La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2009 | LUXEMBOURG | N°25905

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 décembre 2009, 25905


Tribunal administratif Numéro 25905 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juillet 2009 2e chambre Audience publique du 21 décembre 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 23, Loi 5.05.2006)

______________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25905 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 juillet 2009 par Maître Pascale Petoud

, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mo...

Tribunal administratif Numéro 25905 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juillet 2009 2e chambre Audience publique du 21 décembre 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 23, Loi 5.05.2006)

______________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25905 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 juillet 2009 par Maître Pascale Petoud, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …. (Ethiopie), de nationalité éthiopienne, demeurant actuellement à L- …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 30 juin 2009 ayant déclaré irrecevable sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 août 2009 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en sa plaidoirie à l’audience publique du 14 décembre 2009.

______________________________________________________________________________

En date du 19 janvier 2005, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au Luxembourg au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Le 18 avril 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », prit une décision de refus de lui reconnaitre ledit statut.

Le recours contentieux introduit par Monsieur … à l’encontre de cette décision ministérielle de refus fut définitivement rejeté en appel comme non fondé par un arrêt de la Cour administrative du 13 mars 2007 (n° 22372C du rôle).

En date du 3 juin 2009, Monsieur … introduisit, auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, une nouvelle demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 ».

Il fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 12 juin 2009 afin de connaître les motifs se trouvant à la base de sa nouvelle demande de protection internationale.

Par décision du 30 juin 2009, notifiée par lettre recommandée en date du 6 juillet 2009, le ministre déclara cette nouvelle demande irrecevable sur la base de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006. Cette décision est libellée comme suit :

« Par la présente, j'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 3 juin 2009.

Vous avez déposé une demande d'asile en date du 19 janvier 2005. Une décision de rejet de cette demande vous a été notifiée le 21 avril 2006. Vous avez été débouté de votre demande par un arrêt de la Cour administrative en date du 13 mars 2007. Vous aviez invoqué à la base de cette demande que vous auriez travaillé dans les télécommunications et que vous auriez reçu l'ordre d'espionner des personnes appartenant aux partis politiques opposants. Vous auriez cependant refusé cet ordre. Le 23 novembre 2004 alors que vous vous promeniez, une voiture se serait arrêtée et des civils vous auraient kidnappé. Vous auriez été amené dans un camp militaire, cependant vous auriez réussi à vous échapper cinq jours plus tard avec l'aide d'un gardien. Vous n'auriez pas connu les raisons de cet emprisonnement, vous n'auriez jamais été interrogé.

Il ressort de votre demande de protection internationale du 3 juin 2009 que vous souhaitez compléter votre demande d'asile du 19 janvier 2005. En effet, vous versez un nouveau document selon lequel vous seriez toujours recherché par les autorités depuis votre départ de l'Ethiopie en janvier 2005. Vous ajoutez que la situation là-bas n'aurait pas changé.

Force est de constater en premier lieu qu'il n'existe aucun fait nouveau depuis votre demande d'asile du 19 janvier 2005. En effet, le document que vous apportez se réfère aux problèmes déclarés auparavant et qui ont déjà été examinés et toisés dans le cadre de la prise de décision ministérielle du 18 avril 2006, respectivement par les juridictions compétentes. En effet, il a été jugé par la Cour administrative le 13 mars 2007 que « En effet, même abstraction faite de toutes considérations relatives à la véracité des déclarations de l'intéressé, force est de constater que le rejet de sa demande s'impose, (…), mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d'asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique est telle qu'elle laissait et laisse supposer un danger sérieux pour sa personne et qu'en l'espèce, l'actuel appelant reste en défaut de ce faire. » La Cour ajoute : « En ce qui concerne l'arrestation et la rétention dans un camp militaire par des personnes restées inconnues, les faits y relatifs restent également insuffisants pour justifier une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.(…). » En second lieu, il y a lieu de noter que vous n'avez eu l'idée de déposer une nouvelle demande que lors de votre rendez-vous au sein de nos services le 17 avril 2009, rendez-vous qui avait pour objet votre retour en Ethiopie. Ce comportement nous amène à penser que la présente demande a pour but de retarder ou d'empêcher l'exécution de votre éloignement.

De plus, ce n'est qu'à cette occasion que vous avez apporté un nouveau document datant, rappelons-le, de 2005, pour pouvoir déposer une demande de protection internationale. Vous dites que votre frère aurait eu beaucoup de difficultés à obtenir ce document et que vous ne l'auriez reçu que le 20 avril 2009. Il est tout de même étrange et peu convainquant que vous ayez reçu ce document juste au moment où vous avez décidé de déposer une demande de protection internationale.

Il convient en outre de marquer mon étonnement étant donné que votre frère a pu par divers procédés obtenir un document très particulier à savoir un document de la police, or à aucun moment au cours de cette procédure d'asile ni au cours de la précédente vous n'avez apporté de document prouvant votre identité. Vous aviez mentionné lors de l'entretien du 2 février 2005 à la page 13 que votre carte d'identité se trouvait chez votre frère, cependant jamais elle ne nous a été présentée, ni d'ailleurs aucun autre document afférent à votre identité.

Quoiqu'il en soit, le document apporté date de 2005 et ne permet pas de prouver qu'à l'heure actuelle vous soyez recherché par les autorités éthiopiennes. Sans oublier qu'il est permis de s'interroger quant à l'authenticité de ce document qui présente une en-tête scannée, et dont le texte a été rédigé par ordinateur alors que les dates en haut du document ont été ajoutées à la main.

A la lumière des remarques précédentes, je suis au regret de vous informer qu'en vertu des dispositions de l'article 23 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre demande de protection internationale est irrecevable au motif que vous n'avez présenté aucun élément ou fait nouveau augmentant de manière significative la probabilité que vous remplissiez les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Votre nouvelle demande en obtention d'une protection internationale est dès lors déclarée irrecevable (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 juillet 2009, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 30 juin 2009.

Le recours en annulation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur, déclarant être originaire de l’Ethiopie, fait état, à titre d’élément nouveau, d’un document qu’il aurait reçu le 20 avril 2009 en provenance de l’Ethiopie, en l’occurrence un document émanant de la Commission Fédérale de la Police éthiopienne selon lequel il serait considéré comme membre d’une organisation anti-

gouvernementale et aurait de ce fait fait l’objet d’un emprisonnement dans le camp militaire de Tatek et se serait évadé de ce camp, de sorte qu’il serait toujours recherché par les autorités afin d’être arrêté.

Le demandeur précise que sa première demande d’asile avait été basée sur les deux événements suivants :

-

un emprisonnement sans jugement en 1993 dans le collège policier de Sendafa pendant un mois suite à la répression du mouvement étudiant par le gouvernement éthiopien, -

un enlèvement ayant eu lieu le 23 novembre 2004 par des hommes en civil l’ayant conduit au camp militaire de Tatek - duquel il aurait pu s’échapper - suite à un refus de sa part d’espionner certains partis politiques dans le cadre de ses fonctions en tant qu’employé de la société Ethiopian Telecommunications, et ce à la demande du gouvernement.

Il soutient que la pièce fournie à l’appui de sa nouvelle demande de protection internationale démontrerait la réalité de son emprisonnement au camp militaire de Tatek, et établirait que l’Etat éthiopien serait à l’origine de cet emprisonnement et que dès lors les persécutions qu’il aurait subies n’auraient pas été commises par des tiers mais par les autorités de son Etat d’origine, alors que le tribunal administratif ainsi que la Cour administrative avaient, dans le cadre du recours contentieux introduit contre la décision de refus de faire droit à la première demande de statut de réfugié, retenu que l’enlèvement à destination du camp militaire de Tatek aurait été effectué par des tiers et non pas par des agents étatiques. Le demandeur soutient encore que ladite pièce démontrerait qu’il aurait été emprisonné sans jugement et qu’il aurait quitté la prison en s’évadant de sorte qu’il s’exposerait à de lourdes sanctions. Enfin, il soutient que ce document prouverait qu’il serait considéré comme un opposant au régime éthiopien dans la mesure où il serait mentionné en qualité de « membre d’une organisation antigouvernementale » dans ledit document.

Le demandeur conclut que les informations contenues dans ce document seraient de nature à augmenter de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Il conteste encore que sa nouvelle demande de protection internationale serait motivée par le fait qu’il avait été convoqué par le ministère des Affaires étrangères le 17 avril 2009 pour organiser son rapatriement.

En ce qui concerne la remarque du ministre par rapport à la possibilité de se faire envoyer sa carte d’identité par son frère, le demandeur donne à considérer que si dans une première phase il avait déclaré que cette carte d’identité se trouvait chez son frère, il aurait précisé lors de sa deuxième audition qu’il avait demandé cette carte à son frère et que ce dernier ne l’aurait pas retrouvée.

Le demandeur souligne encore que les doutes du ministre quant à l’authenticité du document produit par lui à titre d’élément nouveau ne reposeraient sur aucune donnée scientifique ou sérieuse.

Le délégué du gouvernement rétorque que le document invoqué par le demandeur à titre d’élément nouveau aurait trait aux faits invoqués dans le cadre de la première demande d’asile, qui auraient déjà été toisés par les juridictions administratives, de sorte qu’en vertu de l’autorité de la chose jugée ceux-ci ne seraient plus à prendre en considération. D’autre part, le délégué du gouvernement soutient que la nouvelle demande de protection internationale serait motivée par le fait que le demandeur ait été convoqué le 17 avril 2009 au ministère en vue de son retour en Ethiopie, pour conclure que cette nouvelle demande de protection internationale n’aurait pour but que de retarder l’éloignement du demandeur.

Le représentant étatique donne encore à considérer que le frère du demandeur aurait mis 4 ans pour obtenir le document litigieux. Il souligne que le frère n’aurait pas été inquiété par les autorités éthiopiennes pour en conclure qu’une recherche active du demandeur par ces autorités ne se trouverait pas avérée. Il soulève en outre la question de savoir dans quelle mesure le demandeur ait pu se faire envoyer le document litigieux qui serait, d’après ses propres déclarations, très difficile à obtenir, tandis qu’en même temps, il n’était jusqu’à présent pas à même de fournir un document d’identité.

Le délégué du gouvernement conclut dès lors que ce serait à juste titre que le ministre a déclaré irrecevable la nouvelle demande de protection internationale introduite par le demandeur.

Il conclut que le document apporté ne constituerait ni un élément nouveau ni n’augmenterait-il de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Aux termes de l’article 23 (1) et (2) de la loi du 5 mai 2006, dans sa version telle qu’issue de la loi du 17 juillet 2007, « (1) Le Ministre considérera comme irrecevable la demande de protection internationale d’une personne à laquelle le statut de réfugié ou la protection internationale ont été définitivement refusés (…), à moins que des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse ; (2) Le demandeur concerné devra indiquer les faits et produire les éléments de preuve à la base de sa nouvelle demande de protection internationale dans un délai de 15 jours à compter du moment où il a obtenu ces informations (…)».

Le droit à l’ouverture d’une nouvelle procédure d’instruction d’une demande de protection internationale est ainsi conditionné par la soumission d’éléments ou des faits qui, d’une part, doivent être nouveaux et être invoqués dans un délai de 15 jours à compter du moment où le demandeur les a obtenus et, d’autre part, doivent augmenter de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur devant avoir été dans l’incapacité - sans faute de sa part - de se prévaloir de ces nouveaux éléments au cours de la procédure précédente, en ce compris la procédure contentieuse.

Il appartient dès lors au ministre d’analyser les éléments soumis par le demandeur de protection internationale afin de vérifier le caractère nouveau de ces éléments ou faits, ainsi que leur susceptibilité d’augmenter de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour l’obtention de la protection internationale, le caractère nouveau des éléments avancés s’analysant notamment par rapport à ceux avancés dans le cadre de la précédente procédure.

Il y a de prime abord lieu de noter que si le demandeur a fait état de deux événements lors de sa première demande en obtention du statut de réfugié, à savoir un emprisonnement en 1993, et un emprisonnement dans le camp militaire de Tatek en novembre 2004, la pièce produite par lui à l’appui de sa deuxième demande de protection internationale n’a trait qu’au deuxième événement, à savoir l’emprisonnement dans le camp militaire de Tatek. Dès lors, la présente analyse sera limitée à l’examen de la question de savoir si la nouvelle pièce est de nature à augmenter de façon significative la probabilité d’obtenir une protection internationale par rapport à l’emprisonnement au camp militaire de Tatek. Pour le surplus, il convient de relever que l’emprisonnement de 1993 a été jugé par les juridictions administratives comme étant trop éloigné dans le temps pour valoir comme fondement d’une crainte actuelle de persécutions, de sorte que l’autorité de chose jugée s’oppose à ce que cet événement puisse être pris en compte dans le cadre de la nouvelle demande de protection internationale.

Quant à l’arrestation et à l’emprisonnement de novembre 2004, le tribunal est amené à retenir que la seule circonstance que le récit dans le cadre d’une deuxième demande de protection internationale est le même que celui présenté dans le cadre d’une première demande ne constitue pas forcément un obstacle à la recevabilité d’une nouvelle demande, si les éléments nouveaux fournis sont de nature à augmenter de façon significative la probabilité de prétendre au statut conféré par la protection internationale, à condition évidemment que par ailleurs les autres conditions de l’article 23 soient remplies. Une nouvelle pièce invoquée au sujet d’anciens faits déjà présentés dans une première demande de protection internationale n’est certes pas pertinente s’il s’agit uniquement d’un élément de preuve supplémentaire par rapport à des faits, dont la réalité a été retenue pour acquise, mais qui ont d’ores et déjà été jugés comme insuffisants quant au fond pour prétendre au statut de réfugié. Néanmoins, un tel élément de preuve nouveau peut être pertinent s’il est de nature à établir la véracité d’un récit qui a antérieurement été mis en doute ou encore s’il est de nature à nuancer le récit du demandeur et de modifier les prémisses sur base desquelles le ministre, respectivement les juridictions administratives, ont considéré comme non fondée une première demande de protection internationale.

Le demandeur soutient que l’élément nouveau résiderait dans le fait que, contrairement à la prémisse sur laquelle les juridictions administratives se sont basées pour conclure au rejet du recours contre la première décision de refus du ministre, et suivant laquelle les persécutions émaneraient d’agents non étatiques, il aurait dorénavant rapporté la preuve que l’Etat éthiopien et non pas des agents non étatiques serait à l’origine de son emprisonnement dans le camp militaire de Tatek.

Il convient de prime abord de relever que ni le tribunal administratif, ni la Cour administrative n’ont retenu le récit du demandeur comme étant crédible, de sorte qu’à l’heure actuelle, il y a toujours le doute quant à la crédibilité du récit, tel qu’invoqué par le ministre dans sa première décision de refus, qui plane sur le récit du demandeur. Plus particulièrement, le ministre avait mis en doute les circonstances de la fuite du demandeur du camp militaire de Tatek, en mettant notamment en évidence qu’il serait peu probable qu’un gardien ait pris le risque d’aider le demandeur à fuir seulement par pitié et que le demandeur ait disposé durant son emprisonnement d’argent pour pouvoir payer un hôtel après sa fuite. Or, force est de constater que la nouvelle pièce produite par le demandeur, à admettre son authenticité, ne permet pas de lever ce doute.

Au-delà de la question de la crédibilité du récit du demandeur, il convient encore de relever que le recours contre la première décision de refus du statut de réfugié avait été rejeté sur base de la considération qu’il n’était pas établi que le demandeur ne puisse pas obtenir une protection suffisante des autorités de son pays d’origine, étant entendu que les juridictions administratives avaient considéré que les persécutions dont a fait état le demandeur émaneraient d’agents non étatiques, tandis que le demandeur verse une pièce suivant laquelle les persécutions dont il a fait état émaneraient de l’Etat éthiopien, pièce dont le ministre met en doute l’authenticité.

Quant à la question de l’authenticité de cette pièce, le tribunal est amené à rejoindre le ministre ainsi que le délégué du gouvernement dans le constat que le rapprochement dans le temps entre la production de la pièce litigieuse et l’organisation du retour du demandeur vers son pays d’origine laisse planer un doute sur la réelle motivation à la base de la fourniture de ladite pièce. Le tribunal est encore amené à relever, à l’instar du délégué du gouvernement, qu’il est pour le moins surprenant que le demandeur puisse se faire envoyer par son frère un document interne aux autorités administratives et politiques de son pays d’origine, mais que durant 5 ans depuis qu’il a quitté son pays d’origine, il n’était pas à même de se faire envoyer une pièce d’identité qu’il prétendait avoir laissé dans son pays d’origine. Ces considérations laissent pour le moins planer un doute sur l’authenticité du document produit.

Même si un quelconque crédit peut être attaché à ladite pièce et à admettre pour acquis que l’emprisonnement a été fait par des autorités étatiques, force est de constater que le tribunal ne se trouve pas saisi d’éléments suffisants permettant de conclure qu’à l’heure actuelle le demandeur soit toujours recherché par les autorités de son pays d’origine. En effet, il y a lieu de relever que l’emprisonnement allégué par le demandeur a eu lieu en novembre 2004. Si le document litigieux, datant de 2004, contient certes une instruction de rechercher et d’arrêter le demandeur, il se dégage cependant des déclarations du demandeur lors de son audition du 12 juin 2009 que son frère n’a jamais été inquiété depuis qu’il a quitté son pays d’origine en 2005. Or, si l’Etat éthiopien était toujours à la recherche du demandeur, les autorités éthiopiennes auraient également opéré ces recherches auprès de membres de la famille du demandeur et notamment auprès de son frère. Compte tenu de l’absence de telles recherches et compte tenu de l’écoulement du temps depuis l’arrestation de 2004, il y a lieu de conclure que le demandeur n’a pas fourni des éléments de preuve suffisants afin d’étayer qu’il est toujours recherché à l’heure actuelle dans son pays d’origine et qu’il y court un risque réel et actuel de subir des persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006.

Ces dernières considérations, combinées au doute persistant sur la crédibilité du récit du demandeur et au doute quant à l’authenticité du document produit amènent le tribunal à retenir que la pièce produite à elle seule n’est pas de nature à augmenter de manière significative la probabilité que le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre à la protection internationale.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a déclaré irrecevable la nouvelle demande de protection internationale présentée par le demandeur.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

donne acte au demandeur qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 21 décembre 2009, par le premier vice-président, en présence du greffier Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Carlo Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 25905
Date de la décision : 21/12/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-12-21;25905 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award