Numéro 25322 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2009 2e ch ambre Audience publique du 17 décembre 2009 Recours formé par Monsieur …, contre un bulletin de l’impôt sur le revenu et contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25322 du rôle et déposée le 26 janvier 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Gérard A. Turpel, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2003 émis le 15 mai 2008, ainsi que d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 23 octobre 2008 ayant rejeté comme non fondée sa réclamation dirigée contre ledit bulletin ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2009 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 mai 2009 par Maître Gérard A. Turpel pour compte du demandeur ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Radu Duta, en remplacement de Maître Gérard A. Turpel, et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 12 octobre 2009 ;
Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 octobre 2009 par Maître Gérard A. Turpel pour compte du demandeur ;
Vu le mémoire complémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 novembre 2009 ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Radu Duta, en remplacement de Maître Gérard A. Turpel, et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 23 novembre 2009.
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En date du 15 mai 2008, le bureau d’imposition Luxembourg 3 de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, ci-
après dénommé « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur … un bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques pour l’année 2003, ci-après désigné par « le bulletin », avec, sous la rubrique « détail concernant l’imposition », entre autre la mention « d’après nos données disponibles, aucun impôt sur votre salaire n’a été retenu ».
Monsieur … introduisit par courriers datés du 7 et 14 août 2008 une réclamation à l’encontre de ce bulletin, en reprochant au bureau d’imposition de ne pas avoir tenu compte de la retenue d’impôt qui aurait été opérée sur son salaire pour l’année 2003.
Par décision datée du 23 octobre 2008, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le directeur », rejeta ladite réclamation comme non fondée. Le corps de ladite décision est libellé comme suit :
« Vu la requête introduite le 14 août 2008 par le sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2003, émis le 15 mai 2008;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 228, 235 et 301 de la loi générale des impôts (AO);
Considérant que le réclamant ne conteste pas la cote d'impôt, mais l'omission, par le bureau d'imposition, de tenir compte de la retenue d'impôt, qui aurait été opérée sur son revenu provenant d'une occupation salariée;
Considérant que si la décision du bureau d'imposition sur imputation d'une retenue à la source est réunie dans un même écrit avec le bulletin d'impôt au sens strict fixant une cote d'impôt, il n'en reste pas moins qu'elle constitue une décision à part, attaquable séparément par la voie de la réclamation au sens du 228 AO;
Considérant que le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-
fondé (décision C 7444 du 21.5.1993); qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique;
Considérant que l'instruction du dossier a révélé que le réclamant occupe la fonction d'associé gérant technique dans une société à responsabilité limitée et qu'il a déclaré avoir touché de ce chef un revenu provenant d'une occupation salariée;
Considérant qu'il a annexé à sa déclaration pour l'impôt sur le revenu un certificat de rémunération et de retenue d'impôt concernant la rémunération touchée du chef de cette fonction;
Que ce certificat, daté le 14 janvier 2005, n'indique pas le nom d'une fiduciaire chargée de la comptabilité des salaires ni ne comporte la signature de la personne ayant établi le certificat au nom de la société; qu'il y a lieu d'en conclure qu'il a été établi par un des gérants;
Considérant que si ledit certificat renseigne une retenue d'impôt qui aurait été opérée, le bureau d'imposition a cependant dû constater qu'au jour de l'imposition du réclamant en date du 15 mai 2008, le responsable de la société en question n'avait toujours pas versé l'impôt sur les salaires pour l'année 2003, ni même une fraction du montant dû;
Considérant que le réclamant avait été nommé gérant technique de la société, lors de la constitution de celle-ci, en date du 24 septembre 1996; qu'aux termes de l'article 6 des statuts la société est gérée par un ou plusieurs gérants, associés ou non, salariés ou gratuits, sans limitation de durée, tandis que l'article 10 de ces statuts précise que la société est valablement engagée par la signature conjointe des deux gérants;
Considérant qu'aux termes de l'article 136, alinéa 2 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) la retenue est à opérer par l'employeur pour compte et à décharge du salarié, lors de chaque attribution de rémunérations (article 136, alinéa 3 L.I.R.);
Considérant d'abord qu'aux termes de l'article 191bis de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales les restrictions apportées aux pouvoirs des gérants (de sociétés à responsabilité limitée) par les statuts ne sont pas opposables aux tiers, même si elles sont publiées, de sorte que le réclamant ne peut se prévaloir d'une responsabilité amoindrie du fait de sa fonction de gérant technique;
Considérant ensuite que loin de limiter la responsabilité du gérant technique aux questions techniques, les statuts de la société mettent rigoureusement sur un pied d'égalité, en ce qui concerne les responsabilités et pouvoirs, le gérant technique et le gérant administratif, de sorte qu'une éventuelle répartition des compétences internes, opérée pour des raisons pratiques, mais non arrêtées par les statuts de la société, ne saurait être opposée par le réclamant pour se décharger de la responsabilité encourue en tant que gérant de la société, concernant le respect de ses obligations légales (cf. tribunal administratif du 17 janvier 2005, n° 18506 du rôle) et notamment, en l'espèce, du paiement régulier des retenues à opérer sur les salaires;
Considérant qu'il s'ensuit que les associés-gérants de sociétés sont eux-mêmes responsables de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires que la société, dans laquelle ils ont la fonction de gérant, leur verse;
Considérant que dès lors, si au mépris de cette obligation, un gérant n'opère aucune retenue d'impôt sur son propre salaire, le certificat de salaire y relatif, attestant que cette retenue aurait quand-même été opérée, est inexact et ne saurait être à la base d'une imputation de retenue dans le chef du gérant; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2009, Monsieur … a introduit un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin ainsi que de la décision directoriale du 23 octobre 2008.
Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé directement contre le bulletin.
En vertu des dispositions de l’article 8 (3) 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, un bulletin de l’impôt sur le revenu peut uniquement être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung », ci-après appelée « AO » ou une demande en application du paragraphe 131 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande. En l’espèce, le directeur a statué sur la réclamation par décision du 23 octobre 2008, de sorte que le recours est irrecevable pour autant qu’introduit directement contre le bulletin.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi du 7 novembre 1996, précitée, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation dirigée contre un bulletin de l’impôt sur le revenu.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision directoriale du 23 octobre 2008.
C’est dès lors à bon droit que le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation.
Le délégué du gouvernement a encore soulevé l’irrecevabilité du recours pour violation de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, au motif que les faits et moyens ne seraient pas clairement exposés.
Aux termes de l’article 1er, alinéa 2 de la loi du 21 juin 1999, précitée, la requête introductive doit contenir notamment l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués, ainsi que l’objet de la demande, tandis qu’aux termes de l’article 29 de la même loi, l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que pour autant que cette inobservation porte atteinte aux droits de la défense.
Il appartient au tribunal saisi d’apprécier in concreto si l’exposé sommaire des faits et des moyens, ensemble les conclusions s’en dégageant, est suffisamment explicite ou non.
L’exceptio obscuri libelli, qui est d’application en matière de contentieux administratif, sanctionne d’une nullité l’acte y contrevenant, étant entendu que son but est de permettre au défendeur de savoir quelle est la décision critiquée et quels sont les moyens à la base de la demande, afin de lui permettre d’organiser utilement sa défense (cf. trib. adm. 4 avril 2000, n° 11554 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Procédure contentieuse, n° 336).
Le tribunal est amené à retenir que le demandeur a, à suffisance, donné un exposé des faits, en ce qu’il a fait état d’un défaut de prise en compte, dans le cadre de son imposition pour l’année 2003, des retenues sur salaire qui auraient été opérées. S’il est certes vrai que le demandeur a fait état dans sa requête introductive d’une méconnaissance par le directeur du « texte de loi précité », sans cependant indiquer dans la requête quel texte aurait ainsi été méconnu, il n’en reste pas moins que l’indication du texte formel de loi sur lequel le moyen est basé n’est pas requis, à condition que le moyen soit formulé de manière intelligible. Le demandeur a fait état d’une erreur manifeste d’appréciation, d’un excès de pouvoir, en épinglant plus particulièrement un risque de double imposition dans son chef en cas de non prise en compte des retenues sur salaire qui auraient été opérées. L’exposé des moyens à l’appui du recours, dont l’indication ne doit être que sommaire, doit ainsi être considéré comme suffisamment précis au regard des exigences de l’article 1er précité. Au demeurant, force est de constater que le représentant étatique a valablement pu prendre position quant au fond dans son mémoire en réponse, de sorte qu’une violation des droits de la défense ne se trouve pas vérifiée.
Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité pour prétendu libellé obscur doit être rejeté.
Le recours en réformation, par ailleurs introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.
Quant au fond, le demandeur conteste la non prise en compte, dans le cadre de l’imposition de ses revenus pour l’année 2003, d’une retenue d’impôt de l’ordre de … € qui aurait été opérée sur son salaire de l’année 2003, et conclut ainsi à la commission d’une erreur manifeste d’appréciation dans le chef de l’administration fiscale. Il reproche au directeur d’avoir commis un excès de pouvoir, en ce qu’il aurait été doublement imposé.
Le délégué du gouvernement reproche au demandeur de faire l’amalgame entre lui-
même et son employeur, la société … Sàrl. Il soutient que pour l’année 2003, cette dernière n’aurait ni procédé à la déclaration, ni au versement de la retenue d’impôt sur le salaire du demandeur, ceci en violation de l’article 136 de la loi modifiée du 4 novembre 1967 sur l’impôt sur le revenu (LIR) et des articles 14 et 15 du règlement grand-ducal du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d’impôt sur les salaires et les pensions, mais elle aurait pourtant émis un certificat de rémunération et de retenue d’impôt pour l’année 2003 faisant état d’une retenue qui serait pourtant inexistante. Il souligne que ce certificat du 14 janvier 2005 n’indiquerait pas le nom d’une fiduciaire chargée de la comptabilité des salaires, ni ne comporterait-il la signature de la personne l’ayant établi, pour en conclure qu’il serait établi par un des gérants de la société … pour les besoins de la cause afin de cacher les irrégularités de l’employeur.
Le représentant étatique fait ensuite état du principe de l’annualité de l’impôt, pour en conclure qu’une retenue d’impôt qui n’aurait pas été opérée par l’employeur en 2003 sur le revenu provenant de l’occupation salariée du demandeur ne pourrait donner lieu à une imputation dans le chef de ce dernier pour cette même année. Il précise qu’à cet égard le fait que la retenue d’impôt aurait finalement été réglée par l’employeur en 2008 ne changerait rien à cette conclusion. Il précise encore que face aux omissions de la société … Sàrl, le bureau d’imposition RTS aurait dû procéder à la taxation de l’impôt en souffrance, en vertu de l’article 21 du règlement grand-ducal du 27 décembre 1974, précité, et que la société … Sàrl n’aurait pas introduit une réclamation contre ce bulletin, de sorte que ce bulletin serait coulé en force de chose décidée.
Le délégué du gouvernement soutient en outre que le livre des salaires de la société …, auquel le demandeur se réfère, serait incomplet dans la mesure où il ne ferait état que des données concernant un dénommé ….
Le représentant étatique souligne enfin que le demandeur ne saurait se prévaloir du paiement effectué le 6 août 2008 par la société … Sàrl à titre de retenue d’impôt sur salaire, puisqu’il s’agirait de deux dossiers fiscaux et de deux contribuables indépendants l’un de l’autre. Il argumente encore que les irrégularités soulevées par le demandeur résulteraient des agissements négligeants voire fautifs de son employeur, et qu’afin d’obtenir réparation du préjudice qu’il aurait subi, celui-ci devrait se retourner contre son employeur. Dans ce contexte, le représentant étatique fait état de la qualité d’associé-gérant du demandeur dans la société … Sàrl et souligne que ce serait à juste titre que le directeur aurait fait état de la responsabilité des associés-gérants de sociétés d’opérer la retenue d’impôt sur les traitements et salaires que la société dans laquelle ils ont la fonction de gérant leur verse et que si, au mépris de cette obligation, aucune retenue d’impôt n’aurait été opérée par un gérant sur son propre salaire, le certificat de salaire y relatif, attestant la réalité de cette retenue, serait inexact et ne saurait être à la base d’une imputation de retenue dans le chef du gérant.
Le demandeur, de son côté, soutient dans son mémoire en réplique que les retenues opérées à la source par la société … Sàrl sur son salaire auraient été reconnues par l’administration des Contributions dans un décompte du 24 décembre 2008 pour un montant total de … € et que ce décompte déterminerait le montant dû par l’employeur au titre des retenues à la source sur le salaire perçu par lui pour l’année 2003. Il donne à considérer que ce décompte serait conforme au livre des salaires de la société … en ce qui concerne le salaire versé à son profit. Il insiste encore sur le paiement du montant repris dans le prédit décompte du 24 décembre 2008.
En vertu de l’article 136 (2) LIR l’employeur est tenu à opérer pour compte et à décharge du salarié les retenues à la source au titre de l’impôt sur le revenu sur les rémunérations d’une occupation salariée, et en vertu de l’article 136 (3) LIR la retenue est à opérer lors de chaque attribution de rémunération. En vertu de l’article 136 (6) LIR l’impôt retenu est à déclarer et à verser par l’employeur à l’administration des Contributions endéans certains délais définis dans le règlement grand-ducal précité du 27 décembre 1974. Aux termes de l’article 136 (4) LIR l’employeur est personnellement responsable de l’impôt retenu et le Trésor dispose à son égard des mêmes droits d’exécution que ceux existant pour l’impôt sur le revenu dû par l’employeur à titre personnel. Si le salarié est débiteur de l’impôt, il ne peut, conformément à l’article 136 (5) LIR, être contraint au paiement que dans l’hypothèse où il est complice du non paiement de la retenue par l’employeur ou si la retenu n’a pas du tout été opérée.
Il se dégage des pièces produites en cause par le demandeur et plus particulièrement d’un extrait de compte bancaire du 6 août 2008 et d’un décompte de l’administration des Contributions directes du 24 décembre 2008 concernant les impôts sur salaire, qu’en date du 6 août 2008 la société … Sàrl a procédé au paiement d’un montant de … € en faveur de l’administration des Contributions directes avec la communication « impôts retenus sur salaire pour 2003 … ». Il ressort de la lecture combinée des deux pièces précitées qu’avant le paiement du 6 août 2008 aucun payement n’a été effectué par la société … Sàrl à titre d’impôt sur salaires, de sorte qu’il y a lieu de conclure que cette société n’a pas procédé au règlement des retenues sur salaire endéans les délais prévus par les dispositions de l’article 136 LIR précitées et de l’article 15 du règlement grand-ducal du 27 décembre 1974 précité, tel que cela a été relevé par le directeur et par le délégué du gouvernement.
Le demandeur reproche au bureau d’imposition de ne pas avoir tenu compte d’une retenue sur son salaire qui aurait été opérée, et qui aurait été payée à l’administration, certes avec retard, pour en conclure que la non prise en compte de cette retenue reviendrait à une double imposition.
Si, aux termes de l’article 136 (5) LIR, le salarié ne peut être contraint au paiement de l’impôt à retenir que dans l’hypothèse notamment où aucune retenue n’a été opérée, il convient d’en déduire que si une retenue a été opérée, le salarié ne saurait être contraint, ne fût-ce que de manière indirecte dans le cadre de l’imposition de ses revenus pour une année déterminée, au paiement par le biais d’un refus de prise en compte d’une retenue ayant été opérée et ayant été payée à l’administration au seul motif que l’employeur a déclaré tardivement les retenues effectuées et ne les a continuées à l’administration que tardivement.
Un tel procédé non seulement serait contraire aux termes de l’article 136 LIR précité, mais encore conduirait, tel que le demandeur l’a relevé à juste titre, à un double paiement à titre d’impôt sur le revenu.
Il convient encore de rajouter que le salarié ne saurait en principe pas être rendu responsable des violations des obligations à la charge de son employeur en vertu de l’article 136 LIR et de l’article 14 (visant les conditions dans lesquelles l’impôt sur salaire doit être déclaré), respectivement de l’article 15 (visant les délais endéans lesquels les sommes retenues doivent être payées) du règlement grand-ducal du 27 décembre 1974, précité, en ce sens que le salarié ne saurait se voir refuser de faire état de retenues sur salaire qui ont été opérées pour une année en question au seul motif que ces retenues n’ont pas été déclarées par l’employeur, ou versées tardivement par ce dernier à l’administration. S’il est vrai que l’article 136 (5) LIR dispose que le salarié peut être contraint au paiement de l’impôt notamment en cas de complicité de sa part au non paiement de la retenue, cette disposition n’exclut pas la prise en compte d’une retenue effectivement opérée durant l’année en question et payée à l’administration, même si ce paiement est intervenu tardivement. Si la responsabilité d’un gérant-salarié d’une société en présence d’un défaut de déclaration des retenues sur salaire, respectivement d’un versement tardif de ces retenues à l’administration peut jouer à d’autres niveaux, elle n’implique pas que le gérant-salarié ne puisse pas, de ce seul fait, faire état de retenues opérées sur son salaire, à condition toutefois que ces retenues aient été réellement opérées. Il en serait différemment dans l’hypothèse où les retenues opérées sur son salaire n’auraient pas du tout été payées à l’administration, hypothèse dans laquelle le Trésor aurait en vertu de l’article 136 (5) LIR un droit de recouvrement à l’égard du salarié qui est complice du non paiement de la retenue. Même s’il est vrai que le prédit article a trait au recouvrement de l’impôt et non à la phase de la fixation de la cote d’impôt, cette disposition doit être entendue comme impliquant l’impossibilité pour un tel salarié de faire état dans sa déclaration de l’impôt retenu mais non payé avec sa complicité et d’échapper ainsi de manière indirecte au paiement d’un impôt que l’administration serait par ailleurs en droit de recouvrer contre lui.
Ce dernier cas ne se trouve cependant pas vérifié en l’espèce étant donné que, indépendamment de la question de savoir si une complicité du demandeur dans le paiement tardif des retenues peut être retenu en l’espèce, la société … Sàrl a payé un montant de … € à l’administration, qui couvre celui revendiqué par le demandeur dans sa déclaration de l’impôt.
Il convient encore de préciser que le principe d’annualité de l’impôt, qui impose la fixation de l’impôt en fonction des bases d’imposition propres à l’année concernée, n’exclut pas, dans l’hypothèse de l’espèce, la prise en compte de retenues d’impôt, si elles ont été opérées, au seul motif que l’employeur a payé tardivement l’impôt retenu. La retenue d’impôt devant être considérée comme une modalité de recouvrement de l’impôt et l’impôt ainsi retenu comme une avance d’impôt payée en attendant la fixation de la cote d’impôt dans le cadre de l’imposition par voie d’assiette, le principe de l’annualité de l’impôt ne permet pas de faire abstraction d’avances payées à titre d’impôt sur le revenu au seul motif que ces paiements aient été reçus par l’administration au-delà de l’année d’imposition litigieuse.
Il convient dès lors de vérifier en l’espèce si une retenue a été opérée sur le salaire du demandeur perçu au cours de l’année 2003.
Notons de prime abord que le montant de … € dont fait état le demandeur dans le cadre du présent recours ne se trouve pas vérifié, au regard des pièces soumises au tribunal, comme correspondant à des retenues opérées sur son salaire. S’il est exact que la société … Sàrl a procédé au paiement de ce montant en 2008 à titre d’impôt sur le salaire, il ne se dégage pas des éléments du dossier que ce montant correspond à une retenue effectivement opérée sur le salaire du demandeur en 2003, étant précisé d’ailleurs que ce montant diffère de celui déclaré par le demandeur dans sa déclaration d’impôt à titre de retenue sur son salaire (… €) et que la seule mention faite sur l’extrait de compte qu’il s’agirait de retenues sur le salaire de Monsieur … est insuffisante pour établir la réalité d’une telle retenue, à défaut d’autres pièces en établissant la réalité à l’exclusion de tout doute. Il est certes vrai que le prédit montant de … € est repris dans l’extrait du livre des salaires versé par le demandeur sous la rubrique « impôts ». Néanmoins cet extrait, d’ailleurs non signé, n’est pas de nature à établir la réalité de la retenue pour ce montant, eu égard au fait qu’un montant différent a été mentionné sur le certificat de rémunération émanant de la société … au même titre que l’extrait du livre des salaires. Dans ce contexte, il convient de relever que c’est à tort que le demandeur soutient que ce montant ait été validé par l’administration dans son décompte du 24 décembre 2008, dans la mesure où ce décompte ne fait que reprendre le paiement dudit montant sans faire un lien de ce montant avec le salaire du demandeur.
Le directeur a contesté la réalité de la retenue d’impôt renseignée sur le certificat de rémunération dont fait état le demandeur, en faisant état plus particulièrement du fait que ce certificat de rémunération ne porte aucune signature, de sorte qu’il serait probable que celui-ci ait été établi par le gérant de la société … Sàrl pour les besoins de la cause.
Le tribunal est cependant amené à relever qu’en l’espèce, indépendamment de la question de la force probante dudit certificat de rémunération, la réalité d’une retenue sur salaire ne peut être exclue dans la mesure où il se dégage des extraits de compte versés par le demandeur que celui-ci a perçu de janvier 2003 à décembre 2003 douze paiements de l’ordre de … €, soit un montant total annuel de … €, qui est inférieur au montant du salaire brut de … € tel qu’il se dégage de sa déclaration d’impôt et du certificat de rémunération produit par le demandeur, et qui n’a été remis en cause ni par le délégué du gouvernement ni par le directeur, étant précisé que cette différence ne saurait être expliquée par les seules retenues à titre de cotisations sociales, le total des prélèvements et cotisations en raison de l’affiliation obligatoire des salariés et des non salariés à un établissement de sécurité sociale s’élevant, d’après le bulletin du 15 mai 2008, au montant de … €, y non compris les prélèvements à titre de l’assurance dépendance.
Néanmoins, compte tenu des différences au niveau des montants du salaire brut, du salaire net et des retenues effectuées se dégageant du certificat de rémunération produit par le demandeur et de sa déclaration d’impôts, d’un côté, et de l’extrait du livre des salaires, de l’autre côté, et à défaut d’autres pièces pertinentes permettant de dégager exactement le montant de la retenue opérée, le tribunal est amené à retenir qu’à ce stade il ne peut pas épuiser le recours en réformation dont il est saisi. Eu égard à la conclusion ci-avant retenue que le fait que l’employeur du demandeur n’a pas procédé en temps utile à la déclaration et au paiement des retenues sur salaire n’est pas suffisant à lui seul pour exclure la prise en compte de retenues réellement opérées pour l’année 2003, malgré le fait que le demandeur est salarié-
gérant de la société … Sàrl, et qu’au regard des pièces produites une retenue a été opérée, le tribunal est amené à réformer la décision directoriale entreprise, et de renvoyer le dossier au directeur pour transmission au bureau d’imposition afin de vérifier quel est le montant exact des retenues opérées et afin de tenir compte du montant ainsi dégagé des retenues sur salaire opérées sur le salaire du demandeur perçu durant l’année 2003 dans le cadre de son imposition pour l’année 2003.
Quant à l’indemnité de procédure de 1.500 € réclamée par le demandeur, celle-ci est à rejeter dans la mesure où il n’est pas établi que les conditions d’octroi d’une indemnité de procédure sont remplies en l’espèce.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
déclare le recours irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2003 ;
reçoit le recours en réformation en la forme en ce qu’il est dirigé contre la décision du directeur du 23 octobre 2008 ;
au fond, le déclare justifié ;
partant réforme la décision du directeur du 23 octobre 2008 (n° …) et renvoie le dossier au directeur pour transmission au bureau d’imposition et pour exécution ;
déclare irrecevable le recours subsidiaire en annulation en ce qu’il est dirigé contre la décision du directeur du 23 octobre 2008 ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 17 décembre 2009 par le premier vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17.12.2009 Le Greffier du Tribunal administratif 9