une scolarité exemplaire d’une durée au moins égale à six années pour chacun d’eux.
Quant à la décision expresse du 28 mai 2009, les demandeurs soutiennent que l’application stricte faite par le ministre de l’article 89 (1) 2 de la loi du 29 août 2008 au cas de Monsieur … se heurterait au principe d’égalité de traitement devant la loi, consacré par l’article 10bis de la Constitution, qui, en vertu de l’article 111 de la Constitution, s’appliquerait également aux demandeurs en leurs qualités de non luxembourgeois. Ils affirment qu’il y aurait discrimination si la différence de traitement découlant de l’application des règles de procédure entraîne une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées. Dans ce contexte, ils donnent à considérer que le but poursuivi par le législateur pour opérer une différenciation entre deux situations comparables devrait être de nature à justifier de manière rationnelle, adéquate et proportionnelle la différence des régimes juridiques. Ils soulignent que les restrictions des droits d’une catégorie de personnes opérées par cette différenciation, qui a priori vise à atteindre un but légitime, ne devraient pas être excessives par rapport à ce qui est réellement nécessaire pour atteindre le but du législateur.
En l’occurrence, ils soutiennent que l’application du prédit article 89 (1) 2 entraînerait une limitation irrationnelle, inadéquate et disproportionnée des droits des personnes se trouvant dans la situation de Monsieur …. Dès lors que la volonté du législateur aurait été d’accorder un droit de séjour aux étrangers présentant des gages d’intégration du fait d’une scolarisation d’au moins six années, il serait irrationnel, inadéquat et disproportionné de refuser le séjour à ceux qui, comme Monsieur …, auraient une scolarité de plus de six années, en raison du seul fait qu’ils auraient dépassé la limite d’âge. Ils donnent à considérer que l’étranger âgé de plus de 18 ans et ayant accompli même plus que six années de scolarité présenterait des gages d’intégration plus sérieux que celui âgé de dix-huit ans et se prévalant uniquement de six années de scolarité, et que, pourtant, le dernier répondrait aux conditions de l’article 89 (1) 2 précité, tandis que le premier ne le ferait pas. Les demandeurs font encore état de ce que les étrangers visés par la prédite disposition n’auraient pas forcément un accès aisé aux textes de lois, de manière qu’il ne serait pas judicieux d’enfermer ce droit visant la délivrance d’un titre de séjour dans des conditions d’âge aussi strictes. Enfin, ils soutiennent que le fait d’écarter du champ d’application du prédit article 89 (1) 2 tous ceux qui sont âgés de 19 ans et plus reviendrait à vider l’esprit de la loi de sa substance.
Les demandeurs autres que Monsieur … critiquent la décision implicite de refus pour défaut d’indication de motifs. Ils affirment ensuite que le refus de leur accorder un titre de séjour, pour quelque raison que se soit, serait disproportionné compte tenu du fait que leur présence au Luxembourg serait légitime depuis 2002. A ce titre, ils font état de leur degré d’intégration au Luxembourg et de l’absence d’attaches des enfants avec le Kosovo.
Suivant le dispositif de la requête introductive, les demandeurs demandent, à titre subsidiaire, au tribunal de saisir la Cour Constitutionnelle d’une question préjudicielle, qui est, suivant le dernier état de leurs conclusions, libellée comme suit :
« L'article 89 (1) 2 de la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’'immigration qui prévoit que :
Sous réserve que sa présence n'est pas susceptible de constituer un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la santé publique, et sous la condition de n'avoir pas utilisé des informations fausses ou trompeuses relatives à son identité et de faire preuve d'une réelle volonté d'intégration, une autorisation de séjour peut être accordée par le ministre au ressortissant de pays tiers au regard des motifs exceptionnels suivants :
(…) 2. il rapporte la preuve qu'il a accompli sa scolarité dans un établissement scolaire au Grand-Duché de Luxembourg depuis au moins six ans, sous la condition d'introduire sa demande dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire.
Est-il compatible avec l'article 10 bis de la Constitution, en ce qu'il limite le droit au séjour aux seules personnes ayant dix-huit ans, excluant son bénéfice à l'étranger qui poursuit ses études au-delà de l'âge de dix-huit ans et qui se prévaut de plus de six années de scolarité, Dans la mesure où le prédit article 10 bis de la Constitution qui garantit l'égalité de traitement des citoyens devant la loi interdit les discriminations et inégalités de traitement matériellement infondées, disproportionnées, dépourvues de fondement raisonnable et sans nulle justification objective ou rationnelle ? ».
Le délégué du gouvernement rétorque que la différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de règles procédurales différentes ne serait pas discriminatoire en soi, de sorte que le moyen tiré de ce qu’une application stricte de l’article 89 (1) 2 de la loi du 29 août 2008 serait contraire à l’article 10bis de la Constitution laisserait d’être fondé. Il souligne encore que les moyens présentés par les demandeurs relèveraient d’une appréciation purement subjective et conteste que la limitation opérée par la loi serait irrationnelle, inadéquate ou disproportionnée. Il fait état de ce que le législateur aurait estimé que si des étrangers peuvent être régularisés s’ils ont accompli la scolarité dans un établissement scolaire au Luxembourg depuis au moins six ans, une telle demande ne saurait être formulée ad eternam, de sorte que le législateur aurait légitimement entendu limiter de telles demandes à celles introduites dans l’année suivant le dix-huitième anniversaire des étrangers concernés. Ce serait là un but légitime du législateur de régulariser les personnes concernées dans un laps de temps suivant la scolarité de six ans accomplis au Luxembourg et d’éviter ainsi que les étrangers réclament l’application des prédites dispositions après avoir achevé leur scolarité et qu’ils empêchent ainsi pour toujours tout rapatriement vers leur pays d’origine.
En ce qui concerne les autres membres de la famille …, le délégué du gouvernement souligne que ceux-ci ne tomberaient pas sous l’application de l’article 89 (1) 2, précité, et conteste par ailleurs que cette décision de refus soit disproportionnée en soulignant que les demandeurs ne se trouveraient au Luxembourg que depuis le 25 septembre 2002, soit depuis moins de 7 ans.
Le délégué du gouvernement demande encore le rejet de la demande de saisine de la Cour Constitutionnelle sollicitée à titre subsidiaire.
1) Quant au recours pour autant qu’il est dirigé contre la décision expresse du 28 mai 2009 :
La décision de refus du 28 mai 2009 d’accorder une autorisation de séjour à Monsieur … est fondée sur la considération que celui-ci ne remplit pas l’une des conditions prévues à l’article 89 (1) 2 de la loi du 29 août 2008, à savoir celle tenant à la condition d’âge de l’intéressé au moment de l’introduction de la demande.
Aux termes de l’article 89 (1) 2 de la loi du 29 août 2008, une demande de délivrance d’un titre de séjour fondé sur la scolarité accomplie au Luxembourg doit être introduite dans l'année qui suit le dix-huitième anniversaire du demandeur.
Au regard des dispositions de l’article 89 (1) 2 précité, le demandeur, né le 30 janvier 1990, aurait dû introduire sa demande au plus tard le 29 janvier 2009.
Il est cependant constant que le demandeur a introduit sa demande seulement en date du 28 mars 2009 et qu’à cette date, il était âgé de dix-neuf ans.
Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a, sur base des dispositions dudit article 89 (1) 2, déclaré la demande introduite le 28 mars 2009 comme étant tardive. En ce faisant, le ministre n’a fait qu’appliquer une disposition claire de la loi qui, de ce fait, n’est pas susceptible d’interprétation, ni n’est-elle susceptible de souffrir des exceptions non prévues par le législateur, de manière que c’est à tort que le demandeur reproche au ministre d’avoir violé le principe d’égalité par l’application stricte de l’article 89 (1) 2 de la loi du 29 août 2008.
Le demandeur a encore soulevé la question de la conformité de l’article 89 (1) 2 de la loi du 29 août 2008 à l’article 10bis de la Constitution, en demandant, à titre subsidiaire, au tribunal de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle.
Il échet de relever que la Cour Constitutionnelle a déjà retenu que l’article 10bis (1) disposant que « les Luxembourgeois sont égaux devant la loi », « ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon » (arrêt n° 2/98 du 13 novembre 1998, Mémorial A 1998, p. 2500) et que « le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents à condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but » (arrêt n° 7/99 du 26 mars 1999, Mémorial A 1999, p.
1087). Elle a pareillement considéré que « la mise en œuvre de la règle constitutionnelle d’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée » (arrêt n° 9/2000, précité). Ces principes ont été rappelés dans des arrêts ultérieurs. Il se dégage dès lors de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle que l’application de la règle constitutionnelle d’égalité, consacrée par l’article 10bis de la Constitution, présuppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée. Dans les cas où ces catégories de personnes se trouvent dans une situation comparable, celles-ci peuvent être soumises à des régimes différents à la condition que la disparité soit objective, qu’elle soit raisonnablement justifiée, adéquate et proportionnée dans le but.
Il y a en premier lieu de relever que la différence de traitement incriminée en l’espèce ne découle pas de considérations de fond, mais de l’application d’une simple règle procédurale en ce que le législateur a fixé une limite d’âge et ainsi un délai endéans lequel une demande de régularisation fondée sur la scolarité accomplie au Luxembourg doit être introduite. L’application de cette condition tenant au délai endéans lequel une demande de régularisation doit être introduite, si forcément les étrangers n’ayant pas respecté cette condition de délai ne peuvent pas bénéficier de l’article 89 (1) et ainsi sont traités de façon différente que ceux qui ont respecté ladite condition, force est cependant de constater que cette règle procédurale n’est pas discriminatoire en soi puisqu’elle s’applique sans distinction à tout étranger susceptible de remplir les conditions de fond de l’article 89 (1) de la loi du 29 août 2008.
Au-delà de ce constat, force est de constater qu’indépendamment de la question de savoir si les étrangers étant âgés, au moment de l’introduction de leur demande de délivrance d’une autorisation de séjour sur le fondement de l’article 89 (1) 2 de la loi du 29 août 2008, de dix-huit ans et ceux étant âgés de plus de dix-huit ans à ce moment se trouvent dans une situation de fait comparable, une différence de traitement par l’introduction d’une condition d’âge n’est manifestement pas disproportionnée dans la mesure où elle répond au désir légitime du législateur de limiter dans le temps la possibilité d’introduire une demande de régularisation des étrangers ayant accompli leur scolarité au Luxembourg pendant une certaine durée, étant relevé que cette possibilité conférée aux étrangers a un caractère exceptionnel, qui est encore souligné par l’intitulé de la sous-section 1 dans laquelle s’inscrit l’article 89 (1) litigieux (« l’autorisation de séjour pour motifs exceptionnels »). La différence de régime légal instituée par la disposition litigieuse procède dès lors d’une disparité objective, rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but, de sorte que la disposition incriminée n’est manifestement pas contraire au principe constitutionnel d’égalité de traitement. Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation des demandeurs tenant aux difficultés qu’auraient les étrangers à connaître les dispositions législatives litigieuses, au regard de la règle suivant laquelle nul n’est censé ignorer la loi. Pareillement, le seul fait mis en avant par les demandeurs dans leur mémoire en réplique, que Monsieur … poursuivrait toujours ses études et qu’il ne serait pas justifié que l’autorité administrative exclut du bénéfice de régularisation les étudiants ayant plus de dix-huit ans et poursuivant leur scolarité au Luxembourg, n’est pas de nature à faire admettre une contrariété de la disposition de l’article 89 (1), précité, par rapport à l’article 10bis de la Constitution. En effet, la situation d’enfants ou de jeunes adolescents poursuivant ou ayant accompli leur scolarité au Luxembourg avant leur majorité est différente de celle des personnes qui le font après avoir atteint la majorité, plus particulièrement au regard du but poursuivi par le législateur de permettre une régularisation seulement pour des motifs exceptionnels.
Il suit des développements qui précèdent que le moyen d’inconstitutionnalité de l’article 89 (1) 2 de la loi du 29 août 2008 est à écarter comme étant dénué de tout fondement au sens de l’article 6, alinéa 2 b) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens, que le recours pour autant qu’il est dirigé contre la décision de refus exprès du 28 mai 2009 est à rejeter pour ne pas être fondé.
2) Quant au recours pour autant qu’il est dirigé contre la décision implicite de refus du ministre du fait du silence gardé par celui-ci pendant plus de trois mois suite à la demande du 28 mars 2009 Les demandeurs autres que Monsieur … invoquent en premier lieu un défaut d’indication des motifs à la base de la décision implicite de refus litigieuse.
En vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes « toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux » et elle « doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base » notamment lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande de l’intéressé.
Cette disposition consacre dès lors le principe que d’une manière générale toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux, et que certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base.
Force est au tribunal de constater que si la décision implicite de refus tirée du silence du ministre, par la force des choses, ne comporte aucune motivation, cette seule circonstance ne saurait emporter l’annulation de la décision, dans la mesure où l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (Cour adm. 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2009, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 68).
En l’espèce, il convient de relever que le délégué du gouvernement a, au cours de la présente instance, fourni des motifs à la base de la décision litigieuse, en exposant que les intéressés ne remplissent pas les conditions de l’article 89 (1) de la loi du 29 août 2009, sur lequel était fondée leur demande.
Il s’ensuit que le moyen fondé sur une prétendue violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 laisse d’être fondé.
Les demandeurs soutiennent ensuite que le refus de leur accorder un titre de séjour serait disproportionné au regard de la durée de leur présence au Luxembourg, de leur intégration au Luxembourg et de l’absence d’attaches des enfants avec le Kosovo.
Suivant le libellé de la demande introduite par le mandataire des demandeurs en date du 28 mars 2009, les enfants de la famille … ont sollicité une autorisation de séjour sur le fondement de l’article 89 (1) de la loi du 29 août 2009, tandis que leurs parents ont sollicité une autorisation de séjour « par extension » sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) par « respect de la cellule familiale ».
Le tribunal constate que les demandeurs admettent ne pas remplir les conditions de l’article 89 (1) de la loi du 29 août 2009 invoqué par eux à l’appui de la demande, tel que cela ressort des termes de leur demande du 28 mars 2009. Il s’ensuit que le ministre pouvait valablement constater que les conditions de l’article 89 (1), précité, ne sont pas remplies en l’espèce.
Le tribunal est amené à retenir qu’au regard des moyens de fait et de droit dont il est saisi, il n’a pas à sa disposition des éléments suffisants de nature à qualifier la décision de refus litigieuse, qui est a conforme à l’article 89 (1) de la loi du 29 août 2008, comme étant disproportionnée tel que cela est allégué par les demandeurs.
En effet, la durée de la présence au Luxembourg d’environ six an et demi au jour de la prise de la décision du ministre ne saurait suffire pour qualifier le refus d’une autorisation de séjour comme disproportionné, au regard plus particulièrement du caractère précaire de cette présence, tant pendant la phase d’instruction de leur demande d’asile, que durant la présence des demandeurs sous le couvert d’une tolérance, précarité qui n’a par ailleurs pas pu avoir échappé aux demandeurs. Il en est de même de la scolarité accomplie au Luxembourg et de l’emploi rémunéré occupé par Madame …, puisque ces occupations ont forcément été accomplies dans la précarité, à savoir respectivement durant la phase d’instruction de leur demande d’asile, respectivement sous le couvert d’une autorisation d’occupation temporaire accordée sur la base d’un statut de tolérance. Le tribunal constate encore qu’au-delà d’une affirmation tout à fait générale relative à une bonne intégration des demandeurs au Luxembourg par la scolarité ou à une absence d’attaches avec leur pays d’origine, ceux-ci restent en défaut de soumettre au tribunal des éléments suffisamment concrets de nature à justifier l’existence d’attaches durables avec le Luxembourg, respectivement l’absence d’attaches avec leur pays d’origine d’un degré tel qu’ils seraient de nature à établir qu’un refus d’une autorisation de séjour serait à qualifier comme étant disproportionné, et ceci malgré le fait que les demandeurs ne remplissent pas les conditions de l’article 89 (1) de la loi du 29 août 2008, qui justement est destiné à prendre en compte des situations où les intéressés justifient d’une certaine présence et intégration sur le territoire luxembourgeois.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen fondé sur le caractère disproportionné de la décision de refus implicite est à rejeter pour ne pas être fondé.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens présentés par les demandeurs susceptibles d’énerver le constat fait par le ministre qu’ils ne remplissent pas les conditions de l’article 89 (1) de la loi du 29 août 2008 pour pouvoir prétendre à l’octroi d’une autorisation de séjour, que le recours sous examen doit être rejeté pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour statuer sur le recours en réformation dirigé contre les deux décisions ministérielles critiquées ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 22 février 2010 par le premier vice-président, en présence du greffier Arny Schmit.
s. Arny Schmit s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22.02.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 9