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16/12/2009 | LUXEMBOURG | N°25283

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 décembre 2009, 25283


Tribunal administratif Numéro 25283 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 janvier 2009 1re chambre Audience publique du 16 décembre 2009 Recours formé par la société anonyme … contre une décision de la secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement supérieur et à la Recherche en matière d’enseignes publicitaires

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25283 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 janvier 2009 par Maîtr

e Alain GROSS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom ...

Tribunal administratif Numéro 25283 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 janvier 2009 1re chambre Audience publique du 16 décembre 2009 Recours formé par la société anonyme … contre une décision de la secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement supérieur et à la Recherche en matière d’enseignes publicitaires

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25283 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 janvier 2009 par Maître Alain GROSS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, …, …, tendant à l’annulation d’une décision de la secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche du 11 août 2008, portant refus d’autorisation pour la mise en place de deux panneaux publicitaires fixés sur poteaux, ainsi que d’une décision confirmative de ce refus du 23 octobre 2008 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 avril 2009 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Alain GROSS en date du 8 mai 2009 au greffe du tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions ministérielles critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Paul LAMBERT en remplacement de Maître Alain GROSS et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 21 septembre 2009, Vu la visite des lieux du 14 octobre 2009, Entendu Maître Paul LAMBERT, en remplacement de Maître Alain GROSS et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries complémentaires à l’audience publique du 7 décembre 2009.

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En date du 15 mars 2008, la société anonyme … introduisit une demande auprès de l’administration communale de Troisvierges en vue d’installer deux panneaux publicitaires fixés sur poteaux, portant les inscriptions « … » sur le site de sa succursale, sise aux abords et à droite de la route N7 à L-…, …, ….

Le Service des sites et monuments jugea cette demande incomplète et invita la société anonyme … à la compléter par des photos montrant les alentours du site en question.

En date du 4 juin 2008, l’administration communale de Troisvierges avisa favorablement la demande de la société anonyme … et la transmit, via le commissaire de District de Diekirch, à la Secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche.

Dans sa séance du 30 juillet 2008, la Commission des sites et monuments nationaux émit un avis négatif à l’unanimité de ses membres en ce qui concerne l’enseigne publicitaire sollicitée.

En date du 11 août 2008, la secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche rejoignit l’avis de la Commission des sites et monuments nationaux et refusa l’installation de l’enseigne publicitaire sollicitée aux motifs suivants :

« Les deux dispositifs publicitaires dont question, déjà visibles de loin, notamment à une distance de +/- 500m du lieu de l’emplacement, affectent du point de vue optique l’environnement rural. Par leur taille surfaite et leur lay-out (géante lettre K en blanc sur fond rouge vermeil), ces panneaux, installés au point culminant de notre pays, dégradent fortement le beau paysage ardennais qui constitue, avec ses superbes vues panoramiques, une de nos richesses collectives. De surcroît, aucune motivation n’est donnée pour y installer les panneaux prévus, source de pollution visuelle. En effet, le …, bien que situé aux abords d’un long virage, ne passe pas inaperçu avec ses 45 m de façade principale longeant la route nationale N7. Par une publicité conforme aux dispositions du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 relatif à la publicité visée aux articles 37 et ss. de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, le … concerné peut suffisamment entrer dans le champ optique des clients et passants.

Enfin il reste à signaler que le panneau aux dimensions 2,5 X 3 m, implanté pour attirer en ce lieu l’attention de l’automobiliste venant de Wemperhardt sur l’existence du …, induit en erreur. Effectivement, en suivant la direction indiquée, par la flèche → 100m, l’automobiliste ou le passant qui ne connaît pas les lieux se voit dirigé non sur le site du …, mais sur un chemin à travers champs. » En date du 10 septembre 2008, la société anonyme …, par l’intermédiaire de son mandataire, introduisit un recours gracieux contre la décision précitée.

Par décision du 23 octobre 2008, la secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche confirma sa décision initiale de refus. Cette décision confirmative est libellée comme suit :

« J’ai bien reçu votre courrier émargé qui a retenu toute mon attention.

Après réexamen du dossier par mes services à la lumière des arguments invoqués dans votre courrier, je regrette néanmoins de vous informer que je maintiens ma décision négative du 11 août 2008 pour les motifs y énoncés.

S’il est vrai que Madame … a eu des contacts avec votre mandante, il faut dire qu’elle n’a émis que des recommandations. Il avait été retenu que les panneaux seraient installés à l’essai pour pouvoir juger des dimensions définitives. D’autre part, Madame … avait clairement signalé qu’une décision serait prise par Madame la Secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement supérieur et à la Recherche sur base de l’avis de la Commission des sites et monuments nationaux. ».

Par requête déposée en date du 15 janvier 2009, la société anonyme … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre des deux décisions prévisées datées respectivement du 11 août 2008 et du 23 octobre 2008 pour violation grave de la loi, sinon détournement, sinon excès de pouvoir.

Ledit recours ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose à titre principal que la décision litigeuse devrait encourir l’annulation en ce qu’elle serait notamment basée sur l’article 10 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 relatif à la publicité visée aux articles 37 et ss. de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, lequel serait dépourvu de base légale. La demanderesse affirme par ailleurs que la décision litigieuse serait fondée sur des considérations factuelles erronées et inexistantes. A ce titre, elle rappelle être propriétaire d’un immeuble de commerce dans lequel sont exploités deux commerces de restauration intégrés dans un parc bordé le long de la route d’accès d’arbres et de haies, de sorte qu’il ne serait pas directement visible pour l’usager de la route abordant le site. Elle affirme que les panneaux publicitaires litigieux, lesquels ne seraient en rien disgracieux ou dérangeants, seraient installés de façon à être parfaitement intégrés le long de la propriété et ne dérangeraient aucunément le site naturel des environs alors qu’ils seraient bordés par les arbres et arbustes plantés sur sa propriété. Elle en conclut que la décision litigieuse serait dépourvue d’arguments sérieux et valables et devrait partant encourir l’annulation.

Le délégué du gouvernement rétorque que les commerces seraient bien visibles pour l’usager de la route abordant le site et note que l’argument relatif au fait que la façade de l’immeuble abritant lesdits commerces a une longueur de 45 m n’aurait pas donné lieu à contestation de la demanderesse. Par ailleurs il relève que le panneau aux dimensions de 2,5 X 3m induirait effectivement en erreur une personne ne connaissant pas les lieux, alors que celle-.ci se verrait dirigée sur un chemin à travers des champs. En outre, la partie étatique souligne que les panneaux publicitaires viendraient contrecarrer l’aspect visuel du milieu naturel rural, alors qu’ils se trouveraient sur une étendue parsemée de forêts et de pâtures, en dehors de toute agglomération au point culminant du Grand-Duché de Luxembourg. Le délégué du gouvernement en conclut que lesdits panneaux, lesquels seraient de taille surfaite, ne s’intégreraient pas harmonieusement dans le paysage boisé et dégraderaient du point de vue optique l’environnement, de sorte à constituer une source de pollution visuelle. Finalement, il souligne que le service des sites et monuments nationaux, lequel a comme mission d’assurer l’exécution des lois et règlements relatifs aux enseignes publicitaires, entreprendrait des mesures concrètes et cohérentes pour mettre certains commerçants en conformité avec les textes qui auraient pour but d’éviter une prolifération de publicités et d’enseignes surdimensionnés afin de sauvegarder l’intégrité des paysages et localités. Il en conclut que la décision entreprise serait motivée tant en droit qu’en fait.

Il est constant en cause que la décision attaquée a trait à deux enseignes publicitaires fixées sur support immobile autres que des maisons, à savoir en l’espèce sur un poteau.

Il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 38 de la loi du 17 juillet 1983 précitée « toute publicité qui n’est pas conforme aux critères à définir par règlement grand-ducal est interdite ».

Il y a encore lieu de rappeler que l’article 10 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 précité dispose en son alinéa 1er que « toute publicité sur support immobile autre que les maisons est sujette à l’autorisation du ministre ayant les Affaires culturelles dans ses attributions ».

Or, l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983 précitée ne confère au pouvoir exécutif que le seul droit de définir les critères auxquels toute publicité devra répondre pour être légalement permise. Il n’habilite cependant pas le pouvoir exécutif à subordonner certaines publicités, dont plus particulièrement les publicités sur support immobile autre que les immeubles à une autorisation ministérielle, de sorte que l’article 10 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 ne trouve pas de base légale dans l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983 précitée1.

Par ailleurs, l’article 39 de la prédite loi prévoit qu’« un règlement grand-ducal désigne (…) les sites, les localités ou les parties de localités dans lesquels toute publicité 1 Trib. adm. 18-2-04, 17037 du rôle Pas. adm. 2008, V° Sites et Monuments, n°13 est subordonnée à une autorisation du Ministre (ayant dans ses attributions les Affaires culturelles) » ;

Tout comme l’article 38, ce texte légal n’habilite en aucune façon le pouvoir exécutif à soumettre de manière générale à une autorisation ministérielle la publicité faite dans les localités non désignées par un règlement grand-ducal.

Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 10 du règlement grand-

ducal du 4 juin 1984 dépasse le cadre de la disposition habilitante de l’article 39 de la loi du 18 juillet 1983.

A défaut de toute autre disposition légale habilitante, le tribunal administratif est dès lors amené à refuser l’application dudit article 10, conformément à l’article 95 de la Constitution, aux termes duquel les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois.

Il se dégage de l’ensemble des éléments qui précèdent qu’en l’espèce la secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche n’était habilitée ni à conférer une autorisation, ni à en refuser la délivrance pour l’installation de l’enseigne publicitaire litigieuse.

La secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche ayant partant excédé ses pouvoirs, la décision déférée encourt l’annulation, sans qu’il y ait lieu d’analyser plus loin le caractère vérifié ou non des éléments de fait invoqués en son support, ni de toiser plus en avant les autres moyens proposés.

La demanderesse sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure évaluée à 1.500,- € sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. Compte tenu de l’issue du litige et du fait que les décisions attaquées ont été prises en dépit d’une jurisprudence unanime et constante des juridictions administratives, il parait inéquitable de laisser à la charge de la demanderesse les frais non compris dans les frais de justice, de sorte qu’il y a lieu de lui accorder l’indemnité de procédure sollicitée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule les décision de Madame la Secrétaire d’Etat à la Culture, à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche du 11 août 2008 et du 23 octobre 2008 ;

condamne l’Etat à payer à la société anonyme … une indemnité de procédure d’un montant de 1.500.- € ;

condamne l’Etat aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 décembre 2009 par :

Paulette Lenert, vice-président Marc Sünnen, premier juge Thessy Kuborn, juge en présence du greffier Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Paulette Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 décembre 2009 Le Greffier du Tribunal administratif 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 25283
Date de la décision : 16/12/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-12-16;25283 ?

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