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24/12/2009 | LUXEMBOURG | N°26374

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 décembre 2009, 26374


Tribunal administratif Numéro 26374 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 novembre 2009 3e chambre Audience publique extraordinaire du 24 décembre 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 23, Loi 5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26374 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2009 par MaÃ

®tre Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à...

Tribunal administratif Numéro 26374 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 novembre 2009 3e chambre Audience publique extraordinaire du 24 décembre 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 23, Loi 5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26374 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2009 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … de nationalité iranienne, né le … (Iran), demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 18 août 2009 ayant déclaré irrecevable sa demande de protection internationale et d’une décision confirmative du 28 octobre 2009 prise par le même ministre suite à l’introduction d’un recours gracieux en date du 15 septembre 2009 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2009 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2009 par Maître Ardavan Fatholahzadeh pour le compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 décembre 2009.

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En date du 13 décembre 2006, Monsieur … introduisit une première demande de protection internationale au Luxembourg au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ». Le 29 août 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit une décision par laquelle il lui refusa la protection internationale.

Le recours contentieux introduit par Monsieur … à l’encontre de cette décision ministérielle de refus fut définitivement rejeté en appel comme non fondé par un arrêt de la Cour administrative du 22 avril 2008 (n° 24067C du rôle) déclarant non fondé l’appel introduit contre le jugement du tribunal administratif du 16 janvier 2008 (n° 23468 du rôle).

Monsieur … bénéficie d’un statut de tolérance expirant le 31 décembre 2009.

Il introduisit en date du 4 juin 2009 auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une nouvelle demande de protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006.

Il fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’immigration, en date du 3 août 2009 afin de connaître les motifs se trouvant à la base de sa nouvelle demande de protection internationale.

Par décision du 18 août 2009, notifiée par lettre recommandée envoyée le 27 août 2009, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, dorénavant en charge du dossier, ci-après dénommé « le ministre », déclara cette nouvelle demande irrecevable sur la base de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006. Cette décision est libellée comme suit :

« Par la présente, j'accuse réception de votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée le 4 juin 2009.

Il ressort de votre dossier que vous avez déposé une première demande de protection internationale le 13 décembre 2006. Cette demande avait été rejetée au motif que votre récit avait été jugé peu clair et peu crédible. En effet, vous aviez d'abord invoqué que, comme vendeur de cassettes vidéo vous auriez déplu au régime iranien ce qui aurait eu comme conséquence des placements en garde à vue. De plus, vous auriez participé à une manifestation d'étudiants, quoi que sans être étudiant vous-même, et vous pensez avoir être (sic) filmé.

Il ressort de votre nouvelle demande que vous remettez maintenant des documents tendant à prouver vos activités politiques en Iran. Vous précisez que toute votre famille serait monarchiste et vous auriez été membre, sans fonction particulière, du Constitutionalist Party of Iran, le CPI. Vous précisez que votre oncle aurait travaillé dans les bureaux du Premier Ministre du Shah et que tous vos ennuis proviendraient de cela.

Je suis au regret de vous informer qu'en vertu des dispositions de l'article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre demande de protection internationale est irrecevable au motif que vous n'avez présenté aucun élément ou fait nouveau augmentant de manière significative la probabilité que vous remplissiez les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

En effet, votre récit à l'appui de votre seconde demande, est tout sauf crédible. D'abord, il est curieux que vous n'ayez pas mentionné, lors de l'audition de votre première demande, votre affiliation à un parti politique, le CPI. L'argument comme quoi vous n'en aviez pas parlé parce que vous ne pouviez présenter aucun document afférant est trop invraisemblable pour être pris en considération. Je relève que ce document est daté du 26 octobre 2007, soit il y a presque trois ans. D'ailleurs, vous reconnaissez avoir reçu ce document du CPI avant la fin de la procédure de votre première demande mais que vous ne l'avez pas versé car vous attendiez la fin de la procédure. Il en résulte que ce document-là ne saurait être considéré comme un élément nouveau au sens de l'article 23 de la loi du 5 mai 2006 précitée et ceci indépendamment de la crédibilité du document versé. En ce qui concerne plus particulièrement l'authenticité de ce document, je relève d'abord la faute dans l'intitulé du parti puisque il y est écrit Constitutionalists Party of Iran alors que la dénomination exacte est Constitutionalist Party of Iran. Le logo officiel du parti est d'ailleurs écrit en farsi et en anglais et non en anglais uniquement. Quant au Dr Khosrow AKMAL, ancien ambassadeur et chef du protocole du Shah avant la Révolution, il a été élu en 2000 comme secrétaire général du CPI et il n'est pas crédible que cette importante personnalité puisse aussi être aussi (sic) notary public, ce qui (sic) une fonction officielle aux USA et qui nécessite une licence et donc l'accord de différentes instances étatiques et une prestation de serment. De même, il est peu crédible que les instances officielles américaines assermentent comme notary public une personne aussi impliquée dans la politique d'un pays étranger, a fortiori quand les activités politiques de cette personne concernent un parti clandestin. De plus, le Dr Khosrow AKMAL n'a pas été Counselor du CPI mais secrétaire général.

Aussi peu crédible est le document - censé établi (sic) par le même notary public - mais supposé émaner du secrétariat de Reza PAHLAVI. Il a visiblement été coupé puisqu'il n'a pas un format classique, que le bord n'est pas parallèle au texte écrit, que ce document est signé d'une personne inconnue – mais différente de la signature supposée de Khosrow AKMAL - sous le vocable vague Secretariat of Reza Pahlavi et qu'il s'agit visiblement d'une copie sur laquelle est apposée une photo qui, elle, est en original. Cette photo est une sorte de photo de famille alors qu'on s'attendrait plutôt à voir des photos d'identité sur ce genre de document. De plus, le contenu de cette attestation ne mentionne ni le parti auquel vous seriez sensé appartenir ni de quand date votre affiliation ni votre éventuelle fonction dans ce parti (alors que vous seriez un political activist). Il en résulte que ce document ne peut, en aucun cas, être ténu pour authentique mais plutôt fabriqué pour les besoins de votre seconde demande. Des documents d'une authenticité aussi douteuse ne sauraient être considérés comme éléments nouveaux au sens de l'article 23 de la loi précitée.

Il résulte de tout ce qui précède que votre nouvelle demande en obtention d'une protection internationale est à déclarer irrecevable.

Je suis au regret de vous informer qu'en vertu des dispositions de l'article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre demande de protection internationale est irrecevable au motif que vous n'avez présenté aucun élément ou fait nouveau augmentant de manière significative la probabilité que vous remplissiez les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Votre nouvelle demande en obtention d'une protection internationale est dès lors déclarée irrecevable. (…) » Suite à un recours gracieux du 15 septembre 2009, le ministre prit en date du 28 octobre 2009 une décision confirmative de refus qui est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à vos recours gracieux du 15 septembre 2009 concernant les dossiers de Madame … et son enfant … ainsi que de Monsieur ….

L'agent ministériel a contacté le secrétariat de Reza PAHLAVI et le Parti des Constitutionalistes iraniens et il est ressorti de ces deux appels téléphoniques les éléments suivants :

Pour le Parti des Constitutionalistes iraniens, Madame … a reconnu avoir établi l'attestation en faveur de vos mandants sur la seule base des allégations de ceux-ci et sans procéder à des vérifications plus poussées. Il ressort aussi de la conversation avec cette dame qu'aucune vérification n'est faite concernant le parti auxquels les « activistes politiques » sont inscrits. Madame VAFAI a confirmé que le Parti des Constitutionalistes iraniens n'avait rien à voir avec le parti dirigé par le fils du Shah. De même, elle a reconnu que les attestations délivrées par le parti sont émises dans le but d'aider les Iraniens à quitter leur pays et à obtenir l'asile ailleurs.

Pour le secrétariat de Réza PAHLAVI, l'agent a contacté la personne ayant signé le document remis par vos mandants, monsieur AKMAL. Celui-ci a confirmé avoir établi les documents de vos mandants et avoir signé tant pour le parti du Shah que pour le Parti des Constitutionalistes iraniens. Il a affirmé faire partie du Comité de ces deux partis. Il a expliqué à l'agent que les documents de vos mandants avaient été émis car la situation était mauvaise en Iran et pour leur éviter de courir de graves dangers. Monsieur AKMAL a dit être informé des activités politiques des personnes pour qui ces documents étaient fournis d'après les affirmations des personnes elles-mêmes. Il a cependant ajouté que des recherches étaient faites en Iran avant d'établir ce genre de document. Finalement, il a expliqué aussi que la plupart des Iraniens devenaient membres de partis politiques dès leur sortie d'Iran seulement car être actif dans un parti serait dangereux en Iran.

Après donc avoir procédé au réexamen du dossier de vos mandants, je suis toutefois au regret de vous informer qu'à défaut d'éléments pertinents nouveaux, je ne saurais réserver une suite favorable à votre demande et je ne peux que confirmer mes décisions du 18 août 2009, dans leur intégralité. (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2009, le demandeur a introduit un recours en annulation contre les décisions ministérielles des 18 août et 28 octobre 2009.

Le recours en annulation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur insiste que les documents remis tendant à prouver ses activités politiques en Iran, lesquelles constitueraient des éléments nouveaux par rapport à sa précédente demande de protection internationale, ne seraient pas de faux documents, que ses craintes seraient fondées et que sa vie serait en danger notamment au regard de la situation politique actuelle régnant en Iran. Quant à la mesure d’instruction opérée par les services compétents du ministère, il se rapporte à prudence de justice et souligne que cette enquête aurait permis d’authentifier les documents remis et de confirmer que les allégations du ministère quant au niveau du manque de crédibilité accordée au contenu des deux documents seraient infondées.

Il estime que les décisions ministérielles devraient être annulées pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits au motif qu’il encourrait la peine de mort dans son pays d’origine pour avoir aidé à propager des idées contraires au régime iranien.

En prenant appui sur la situation générale en Iran et sur un certain nombre de documents versés émanant notamment d’organisations œuvrant dans le domaine de la protection des droits de l’homme, il conclut que l'ensemble de ces éléments nouveaux invoqués et non toisés par le tribunal rendraient sa demande recevable et seraient de nature à augmenter de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Le délégué du gouvernement répond que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que les éléments invoqués ne sauraient être considérés comme éléments nouveaux augmentant de façon significative sa crainte de persécution dans son pays d’origine.

Il souligne que les deux entretiens téléphoniques avec les responsables du « Constitutionalists Party of Iran » et du « Secretariat of Reza Pahlavi » auraient révélé que les deux partis en question auraient été contactés par le demandeur lui-même et que les certificats auraient simplement été émis sur la base des dires du demandeur. En plus, l’explication avancée par le demandeur au sujet du reproche lui fait de ne pas avoir mentionné l’affiliation à un parti politique au cours de la première audition serait peu crédible.

Le délégué du gouvernement fait encore valoir que le document du « Constitutionalists Party of Iran » datant du 26 octobre 2007 ne saurait être considéré comme élément nouveau au sens de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006.

Aux termes de l’article 23 (1) et (2) de la loi du 5 mai 2006, dans sa version telle qu’issue de la loi du 17 juillet 2007, « (1) Le Ministre considérera comme irrecevable la demande de protection internationale d’une personne à laquelle le statut de réfugié ou la protection internationale ont été définitivement refusés (…), à moins que des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse ; (2) Le demandeur concerné devra indiquer les faits et produire les éléments de preuve à la base de sa nouvelle demande de protection internationale dans un délai de 15 jours à compter du moment où il a obtenu ces informations (…)».

Le droit à l’ouverture d’une nouvelle procédure d’instruction d’une demande de protection internationale est ainsi conditionné par la soumission d’éléments ou des faits qui, d’une part, doivent être nouveaux et être invoqués dans un délai de 15 jours à compter du moment où le demandeur les a obtenus et, d’autre part, doivent augmenter de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur devant avoir été dans l’incapacité - sans faute de sa part - de se prévaloir de ces nouveaux éléments au cours de la procédure précédente, en ce compris la procédure contentieuse.

Il appartient dès lors au ministre d’analyser les éléments soumis par le demandeur de protection internationale afin de vérifier le caractère nouveau de ces éléments ou faits, ainsi que leur susceptibilité d’augmenter de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour l’obtention de la protection internationale, le caractère nouveau des éléments avancés s’analysant notamment par rapport à ceux avancés dans le cadre de la précédente procédure.

Force est de constater que le demandeur en prenant appui sur deux documents dont le premier date du 26 octobre 2007 et émane du conseiller du « Constitutionalists Party of Iran » et le deuxième date du 22 janvier 2009 et émane du « Secretariat of Reza Pahlavi », fait état de ses activités politiques en Iran et fait valoir que les craintes par lui éprouvées seraient à considérer comme des persécutions au sens de la Convention de Genève et de la loi du 31 mai 2006.

Il y a d’abord lieu de souligner que dans le cadre de la première demande de protection internationale, le demandeur n’a aucunement fait état d’une quelconque activité politique dans son propre chef. En effet, il a répondu par la négative à la question de savoir s’il a été membre d’un parti politique ou groupe social défendant les intérêts de personnes. Ainsi, il a mentionné comme éléments inhérents à sa demande de protection internationale introduite le 13 décembre 2006 les ennuis qu’il a eus avec le régime iranien en tant que propriétaire d’un magasin d’ordinateurs et de matériel informatique, le fait d’avoir été expulsé de l’université et d’avoir participé à une manifestation d’étudiants.

Au cours de l’audition du 3 août 2009 relatif à la nouvelle demande de protection internationale posée, le demandeur répond comme suit à la question de l’agent tendant à savoir pourquoi il n’a pas mentionné ses activités politiques au cours du premier entretien :

« C’est très facile à expliquer. On nous a appris à ne pas mentir. Et il faut toujours montrer un document sur ce qu’on vient de dire. A ce moment là je n’avais pas de document et j’en ai pas parlé ».

Cette réponse n’est pas convaincante tel que relevé à juste titre par le délégué du gouvernement, étant donné que le demandeur aurait très bien pu faire part de son activisme politique et des ennuis en résultant au cours de la première audition, même en l’absence de pièces documentant ses dires, d’autant plus que tous les éléments avancés dans le cadre de la première demande n’ont pas non plus été étayés par des pièces ou autres documents.

Le demandeur fait encore valoir qu’il aurait omis de déclarer le fait qu’il a été membre d’un parti politique par un sentiment de peur.

Si cette affirmation est susceptible d’expliquer le comportement du demandeur et même à admettre que les éléments présentés par le demandeur soient à considérer comme des éléments nouveaux, il y a néanmoins lieu de retenir qu’ils n’augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire.

En effet, s’il ressort certes des deux documents versés que le demandeur a eu une activité politique, ces deux documents restent en défaut de préciser en quoi ces activités politiques auraient consisté et la période pendant laquelle elles auraient été exercées. A cela s’ajoute qu’il ressort d’une note au dossier administratif du 28 septembre 2009 documentant l’entretien téléphonique entre l’agent du ministère et Madame Vafai du « Secretariat of Reza Pahlavi » que celle-ci a précisé ce qui suit « les informations viennent souvent des gens qui fuient le pays et d’autres organisations oppositionnelles avec lesquelles Pahlavi serait en contact (…) Elle confirme par la suite que ces attestations sont délivrées à la demande des gens et que même si pas tous sont des activistes, la majorité le serait en tous les cas en dehors de l’Iran (…) Aussi les informations sur lesquelles se basait le secrétariat étaient celles fournies par les exilés eux-

mêmes, car obtenir des informations de l’Iran même était très difficile mais ils y parvenaient quand-même(…) ». Il y a dès lors lieu de retenir que ledit document a été établi sur les seules déclarations du demandeur, sans aucune confirmation par une autre source, expliquant de la sorte son caractère particulièrement vague.

En ce qui concerne la pièce versée par le mandataire du demandeur datée au 9 décembre 2009 émanant également du « Constitutionalists Party of Iran », s’il en ressort certes que le demandeur, lors de son séjour en Iran, était membre dudit parti et qu’il a contribué de façon clandestine à assurer la démocratie et la mise en application des dispositions de la déclaration universelle des droits de l’homme en Iran, il n’en reste pas moins que cette pièce a également un caractère peu précis.

Il en est de même des déclarations du demandeur faites lors de son audition qui a eu lieu le 3 août 2009. En effet, le demandeur répond comme suit à la question sur le genre des activités poursuivies « on se réunissait chez nous et chez des membres et on discutait des événements qui arrivaient, des lois constitutionnelles, des nouvelles lois qui entraient en vigueur. Finalement, nous faisons la même chose que ce que les gens sont en train de faire. Nous captions les informations et les propagions, nous participons à des manifestations ». Quant à la date d’adhésion au « Constitutionalists Party of Iran », il indique que c’était il y a 9 ou 11 ans, qu’il ne paye pas de cotisations et qu’il n’avait pas de fonction particulière.

Quant aux circonstances de l’émission du document par le « Secretariat of Reza Pahlavi », le demandeur se limite à affirmer, sans indiquer une quelconque durée d’adhésion à un parti politique ou une quelconque précision sur les activités politiques poursuivies, qu’il était membre de « ce parti » même avant qu’il aille à l’université et qu’il était normal que le bureau de Reza Pahlavi lui envoie ce certificat pour présenter au Luxembourg. Il ajoute que normalement ce genre de lettre ne serait pas émise et que le fait de mettre une photo de lui-même et de sa femme, en couple, serait une preuve du « Secretariat of Reza Pahlavi » pour les aider. Ces déclarations se recoupent avec celles de Madame Vafai du « Secretariat of Reza Pahlavi » telles qu’actées dans la note au dossier administratif du 28 septembre 2009 selon lesquelles ces attestations sont aussi délivrées dans le but d’aider les Iraniens ayant quitté leur pays.

Pour le surplus, le demandeur ne donne aucune précision ou indication concrète sur les problèmes encourus, pour sa propre personne, à l’époque et actuellement en Iran à cause de son activisme politique et se borne à alléguer que « ma famille était tous comme cela c’est-à-dire monarchiste. Même maintenant à cause des problèmes de mon oncle maternel, ma famille a des problèmes » et encore « mon oncle travaillait dans le bureau du 1er ministre du Shah. Il est harcelé et n’est accepté nulle part. Sa famille et lui-même sont étroitement surveillés. Même la famille éloignée est concernée. On est bloqué dès qu’on doit se référer à une institution étatique ».

Sur question expresse de l’agent, ayant procédé à l’audition du demandeur dans le cadre de sa deuxième demande de protection internationale, de préciser les problèmes encourus par rapport à sa propre personne il explique « la racine de tout ce qui nous est arrivé est à cause de mon oncle, et le cousin de mon père qui étaient proche du Shah », sans donner par contre des précisions sur les problèmes concrètement encourus.

Le tribunal arrive ainsi à la conclusion que le demandeur reste en défaut d’apporter le moindre élément quant à d’éventuels risques de persécutions ou d’atteintes graves qu’il encourrait actuellement en Iran à cause de son activisme politique.

Au vu de l’ensemble des constatations faites ci-avant, le tribunal est amené à retenir que ni les pièces versées, ni les déclarations du demandeur constituent des faits ou éléments nouveaux qui augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplit les conditions pour bénéficier d’une protection internationale.

Il s’ensuit que le ministre pouvait valablement décider que le demandeur n’a pas apporté d’éléments nouveaux qui sont tels qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, et que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la nouvelle demande de protection internationale du demandeur comme étant irrecevable sur base de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006.

Par conséquent, le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, déclare le recours en annulation non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Catherine Thomé, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 24 décembre 2009 par le premier vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Carlo Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 26374
Date de la décision : 24/12/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-12-24;26374 ?

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