Tribunal administratif N° 25416 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 février 2009 3e chambre Audience publique du 16 décembre 2009 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25416 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 février 2009 par Maître Arnaud Ranzenberger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Portugal), de nationalité portugaise, actuellement détenu au Centre pénitentiaire du Luxembourg à Schrassig, tendant à l’annulation d’une décision implicite de refus du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration découlant de son silence de plus de trois mois observé à la suite de la demande d’autorisation de séjour de l’intéressé du 20 octobre 2008 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 avril 2009 ;
Vu la constitution de nouvel avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 2009 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en remplacement de Maître Arnaud Ranzenberger, au nom de Monsieur … ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Bouchra Fahime en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 septembre 2009 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 8 octobre 2009, prononçant la rupture du délibéré et invitant les parties à déposer un mémoire supplémentaire ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 3 novembre 2009 par le délégué du gouvernement ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 12 novembre 2009 par Maître Nicky Stoffel au nom de Monsieur … ;
Entendu le juge rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Bouchra Fahime en remplacement de Maître Nicky Stoffel et Madame le délégué du gouvernement Sousie Schaul en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 novembre 2009.
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Le 16 août 2002, Monsieur …, désigné ci-après par « Monsieur … », fut condamné par le tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en matière correctionnelle à une peine d’emprisonnement de 18 mois assortie du sursis à l’exécution de 9 mois du chef d’infraction à la loi sur la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie. Aucun appel ne fut interjeté contre ledit jugement.
Le 15 janvier 2003, Monsieur …, de nationalité portugaise, signa une déclaration d’arrivée sur le sol luxembourgeois à la commune de ….
Par jugement, non appelé, du 9 juillet 2004 du tribunal d’arrondissement de Diekirch siégeant en matière correctionnelle Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de trois ans assortie du sursis à l’exécution d’un an du chef d’infraction à la loi sur la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.
Le 1er décembre 2004, l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg furent refusées à Monsieur … par arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.
Le recours contentieux introduit à l’encontre dudit arrêté ministériel fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 29 juin 2005 ( n° 19073 du rôle ).
Par jugement, non appelé, du 12 février 2008, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle condamna Monsieur … à une peine d’emprisonnement de trois ans du chef d’infraction à la loi sur la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.
Suite à l’entrée en vigueur de la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et de l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », Monsieur … introduisit par courrier de son mandataire du 20 octobre 2008 une demande en obtention d’une autorisation de séjour en argumentant que selon l’article 12 (1) de la loi du 29 août 2008 il serait à considérer comme membre de la famille de sa concubine, de nationalité portugaise, et vivant de manière régulière sur le territoire luxembourgeois.
Par courrier du 14 novembre 2008, le mandataire de Monsieur … rappela la demande en obtention d’une autorisation de séjour introduite le 20 octobre 2008 au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre ».
Les courriers des 20 octobre et 14 novembre 2008 n’ayant connu aucune réponse, Monsieur … fit introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 février 2009, un recours tendant à l’annulation de la décision implicite de refus du ministre résultant de son silence de plus de trois mois observé à la suite de sa demande d’autorisation de séjour du 20 octobre 2008.
Aucune disposition de la loi du 29 août 2008 ni aucune autre disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en matière de décision refusant le séjour sur le territoire, seul un recours en annulation a pu être introduit. Il s’ensuit que le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre d’avoir refusé à tort sa demande en obtention d’une autorisation de séjour. Il explique qu’il serait citoyen européen.
Avant son incarcération il aurait disposé d’un séjour stable et il aurait vécu en concubinage avec une citoyenne européenne, disposant d’une autorisation de séjour valable, ainsi qu’avec leurs deux enfants.
En droit, le demandeur estime que conformément à l’article 12 (1) de la loi du 29 août 2008 il serait à considérer comme membre de la famille de sa concubine. D’ailleurs, en vertu de l’article 27 (2) de la même loi, l’existence d’une condamnation pénale antérieure ne pourrait pas à elle seule motiver un refus de séjour. Enfin, il estime qu’en vertu de l’article 30 de la loi du 29 août 2008 il ne pourrait pas faire l’objet d’une décision d’éloignement du territoire.
Le délégué du gouvernement rappelle d’abord les antécédents judiciaires du demandeur. Il explique ensuite que les enfants de la concubine du demandeur n’auraient jamais été reconnus par celui-ci et seraient répertoriés comme étant sans père. D’ailleurs ils ne porteraient pas le nom de famille du demandeur et au vu de leurs dates de naissance respectives et de la date d’arrivée présumée du demandeur au Luxembourg, seul le dernier enfant pourrait être du demandeur.
Par ailleurs, le délégué du gouvernement estime que l’article 12 (1) de la loi du 29 août 2008 ne serait pas applicable en l’espèce. Le demandeur aurait toujours été inscrit à une adresse différente de celle de sa concubine et des enfants. Ainsi, sans même considérer les années passées en prison par le demandeur, il ne pourrait pas être considéré comme membre de la famille au sens de l’article 12 (1) de la loi du 29 août 2008. De plus, le demandeur serait lui-même un ressortissant communautaire.
Enfin, le représentant étatique estime que le demandeur tomberait sous l’application de l’article 116 (1) de la loi du 29 août 2008, alors qu’en raison de ses nombreuses condamnations pénales, il constituerait une menace grave pour l’ordre public ou la sécurité publique. S’y ajouterait que le demandeur serait réapparu sur le territoire du Luxembourg malgré une interdiction d’entrée existant à son égard.
A titre liminaire, le tribunal est amené à rappeler que la directive 2004/38 CE1 concrétise et matérialise le droit de libre circulation et de séjour garanti par le traité instituant la Communauté européenne. Toutefois, le droit de séjourner reconnu à tout citoyen de l’Union européenne ne constitue pas pour autant un droit absolu, et est subordonné au respect de conditions énumérées à l’article 7 de ladite directive. En effet, la directive a entendu éviter que les personnes exerçant leur droit de séjour ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’Etat membre d’accueil pendant une première période de séjour2.
En droit interne, la directive 2004/38 CE a été transposée par la loi du 29 août 2008 qui dispose en son article 6 (1) : « Le citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire pour une durée de plus de trois mois s’il satisfait à l’une des conditions suivantes :
1. il exerce en tant que travailleur une activité salariée ou une activité indépendante ;
1 Directive 2004/38CE du parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres 2 Considérant n° (10) de la directive 2004/38 CE ; voir à ce sujet : S,. Leclerc et J-F Akandji-Kombé, La citoyenneté européenne, Bruylant 2007, p.52s.
2. il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés à l’article 12, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale, ainsi que d’une assurance maladie;
3. il est inscrit dans un établissement d’enseignement public ou privé agréé au Grand-
Duché de Luxembourg conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, tout en garantissant disposer de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille afin d’éviter de devenir une charge pour le système d’assistance sociale et d’une assurance maladie ».
Dans le souci de transposer la directive 2004/38 CE3 et afin que le droit du citoyen de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des autres Etats membres puisse s’exercer dans les conditions objectives de liberté et de dignité, la loi du 29 août 2008 étend le droit à la libre circulation aux membres de la famille du citoyen quelle que soit leur nationalité4. Le droit de séjour des membres de la famille du citoyen est également subordonné au respect de certaines conditions. Dès lors, l’article 14 de la loi du 29 août 2008 garantit aux membres de la famille du citoyen de l’Union un droit de séjour supérieur à trois mois, tant qu’ils disposent de la qualité de « membre de la famille » et à la condition que le citoyen dont ils dépendent justifie lui-même d’un droit au séjour propre conformément à l’article 6 de la loi du 29 août 2008.
Ainsi, l’article 14 de la loi du 29 août 2008 dispose : « (1) Les membres de la famille définis à l’article 12 qui sont eux-mêmes citoyens de l’Union, bénéficient d’un droit de séjour tel que prévu à l’article 6, s’ils accompagnent ou rejoignent un citoyen de l’Union (…) ».
Par avis du 8 octobre 2009, le tribunal a prononcé la rupture du délibéré afin de permettre aux parties en cause de prendre position quant à la légalité de la décision implicite de refus déférée du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration au regard des articles 8 (1) et 14 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 avec les articles 1er et 3 du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes. En effet, avant de pouvoir vérifier le bien-fondé du recours, le tribunal est amené à analyser la question d’ordre public, de la compétence de l’autorité administrative pour procéder à la prise de la décision déférée, c’est-à-dire, en l’espèce, de la compétence du ministre pour statuer sur une demande en obtention d’une autorisation de séjour d’un membre de la famille d’un ressortissant d’une Etat-membre de l’Union européenne.
Dans son mémoire supplémentaire, le délégué du gouvernement fait valoir que le demandeur n’aurait pas eu le droit de solliciter une attestation d’enregistrement au titre de l’article 8 (1) de la loi du 29 août 2008, étant donné que cette attestation serait réservée aux personnes énumérées à l’article 6 (1) de la même loi et que le demandeur ne rentrerait dans aucune des catégories énumérées audit article 6 (1). Pour la même raison, l’administration communale n’aurait pas pu délivrer une attestation d’enregistrement au demandeur.
D’ailleurs, l’attestation d’enregistrement ne conférerait pas un droit de séjour, mais se bornerait à constater un droit de séjour préexistant. Le ministère des Affaires étrangères serait la seule instance compétente pour vérifier l’existence ou l’inexistence de ce droit de séjour et il resterait de ce fait pleinement compétent en matière d’attestation d’enregistrement aux ressortissants communautaires, de sorte que la décision implicite de refus déférée serait 4 Voir à ce sujet : doc parl. 5802, commentaires des articles, p. 61 parfaitement légale tant au regard de l’article 8 (1) de la loi du 29 août 2008 qu’au regard du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979.
Le demandeur conclut dans son mémoire supplémentaire que la décision déférée serait à annuler pour violation de l’article 8 (1) de la loi du 29 août 2008 et du règlement grand-
ducal précité du 8 juin 1979.
Aux termes de l’article 8 (1) de la loi du 29 août 2008 : « (1) Sans préjudice des réglementations existantes en matière de registres de la population, le citoyen de l’Union tel que visé à l’article 6, paragraphe (1) qui a l’intention de séjourner sur le territoire pour une durée supérieure à trois mois, sollicite la délivrance d’une attestation d’enregistrement auprès de l’administration communale du lieu de sa résidence dans un délai de trois mois suivant son arrivée.
(2) Pour la délivrance de l’attestation d’enregistrement, le citoyen de l’Union doit justifier qu’il rentre dans une des catégories visées à l’article 6, paragraphe (1) et qu’il remplit les conditions s’y rapportant. A cet effet, il devra présenter les pièces énumérées par règlement grand-ducal.
(3) A la réception des pièces visées au paragraphe (2) qui précède, l’attestation d’enregistrement est remise immédiatement. Elle indique le nom et l’adresse de la personne enregistrée, ainsi que la date de l’enregistrement.
(4) Cette attestation n’établit pas un droit au séjour. Sa possession ne peut en aucun cas constituer une condition préalable à l’exercice d’un droit ou à l’accomplissement d’une autre formalité administrative ».
L’article 15 de la loi du 29 août 2008 prévoit de manière semblable pour les membres de la famille d’un citoyen de l’Union que pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois, ils doivent : « soit se faire enregistrer, s’ils sont eux-mêmes citoyens de l’Union, soit, s’ils sont ressortissants d’un pays tiers, faire une demande de carte de séjour, dans les trois mois suivant leur arrivée, auprès de l’administration communale du lieu de leur résidence, d’après les modalités à déterminer par règlement grand-ducal, et ce sans préjudice des réglementations existantes en matière de registre de la population.
(2) Pour la délivrance de l’attestation d’enregistrement ou de la carte de séjour, les membres de la famille doivent présenter les documents déterminés par règlement grand-
ducal.
(3) La carte de séjour est délivrée par le ministre pour une durée de cinq ans, sinon pour une durée correspondant à la durée de séjour envisagée du citoyen de l’Union dont ils dépendent, si celle-ci est inférieure à cinq ans. Elle porte la mention «carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union».
(4) La validité de la carte de séjour n’est pas affectée par des absences temporaires ne dépassant pas six mois par an ou par des absences d’une durée plus longue conformément aux dispositions de l’article 9, paragraphe (2) ».
Afin de réduire au strict nécessaire les formalités administratives la loi du 29 août 2008, conformément à l’article 8 de la directive 2004/38 CE, permet au citoyen de l’Union ainsi qu’aux membres de sa famille de se faire enregistrer auprès de l’administration communale de leur lieu de résidence et remplace ainsi la carte de séjour par une simple attestation d’enregistrement. En vertu des articles 8 (3) et (4) de la loi du 29 août 2008, l’administration communale est tenue de délivrer l’attestation d’enregistrement dès que le demandeur justifie remplir les conditions énumérées à l’article 6 (1) de la loi du 29 août 2008, sans pouvoir établir un droit de séjour.
Les articles 8 (3) et (4) de la loi du 29 août 2009, tiennent ainsi compte des articles 8 et 25 de la directive 2004/38 CE et d’une jurisprudence constante de la Cour de justice des communautés européennes selon laquelle un permis de séjour ne constitue pas une autorisation, mais seulement un document constatant un droit préexistant et la possession d’une carte de séjour ne constitue pas une condition préalable aux fins de l’exercice des droits liés à la libre circulation des personnes et en particulier, au droit de séjourner dans un autre Etat membre. La reconnaissance du droit de séjour n’est donc pas subordonnée à la détention de ce document, et la qualité de bénéficiaire des droits liés à la libre circulation peut être attestée par tout autre moyen de preuve5.
En effet, il y a lieu d’opérer une distinction entre l’attestation d’enregistrement qui ne fait que constater l’existence d’un droit préexistant et le droit de séjour lui-même qui est subordonné au respect des conditions énumérées à l’article 6 (1) de la loi du 29 août 2008. De même, une distinction est à opérer au niveau des autorités administratives compétentes pour émettre une attestation d’enregistrement et pour vérifier l’existence d’un droit de séjour préalable et le refuser le cas échéant en cas de non-respect des conditions énumérées à l’article 6 (1) de la loi du 29 août 2008.
Quant à la compétence pour émettre une attestation d’enregistrement il ressort de la lecture combinée des articles 8 (3), 8 (4) et 15 de la loi du 29 août 2008 que la compétence de l’administration communale se limite exclusivement à la délivrance de l’attestation d’enregistrement. L’administration communale peut dès lors émettre ou refuser d’émettre une telle attestation, mais elle n’a pas compétence, le cas échéant, pour refuser un droit de séjour à un ressortissant de l’Union européenne.
Quant à la compétence pour vérifier l’existence d’un droit de séjour et pour refuser un tel droit en cas de non-respect des conditions énumérées à l’article 6 (1) de la loi du 29 août 2008 il convient de se référer aux articles 24 (2), 25 et 109 de la loi du 29 août 2008. Aux termes de l’article 24 (2) de la loi du 29 août 2008 : « Ils [le citoyen de l’Union et les membres de sa famille] ont un droit de séjour d’une durée supérieure à trois mois tant qu’ils remplissent les conditions prévues aux articles 6, paragraphe (1) et 7 ou aux articles 14 et 16 à 18 ». L’article 25 de la loi du 29 août 2008 poursuit : « (1) En cas de non-respect des conditions visées à l’article 24, paragraphes (1) et (2) (…), le citoyen de l’Union et les membres de sa famille peuvent faire l’objet d’une décision de refus de séjour (…) ». Enfin, l’article 109 de la même loi dispose : « (1) les décisions de refus visées respectivement aux articles 25 (…) sont prises par le ministre et dûment motivées (…) ».
Il ressort de la lecture combinée des articles précités que le ministre a seul compétence pour vérifier l’existence d’un droit de séjour dans le chef d’un citoyen de l’Union et des membres de sa famille et pour refuser le cas échéant le droit de séjour en cas de non-respect des conditions énumérées à l’article 6 (1) de la loi du 29 août 2008.
5 Voir à ce sujet : doc parl. 5802, commentaires des articles, V° « ad article 8 », p. 60 ; ainsi que Anastasia Iliopoulou, Libre circulation et non-discrimination, éléments du statut de citoyen de l’Union européenne, Bruylant 2008, p.435 Par conséquent, en l’espèce, indépendamment de toute considération relative au bien-
fondé de la décision déférée, il échet de constater que le ministre était seul compétent pour vérifier dans le chef du demandeur l’existence et refuser le droit de séjour.
Par ailleurs, le juge administratif, saisi d'un recours en annulation, doit se livrer à l'examen de l'existence et de l'exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, et vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée. Si cette vérification peut ainsi s’étendre le cas échéant au caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis, elle ne saurait cependant porter à conséquence que dans l’hypothèse où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité.
En l’espèce, il y a partant lieu de vérifier si le refus de délivrer une autorisation de séjour, d’une durée supérieure à trois mois, au demandeur, en tant que citoyen de l’Union européenne ou en tant que membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne, laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par le ministre.
Force est de prime abord de constater que le demandeur ne conteste pas ne pas remplir les conditions énumérées à l’article 6 (1) de la loi du 29 août 2008 afin de pouvoir bénéficier d’un droit de séjour d’une durée supérieure à trois années en tant que citoyen de l’Union européenne. Dès lors, et dans la mesure où dans le cadre d’un recours en annulation le tribunal statue par rapport à la décision administrative lui déférée sur base des moyens invoqués par la partie demanderesse tirés d’un ou de plusieurs des cinq chefs d’annulation énumérés à l'article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, la décision déférée ne saurait être critiquée en ce qu’elle lui a refusé un droit de séjour d’une durée supérieure à trois années en tant que citoyen de l’Union européenne.
Le demandeur se prévaut encore de sa qualité de membre de la famille d’un ressortissant de l’Union à l’appui de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg. L’article 14 de la loi du 29 août 2008 garantit aux membres de la famille du citoyen de l’Union un droit de séjour supérieur à trois mois, sous la condition qu’ils disposent de la qualité de « membre de la famille » d’un citoyen de l’Union.
Quant à la notion de « membre de la famille », l’article 12 (1) de la loi du 29 août 2008 dispose : « Sont considérés comme membres de la famille :
a) le conjoint ;
b) le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a contracté un partenariat enregistré (…) c) les descendants directs et les descendants directs du conjoint ou du partenaire visé au point b) qui sont âgés de moins de 21 ans ou qui sont à charge ;
d) les ascendants directs à charge du citoyen de l’Union et les ascendants directs à charge du conjoint ou du partenaire visé au point b) ».
Ainsi, le premier membre de la famille visé par l’article 12 (1) précité et disposant du droit d’entrer et de séjourner sur le territoire de l’Etat membre d’accueil est le conjoint.
Conformément à la jurisprudence communautaire, il s’agit du partenaire marié et non divorcé du citoyen de l’Union6. Le partenaire de fait est donc exclu de cette notion.
La seconde catégorie de personnes tombant sous la notion de « membre de la famille » sont les personnes ayant contracté un partenariat enregistré avec le citoyen de l’Union qu’elles souhaitent rejoindre.
En l’espèce, il est constant en cause que la concubine du demandeur est de nationalité portugaise et dispose d’un droit de séjour au Grand-Duché de Luxembourg. Par ailleurs, il ressort des pièces versées au dossier ainsi que des déclarations concordantes des parties en cause que le demandeur et sa concubine ne sont ni mariés ni n’ont contracté un partenariat enregistré.
Il s’ensuit que le demandeur n’est pas à considérer comme membre de la famille de sa concubine au sens de l’article 12 (1) a) et b) de la loi du 29 août 2008.
En vertu de l’article 12 (1) d) de la loi du 29 août 2008, les ascendants directs à la charge du citoyen de l’Union européenne sont également à considérer comme membres de sa famille.
En l’espèce, il y a donc lieu de vérifier si le demandeur est à considérer comme membre de la famille au sens de l’article 12 (1) d) de la loi du 29 août 2008, des enfants dont il prétend être le père.
Même en admettant que le demandeur soit le père des enfants de sa concubine, et donc leur ascendant direct, il ne peut pas être considéré comme étant à charge de ces enfants de sorte qu’il n’est pas à considérer comme membre de la famille de ces enfants au sens de l’article 12 (1) d) de la loi du 29 août 2008.
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le demandeur n’est pas à considérer comme membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne, au sens de l’article 12 (1) de la loi du 29 août 2008 de sorte que son moyen y relatif est à rejeter pour ne pas être fondé.
Force est dès lors au tribunal de constater que le ministre a valablement pu refuser la délivrance d’une autorisation de séjour au demandeur, sur base du défaut de qualité de membre de la famille dans le chef du demandeur. La décision litigieuse étant valablement motivée sur le fondement de ce seul moyen, il n’y a pas lieu d’analyser les autres motifs de refus ainsi que les moyens y relatifs.
Il y a encore lieu de rejeter le moyen du demandeur fondé sur l’article 30 de la loi du 29 août 2008 ayant trait à l’éloignement du territoire d’un citoyen de l’Union européenne ou des membres de sa famille, étant donné qu’en l’espèce le tribunal n’est pas saisi d’un recours contre une décision d’éloignement du territoire mais d’une décision portant refus de délivrer une attestation d’enregistrement.
6 Voir à ce sujet : doc parl. 5802, commentaires des articles, p. 61 ; Jean-Yves Carlier, Elspeth Guild, L’avenir de la libre circulation des personnes dans l’U.E., édition Bruylant, 2006, p. 105 ; CJCE, 17 avril 1986, aff.59/85, Reed, Rec., 1986, p. 1283 pt. 15.
Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
le déclare non fondé, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais ;
Ainsi jugé par :
Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 16 décembre 2009 par le premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Catherine Thomé Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16.12.2009 Le Greffier du Tribunal administratif 9