Tribunal administratif No 25213 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 décembre 2008 2e chambre Audience publique du 11 janvier 2010 Recours formé par la société … Luxembourg S.A., Erpeldange contre une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire en matière de plan d’aménagement général
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25213 du rôle et déposée le 23 décembre 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Theisen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … Luxembourg S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire du 6 octobre 2008 portant refus de prendre une nouvelle décision consécutivement à un jugement du tribunal administratif du 22 janvier 2007 ayant annulé une décision dudit ministre du 16 janvier 2006 portant refus partiel d’approbation d’une délibération du conseil communal de la commune d’Erpeldange du 24 mai 2005 portant adoption définitive d’un projet de modification du plan d’aménagement général de la commune d’Erpeldange, portant sur des fonds sis à Burden, aux lieux-dits « Im Scheimer » et « In der Bourdelt » ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 janvier 2009 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 février 2009 par Maître Marc Theisen pour compte de la société … Luxembourg S.A. ;
Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 mars 2009 à la suite d’une autorisation afférente lui accordée par le tribunal ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Martial Barbian, en remplacement de Maître Marc Theisen, et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 juin 2009.
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Le 23 janvier 2002, la commission d'aménagement étatique avisa un projet de modification du plan d'aménagement général ainsi qu’un projet d'aménagement particulier portant sur des fonds sis à Burden, commune d’Erpeldange, au lieu-dit « Im Scheimer » présentés par l’administration communale d’Erpeldange au nom de la société anonyme … Luxembourg S.A., ci-après dénommée « société … ».
La commission d’aménagement rendit un avis daté du 18 mars 2003 concernant le prédit projet d’aménagement particulier portant sur des fonds sis à Burden, commune d’Erpeldange, au lieu-dit « Im Scheimer ».
En date du 15 novembre 2004, la commission d'aménagement, saisie par l’administration communale d’Erpeldange d’un projet de modification du plan d’aménagement général, ci-après « PAG », de la commune d’Erpeldange « portant sur des fonds sis à Burden, commune d’Erpeldange, au lieu-dit «in der Bourdelt » », projet consistant en une « modification de la configuration du périmètre d’agglomération et du zonage des terrains concernés », rendit son avis afférent.
Le conseil communal d’Erpeldange décida d'approuver provisoirement ledit projet de modification relatif aux lieux-dits « Im Scheimer » et « In der Bourdelt » à Burden en sa séance du 14 février 2005.
Suite à l’enquête publique organisée par l’administration communale d’Erpeldange du 28 février au 29 mars 2005 inclus, au cours de laquelle divers opposants introduisirent une réclamation écrite, le collège des bourgmestre et échevins entendit les divers opposants, les 2 et 3 mai 2005 et le conseil communal prit la décision définitive suivante en date du 24 mai 2005, en ce qui concerne le lieu-dit « In der Bourdelt » : « de reclasser définitivement divers terrains sis au lieu-dit « In der Bourdelt » à Burden dans le secteur de moyenne densité respectivement dans le secteur de faible densité (partie A du plan N° E03629-10 du 13 mai 2004 ) » et, en ce qui concerne le lieu-dit « Im Scheimer » : « de reclasser définitivement divers terrains au lieu-dit « Im Scheimer » à Burden dans le secteur de moyenne densité, respectivement dans le secteur de faible densité (partie B plan N° E03629-10 du 13 mai 2004) » et « de retirer définitivement divers terrains sis au lieu-dit « Im Scheimer » à Burden de la zone d'aménagement différé (partie C du plan N° E03629-10 du 13 mai 2004) et de les maintenir dans la zone verte ».
Le 16 janvier 2006, le ministre de l'Intérieur, après avoir recueilli l’avis afférent de la commission d’aménagement du 24 novembre 2005, approuva la prédite approbation définitive du conseil communal d’Erpeldange du 24 mai 2005 relative au lieu-dit « In der Bourdelt » uniquement en ce que celle-ci concerne « la seule partie nord de la phase A telle qu’indiquée par le liséré rouge sur le plan annexé » et en refusant son approbation quant aux « phases B et C ainsi que [à] une partie de la phase A ».
A la suite d’un recours en annulation introduit le 18 avril 2006 par la société … contre la prédite décision du ministre de l’Intérieur, le tribunal administratif, par un jugement du 22 janvier 2007 (n° 21272 du rôle), annula la décision du ministre. Aucun appel ne fut interjeté contre ce jugement.
Par deux courriers datés des 12 et 26 juin 2007, le mandataire de la société … s’adressa au ministère de l’Intérieur pour connaître les suites réservées au jugement d’annulation précité du tribunal administratif.
Par arrêté du 17 octobre 2007, le ministre de l’Environnement refusa à son tour d’approuver la délibération du conseil communal d’Erpeldange du 14 février 2005 portant adoption provisoire du projet de modification du PAG à Burden aux lieux-dits « Im Scheimer » et « In der Bourdelt », lui transmise par le ministre de l’Intérieur en date du 28 septembre 2007. Ce refus est motivé par la considération que « l’urbanisation des fonds sis au lieu-dit « Im Scheimer » qui constituent un point culminant du paysage, fortement exposé à la vue lointaine porterait un très grave préjudice à la beauté et à l’intégrité du paysage » et que le projet serait dès lors « contraire aux objectifs consacrés à l’article 1er de la prédite loi [loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles] notamment ce qui concerne la sauvegarde de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel ainsi que la protection et la restauration des paysages et des espaces naturels ».
Contre cet arrêté, la société … fit introduire le 17 janvier 2008 devant le tribunal administratif un recours contentieux inscrit sous le numéro 23955.
Par arrêté du 16 juin 2008, le ministre de l’Environnement refusa d’approuver la délibération du conseil communal d’Erpeldange du 24 mai 2005 portant adoption définitive du projet de modification du PAG aux lieux-dits « Im Scheimer » et « In der Bourdelt », pour les mêmes motifs que ceux exposés dans son arrêté du 17 octobre 2007.
Par courrier recommandé du 9 septembre 2008, le mandataire de la société … sollicita du ministre de l’Intérieur une réponse quant aux suites que ce-dernier entendait réserver au jugement d’annulation du tribunal administratif du 22 janvier 2007.
En date du 12 septembre 2008, la société … introduisit devant le tribunal administratif un recours en réformation, sinon en annulation, inscrit sous le numéro 24823 du rôle, contre l’arrêté précité du ministre de l’Environnement du 16 juin 2008.
Le 6 octobre 2008, le ministre de l’Intérieur répondit au mandataire de la société … en les termes suivants :
« Par la présente, je me permets de m'adresser à vous dans le cadre de l'annulation de ma décision du 16 janvier 2006 refusant d'approuver la délibération du conseil communal de la commune d'Erpeldange du 24 mai 2005 portant approbation définitive d'un projet de modification du plan d'aménagement général de la commune d'Erpeldange.
A l'heure actuelle je ne suis malheureusement plus en mesure d'approuver la décision du conseil communal susmentionnée.
En effet, l'article 108 (4) de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain dispose que : « Pour des projets d'aménagement général ou particulier dont la procédure d'approbation est entamée par la saisine de la commission d'aménagement d'après les dispositions de la loi du 12 juin 1937 précitée, au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, cette procédure est continuée et doit être achevée dans les deux ans qui suivent l'entrée en vigueur de la présente loi. Passé ce délai, une nouvelle procédure d'adoption doit être engagée conformément aux dispositions de la présente loi ».
Conformément à cette disposition transitoire, la procédure d'adoption d'un projet d'aménagement général ou particulier entamée sous l'empire de la loi du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes doit avoir été être (sic !) achevée pour le 8 août 2006 au plus tard, faute de quoi une nouvelle procédure d'adoption doit être engagée conformément aux dispositions de la loi de 2004 précitée.
A défaut de tout texte légal habilitant le Ministre de prendre appui sur une législation autre que celle généralement applicable au moment où il est amené à poser son acte, il est tenu de respecter la loi applicable à ce moment.
Cette interprétation est d'ailleurs confirmée tant par le Tribunal administratif (13.02.2008 n°23156 du rôle) que par la Cour administrative (10.07.08 n°24150C, 24170C et 24184C du rôle).
Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent une nouvelle procédure de modification du plan d'aménagement général devra être engagée. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 décembre 2008 et inscrite sous le numéro 25213 du rôle, la société … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre de l’Intérieur du 6 octobre 2008.
C’est à bon droit que le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, au motif qu’un tel recours ne serait pas prévu en la présente matière.
En effet, les décisions sur les projets d’aménagement général, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire.
La décision litigieuse du ministre de l’Intérieur agissant en tant qu’autorité de tutelle, par laquelle celui-ci refuse de prendre une nouvelle décision s’insère dans le cadre de la procédure d’approbation d’un projet de modification d’un plan d’aménagement général, de sorte qu’elle s’analyse comme un acte administratif à caractère réglementaire, contre lequel, aux termes de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, seul un recours en annulation est ouvert.
Il s’ensuit que le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal contre la décision déférée du ministre de l’Intérieur.
Le recours subsidiaire en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
A l’appui de son recours, la partie demanderesse soutient que la décision du ministre de l’Intérieur serait illégale au motif que les décisions des juridictions administratives citées par le ministre dans sa décision litigieuse, à savoir un jugement du tribunal administratif du 13 février 2008 (n° 23156 du rôle) et un arrêt de la Cour administrative du 10 juillet 2008 (n° 24150C, 24170C et 24184C du rôle), ne lui permettraient pas de ne pas exécuter le jugement du tribunal administratif du 22 janvier 2007 ayant annulé la décision du ministre par laquelle ce dernier a approuvé partiellement la délibération du conseil communal d’Erpeldange du 24 mai 2005. Elle estime que le ministre serait tenu d’exécuter ledit jugement en prenant une décision portant approbation de la prédite délibération du conseil communal d’Erpeldange.
Elle soutient ensuite que les faits à la base de la jurisprudence invoquée par le ministre de l’Intérieur seraient différents de ceux de l’espèce, de sorte que la solution y dégagée ne saurait être transposée telle quelle au présent litige. Elle précise qu’en l’espèce, la procédure d’adoption et d’approbation du PAG aurait été achevée à la date limite du 8 août 2006, conformément aux dispositions de l’article 108 (4) de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, dans la mesure où le PAG aurait été définitivement adopté par le conseil communal d’Erpeldange et où il aurait été approuvé partiellement par le ministre de l’Intérieur en date du 16 janvier 2006. En se référant encore à l’arrêt précité de la Cour administrative du 10 juillet 2008, la partie demanderesse soutient que dans cet arrêt, la Cour aurait précisément retenu que l’hypothèse dans laquelle la décision du ministre de l’Intérieur approuvant totalement ou partiellement la délibération du conseil communal portant adoption définitive d’un plan, prise avant la date limite du 8 août 2006, fait l’objet d’un recours contentieux - hypothèse vérifiée en l’espèce - ne donnerait pas lieu, en application de l’article 108 (4), à l’engagement d’une nouvelle procédure d’approbation conformément à la loi du 19 juillet 2004.
Le délégué du gouvernement rétorque que ce serait à bon droit que le ministre de l’Intérieur a refusé de prendre une nouvelle décision à la suite du jugement du tribunal administratif ayant annulé sa décision du 16 janvier 2006. Il se réfère encore à un arrêt de la Cour administrative du 30 octobre 2008 (n° 24124C du rôle) qui aurait précisément retenu que la procédure d’approbation d’un plan d’aménagement général comportant des modifications de la délimitation de la zone verte et entamée encore sous l’égide de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes n’est à considérer comme « achevée » au sens de l’article 108 (4) de la loi précitée du 19 juillet 2004 que si la ou les délibérations communales afférentes ont fait l’objet des approbations de la part tant du ministre de l’Intérieur que du ministre de l’Environnement dans le délai de deux ans à partir de l’entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 2004, soit au plus tard pour le 8 août 2006, étant relevé que par « achevé » il faut entendre que le plan d’aménagement général soit pleinement valable et exécutoire. Il en conclut qu’en l’absence de la décision du ministre de l’Environnement, la procédure d’approbation entamée sous l’empire de la loi du 12 juin 1937 n’était pas achevée à la date du 8 août 2006.
La partie demanderesse réplique que même à admettre la solution retenue par la Cour administrative dans son arrêt précité du 30 octobre 2008, celle-ci ne pourrait trouver application en l’espèce qu’à la condition qu’il incombait au ministre de l’Environnement de statuer par rapport aux délibérations du conseil communal d’Erpeldange. Or, en renvoyant à ses recours introduits contre les deux arrêtés précités du ministre de l’Environnement des 17 octobre 2007 et 16 juin 2008, la partie demanderesse soutient que le ministre de l’Environnement n’avait pas compétence pour statuer par rapport aux délibérations du conseil communal d’Erpeldange, dans la mesure où celles-ci ne porteraient pas sur une zone protégée au sens de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. Il s’ensuivrait que les décisions du ministre de l’Environnement refusant d’approuver les délibérations du conseil communal d’Erpeldange seraient sans aucune incidence quant à l’application de l’article 108 (4) de la loi du 19 juillet 2004 et ne sauraient partant être prises en considération pour savoir si la procédure d’approbation du PAG était achevée ou non à la date du 8 août 2006. Il s’ensuivrait encore que la procédure d’approbation aurait bien été achevée avant l’écoulement du délai légal de deux ans, de sorte que la décision litigieuse du ministre de l’Intérieur serait illégale.
La partie demanderesse critique ensuite la solution retenue par la Cour administrative dans son arrêt précité du 30 octobre 2008. Elle fait valoir que les décisions du ministre de l’Environnement auraient été prises sur le fondement de la loi précitée du 19 janvier 2004 et non pas sur le fondement de la loi précitée du 19 juillet 2004, que ces deux lois régiraient des domaines et des champs de compétence ministérielle distincts et indépendants l’un de l’autre et que l’article 108 (4) de la loi du 19 juillet 2004 ne viserait que la seule décision du ministre de l’Intérieur. Elle estime que la Cour administrative, en retenant que la décision du ministre de l’Environnement devrait également intervenir avant la date limite du 8 août 2006, telle que prévue par l’article 108 (4) de la loi du 19 juillet 2004, aurait rajouté audit texte une condition non prévue par la loi. En outre, la solution adoptée par la Cour administrative serait encore critiquable dans la mesure où elle méconnaîtrait le principe séculaire selon lequel il ne saurait y avoir de tutelle administrative sans texte, au motif que les dispositions de la loi du 19 juillet 2004 ne subordonneraient pas la validité et le caractère exécutoire d’un plan d’aménagement général à la prise d’une décision tutélaire du ministre de l’Environnement. D’autre part, la Cour méconnaîtrait également la jurisprudence constante en la matière suivant laquelle les ministres de l’Intérieur et de l’Environnement agiraient chacun dans son propre champ de compétence. Enfin, elle donne encore à considérer qu’à suivre la solution de la Cour administrative jusqu’au bout, rien n’empêcherait alors de prendre en considération dans le cadre de l’application de l’article 108 (4) également d’autres décisions, telles qu’une permission de voirie ou une autorisation de construire, qui devraient également intervenir avant la date limite du 8 août 2006.
Enfin, la partie demanderesse soutient que l’article 108 (4) de la loi précitée du 19 juillet 2004 violerait les articles 10bis (1), 11 (6), 11bis, alinéa 1er, 16 et 107 (1) de la Constitution. Elle affirme ainsi que la différence de régime légal instaurée par l’article 108 (4) entre les administrés pouvant se prévaloir d’une procédure de modification d’un plan d’aménagement général achevée à la date du 8 août 2006 et ceux ne le pouvant pas créerait une inégalité qui ne procèderait pas de disparités objectives, rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but et serait partant contraire à l’article 10bis (1) de la Constitution. De même, l’article 108 (4) de la loi du 19 juillet 2004, en imposant à un administré l’obligation d’entamer une nouvelle procédure d’approbation ou de modification au cas où le projet n’aurait pas été approuvé totalement par le ministre de l’Intérieur, voire le ministre de l’Environnement avant le 8 août 2006 violerait les articles 11 (6), 11bis, alinéa 1er, 16 et 107 (1) de la Constitution. Elle formule, en ordre subsidiaire, une question préjudicielle afférente à soumettre à la Cour constitutionnelle.
Il échet tout d’abord de relever que le recours sous analyse est dirigé contre la décision du ministre de l’Intérieur du 6 octobre 2008 par laquelle celui-ci, en se fondant sur l’article 108 (4) de la loi précitée du 19 juillet 2004, s’est refusé à prendre une nouvelle décision à la suite de l’annulation de sa décision du 16 janvier 2006 par un jugement du tribunal administratif du 22 janvier 2007, estimant qu’une nouvelle procédure de modification du PAG devrait être engagée.
L’article 108 de la loi précitée du 19 juillet 2004, tel qu’il a été modifié par la loi du 19 juillet 2005, intitulé « dispositions transitoires», dispose en son paragraphe (4) que « pour les projets d’aménagement général ou particulier dont la procédure d’approbation est entamée par la saisine de la commission d’aménagement d’après les dispositions de la loi du 12 juin 1937 précitée au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi, cette procédure est continuée et doit être achevée dans les deux ans qui suivent l’entrée en vigueur de la présente loi. Passé ce délai, une nouvelle procédure d’adoption doit être engagée conformément aux dispositions de la présente loi ».
La loi du 19 juillet 2004 étant entrée en vigueur à la date du 8 août 2004, il y a lieu de retenir que le délai légal de deux ans a commencé à courir à compter du 8 août 2004 pour expirer le 8 août 2006.
Il ressort des éléments du dossier qu’en l’espèce, la commission d’aménagement a été saisie avant l’entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 2004. La procédure d’approbation du projet de modification du PAG litigieux rentre dès lors dans les prévisions de l’article 108 (4) précité. Il s’ensuit que la procédure d’approbation du projet de modification du PAG pouvait être poursuivie par application de la loi du 12 juin 1937, mais à condition que la procédure d’approbation soit achevée au plus tard le 8 août 2006.
A défaut, une nouvelle procédure d’approbation doit être engagée sur la base des dispositions de la loi du 19 juillet 2004.
Il est constant en cause que le ministre de l’Intérieur a pris en date du 16 janvier 2006, soit avant la date limite du 8 août 2006, une décision par laquelle il a approuvé la délibération du conseil communal d’Erpeldange du 24 mai 2005 portant adoption définitive du projet de modification du PAG, mais uniquement en ce qui concerne la partie nord de la phase A des terrains concernés. Toutefois, cette décision a été annulée par un jugement du tribunal administratif du 22 janvier 2007 contre lequel aucun appel ne fut interjeté.
Or, une décision administrative annulée est réputée n’être jamais intervenue et elle disparaît rétroactivement depuis la date à laquelle elle a été prise. Il s’ensuit qu’au vu du jugement d’annulation précité du 22 janvier 2007 et au vu de ce que le ministre de l’Intérieur n’a pas pris une nouvelle décision à la suite du jugement d’annulation avant la date limite du 8 août 2006, la décision d’approbation tutélaire du ministre de l’Intérieur concernant le projet de modification du PAG, telle que prescrite par la loi du 12 juin 1937, fait défaut en l’espèce.
Au vu de l’écoulement du délai légal de deux ans pour achever la procédure d’approbation du projet de modification du PAG, c’est dès lors à bon droit que le ministre de l’Intérieur a refusé à la date du 6 octobre 2008 de prendre une nouvelle décision concernant le projet de modification du PAG et qu’il a estimé qu’une nouvelle procédure de modification du PAG devait être engagée.
Etant donné que la loi pose clairement un terme pour l’achèvement de la procédure sans faire de distinction, c’est partant le seul délai qui compte, de sorte que les raisons ayant conduit à ce qu’aucune décision valide n’ait été prise avant l’écoulement des deux ans doivent rester sans incidence sur l’applicabilité de ce même délai.
En ce qui concerne le motif de refus complémentaire avancé en cours d’instance par le délégué du gouvernement, basé sur un arrêt de la Cour administrative du 30 octobre 2008 (n° 24124C du rôle), et tenant à l’absence de décisions d’approbation tutélaire du ministre de l’Environnement relatives au même projet de modification du PAG, il n’y a pas lieu d’examiner le bien-fondé de ce motif, étant donné que le motif expressément indiqué par le ministre dans sa décision est de nature à justifier à lui seul la décision critiquée.
Il s’ensuit que les développements des parties relatifs aux arrêtés du ministre de l’Environnement pris en date des 17 octobre 2007 et 16 juin 2008 dans le cadre de la procédure d’approbation du même projet de modification du PAG, et qui font également l’objet de recours devant le tribunal administratif inscrits sous les numéros 23955 et 24823 du rôle, sont à écarter pour manquer de pertinence dans le cadre du présent litige.
Quant à la question de la constitutionnalité de l’article 108 (4) de la loi précitée du 19 juillet 2004 soulevée par la partie demanderesse, il y a lieu de souligner que cette disposition constitue une disposition transitoire qui, au vu de l’abrogation de la loi précitée du 12 juin 1937 par l’article 110 (1) de la loi du 19 juillet 2004, a pour objet de régler le passage de l’ancienne loi vers la nouvelle loi en disposant que l’ancienne loi continuera à s’appliquer aux procédures d’approbation de plans d’aménagement général ou particulier entamées avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi à condition que ladite procédure soit achevée dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 2004, à défaut de quoi une nouvelle procédure d’approbation suivant les dispositions de la nouvelle loi devra être engagée.
S’agissant en premier lieu de la question de la non-conformité de l’article 108 (4) par rapport à l’article 10bis (1) de la Constitution, la Cour Constitutionnelle a déjà retenu que l’article 10bis (1) disposant que « les Luxembourgeois sont égaux devant la loi », « ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon » (arrêt n° 2/98 du 13 novembre 1998, Mémorial A 1998, p. 2500) et que « le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents à condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but » (arrêt n° 7/99 du 26 mars 1999, Mémorial A 1999, p. 1087). Elle a pareillement considéré que « la mise en œuvre de la règle constitutionnelle d’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée » (arrêt n° 9/2000, précité). Or, force est de constater que l’article 108 (4) n’est manifestement pas contraire à l’article 10bis (1) de la Constitution, étant donné que les administrés concernés par un plan d’aménagement général dont la procédure d’approbation a été achevée avant la date limite du 8 août 2006 et ceux pour lesquels la procédure d’approbation d’un projet d’aménagement n’était pas achevée à cette date avec comme conséquence qu’une nouvelle procédure d’approbation doit être entamée suivant les dispositions de la nouvelle loi ne se trouvent pas dans une situation de fait et de droit comparable et que la différence de régime légal qu’il institue procède justement d’une disparité objective, rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but, justifiée par la succession dans le temps de la loi ancienne et de la nouvelle loi.
Quant à la question de la constitutionnalité de l’article 108 (4) de la loi du 19 juillet 2004 par rapport aux articles 11 (6), 11bis, alinéa 1er, 16 et 107 (1) de la Constitution, la partie demanderesse reste en défaut de préciser en quoi la disposition litigieuse de l’article 108 (4) soit contraire à ces dispositions constitutionnelles, de sorte que les questions de constitutionnalité afférentes sont à déclarer dénuées de tout fondement.
Il suit des développements qui précèdent que le moyen d’inconstitutionnalité de l’article 108 (4) de la loi du 19 juillet 2004 pris en toutes ses branches est à écarter comme étant dénué de tout fondement au sens de l’article 6, alinéa 2 b) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme non fondé.
Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros, formulée par la partie demanderesse sur la base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, est à rejeter comme non fondée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne la partie demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 11 janvier 2010 par le premier vice-président, en présence du greffier en chef Claude Legille.
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