Tribunal administratif Numéro 24760a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 août 2008 2e chambre Audience publique du 1er février 2010 Recours formé par Monsieur … et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt commercial communal et d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Revu la requête inscrite sous le numéro 24760 du rôle et déposée le 20 août 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierrot Schiltz, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, … , et de son épouse, Madame …, …, les deux demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2006, émis le 14 novembre 2007, d’un bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2006, émis le même jour et d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 27 mai 2008 ayant rejeté comme non fondée leur réclamation dirigée contre les prédits bulletins ;
Vu le jugement du tribunal administratif du 22 juillet 2009 ;
Vu l’ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif du 1er octobre 2009, ayant nommé Monsieur Gilles YYY en remplacement de l’expert nommé par le prédit jugement du 22 juillet 2009 ;
Vu le rapport de l’expert YYY du 4 décembre 2009 déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 décembre 2009 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 15 décembre 2009 fixant des délais d’instructions pour le dépôt de mémoire supplémentaires ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé par Maître Pierrot Schiltz au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2009 pour compte des époux … ;
Vu le mémoire additionnel déposé par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif le 7 janvier 2010 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins et la décision critiquées ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Martial Barbian, en remplacement de Maître Pierrot Schiltz, et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en leurs plaidoiries respectives.
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Le bureau d’imposition Mersch de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le bureau d’imposition », émit en date du 14 novembre 2007 à l’égard de Monsieur …, imposé collectivement avec son épouse, Madame …, un bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques relatif à l’année 2006, ci-après désigné par « le bulletin IRP ». Le même jour, le bureau d’imposition émit à l’égard de Madame … un bulletin de l’impôt commercial communal relatif à l’année 2006, ci-après désigné par « le bulletin ICC ».
Suite à une réclamation introduite le 18 décembre 2007 par Monsieur …, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné « le directeur », rejeta ladite réclamation comme non fondée, par décision datée du 27 mai 2008.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 août 2008, Monsieur … et son épouse, Madame …, ont introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre le bulletin IRP, le bulletin ICC, ainsi que contre la décision directoriale précitée du 27 mai 2008.
Par jugement du 22 juillet 2009, le tribunal administratif a déclaré irrecevable le recours en annulation, a reçu le recours en réformation en la forme pour autant qu’il est introduit par Monsieur … et pour autant qu’il est introduit contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 27 mai 2008, référencée sous le n° C 14192, et l’a déclaré irrecevable pour le surplus, a retenu qu’il n’y a pas lieu d’écarter des débats le rapport d’expertise XXX du 10 mars 2009, et, avant tout autre progrès en cause, tous autres droits étant réservés, a nommé un expert avec la mission suivante : « procéder dans un rapport écrit, détaillé et motivé à l’évaluation de la valeur estimée de réalisation du local commercial sis à …, et comprenant les lots privatifs « magasin », « bureau-hall-cave » et « atelier-réserve », ainsi que la quote-part dans les parties communes, y compris le terrain, attachées à ces parties privatives, cette évaluation étant à effectuer conformément à l’article 27, alinéa 2, LIR, à savoir par rapport au prix de vente qui aurait pu être obtenu dans le cadre d’une vente normale, dans l’état dans lequel se trouvait l’immeuble en 2006, compte tenu de la situation du marché immobilier de l’époque pour des objets similaires, tout en prenant en compte les circonstances particulières de l’immeuble qui sont susceptibles d’avoir une influence sur le prix de vente pouvant être obtenu ».
Suite au dépôt du rapport de l’expert YYY du 4 décembre 2009, Monsieur … conclut en ordre principal à la prise en compte, à titre de valeur estimée de réalisation du local commercial litigieux sis à …, d’un montant de 73.800 EUR, tel qu’il a été retenu par l’expert XXX dans son rapport, subsidiairement d’un montant de 90.469,07 EUR, tel qu’il a été retenu par l’expert YYY dans son rapport sous le point 5.2.1, plus subsidiairement d’un montant de 90.652 EUR, tel qu’il a été retenu par l’expert YYY dans son rapport sous le point 5.2.2, encore plus subsidiairement d’un montant de 91.200 EUR, tel qu’il a été retenu par l’expert YYY dans son rapport sous le point 5.2.3, et, en dernier ordre de subsidiarité, d’un montant de 90.773,69 EUR, tel qu’il a été retenu par l’expert YYY dans son rapport sous le point 6 et correspondant à la moyenne de ces trois dernières valeurs.
Compte tenu de la valeur qui sera retenue par le tribunal, Monsieur … demande ensuite au tribunal de procéder aux adaptations nécessaires du bénéfice de cession imposable.
Le délégué du gouvernement demande la prise en compte, à titre de valeur estimée de réalisation du local commercial litigieux, d’un montant de 91.200 EUR, tel qu’il a retenu par l’expert YYY dans son rapport sous le point 5.2.3, au motif que ce montant se rapprocherait le plus du montant retenu par le bureau d’imposition.
Dans son rapport du 4 décembre 2009, l’expert YYY, après avoir fait un descriptif détaillé de l’objet à évaluer, a eu recours à trois méthodes d’évaluation différentes, à savoir la détermination de la valeur suivant le prix du terrain et le prix de construction au m3, la détermination de la valeur suivant la surface occupée, en se fondant sur un prix unitaire pouvant être obtenu en 2006 compte tenu de la vétusté, et, enfin, la détermination de la valeur suivant la capitalisation du loyer. Sur base de ces trois méthodes de calcul, l’expert propose de retenir une valeur moyenne, à savoir un montant de 90.773,69 EUR.
Le tribunal constate que les parties se limitent à demander l’entérinement des valeurs dégagées suivant un certain ordre de priorité en fonction de la valeur qui se rapproche le plus de leurs positions initiales respectives, sans contester les méthodes de calcul préconisées par l’expert YYY par rapport à la mission libellée par le tribunal, sous la réserve que le demandeur demande, en second ordre de subsidiarité, de retenir la valeur dégagée par l’expert YYY sous le point 5.2.1. au motif que cette valeur se rapprocherait le plus de la mission de l’expert, mais sans pour autant expliquer autrement cette affirmation.
Le tribunal n’est appelé à s’écarter de l’avis des experts par lui commis qu’avec une grande prudence, dès lors qu’il a de justes motifs d’admettre que les experts se sont trompés ou lorsque l’erreur de ceux-ci résulte d’ores et déjà soit de leur rapport, soit d’autres éléments acquis en cause (trib. adm. 29 septembre 1998, n° 9849a du rôle, Pas. adm. 2008, V° Procédure contentieuse, VII.
Production de pièces-mesures d’instruction, n° 535 et autres références y citées).
A défaut de contestations circonstanciées des parties sur les différentes méthodes de calcul préconisées par l’expert, et eu égard au fait que les trois méthodes aboutissent à des valeurs qui se rapprochent sensiblement, le tribunal est amené à suivre la valeur moyenne préconisée par l’expert YYY, soit un montant de 90.773,69 EUR à titre de valeur estimée de réalisation du local commercial litigieux sis à ….
A défaut d’explication pour quelle raison il conviendrait de retenir la valeur estimée par l’expert XXX dans son rapport unilatéral plutôt que celle dégagée par l’expert YYY, et eu égard aussi aux interrogations soulevées par le tribunal dans son jugement du 22 juillet 2009 quant à l’appréciation faite par ledit expert, qui n’ont pas été rencontrées par le demandeur dans son mémoire additionnel, le tribunal ne saurait suivre la demande principale à voir entériner le rapport de l’expert XXX.
Il s’ensuit que la décision directoriale critiquée doit être réformée et qu’il y a lieu de retenir au titre de valeur estimée de réalisation du local commercial litigieux le montant de 90.773,69 EUR pour l’année fiscale 2006 tout en procédant ensuite aux adaptations nécessaires du bénéfice de cession imposable.
Le demandeur a, aux termes de son mémoire additionnel du 18 décembre 2009, sollicité la condamnation de l’Etat au paiement de l’intégralité des frais et plus particulièrement au paiement des frais de l’expertise YYY s’élevant au montant de 1.188,51 EUR.
L’Etat ayant succombé au litige dans la mesure où la décision directoriale a été réformée, il convient de faire droit à cette demande et de condamner l’Etat au paiement des frais de l’instance, y compris ceux de l’expertise YYY.
Quant à l’indemnité de procédure de 2.500 EUR réclamée par le demandeur, la demande afférente est à rejeter, alors que le demandeur reste en défaut de justifier les frais qu’il estime inéquitable de laisser à son unique charge, ni en quoi il serait inéquitable de laisser ces frais à sa charge, le seul fait qu’il a dans le cadre de sa réclamation soumis une proposition à l’amiable, mis en avant par le demandeur lors des plaidoiries, étant insuffisant à cet égard pour justifier une telle inéquité.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
vidant le jugement interlocutoire du 22 juillet 2009 ;
dit le recours fondé ;
partant, par réformation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 27 mai 2008, dit qu’il y a lieu de retenir à titre de valeur estimée de réalisation du local commercial sis à …, le montant de 90.773,69 EUR pour l’année fiscale 2006 tout en procédant ensuite aux adaptations nécessaires du bénéfice de cession imposable ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur ;
condamne l’Etat au paiement des frais, y compris des frais de l’expertise YYY d’un montant de 1.188,51 EUR.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 1er février 2010 par le premier vice-président, en présence du greffier Arny Schmit.
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