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11/01/2010 | LUXEMBOURG | N°25445

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 janvier 2010, 25445


Tribunal administratif N° 25445 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 février 2009 1re chambre Audience publique du 11 janvier 2010 Recours formé par Monsieur …, … , contre des décisions du bourgmestre de la commune de Schieren en matière d’urbanisme

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25445 du rôle et déposée le 27 février 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocat

s à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la r...

Tribunal administratif N° 25445 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 février 2009 1re chambre Audience publique du 11 janvier 2010 Recours formé par Monsieur …, … , contre des décisions du bourgmestre de la commune de Schieren en matière d’urbanisme

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25445 du rôle et déposée le 27 février 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du bourgmestre de la commune de Schieren du 17 novembre 2003, ayant refusé implicitement et a contrario au demandeur de procéder à la transformation d'une grange en un appartement avec double garage, de la décision confirmative du refus du même bourgmestre du 14 mars 2005, de la décision confirmative du refus du bourgmestre du 19 mai 2005 et enfin de la décision confirmative du refus du bourgmestre du 20 juin 2007 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA du 12 février 2009 portant signification du prédit recours contentieux à l’administration communale de Schieren ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Vu l’ordonnance du 12 octobre 2009 ordonnant en application de l’article 8 (5) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives au bourgmestre de la commune de Schieren de verser l’intégralité du dossier administratif se rapportant aux prédites décisions de refus opposées au demandeur ;

Vu le dossier administratif versé le 18 novembre 2009 par l’administration communale de Schieren ;

Vu l’avis du tribunal du 30 novembre 2009 autorisant le demandeur à déposer un mémoire supplémentaire ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2009 par Maître Jean-Paul WILTZIUS au nom du demandeur, notifié à l’administration communale de Schieren par exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA du 4 décembre 2009 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Christian BILTGEN, en remplacement de Maître Jean-Paul WILTZIUS, en ses plaidoiries aux audiences publiques des 9 novembre 2009 et 4 janvier 2010.

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Monsieur … fit introduire le 13 juin 2006 par un bureau d’architecte une demande tendant d’une part, à la transformation d’une grange en maison unifamiliale et, d’autre part, à la transformation d’une seconde grange, en appartement avec double garage, les deux immeubles en question étant sis à ….

Le bourgmestre de la commune de Schieren, ci-après « le bourgmestre » accorda en date du 17 novembre 2003 une première autorisation de construire n° 22-03 portant sur la transformation d’une grange en une maison d’habitation et une seconde autorisation de construire n° 23-03 valant pour la « transformation d'une grange en un garage ».

Par courrier du 14 mars 2005, le bourgmestre informa le demandeur de ce que l’autorisation n° 23-03 ne l’autoriserait qu’à transformer une ancienne grange en garage, en précisant qu' « aucun séjour pour personnes n'y sera toléré dans l'avenir, d'autant plus que les dispositions du règlement communal sur les bâtisses régissant la matière ne permettent pas d'y autoriser des locaux afférents ».

Par courrier daté du 16 mars 2005, Monsieur … s’enquit notamment des motifs de ce refus et des normes et exigences à respecter afin d’obtenir néanmoins l’autorisation en vue de l’aménagement d’un appartement.

Le 19 mai 2005, le bourgmestre répliqua comme suit :

« Faisant suite à votre réclamation du 16.03.2005 je tiens tout d'abord à vous rappeler que l'autorisation de construire No 23-03 du 17.1 1.2003 est basée sur votre demande du 13.06.2003 ayant pour objet :

Gebäude A : Umbau einer Scheune in ein Einfamilien-Wohnhaus Gebäude B : Umbau einer Scheune in eine Doppelgarage mit Dachboden, L'aménagement d'un appartement au bâtiment B n'est en fait pas réalisable puisqu'il vous faudrait morceler le terrain en deux places à bâtir distinctes. Il s'ensuit que la surface construite dépasserait les 40 % tolérés par l’article 23 du règlement communal sur les bâtisses. Finalement l'article 35 du même règlement vous oblige d'aménager des aires de stationnement à raison de 1,5 emplacements par logement, ce qui n'est réellement pas possible vu l'exiguïté de la parcelle.

De ce qui précède, je maintiens ma position et je vous refuse d'aménager un logement par-dessus du double garage. » Monsieur … ayant encore fait introduire un recours gracieux en date du 25 avril 2007 par un avocat, le bourgmestre confirma par courrier du 20 juin 2007 sa décision de ne pas autoriser l’aménagement de la seconde grange en « logement permettant le séjour durable ».

C’est contre ces différentes décisions de refus, datées respectivement des 17 novembre 2003, 14 mars 2005, 19 mai 2005 et 20 juin 2007 que Monsieur … a fait déposer le 27 février 2009 un recours tendant à leur annulation, sinon à leur réformation.

Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière d’urbanisme et plus particulièrement en matière de permis de construire, de sorte que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de la décision déférée.

Le recours en annulation introduit en ordre principal, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi - aucun délai n’ayant en particulier pu courir au vu de l’absence d’indication de voies et de délais de recours dans les décisions déférées - est par conséquent recevable.

Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner la recevabilité du recours en réformation introduit à titre subsidiaire.

L’administration communale de Schieren, quoique valablement informée par une notification par voie du greffe du dépôt de la requête introductive d’instance de la demanderesse, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse. Nonobstant ce fait, le tribunal statue néanmoins contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Quant au fond, Monsieur … fait de prime abord plaider que le refus implicite résultant du silence du bourgmestre quant à la demande tendant à le voir autoriser à aménager un appartement au-dessus du garage équivaudrait à une absence totale de motifs, irrégularisable ex post, de sorte que cette décision devrait encourir l'annulation pour défaut de motivation.

Si la décision initiale du bourgmestre, datée du 17 novembre 2003, doit effectivement être considérée comme formellement non motivée, en ce qu’elle n’autorise sans explications que l’aménagement d’un garage dans la grange en question et non, comme également sollicité, l’aménagement d’un appartement, il résulte cependant des faits tels que résumés ci-avant et des pièces versées en cause que le demandeur a demandé à connaître ultérieurement les motifs gisant à la base de la décision implicite du bourgmestre lui refusant l’aménagement d’un appartement, motifs dont il a obtenu communication par courrier du bourgmestre du 19 mai 2005, motifs par ailleurs réitérés et complétés par courrier du bourgmestre du 20 juin 2007, à savoir le non-respect par le projet litigieux des articles 5, 23 et 35 du règlement sur les bâtisses communal.

Or, si l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes impose certes pour certaines décisions, dont les décisions de refus, une obligation de motivation formelle, en ce sens que ces décisions de refus doivent reposer sur des motifs légaux et formellement indiquer lesdits motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, cette formalité ne constitue pas une fin en soi, mais consacre des garanties visant à ménager à l’administré concerné la possibilité d’apprécier la réalité et la pertinence de la motivation à la base d’une décision administrative, de sorte que dans l’hypothèse où il est établi que cette finalité est atteinte dans une phase pré-contentieuse, au travers de la réponse formulée par l’administration à un recours gracieux ou à une demande de communication des motifs, la question du respect de cette obligation par la décision initiale devient sans objet. Dès lors, l'administré n’a aucun intérêt à se prévaloir de cette obligation, ou plutôt d’un manquement par l’administration à cette obligation, lorsqu’il se dégage, comme en l’espèce, du dossier qu’il a effectivement pu prendre connaissance des motifs gisant à la base de la décision de refus lui opposée et décider, en pleine connaissance de cause, s’il est utile pour lui de saisir les juridictions administratives.

Le moyen afférent est par conséquent à abjuger.

Quant aux dispositions urbanistiques avancées par le bourgmestre, à savoir les articles 5 et 23 du règlement des bâtisses (« Rb »), le demandeur fait plaider que la construction telle qu'elle existait au moment de son acquisition présenterait les mêmes emprises sur le sol qu'après sa transformation. Or, il estime que comme le règlement sur les bâtisses n'aurait été voté qu'en 1998 et approuvé en 2003 par l’autorité de tutelle, il ne saurait trouver application à l’égard de constructions ayant existé « depuis belle lurette » et il ne saurait en particulier imposer une norme plus stricte « ayant pour effet théorique de devoir démolir les immeubles anciens jusqu'à respecter le ratio absolument arbitraire de 40 % de surface bâtie et de 60 % de terrain non bâti », le demandeur considérant une telle hypothèse comme constituant une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

Il convient à ce sujet de retenir que le demandeur ne conteste pas que son projet ne respecterait pas les prescriptions des articles 5 et 23 Rb, lesquels, en substance, imposent à toutes les constructions sises en zone mixte (« Mischgebiet ») de ne pas dépasser une surface bâtie de 40 % de la superficie totale du terrain à bâtir, mais qu’il conteste que ces prescriptions soient applicables à l’immeuble en question qui préexisterait aux dispositions afférentes : le demandeur, ce faisant, entend implicitement mais nécessairement se prévaloir d’un droit acquis.

Or, si un administré peut, à raison, se prévaloir d’un droit acquis en conformité avec l'ancien état de droit bénéficiant aux activités abritées ou ayant été abritées par des immeubles, un tel droit acquis ne saurait cependant bénéficier qu’aux immeubles, constructions et aménagements ayant existé sous l’ancienne réglementation urbanistique, mais non à de nouvelles constructions ou de nouveaux aménagements projetés sous l’empire de la nouvelle réglementation urbanistique, l’autorité appelée à prendre une décision en ce qui concerne de tels nouveaux aménagements devant tenir compte de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle elle est amenée à se prononcer1.

En l’espèce, si le demandeur peut certes se prévaloir d’un droit acquis en ce qui concerne le maintien de l’immeuble litigieux en ses dimensions et affectations, c’est-à-

dire en l’espèce s’il peut maintenir l’immeuble en tant que grange, il ne saurait en revanche se prévaloir d’un tel droit acquis pour substantiellement transformer ladite grange en immeuble devant abriter un double garage et un appartement, une telle transformation, nécessitant, tel que cela résulte de l’arrêté de fermeture de chantier du 12 octobre 2004 notifié par le bourgmestre au demandeur, la démolition des murs existants et leur reconstruction subséquente s’apparentant en fait à une construction nouvelle2.

Cette conclusion rejoint par ailleurs les prescriptions de l’article 67 Rb, intitulé « Bestehende Gebäude », dont le point a) précise que « Die Vorschriften des vorliegenden Bautenreglementes gelten auch für Umänderungen, Erweiterungen und Renovierungen von bestehenden Bauwerken sowie für Änderungen im Hinblick auf ihre Zweckbestimmung ».

Il s’ensuit que le projet de transformation litigieux ne saurait échapper aux prescriptions urbanistiques applicables à tous les projets de construction, transformation, agrandissement, rénovation ou changement d’affectation sis en zone mixte.

Cette conclusion n’est pas énervée pas l’invocation du droit de propriété, le demandeur n’étant en effet ni privé de son droit de propriété, ni restreint dans l’exercice actuel de son droit de propriété, l’usage actuel de sa propriété en tant que grange demeurant en effet acquis.

C’est par conséquent à bon droit que le bourgmestre, au vu de cette constatation, a refusé de délivrer l’autorisation de bâtir en vue de la transformation de la grange aux fins d’y aménager un appartement sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus invoqués à l’appui des décisions déférées, ainsi que les moyens y afférents.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours principal en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le recours subsidiaire en réformation ;

1 Trib. adm. 6 février 2006, n° 20311, confirmé par arrêt du 17 octobre 2006, n° 21137C, Pas. adm. 2008, V° Urbanisme, n° 107.

2 Voir en ce sens Cour adm. 19 mai 2009, n° 25314C, www.ja.etat.lu condamne le demandeur aux frais Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 janvier 2010 par :

Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Paulette Lenert 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 25445
Date de la décision : 11/01/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2010-01-11;25445 ?

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