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22/02/2010 | LUXEMBOURG | N°24865

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 février 2010, 24865


Tribunal administratif Numéro 24865 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 octobre 2008 2e chambre Audience publique du 22 février 2010 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.àr.l., … contre un bulletin de cotisation émis par la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg en matière de cotisations professionnelles

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24865 du rôle et déposée le 2 octobre 2008 au greffe du tribunal administr

atif par Maître Jean-Pierre Winandy, avocat à la Cour, assisté de Maître Natacha Trunkwald,...

Tribunal administratif Numéro 24865 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 octobre 2008 2e chambre Audience publique du 22 février 2010 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.àr.l., … contre un bulletin de cotisation émis par la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg en matière de cotisations professionnelles

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24865 du rôle et déposée le 2 octobre 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Pierre Winandy, avocat à la Cour, assisté de Maître Natacha Trunkwald, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.àr.l., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par ses gérants actuellement en fonction, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un bulletin de cotisation de la Chambre de Commerce du Grand-

Duché de Luxembourg du 2 juillet 2008 relatif aux années 2007 et 2008 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy Engel, demeurant à Luxembourg, du 2 octobre 2008, portant signification de ce recours à la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg, établie à L-1615 Luxembourg, 7, rue Alcide de Gasperi ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2008 par Maître Patrick Kinsch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg, ledit mémoire en réponse ayant été notifié par acte d’avocat à avocat au mandataire de la partie demanderesse le 29 décembre 2008 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2009 par Maître Jean-Pierre Winandy pour compte de la société à responsabilité limitée … s.àr.l., ledit mémoire en réplique ayant été notifié le même jour par acte d’avocat à avocat au mandataire de la Chambre de Commerce ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 février 2009 par Maître Patrick Kinsch pour compte de la Chambre de Commerce, ledit mémoire en duplique ayant été notifié le même jour par acte d’avocat à avocat au mandataire de la partie demanderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin critiqué ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Jean-Pierre Winandy, ainsi que Maître Patrick Kinsch en leurs plaidoiries respectives.

En date du 2 juillet 2008, la Chambre de Commerce du Grand-Duché de Luxembourg, ci-

après dénommée la « Chambre de Commerce », émit à l’égard de la société à responsabilité limitée … s.àr.l., ci-après dénommée la « société … », un bulletin de cotisation portant rappel de la cotisation échue pour l’année 2007 d’un montant de 34.379,52 € et fixation de la cotisation pour l’année 2008 d’un montant de 34.449,52 €.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 2008, la société … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation du bulletin de cotisation précité du 2 juillet 2008, en ce qu’il porte sur les cotisations fixées pour les années 2007 et 2008.

A défaut de l’existence d’un recours au fond en matière de décisions prises par une chambre professionnelle et portant sur les cotisations qui lui sont dues de la part de ses membres, c’est à bon droit que la partie défenderesse conclut à l’incompétence du tribunal administratif pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal contre le bulletin litigieux du 2 juillet 2008. Partant, seul un recours en annulation a pu être introduit contre ledit bulletin.

1. Quant au volet du bulletin critiqué du 2 juillet 2008 en ce qu’il porte sur les cotisations à payer pour l’année 2007 Aucun moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé en cause quant à ce volet du bulletin litigieux, le recours en annulation, en ce qu’il vise ce volet, introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est à déclarer recevable dans cette mesure.

En ce qui concerne le volet du bulletin critiqué portant sur la fixation des cotisations pour l’année 2007, la partie demanderesse, en se référant à un jugement du tribunal administratif du 24 octobre 2007 (n° 22636 du rôle), ainsi qu’à un arrêt de la Cour administrative du 17 avril 2008 (n° 23755C du rôle), conclut à l’annulation de ce volet du bulletin de cotisation litigieux du 2 juillet 2008 au vu des conclusions retenues dans ces deux décisions juridictionnelles.

La Chambre de Commerce soutient que la partie demanderesse ne saurait faire état de cette jurisprudence, dans la mesure où son recours serait dirigé contre un bulletin émis au cours de l’année 2008, partant postérieurement à l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 relatif aux modalités d’affiliation à la Chambre de Commerce, au mode et à la procédure d’établissement du rôle des cotisations de la Chambre de Commerce et fixant la procédure de perception des cotisations de la Chambre de Commerce, de sorte qu’il y aurait lieu de faire application dudit règlement grand-ducal.

En substance, la Chambre de Commerce fait plaider qu’alors même que la cotisation dont le paiement est réclamé par elle vise l’année 2007 et que cette cotisation est partant venue à échéance avant la prise d’effet du règlement grand-ducal précité du 21 décembre 2007, il n’en resterait pas moins que dans la mesure où la décision actuellement critiquée du 2 juillet 2008 a été prise postérieurement à la prise d’effet du règlement grand-ducal précité du 21 décembre 2007, la réglementation applicable à la cotisation de l’année 2007 serait celle se dégageant du règlement grand-ducal précité du 21 décembre 2007.

Il échet tout d’abord de constater à la lecture du règlement grand-ducal précité du 21 décembre 2007 qu’il ne contient lui-même aucune indication ni quant à sa date d’entrée en vigueur ni quant aux années de cotisation auxquelles il s’applique.

En l’absence d’indication figurant audit règlement grand-ducal, il échet partant de se référer à un premier stade à l’article 2 du Code civil suivant lequel « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».

Ce principe tel que consacré à l’égard des lois doit également s’appliquer aux actes administratifs qui ne sauraient régir des situations constituées antérieurement à leur entrée en vigueur, sous peine d’être entachés de rétroactivité. Ainsi, le principe de la non-rétroactivité des actes administratifs, qu’ils constituent des actes individuels ou des actes à caractère réglementaire, s’impose aux autorités administratives1.

Il y a encore lieu de veiller à faire une distinction entre la rétroactivité des actes administratifs et leur application immédiate. Ainsi, au cas où une situation présente a été définitivement constituée dans le passé, l’application de mesures nouvelles à la situation passée ne constitue pas une application immédiate, mais comporte rétroactivité2.

Il échet encore de rappeler que le juge ne saurait faire une application rétroactive ni d’une loi ni d’un règlement pris en application de la loi en dehors des cas où le législateur en a décidé ainsi. Il s’ensuit que même au cas où un règlement grand-ducal d’application d’une loi contiendrait une disposition ayant un effet rétroactif, une telle disposition réglementaire ne saurait être reconnue comme étant légale qu’à partir du moment où cette rétroactivité a été expressément voulue par le législateur. Cette hypothèse n’est toutefois pas remplie en l’espèce, étant donné que ni le législateur ni même le pouvoir réglementaire n’ont prévu une disposition rétroactive au sujet de la fixation des cotisations de la Chambre de Commerce.

En l’espèce, c’est la cotisation que la partie demanderesse a, le cas échéant, dû payer à la Chambre de Commerce au titre de son éventuelle affiliation à celle-ci pour l’année 2007 qui est litigieuse. Il s’ensuit que tant le principe que le taux de ladite cotisation ont dû être fixés avant le début de l’année de calendrier 2007 afin que notamment la demanderesse soit en mesure de connaître le montant, au moins quant à son principe, avant le 1er janvier 2007, conformément à l’article 37bis de la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création de chambres professionnelles à base élective décidant que la cotisation est déterminée sur base du bénéfice réalisé pendant « l’avant-dernier exercice ». Ainsi, l’exigibilité de la cotisation à payer à la Chambre de Commerce constitue une situation qui s’est constituée antérieurement à l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal précité du 21 décembre 2007. Cette situation ne saurait partant être régie que par la réglementation applicable au moment de l’exigibilité de ladite cotisation, à savoir avant le 1er janvier 2007. Le règlement grand-ducal précité du 21 décembre 2007 ne saurait partant contenir des règles, le cas échéant nouvelles par rapport à celles préexistantes, applicables aux cotisations échues pour l’année 2007, étant donné que les règles y contenues ne sauraient trouver application qu’à partir de son entrée en vigueur, à savoir pour l’année 2008.

1 cf. Jurisclasseur, Administratif, V° Acte administratif, n° 26 2 cf. Jurisclasseur, Administratif, V° Acte administratif, n° 36 Il s’ensuit que la Chambre de Commerce, en ce qui concerne le volet de la décision sous examen du 2 juillet 2008 portant sur la fixation des cotisations pour l’année 2007, a nécessairement dû faire application de la législation ainsi que de la réglementation applicables pour l’année 2007 quant à la fixation du principe et du montant des cotisations à lui payer.

Il suit partant de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le raisonnement élaboré par la Chambre de Commerce au sujet de l’applicabilité du règlement grand-ducal précité du 21 décembre 2007 aux cotisations échues à la Chambre de Commerce pour l’année 2007.

Il s’ensuit encore qu’il y a lieu de faire abstraction dudit règlement grand-ducal et d’examiner la législation et la réglementation applicables antérieurement audit règlement grand-

ducal.

En ce qui concerne ainsi plus précisément la législation ou la règlementation applicables avant la prise d’effet du règlement grand-ducal précité du 21 décembre 2007, c’est à bon droit que la partie demanderesse s’est référé à l’arrêt de la Cour administrative du 17 avril 2008 (n° 23755C du rôle), qui a retenu qu’il ressort clairement du libellé même de l’article 3, alinéa 2 de la loi précitée du 4 avril 1924 qu’un règlement d’administration public déterminera le mode et la procédure d’établissement des rôles des cotisations, taxes, droits et primes. Pareillement, la Cour administrative a retenu dans ledit arrêt que l’alinéa 3 du même article 3 dispose que la perception des cotisations, taxes, droits ou primes mis à charge des ressortissants d’une chambre professionnelle sera opérée par la chambre elle-même d’après une procédure à fixer par règlement d’administration publique.

Il y a partant lieu de retenir qu’il se dégage de ces textes que le législateur, comme l’a déjà retenu la Cour administrative dans l’arrêt précité, a subordonné l’application de la législation prévoyant le droit des chambres professionnelles à percevoir des cotisations, taxes, droits et primes, dont l’établissement et la perception doivent se faire selon un certain mode et selon une certaine procédure, à l’entrée en vigueur de textes réglementant ces opérations. Le caractère clair et non équivoque de la volonté du législateur de soumettre le droit à la perception de ces cotisations, taxes, droits ou primes à l’entrée en vigueur de textes en prévoyant le mode d’établissement et la procédure de perception se dégage encore a contrario, comme l’a retenu également la Cour administrative, de l’alinéa 4 du même article 3 de la loi précitée du 4 avril 1924 qui prévoit que le règlement d’administration publique prévu à l’article 3 peut prévoir que la perception peut se faire par voie de retenue sur les traitements ou salaires à opérer par l’employeur.

Il se dégage partant des développements qui précèdent ensemble la conclusion ci-avant retenue suivant laquelle le règlement grand-ducal précité du 21 décembre 2007 ne saurait avoir un quelconque effet rétroactif, qu’au moment de la constitution de la situation de fait portant échéance de la cotisation à payer pour l’année 2007 à la Chambre de Commerce par la demanderesse, les règlements grand-ducaux prévus par l’article 3, alinéas 2 et 3 de la loi précitée du 4 avril 1924 n’existaient pas, de sorte qu’un bulletin de cotisation fixant la cotisation pour l’année 2007 n’a pas pu reposer sur une base légale suffisante.

Il échet partant de conclure que le bulletin de cotisation litigieux du 2 juillet 2008, en ce qu’il fixe la cotisation à payer pour l’année 2007, est à annuler.

2. Quant au volet du bulletin critiqué du 2 juillet 2008 en ce qu’il porte sur les cotisations à payer pour l’année 2008 La Chambre de Commerce conclut à l’irrecevabilité du recours en ce qu’il vise le deuxième volet du bulletin sous examen, portant sur l’année 2008, pour être devenu dans cette mesure sans objet, au motif qu’à la suite de l’introduction du présent recours contentieux, un nouveau bulletin de cotisation a été émis en date du 6 octobre 2008, par lequel la cotisation à fixer pour l’année 2008 a été ramenée à 70 €, soit le minimum cotisable pour les sociétés à responsabilité limitée.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse prend acte des conclusions tendant à faire retenir l’irrecevabilité de ce volet du recours, sans autrement prendre position par rapport à cette question de procédure.

Le tribunal est amené à constater qu’à la suite de l’introduction, par courrier du 30 septembre 2008, d’un recours gracieux par le domiciliataire de la demanderesse auprès de la Chambre de Commerce, dirigé contre le bulletin de cotisation sous examen dans la mesure où il a trait à l’année de cotisation 2008, par lequel la Chambre de Commerce avait été informée de ce qu’au cours de l’année de référence 2006, se trouvant à la base de la fixation de la cotisation pour l’année 2008, la demanderesse avait réalisé une perte, un nouveau bulletin de cotisation a été émis par la Chambre de Commerce en date du 6 octobre 2008 à l’égard de la partie demanderesse, portant sur un montant de 70 €. Dans la mesure où le nouveau bulletin émis en date du 6 octobre 2008 remplace, à la suite de l’introduction du prédit recours gracieux, et sur base des éléments nouveaux soumis à la Chambre de Commerce, le volet de la décision actuellement sous examen du 2 juillet 2008 en ce qu’elle porte sur l’année de cotisation 2008, le recours sous examen, en ce qu’il porte sur ce volet du recours est à déclarer irrecevable pour être devenu sans objet en cours d’instance contentieuse, étant par ailleurs entendu que dans le cadre de la présente instance, le tribunal n’est pas saisi d’un recours dirigé contre la nouvelle décision du 6 octobre 2008, prise par ailleurs après l’introduction du recours contentieux sous analyse.

Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et de les partager entre la partie demanderesse et la Chambre de Commerce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre le volet du bulletin de cotisation litigieux du 2 juillet 2008 en ce qu’il porte sur l’année 2008 et le déclare recevable pour le surplus ;

dans cette mesure, déclare ledit recours en annulation partiellement justifié et annule en conséquence le bulletin de cotisation litigieux du 2 juillet 2008 en ce qu’il porte sur l’année 2007 ;

fait masse des frais et les impute pour moitié à chacune des parties à l’instance.

Ainsi jugé par:

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 22 février 2010 par le premier vice-président, en présence du greffier Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23.2.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 24865
Date de la décision : 22/02/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-02-22;24865 ?

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