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10/02/2010 | LUXEMBOURG | N°26336

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 février 2010, 26336


Tribunal administratif Numéro 26336 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 novembre 2010 3e chambre Audience publique du 10 février 2010 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L. 05.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26336 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2009 par Maître Frank Wies, avocat à l

a Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né...

Tribunal administratif Numéro 26336 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 novembre 2010 3e chambre Audience publique du 10 février 2010 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L. 05.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26336 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2009 par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, à … (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 12 octobre 2009 portant refus de sa demande en obtention d’une protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 décembre 2009 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Anne Hertzog, en remplacement de Maître Frank Wies, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 janvier 2010.

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Le 23 décembre 2008, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée la « loi du 5 mai 2006 ».

Le même jour, il fut entendu par un agent du service de la police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et sur son itinéraire de voyage suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Le 13 janvier et le 24 août 2009, Monsieur … fut entendu séparément par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 12 octobre 2009, envoyée par lettre recommandée en date du 16 octobre 2009, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, entretemps en charge du dossier, désigné ci-après par « le ministre », informa l’intéressé que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 23 décembre 2008.

En application de la loi précitée, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains le rapport de la Police judicaire du 23 décembre 2008, ainsi que les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration des 13 janvier 2008 et 24 août 2009.

Il résulte de vos déclarations auprès de la Police judiciaire que vous auriez quitté votre pays d'origine vers le 20 décembre 2008. Vous dites avoir payé 3.000.- € à un passeur bosniaque pour le trajet. Vous dites croire que sa voiture aurait été immatriculée en France et avoir transité la Bosnie, la Croatie, la Slovénie, l'Italie et la France, avant d'arriver au Luxembourg. Selon vos déclarations, vous seriez en possession d'un passeport, cependant de dernier se trouverait chez vos parents au Kosovo. Vous faites la promesse de contacter vos parents pour l'avoir envoyé au Luxembourg.

Vous présentez un document de voyage établi par l'UNMIK et expiré en date du 6 octobre 2004.

Il résulte de vos déclarations auprès de l'agent du Service des Réfugiés que vous appartiendriez à l'ethnie des albanais et que auriez vécu, ensemble avec vos frère et soeur, chez vos parents à Vitomirica. Vous dites que jusqu'au mois d'octobre 2008, vous auriez travaillé comme serveur dans un restaurant à Rugova.

Selon vos dires, vous seriez sorti de temps en temps avec une fille. Lors de la quatrième sortie avec …, son frère vous aurait dit que vous devrait « la garder » et qu'elle ne devrait plus venir à la maison. En effet, votre copine n'aurait pas osé de rentrer chez elle et ainsi elle aurait passé la nuit chez une amie. Le lendemain son père serait venu chez vos parents et il leur aurait dit qu'ils devraient « prendre » sa fille, sinon vous et votre famille auriez des problèmes. Vous ajoutez que la veille de cet incident, le père de votre copine aurait déjà averti votre père qu'il devrait prendre en charge sa fille.

Vous continuez vos explications en disant qu'à partir du 15 janvier 2008, … aurait vécu chez vous pour la durée d'un mois. Vous dites ne pas connaître le nom de famille de votre copine comme vous n'auriez jamais eu l'occasion d'intensifier votre amitié. Selon vos dires, vous auriez contacté les parents de … à plusieurs reprises, afin de les convaincre de la reprendre. Vers la fin du mois de février 2008, elle serait finalement rentrée.

Cependant, depuis lors, ses parents, ainsi que sa famille, vous menaceraient de mort.

Vous dites avoir reçu les dernières menaces, trois mois avant votre départ du Kosovo.

Selon vos dires, vous ne pourriez pas vous installer ailleurs au Kosovo, comme vous ne pourriez pas « rester dans la rue si longtemps ».

Il convient d'ajouter que vous vous êtes marié en date du 3 avril 2009 avec Madame … auprès de la commune de Sanem. Vous dites que votre épouse vivrait en Allemagne et que vous auriez fait une demande auprès de l'Ambassade allemande du Luxembourg, afin de recevoir la permission de joindre votre épouse en Allemagne.

Finalement, vous dites que vous n'auriez pas eu d'autres problèmes au Kosovo à part les menaces de la famille de votre ex-amie.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006. En effet, en l'espèce, force est de constater que les menaces que vous auriez reçues de la part de la famille de … ne pourront être considérées comme acte de persécution ou crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Ainsi, nonobstant le fait que vous n'apportez aucun élément de preuve pouvant corroborer vos allégations et même à supposer les faits que vous alléguez établis, aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Une crainte fondée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est par conséquent pas établie. Il convient plutôt de constater que les faits que vous décrivez constituent en effet un délit de droit commun, commis par des personnes privées, du ressort des autorités de votre pays et punissable en vertu de la législation kosovare.

Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Ainsi, les faits que vous alléguez ne justifient pas non plus la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. (…) ».

Par requête déposée le 16 novembre 2009 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 12 octobre 2009 portant refus de sa demande en obtention d’une protection internationale et un recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, inscrit dans le même document.

1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur, déclarant être de nationalité albanaise et originaire du Kosovo, fait valoir qu’il aurait fait l’objet de persécutions sous forme de menaces de mort de la part de la famille d’une copine, avec laquelle il serait sorti de temps en temps à Vitomirica. En janvier 2008, le père de son amie aurait exigé du demandeur qu’il épouse sa fille et la loge chez lui. Sa copine aurait alors vécu durant un mois chez le demandeur et sa famille, avant que ses parents n’aient accepté de la reprendre chez eux, tout en menaçant de mort le demandeur. Suite à l’échec d’une tentative de réconciliation, le demandeur aurait régulièrement reçu des menaces de la famille de son amie. La plainte qu’il aurait déposée auprès de la police locale n’aurait connu aucune suite.

En droit, le demandeur estime que des menaces de mort proférées à son égard relèveraient le caractère de gravité requis par la loi du 5 mai 2006 pour pouvoir prétendre au statut du réfugié politique.

De plus, selon l’article 32 (2) de la loi du 5 mai 2006, il suffirait qu’il soit considéré par ses persécuteurs comme un ennemi pour pouvoir conclure à une persécution remplissant les critères de la protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006.

Le demandeur reproche encore au ministre d’avoir retenu que les menaces subies par lui ne s’analyseraient pas en persécution au sens de la Convention de Genève étant donné qu’elles émaneraient de personnes privées. Il explique qu’il aurait effectué les démarches au sens de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 auprès des autorités kosovares afin d’obtenir une protection de leur part, mais que celles-ci n’auraient pas pu lui accorder une protection, puisque les menaces auraient continué malgré la plainte.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé. Il souligne en premier lieu que les faits relatés par le demandeur seraient d’ordre purement privé, ne tombant pas conséquent pas sous le champ d’application de la loi du 5 mai 2006. Il estime par ailleurs que le demandeur n’aurait pas établi que les autorités auraient refusé de lui fournir une protection. De plus, il n’existerait aucun élément permettant de conclure que le demandeur serait exposé à un traitement cruel et inhumain en cas de retour dans son pays d’origine.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi relative au droit d’asile, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…)».

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de ses auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi relative au droit d’asile.

De plus, une crainte de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi relative au droit d’asile doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions. Or, force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal.

En effet, le demandeur fait valoir que la famille de sa copine avec laquelle il serait sorti quelques fois à Vitomirica, le menacerait alors qu’il aurait refusé d’épouser ladite fille.

Force est dès lors au tribunal de constater que la crainte exprimée par le demandeur est provoquée par des considérations d’un ordre purement privé et familial et ne constitue pas une crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi relative au droit d’asile précité. Or, des considérations d’ordre privé ne constituent pas un motif d’obtention du statut de réfugié, au sens de la loi du 5 mai 2006.

D’autre part, le demandeur se contente d’affirmer de manière générale et non circonstanciée que la famille de son amie aurait proféré des menaces orales à son encontre. Or, à part ces affirmations non autrement étayées, aucun élément tangible du dossier ne permet d’établir concrètement et de façon probable qu’il craindrait avec raison d’être actuellement recherché ou persécuté dans son pays d’origine par les membres de la famille de son amie. D’ailleurs, le demandeur a refusé d’épouser son amie en janvier 2008 et il est resté au Kosovo jusqu’en décembre 2008, soit durant une année où aucun incident concret ne s’est produit. La peur du demandeur s’analyse partant en crainte fondée non seulement sur des considérations d’ordre purement privé mais de surplus sur des événements futurs éventuels et ne constitue ainsi pas une crainte de persécution au sens de l’article 2c) de la loi du 5 mai 2006.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte fondée de persécution susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus d’accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi relative au droit d’asile, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 (…) ».

L’article 37 de la loi relative au droit d’asile définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » Le demandeur estime que le ministre aurait refusé à tort de lui accorder une protection subsidiaire, alors qu’il aurait déjà subi des traitements inhumains et dégradants. En effet, le fait d’avoir déjà fait l’objet de menaces directes de mort de la part de ses persécuteurs constituerait un indice sérieux de sa crainte fondée d’être persécuté, au sens de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006.

Selon le délégué du gouvernement, les problèmes invoqués par le demandeur ne justifieraient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.

Le tribunal vient de retenir que le demandeur n’a pas état d’une crainte fondée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006, notamment, étant donné qu’il fonde ses craintes sur des événements futurs et éventuels. Il s’ensuit qu’il n’existe pas d’indice sérieux indiquant qu’en cas de retour dans son pays d’origine le demandeur courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. Il s’ensuit que le moyen du demandeur basé sur l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de cette conclusion et en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que le demandeur n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il encourrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi relative au droit d’asile et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de la loi relative au droit d’asile.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a, au terme de l’analyse de la situation du demandeur, déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée et que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans une décision statuant sur une demande de protection internationale, le recours en annulation introduit contre pareil ordre contenu dans la décision déférée du 12 octobre 2009 est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur estime que la décision déférée constituerait une violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 ». En effet, selon l’article 129 de la loi du 29 août 2008 l’étranger ne pourrait pas être éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y seraient menacées. Or, un retour dans son pays d’origine exposerait le demandeur à des risques réels pour son intégrité physique.

Le délégué du gouvernement répond qu’aucun élément ne permettrait de conclure que le demandeur serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d’origine.

Quant à l’applicabilité de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 dans le cadre du contrôle de légalité d’un ordre de quitter le territoire en vertu de l’article 19 de la loi du 5 mai 2006, force est de constater qu’aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, telle que modifiée par la loi du 29 août 2008 :« une décision négative du ministre vaut ordre de quitter le territoire ».

Aux termes de l’article 22 (1) de la loi du 5 mai 2006, telle que modifiée par la loi du 29 août 2008 : « Si la demande de protection internationale est définitivement rejetée au titre des articles 19 et 20 qui précèdent, le demandeur sera éloigné du territoire. Les articles 124 (2), (3) et (4), 125 et 129 à 131 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration sont applicables. » Il ressort de la lecture conjointe des deux dispositions précitées que les articles 124 (2), (3) et (4), 125 et 129 à 131 de la loi du 29 août 2008 sont applicables au demandeur d’une protection internationale définitivement débouté qui sera éloigné du territoire. Dans la mesure où en l’espèce le tribunal vient de constater que le demandeur est débouté de sa demande de protection internationale et qu’un ordre de quitter le territoire a été prononcé à son égard, il restera à vérifier si les autorités administratives pourront procéder à son l’éloignement sans autre décision formelle, au quel cas il y aura lieu d’examiner la légalité de l’ordre de quitter le territoire par rapport aux articles auxquels l’article 22 (1) de la loi du 5 mai 2006 fait référence, afin de garantir au demandeur un contrôle effectif de la mesure administrative prise à son égard.

Force est de constater à cet égard que l’article 124 (2) de la loi du 29 août 2008 renvoie à l’article 124 (1) de cette même loi, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’article 124 (1) est également applicable dans le cadre de l’analyse de la légalité de l’ordre de quitter le territoire, tel que prévu par l’article 19 de la loi du 5 mai 2006, dans la limite des moyens invoqués par les parties. Ledit article dispose « Si l’étranger ne satisfait pas à l’obligation de quitter le territoire dans le délai lui imparti, l’ordre de quitter le territoire peut être exécuté d’office et l’étranger peut être éloigné du territoire par la contrainte. » Il s’en suit que l’ordre de quitter le territoire peut être exécuté d’office, c'est-à-dire sans que les autorités administratives ne soient tenues de prendre une nouvelle décision explicite relative à l’éloignement du demandeur de protection internationale définitivement débouté qui n’a pas donné satisfaction à l’ordre de quitter le territoire endéans le délai lui imparti. L’étranger pourra être éloigné du territoire luxembourgeois sur base de ce seul ordre de quitter le territoire, de sorte qu’en vertu de l’article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2006, il appartient au tribunal administratif de vérifier, tel qu’invoqué par le demandeur, si en l’espèce l’ordre de quitter le territoire ne viole pas les dispositions de l’article 129 de la loi du 29 août 2008.

Aux termes de l’article 129 : « L’étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. » Force est de constater que le demandeur ne présente aucun élément permettant au tribunal de conclure qu’il s’exposerait en cas de retour au Kosovo à un traitement cruel, inhumain ou dégradant, de sorte qu’aucune violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 ne saurait être retenue en l’espèce.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 12 octobre 2009 portant refus de la demande en obtention d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 12 octobre 2009 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 10 février 2010 par le premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Catherine Thomé Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10.02.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 26336
Date de la décision : 10/02/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-02-10;26336 ?

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