Tribunal administratif Numéro du rôle 26459 du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 janvier 2010 1re chambre Audience publique du 11 janvier 2010 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.8.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 26459 du rôle et déposée le 4 janvier 2010 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland MICHEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Cap-Vert), de nationalité capverdienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 2 décembre 2009 ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée d’un mois à partir de la notification ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 janvier 2010 ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Mélissa BRUEL, en remplacement de Maître Roland MICHEL et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 janvier 2010 ;
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Le 2 décembre 2009, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ci-après « le ministre », prit à l’égard de Monsieur … un arrêté de refus de séjour. Par arrêté du même jour, il ordonna son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. Les deux décisions précitées furent notifiées à l’intéressé en date du 2 décembre 2009.
La décision de placement précitée est fondée sur les considérations et motifs suivants :
« Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;
Vu le rapport no JDA/7986/1/15/ARGU du 2 décembre 2009 établi par la Police grand-ducale ;
Vu mon arrêté d’expulsion du 28 février 1995 lui notifié le 13 décembre 1996 ;
Vu la décision de refus de séjour du 2 décembre 2009 ;
Considérant que l’intéressé est démuni d’un visa valable ;
Considérant qu’en attendant l’organisation de son départ qui sera effectué dans les meilleurs délais, l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ; » Par requête déposée le 4 janvier 2010 au greffe du tribunal administratif, le nommé Monsieur … a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation à l'encontre de la prédite décision ministérielle de placement.
1. Quant à la recevabilité du recours contre l’arrêté ministériel du 2 décembre 2009 Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.
La partie étatique soulève l’irrecevabilité du recours en annulation, alors que seul un recours en réformation serait prévu en la matière. En même temps, la partie étatique soulève l’irrecevabilité du recours en réformation au motif que la mesure de placement aura expiré le jour des plaidoiries et qu’une prolongation de ladite mesure de placement aurait d’ores et déjà été ordonnée par arrêté ministériel du 22 décembre 2009, notifié au demandeur en date du même jour.
Le demandeur affirme avoir un intérêt personnel et direct à agir et souligne pouvoir retirer de l’annulation de l’acte attaqué une satisfaction certaine et personnelle.
Force est au tribunal de constater qu’en date du 22 décembre 2009, le ministre a pris un arrêté prorogeant le placement du demandeur pour une durée d’un mois à partir de la notification, effectuée en date du même jour, de sorte que la mesure de placement litigieuse avait cessé ses effets au moment de l’introduction du recours sous analyse. Il s’ensuit que sa demande principale tendant à la réformation de la décision litigieuse est dès lors à considérer comme étant devenue sans objet. En effet, le tribunal, au jour où il statue, ne peut plus utilement faire droit à la demande lui adressée par rapport à laquelle il est appelé à statuer.
Par contre, le demandeur garde un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de l’arrêté déféré de la part de la juridiction administrative, de sorte que le tribunal peut valablement statuer sur le recours en annulation qui est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.
2. Quant au fond A l’appui de son recours, le demandeur soutient que le régime appliqué aux personnes se trouvant au Centre de séjour provisoire serait similaire, voire identique à celui auquel sont soumis les détenus purgeant une peine criminelle ou correctionnelle. Le demandeur affirme qu’une telle mesure de placement devrait dès lors rester une mesure d’exception qui ne devrait être prise qu’en cas de nécessité absolue et ceci dans les cas où la personne concernée serait susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité et l’ordre publics ce qui ne serait pas son cas. Il souligne que l’arrêté ministériel litigieux ne serait d’ailleurs pas motivé quant à un quelconque risque d’atteinte à la sécurité ou à la tranquillité et l’ordre publics.
Force est de constater que l’article 120 de la loi du 29 août 2008 précitée ne pose aucune exigence quant à l’existence d’un risque d’atteinte à la sécurité ou à la tranquillité et l’ordre public.
Il convient par ailleurs de rappeler que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle de la personne concernée, celle-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de son séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans son chef, présente en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant sa rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure ne soit compromise.
En outre, il y a lieu de souligner que contrairement aux affirmations de Monsieur …, ce dernier a bien porté atteinte à l’ordre public, alors qu’il résulte du dossier administratif que lors de son premier séjour au Luxembourg, il a fait l’objet de trois condamnations à des peines d’emprisonnement et à des amendes pour trafique de stupéfiants, ainsi que pour coups et blessures volontaires ayant causé une incapacité de travail.
En tout état de cause, il importe en définitive peu de savoir si le demandeur est susceptible de porter atteinte à l’ordre public, alors que force est de constater qu’il se trouve en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois depuis début 2009, période lors de laquelle il est revenu au Luxembourg, alors qu’il a d’ores et déjà fait l’objet d’un premier arrêté d’expulsion en date du 28 février 1995, lui notifié le 13 décembre 1996. En date du 4 décembre 2009, le Ministre du travail, de l’Emploi et de l’Immigration a d’ailleurs pris un nouvel arrêté d’expulsion à l’encontre du demandeur, lui interdisant ainsi l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de 10 ans.
Quant au moyen basé sur les conditions de rétention de l’intéressé, il échet de souligner que le demandeur, au-delà de relever de façon générale que les conditions de rétention seraient similaires à celles de la détention, reste en défaut de préciser concrètement en quoi ces conditions seraient inacceptables pour sa personne. Pour le surplus, il est constant en cause que le demandeur est placé non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, fonctionnant dans l’enceinte du Centre pénitentiaire de sorte que le moyen du demandeur est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ailleurs, le demandeur reproche au ministre de ne pas justifier des démarches qui auraient été entreprises en vue de son éloignement du pays dans les meilleurs délais et afin d’écourter au maximum sa privation de liberté. Il estime en effet qu’aucune démarche appropriée n’aurait été entreprise.
Or, il résulte des pièces versées en cause, et plus particulièrement du dossier administratif que le ministre s’est adressé dès le 15 décembre 2009 au service de la police judiciaire afin d’organiser l’éloignement du demandeur. Il résulte encore du dossier administratif que le demandeur sera rapatrié en date du 13 janvier prochain, de sorte que c’est à juste titre que le délégué du gouvernement fait valoir que les démarches auraient été accomplies avec la célérité nécessaire.
Sur base des développements qui précèdent, les démarches concrètement accomplies par les services du ministère compétent sont à considérer comme correspondant à des efforts raisonnables en vue d’organiser l’éloignement du demandeur dans les meilleurs délais et un manque de diligences de la part des autorités luxembourgeoises ne peut dès lors être valablement retenu en l’espèce, de sorte que le moyen afférent est à rejeter comme non fondé.
Le demandeur fait encore valoir que bon nombre de personnes en situation irrégulière se trouveraient sur le territoire luxembourgeois sans être inquiétées pour autant. Or, un tel moyen est à rejeter alors qu’il s’agit ici d’une simple affirmation sans rapport avec le présent litige et sans fondement juridique susceptible d’ébranler la légalité de la décision litigieuse.
Quant au moyen relatif au fait que le demandeur expose pouvoir subvenir à ses propres besoins, alors qu’il disposerait d’un contrat de travail à durée indéterminée, il y a lieu de le rejeter alors qu’il est sans pertinence dans le cadre de l’examen de la légalité d’une décision de rétention.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare sans objet et en déboute ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond le déclare non fondé et le rejette ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 janvier 2010 par :
Paulette Lenert, vice-président Marc Sünnen, premier juge Thessy Kuborn, juge en présence du greffier Arny Schmit.
s. Arny Schmit s. Paulette Lenert 5