La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/01/2010 | LUXEMBOURG | N°25873

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 janvier 2010, 25873


Tribunal administratif N° 25873 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2009 2e chambre Audience publique du 25 janvier 2010 Recours formé par les époux …, contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière d’aides agricoles

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25873 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 juillet 2009 par Maître Lucien Weiler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Diekirch, au nom de Monsieur …, et de son Ã

©pouse, Madame …, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réform...

Tribunal administratif N° 25873 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2009 2e chambre Audience publique du 25 janvier 2010 Recours formé par les époux …, contre une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière d’aides agricoles

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25873 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 juillet 2009 par Maître Lucien Weiler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Diekirch, au nom de Monsieur …, et de son épouse, Madame …, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 17 avril 2009 portant refus de reprendre le paiement des primes agricoles ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 septembre 2009 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 24 septembre 2009 par Maître Lucien Weiler pour le compte des demandeurs ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 octobre 2009 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Christian Biltgen, en remplacement de Maître Lucien Weiler, et Madame le délégué du gouvernement Sousie Schaul en leurs plaidoiries respectives.

________________________________________________________________________

Par courrier du 11 juillet 2006, le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, désigné ci-après par « le ministre », communiqua aux époux … qu’il venait d’être informé sur le fait que la qualité de propriétaire de l’exploitation agricole de feu … sise à … était contestée, eu égard à une assignation en partage devant le tribunal d’arrondissement à …, et qu’il se voyait contraint de suspendre le paiement futur des aides agricoles jusqu’à ce qu’une décision définitive sur le sort de l’exploitation agricole ait été prise, tout en précisant que les paiements déjà effectués l’ont été sous réserve.

Par courrier du 11 mars 2009, le mandataire des époux … s’adressa au ministre en le priant de revoir sa position et de reprendre le paiement des primes. A l’appui de sa demande, il fit valoir que la qualité de propriétaire de l’exploitation agricole ne serait pas exigée par la loi et que le procès en partage de la succession de feu … serait un problème étranger à la question des primes agricoles.

Par courrier du 17 avril 2009, le ministre répondit en les termes suivants :

« Par la présente, j’accuse réception de votre courrier du 11 mars 2009 dans lequel vous considérez la suspension du paiement des aides agricoles aux époux … annoncée dans ma lettre du 11 juillet 2006 comme injustifiée du fait que la qualité de propriétaire n’est pas requise pour l’allocation de primes agricoles.

Après réexamen du dossier, il m’appartient de vous faire parvenir les observations suivantes.

J’ai été informé au cours de l’année 2006 de la part de Monsieur … sur le désaccord existant entre les cohéritiers sur le sort de l’exploitation agricole de feu … et sur la gestion des biens en indivision ainsi que sur l’existence d’une action en partage de ladite exploitation pendante devant le Tribunal d’Arrondissement de ….

Compte tenu des règles régissant l’indivision (article 815 et suivant du Code Civil), je me vois dans l’impossibilité de faire droit à votre demande de reprendre le paiement des primes. Je ne peux que réitérer ma proposition aux cohéritiers d’ouvrir un compte spécial au nom de l’indivision pour recevoir les primes.

Je vous prie de noter que la présente décision est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif à introduire dans le délai de trois mois par ministère d’avoué. (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2009, les époux … ont fait introduire un recours contentieux tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision précitée du ministre du 17 avril 2009.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours, en faisant valoir que la décision déférée ne constituerait qu’une confirmation de la décision prise par le ministre en date du 11 juillet 2006, laquelle n’aurait fait l’objet d’aucune voie de recours, de sorte qu’elle aurait acquis l’autorité de chose décidée. Le recours gracieux introduit par courrier du 11 mars 2009 n’aurait dès lors pas pu ouvrir un nouveau délai de recours.

Il conclut ensuite à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’un recours au fond ne serait pas prévu en la présente matière.

Les demandeurs répliquent que la décision ministérielle du 11 juillet 2006, en violation des dispositions de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ne contiendrait pas d’instructions sur les voies de recours, de sorte qu’elle serait indéfiniment attaquable et n’aurait pas acquis l’autorité de chose décidée. Ils font soutenir que la lettre de leur mandataire du 11 mars 2009 constituerait soit un recours gracieux, soit une nouvelle demande. A supposer qu’il s’agisse d’un recours gracieux, quod non, celui-ci aurait ouvert un nouveau délai de recours de trois mois, de sorte que le recours contentieux aurait été introduit dans le délai légal. Si la lettre du 11 mars 2009 constituait par contre une nouvelle demande, il y aurait lieu de considérer que la décision du 11 juillet 2006 aurait un objet différent de celle du 17 avril 2009, en ce que la première déciderait de la suspension du paiement des primes, tandis que la seconde refuserait de reprendre le paiement des primes. Par voie de conséquence, la décision du 17 avril 2009 ne constituerait pas une simple confirmation de la décision du 11 juillet 2006, mais une décision nouvelle. Le recours ne serait dès lors pas tardif, étant donné qu’il aurait été introduit dans le délai légal de trois mois. En ordre subsidiaire, pour le cas où le recours serait tardif, les demandeurs sollicitent à être relevés de la déchéance.

Le délégué du gouvernement rétorque dans son mémoire en duplique que les demandeurs auraient introduit une réclamation contre la décision du 11 juillet 2006 auprès du médiateur qui aurait ensuite saisi le ministre. La réponse subséquente du ministre aurait été transmise par le médiateur aux demandeurs, de sorte que ceux-ci ne pourraient pas, deux ans et demi plus tard, revenir sur le motif à la base de la confirmation de ne pas reprendre le paiement des primes.

Etant donné que les demandeurs entendent exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision litigieuse. En effet, comme l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, l’existence d’une telle possibilité d’un recours en réformation rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Or, aucune disposition légale n’instaure un recours de pleine juridiction en la présente matière, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire.

Quant à la recevabilité du recours en annulation introduit à titre principal, il y a lieu de se référer, en l’absence de disposition spéciale régissant le délai de recours en la présente matière, à l’article 13 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives qui dispose que sauf dans les cas où les lois ou les règlements fixent un délai plus long ou plus court, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance.

Il convient dès lors d’examiner si le délai de recours de droit commun de trois mois a pu commencer à courir en l’espèce.

Aux termes de l’article 14 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, les décisions administratives révoquant ou modifiant d’office une décision ayant créé ou reconnu des droits doivent indiquer les voies de recours ouvertes contre elles, le délai dans lequel le recours doit être introduit, l’autorité à laquelle il doit être adressé ainsi que la manière dans laquelle il doit être présenté, sous peine de ne pas faire courir le délai légal pour introduire le recours contentieux.

En l’espèce, le ministre, par la décision du 11 juillet 2006, a informé les demandeurs qu’il se voyait contraint de suspendre le paiement futur des aides jusqu’à ce que le sort de l’exploitation agricole ait été réglé. Par courrier de leur mandataire du 11 mars 2009, les demandeurs ont prié le ministre de revoir sa position et de reprendre le paiement des primes en faisant état d’un certain nombre de moyens et arguments. Par lettre du 17 avril 2009, le ministre, après réexamen du dossier, a refusé de faire droit à cette demande de reprendre le paiement des primes en renvoyant aux règles régissant l’indivision.

Force est au tribunal de constater que la première décision du 11 juillet 2006 s’analyse en une décision qui révoque ou modifie d’office une décision ayant reconnu des droits, de sorte qu’elle devait, au vœu de l’article 14 précité, contenir une indication sur les voies de recours, ce qui ne fut toutefois pas le cas. Il s’ensuit que le délai de recours contre cette décision n’a pas pu commencer à courir, de sorte que cette décision n’a pas acquis l’autorité de chose décidée, contrairement à ce qui est soutenu par le délégué du gouvernement. Il convient également de relever dans ce contexte que la réclamation introduite par les demandeurs auprès du médiateur ne visait pas la décision ministérielle du 11 juillet 2006 de suspendre le paiement des primes, mais une demande de remboursement du 28 septembre 2006 pour un montant de … euros au titre de primes indûment payées pour les années 2002 et 2003 à l’exploitation agricole …. Il s’ensuit que les développements du représentant étatique concernant un prétendu recours gracieux introduit contre la décision du 11 juillet 2006 par le biais de la réclamation introduite auprès du médiateur sont à rejeter comme non pertinents. Il s’ensuit encore que le recours gracieux introduit par le mandataire des demandeurs, par courrier du 11 mars 2009, l’a été dans le délai légal.

Par sa décision du 17 avril 2009, le ministre, en refusant de reprendre le paiement des primes, a confirmé le maintien de sa décision initiale de suspendre le paiement de ces mêmes primes. C’est partant à tort que les demandeurs analysent la décision, sur recours gracieux, comme étant une décision nouvelle, au motif qu’elle aurait été prise suite à une nouvelle demande en reprise du paiement des primes et qu’elle aurait un objet différent, étant donné qu’une décision n’est à considérer comme nouvelle et distincte de la première que si elle est intervenue à la suite d’une demande faisant état de circonstances nouvelles et si elle prend position à l’égard de celles-ci (v. F. Schockweiler, Le Contentieux administratif et la Procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, 2e éd., 1996, n° 179). Or, en l’espèce, les demandeurs, dans le cadre de leur recours gracieux, n’ont pas fait état d’éléments nouveaux et la circonstance que la confirmation est intervenue à la suite d’une nouvelle instruction n’est pas de nature à lui conférer le caractère d’une décision nouvelle se substituant à la décision antérieure. Le tribunal ne saurait pas non plus partager l’argumentation des demandeurs consistant à affirmer que les décisions auraient un objet différent, étant donné que le refus de reprendre le paiement des primes agricoles revient à maintenir la suspension du paiement et donc confirme la décision de suspension initiale.

C’est donc à partir de la notification de cette nouvelle décision que le délai de recours de trois mois a commencé à courir, conformément à l’article 13 (2) de la loi précitée du 21 juin 1999.

Le présent recours ayant été introduit par dépôt de la requête introductive d’instance au greffe du tribunal administratif en date du 7 juillet 2009, il y a lieu de retenir qu’il a été introduit dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision confirmative du 17 avril 2009.

Le fait que les demandeurs se sont bornés à attaquer la seule décision confirmative du 17 avril 2009 ne porte pas à conséquence. En effet, une décision, sur recours gracieux, purement confirmative d’une décision initiale, tire son existence légale de cette dernière et, dès lors, les deux doivent être considérées comme formant un seul tout. Il s’ensuit qu’un recours introduit, en temps utile, contre la seule décision confirmative est valable. Le fait de diriger un recours contentieux contre la seule décision confirmative entraîne ainsi nécessairement que le recours est également dirigé contre la décision initiale.

Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé en cause, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes de la loi.

Quant au fond, les demandeurs font exposer que Monsieur … aurait cohérité de l’exploitation agricole de son défunt frère … et que cette exploitation ferait actuellement l’objet d’une action en partage devant les juridictions civiles. Les demandeurs précisent que depuis le décès du frère de Monsieur …, ils seraient les uniques exploitants de la ferme du défunt.

En droit, les demandeurs soutiennent que d’après les dispositions de la loi modifiée du 18 avril 2008 concernant le renouvellement du soutien au développement rural, les aides aux exploitations agricoles n’impliqueraient d’aucune façon que les bénéficiaires soient propriétaires de l’intégralité de l’exploitation agricole, mais qu’il suffirait que l’exploitant ait à sa disposition permanente l’ensemble des moyens permettant l’exploitation, ne serait-ce que par le biais d’une éventuelle indemnité d’occupation ou à charge de rendre compte de sa gestion aux autres indivisaires. Ils estiment partant qu’une indivision ne constituerait pas une cause d’empêchement valable du paiement de ces primes, tout en relevant que le devoir de sortir de l’indivision ne serait pas une condition posée par la prédite loi. Ils soutiennent que la loi du 18 avril 2008 n’exigerait pas non plus qu’en cas d’indivision, un compte spécial soit ouvert au nom de celle-ci afin de recueillir les aides de l’Etat et ils invoquent encore l’article 815-6 du Code civil qui prévoirait de toute façon que l’indivisaire qui perçoit des revenus pour le compte de l’indivision doit en tenir un état à la disposition des autres indivisaires. Ils ajoutent encore que dans le cadre de l’action en partage, ils auraient sollicité l’attribution préférentielle de l’exploitation conformément aux dispositions de l’article 832-1 du Code civil. En guise de conclusion, les demandeurs font soutenir que le ministre ne pouvait pas valablement se fonder sur des considérations de droit civil, mais qu’il n’avait qu’à vérifier s’ils remplissaient les conditions posées par la loi précitée du 18 avril 2008.

Le délégué du gouvernement expose que le demandeur, en tant que frère du défunt et en tant que cohéritier, aurait repris ensemble avec son épouse, l’exploitation agricole du frère et que Madame … aurait été déclarée à compter du 1er avril 2005 comme chef d’exploitation agricole auprès du Centre commun de la Sécurité sociale. Il expose, après avoir expliqué la procédure de reprise d’une exploitation agricole, que Madame … aurait signé seule le formulaire intitulé « Betriebsübergabeerklärung » valant demande de reprise de l’exploitation agricole qui a été introduit et accepté par le Centre commun de la Sécurité sociale. Il souligne que le prédit formulaire n’affecterait aucunement le droit de propriété sur l’exploitation en cause mais ne ferait que régler la question du gestionnaire, respectivement du responsable de l’exploitation vis-à-vis des organismes concernés, à savoir le ministère de l’Agriculture et le Centre commun de la Sécurité sociale. Il s’ensuivrait que le Centre commun n’aurait pas eu à se préoccuper de la question de savoir si Madame … était ou non l’unique intéressée à la reprise de l’exploitation.

Le délégué du gouvernement soutient ensuite que la disponibilité non contestée des surfaces agricoles primables par les exploitants, que ce soit en propriété ou en location, constituerait une condition sine qua non à l’attribution des primes agricoles, condition qui devrait être remplie avant toutes les autres conditions. Il explique que dans un souci de simplification administrative et compte tenu aussi du fait que la preuve de la disponibilité des surfaces agricoles, notamment dans le cas de baux ruraux oraux serait parfois difficile à rapporter, les autorités compétentes se baseraient sur les déclarations des exploitants dont la bonne foi serait admise aussi longtemps que l’administration ne dispose pas d’autres informations infirmant ces déclarations. Il estime que dans le cadre des mécanismes de gestion et de contrôle et dans le but d’éviter une mauvaise affectation des ressources communautaires et nationales, il serait impossible d’effectuer les paiements litigieux tant que l’action en partage de l’exploitation agricole en question serait pendante devant les juridictions civiles. Comme les biens seraient gérés en commun par l’ensemble des indivisaires pendant l’indivision, l’administration aurait recommandé sans succès à plusieurs reprises aux demandeurs l’ouverture d’un compte spécial au nom de l’indivision sur lequel les primes auraient pu être versées.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.

En l’espèce, le tribunal constate que le ministre s’est basé, dans sa décision sous analyse, sur un seul motif, tel que complété en cours d’instance par le délégué du gouvernement, tiré de ce que l’exploitation agricole ferait l’objet d’une indivision, que l’attribution de l’exploitation agricole à Monsieur … serait contestée et qu’une action en partage serait pendante devant les juridictions civiles. En se référant aux articles 815 et ss. du Code civil sur l’indivision, le ministre a ainsi refusé de reprendre le paiement des primes au motif que la disponibilité des surfaces agricoles primables serait contestée.

Le délégué du gouvernement a encore complété cette motivation en soutenant que « la disponibilité (en propriété ou en location et qui n’est pas contestée) des surfaces agricoles primables par les exploitants » sollicitant une aide constituerait « une condition sine qua non pour l’obtention des primes agricoles », sans toutefois invoquer une disposition légale ou règlementaire à la base de cette soi-disant condition.

Il convient de relever que ni le ministre, ni le délégué du gouvernement n’invoquent une disposition légale ou réglementaire qui sous-tiendrait le motif de refus ainsi invoqué à la base de la décision litigieuse.

Il ne ressort d’autre part ni des dispositions de la loi du 24 juillet 2001 concernant le soutien au développement rural, valable jusqu’au 31 décembre 2006, ni des dispositions de la loi précitée du 18 avril 2008, valable à partir du 1er janvier 2007, que l’existence d’une indivision de l’exploitation agricole constitue un motif permettant de suspendre le paiement des primes.

Au contraire, il résulte de l’article 2 (2) de la loi du 18 avril 2008, applicable au moment où le ministre a pris la décision litigieuse, que par exploitation agricole il faut entendre « une unité technico-économique à caractère agricole gérée distinctement d’une autre, disposant d’une ensemble de moyens humains et matériels, et comprenant en propriété ou ayant à sa disposition permanente, notamment par voie de location, tous les moyens de production nécessaires permettant d’en assurer une gestion indépendante … » En l’espèce, il n’est pas contesté que les demandeurs gèrent l’exploitation agricole du défunt frère de Monsieur … et qu’ils remplissent les conditions pour être considérés comme exploitants agricoles.

Il s’ensuit que le ministre n’a pas valablement pu leur refuser le paiement des primes en invoquant l’existence d’une indivision. Ce motif n’a partant pas pu légalement justifier la décision sous examen, de sorte qu’en l’absence de toute autre explication quant à la motivation de la décision déférée, celle-ci encourt l’annulation pour violation de la loi, tout comme la décision initiale du 11 juillet 2006 portant suspension du paiement des primes, dont elle tire son existence.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500 euros, formulée par les demandeurs sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, est à rejeter comme non fondée, étant donné que les demandeurs ne spécifient pas en quoi il paraît inéquitable de laisser à leur charge les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié, partant annule la décision déférée du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 17 avril 2009, ainsi que la décision initiale dudit ministre du 11 juillet 2006 et lui renvoie le dossier en prosécution de cause ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par les demandeurs ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 25 janvier 2010 par le premier vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26.1.2010 Le Greffier du Tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 25873
Date de la décision : 25/01/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-01-25;25873 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award