Tribunal administratif N° 25129 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er décembre 2008 2e chambre Audience publique du 10 décembre 2009 Recours formé par l’asbl … et consorts contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en présence de la société … S.àr.l. et du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25129 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er décembre 2008 par Maître Charles Ossola, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :
1. l’association sans but lucratif …, avec siège à …, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions ;
2. Madame …, demeurant à L-… ;
3. Monsieur …, demeurant à L-… ;
4. Monsieur …, demeurant à L-… ;
5. Monsieur …, demeurant à L-… ;
6. Monsieur …, demeurant à L-… ;
7. Monsieur …, demeurant à L-… ;
8. Monsieur …, demeurant à L-… ;
9. Madame …, demeurant à L-… ;
10. Madame …, demeurant à L-… ;
11. Monsieur …, demeurant à L-… ;
tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 8 octobre 2008 portant autorisation, référencée sous le numéro …, pour l’exploitation de l’établissement « … », bar avec salle de spectacles, …, en faveur de la société à responsabilité limitée … S.àr.l., établie et ayant son siège social à L-… ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Tom Nilles, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 8 décembre 2008 portant signification de ce recours à la société … S.àr.l., préqualifiée, et à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, établie à l’Hôtel de Ville à L-2090 Luxembourg, 42, place Guillaume, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, sinon par son bourgmestre actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat de Maître Christian Point, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2008 ;
Vu la requête en intervention volontaire présentée au greffe du tribunal administratif le 16 février 2009 par le délégué du gouvernement pour le compte de l’Etat, en vertu d’un mandat du ministre de l’Environnement ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 17 février 2009 invitant les parties à prendre position, par un mémoire à déposer au plus tard le 2 mars 2009, par rapport à l’intervention volontaire de l’Etat ;
Vu le mémoire sur requête en intervention volontaire, déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mars 2009 par Maître Charles Ossola pour le compte de l’asbl … et consorts ;
Vu le mémoire sur requête en intervention volontaire, déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mars 2009 par Maître Jean Wagener, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de la société … S.àr.l. ;
Vu le mémoire sur requête en intervention volontaire, déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mars 2009 par Maître Christian Point pour le compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2009 par Maître Jean Wagener pour le compte de la société … S.àr.l., ledit mémoire ayant été notifié le même jour par acte d’avocat à avocat aux mandataires des demandeurs et de la partie défenderesse ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2009 par Maître Christian Point pour le compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ledit mémoire ayant été notifié le même jour par acte d’avocat à avocat aux mandataires des demandeurs et de la partie tierce intéressée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mars 2009 par Maître Charles Ossola pour le compte de l’asbl … et consorts, ledit mémoire ayant été notifié le même jour par acte d’avocat à avocat aux mandataires des parties défenderesse et tierce intéressée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2009 par Maître Christian Point pour le compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ledit mémoire ayant été notifié le même jour par acte d’avocat à avocat aux mandataires des demandeurs et de la partie tierce intéressée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2009 par Maître Jean Wagener pour le compte de la société … S.àr.l., ledit mémoire ayant été notifié le même jour par acte d’avocat à avocat aux mandataires des demandeurs et de la partie défenderesse ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Charles Ossola, Maître Paule Kettenmeyer, en remplacement de Maître Jean Wagener, Maître Gilles Dauphin, en remplacement de Maître Christian Point, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives.
En date du 18 septembre 2008, la société à responsabilité limitée … S.àr.l. introduisit auprès de l’administration communale de la Ville de Luxembourg une demande d’autorisation en vue de l’exploitation de l’établissement « … », bar avec salle de spectacles, au numéro ….
L’avis au public relatif à cette demande fut publié par le collège des bourgmestre et échevins dans les quotidiens et affiché sur place et à la maison communale pendant quinze jours du 20 septembre 2008 au 4 octobre 2008 inclusivement.
Par lettre du 4 octobre 2008, l’asbl …, sous la signature de son président Monsieur …, présenta une réclamation concernant les autorisations d’établissement à délivrer dans le cadre du projet Rives de Clausen, en émettant une série de craintes concernant notamment l’envergure du projet, les risques de nuisances sonores et d’accroissement de trafic.
A l’audition des intéressés prévue pour le 6 octobre 2008, personne ne se présenta. Le 7 octobre 2008, il fut dressé procès-verbal d’enquête commodo et incommodo.
Par arrêté du 8 octobre 2008, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg accorda à la société … l’autorisation d’exploitation sollicitée pour une durée de six mois, sous un certain nombre de conditions et de réserves, en fixant notamment la capacité d’accueil maximale de l’établissement à 380 personnes.
Le même jour, le bourgmestre autorisa l’exploitation de deux autres établissements sur le même site pour une durée de six mois, à savoir un bar branché avec restaurant, dénommé « … », avec une capacité d’accueil maximale de 255 personnes, et un bar avec salle de spectacles dénommé « … », destiné à recevoir 400 personnes.
Un avis au public mentionnant la délivrance de ces trois décisions fut affiché pendant 40 jours du 24 octobre 2008 jusqu’au 2 décembre 2008 inclusivement à la maison communale.
Par lettre recommandée datée au 8 octobre 2008, une copie des trois arrêtés d’autorisation fut notifiée par le bourgmestre à l’asbl … à l’adresse de son président, Monsieur ….
Contre le prédit arrêté portant autorisation d’exploitation pour un bar avec salle de spectacles dénommé « … », l’asbl … et consorts ont introduit, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er décembre 2008, un recours en réformation, sinon en annulation.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 février 2009, l’Etat, représenté par le ministre de l’Environnement, a déclaré vouloir intervenir volontairement dans la présente instance, sur la base de l’article 20 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, afin de permettre au ministre de l’Environnement de prendre position quant à la question soulevée par les demandeurs en relation avec la procédure commodo et incommodo et notamment quant à la nécessité d’une autorisation dite commodo et incommodo de la classe 1.
L’intervention étant toujours un accessoire du litige principal en ce sens notamment que l’intervenant ne peut ni étendre la portée de la requête, ni exposer des moyens nouveaux, elle doit rester sans incidence sur la recevabilité de la demande principale1.
Il s’ensuit qu’il y a d’abord lieu d’examiner la recevabilité du recours principal, avant d’analyser la question de la recevabilité de la requête en intervention volontaire.
Quant à la jonction Les demandeurs sollicitent la jonction du présent recours avec deux autres recours introduits par eux, inscrits sous les numéros 25127 et 25128 du rôle, et qui sont dirigés contre les décisions, également datées du 8 octobre 2008, par lesquelles le bourgmestre de la Ville de Luxembourg a accordé une autorisation à deux autres sociétés pour l’exploitation sur le site Rives de Clausen des établissements dénommés « … » et « … ».
Les demandeurs sollicitent pareillement la jonction avec les recours susceptibles d’être introduits ultérieurement contre d’autres autorisations d’exploitation à délivrer par le bourgmestre dans le cadre du projet Rives de Clausen. Lors des plaidoiries à l’audience, le mandataire des demandeurs a déclaré vouloir limiter sa demande de jonction aux recours introduits au jour des plaidoiries, de sorte qu’il y a lieu de lui en donner acte.
S’il est vrai que les décisions du bourgmestre de la Ville de Luxembourg ainsi visées par les trois recours ont été délivrées le même jour et portent autorisation d’exploitation en faveur d’établissements situés sur le même site, il n’en demeure pas moins que ces décisions sont distinctes en ce qui concerne leur objet et leurs destinataires, de sorte qu’il n’est pas dans l’intérêt 1 cf. Michel LEROY, Contentieux administratif, 3ème édition, Bruylant, p. 566 d’une bonne administration de la justice, et notamment dans l’intérêt d’une bonne lisibilité des jugements, d’ordonner la jonction de ces instances.
Cette demande est dès lors à rejeter comme n’étant pas dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.
Quant à la compétence du tribunal pour connaître du recours en réformation et quant à la recevabilité du recours en annulation Etant donné que l’article 19 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, ci-après dénommée « loi du 10 juin 1999 », institue un recours au fond devant le juge administratif pour statuer en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal à l’encontre de la décision litigieuse. Le recours subsidiaire en annulation est partant irrecevable.
Quant à la recevabilité du recours en réformation La Ville de Luxembourg se rapporte à la sagesse du tribunal en ce qui concerne la recevabilité du recours en réformation, en faisant valoir que l’autorisation d’exploitation litigieuse du 8 octobre 2008, accordée provisoirement pour la durée de six mois, aurait expiré au jour où le tribunal sera amené à se prononcer.
Il est vrai qu’au jour des présentes, l’arrêté litigieux du bourgmestre du 8 octobre 2008 a expiré quant à ses effets dans la mesure où l’autorisation n’a été accordée que pour une durée de six mois. Il s’ensuit que le tribunal ne peut plus utilement faire droit à la demande en réformation de l’arrêté litigieux. Toutefois, les demandeurs conservent un intérêt moral suffisant à voir examiner la légalité de ce même arrêté, dans la mesure où l’autorisation litigieuse a été prolongée provisoirement pour une nouvelle durée de six mois par un arrêté du 3 avril 2009.
Le recours en réformation ne peut cependant être analysé que dans la limite des moyens de légalité invoqués et il est partant à déclarer sans objet pour autant qu’il conclut à la réformation de l’autorisation d’établissement litigieuse.
Tant la Ville de Luxembourg que la société … concluent à l’irrecevabilité du recours dans le chef de l’asbl … et de Monsieur … au motif que le recours aurait été introduit en dehors du délai de 40 jours prévu par l’article 19 de la loi du 10 juin 1999. Ils font valoir que l’autorisation litigieuse aurait été notifiée au Syndicat et à Monsieur …, par lettre recommandée du bourgmestre du 8 octobre 2008.
Les demandeurs rétorquent que si l’article 16 de la loi du 10 juin 1999 prévoyait certes que les personnes ayant présenté des observations au cours de l’enquête publique sont informées par lettre recommandée de la part de la commune qu’une décision d’autorisation est intervenue, aucune disposition ne prévoirait cependant que le délai de recours commencerait à courir à partir de cette notification. Au contraire, l’article 19 de la loi du 10 juin 1999 disposerait que le délai commencerait à courir à l’égard des personnes intéressées à partir de l’affichage de la décision. Il s’ensuivrait que le délai de recours aurait commencé à courir à partir de l’affichage de la décision, soit le 24 octobre 2008, pour expirer 40 jours plus tard, soit le 3 décembre 2008. En ordre subsidiaire, ils font valoir que la lettre recommandée ne leur serait parvenue qu’en date du 22 octobre 2008, de sorte que le recours introduit le 1er décembre 2008 l’aurait été en tout état de cause, en ce qui concerne le Syndicat et Monsieur …, dans le délai de 40 jours dans lequel il devrait l’être.
En vertu de l’article 16, alinéa 4 de la loi du 10 juin 1999, les personnes ayant présenté des observations au cours de l’enquête publique sont informées par lettre recommandée de la part de la commune concernée qu’une décision d’autorisation est intervenue et qu’il sera procédé à la publicité de cette décision par affichage à la maison communale pendant 40 jours.
Aux termes de l’article 19, alinéa 2 de la loi du 10 juin 1999, le délai pour introduire un recours contentieux court « à l’égard du demandeur de l’autorisation à dater de la notification de la décision et vis-à-vis des autres intéressés à dater du jour de l’affichage de la décision ».
Force est de constater que cette dernière disposition ne prévoit que deux cas de figure distincts, à savoir celui du demandeur, à l’égard duquel le délai de recours court à partir du jour de la notification de la décision, et celui « des autres intéressés », à l’égard desquels le délai de recours ne court qu’à partir de l’affichage de la décision.
Il y a dès lors lieu de retenir que la disposition de l’article 19, alinéa 2 de la loi du 10 juin 1999 prévoit un délai de recours uniforme de 40 jours pour tous les intéressés qui court à partir du jour de l’affichage de la décision, nonobstant le fait que les intéressés ont pu avoir connaissance de la décision antérieurement au jour de cet affichage. Il s’agit d’une disposition spéciale, claire et précise, qui ne souffre pas d’exceptions, et qui déroge, le cas échéant, au principe que le délai du recours commence à courir à partir du jour où le tiers intéressé a pu avoir une connaissance intégrale de la décision litigieuse (cf. trib. adm. 28 février 2005, nos 17968 et 18167 du rôle, confirmé par arrêt du 14 juillet 2005, n° 19601C du rôle, Pas. adm. 2008, V° Etablissements classés, n° 108).
En l’espèce, il ressort de l’accusé de réception de la lettre recommandée du bourgmestre du 8 octobre 2008 portant notification de l’arrêté d’autorisation litigieux que le … en la personne de son président, Monsieur …, a été touché à la date du 22 octobre 2008. Il est également constant que la décision litigieuse a été affichée à la maison communale pendant 40 jours à partir du 24 octobre 2008 jusqu’au 2 décembre 2008 inclusivement.
Il s’ensuit que nonobstant le fait que le … et Monsieur … ont eu connaissance de la décision litigieuse avant son affichage à travers la prédite notification, le délai de recours n’a commencé à courir dans leur chef qu’à partir de l’affichage de la décision, étant entendu qu’en cas d’affichage s’étendant sur une certaine période, le délai prescrit par la loi commence à courir au plus tôt à partir du premier jour de l’affichage et au plus tard à partir du dernier jour de l’affichage.
Le recours introduit en date du 1er décembre 2008 a donc été interjeté dans le délai de 40 jours à partir de l’affichage à la maison communale de la Ville de Luxembourg en date du 24 octobre 2008, de sorte que l’exception d’irrecevabilité pour cause de tardiveté dans le chef du … et de Monsieur … est à rejeter comme non fondée.
A l’égard des autres demandeurs, le délai de recours de 40 jours a pareillement couru à partir de l’affichage de la décision à la maison communale en date du 24 octobre 2008, de sorte que le recours a également été introduit dans le délai légal en ce qui concerne les autres demandeurs.
Le moyen tiré de la tardiveté du recours est partant à rejeter.
Quant à l’intérêt à agir de l’asbl … La société … conclut à l’irrecevabilité du recours dans le chef de l’asbl … au motif que celle-ci ne justifierait pas d’un intérêt à agir personnel distinct de l’intérêt général. Elle soutient que l’intérêt collectif en défense duquel le Syndicat prétendrait agir, à savoir le maintien de la qualité de vie dans le quartier de Clausen, se confondrait avec l’intérêt général de la collectivité dont la défense serait réservée aux autorités.
En ordre plus subsidiaire, la société … estime que le recours devrait être déclaré irrecevable dans le chef de l’asbl … pour défaut de représentativité de cette association. Elle fait valoir que cette association n’aurait que 70 membres, tandis que le quartier de Clausen compterait 800 habitants, pour en déduire que la représentativité du Syndicat par rapport à la population totale du quartier de Clausen serait limitée. Elle donne à considérer que les intérêts des habitants d’un quartier peuvent être très variés, voire contradictoires.
La partie défenderesse se rapporte à la sagesse du tribunal en ce qui concerne l’intérêt à agir de l’asbl ….
L’intérêt à agir conditionnant la recevabilité d’un recours administratif doit être personnel et direct, né et actuel, effectif et légitime.
Les groupements régulièrement constitués sous forme de fondations ou d’associations sans but lucratif, qui entendent demander en justice la réparation de l’atteinte à l’intérêt collectif qu’ils défendent, sont admis à agir du moment que l’action collective est dictée par un intérêt corporatif caractérisé et que ces actions collectives ont pour objectif de profiter à l’ensemble des associés. En revanche, dès lors que l’intérêt collectif en défense duquel des associations prétendent agir, même en conformité avec leur objet social, se confond avec l’intérêt général de la collectivité, le droit d’agir leur est en principe refusé, étant donné que par leur action, elles empiètent sur les attributions des autorités étatiques, administratives et répressives, auxquelles est réservée la défense de l’intérêt général (cf. trib. adm. 27 juin 2001, n° 12485 du rôle, Pas. adm.
2008, V° Procédure contentieuse, n° 38 et autres références y citées).
Selon l’article 2 des statuts de l’asbl …, l’association a pour but : « - de défendre les intérêts du quartier de Clausen et des alentours ainsi que de ses habitant(e)s ; - de transmettre les doléances aux autorités compétentes et de contribuer à rechercher une solution aux problèmes qui se posent en conformité avec l’intérêt général ; - de collaborer de manière constructive au développement du quartier et à l’amélioration de la qualité de vie de ses habitant(e)s ».
S’il est vrai que le présent recours est compatible avec l’objet social de l’asbl …, celle-ci ne justifie cependant pas de la lésion d’un intérêt personnel, distinct de l’intérêt général, de sorte que son intérêt à agir n’a pas été établi en cause. En effet, au-delà d’affirmer qu’elle a, de par son objet social, la mission de défendre les intérêts communs des habitants du quartier de Clausen et notamment de défendre le maintien de la qualité de vie dans ce quartier, l’intérêt à agir ainsi invoqué en ce qu’il a trait en substance à l’impact sur l’ensemble du quartier concerné de l’autorisation d’établissement litigieuse est a priori appelé à se confondre avec l’intérêt général, sans qu’elle justifie par ailleurs de l’existence d’éléments dans son chef d’un intérêt spécifique ne s’identifiant pas avec l’intérêt général, telle la qualité de propriétaire d’immeubles riverains, et pouvant dès lors fonder un intérêt suffisant à agir également à l’encontre de décisions individuelles.
En effet, force est de constater que le … n’affirme pas non plus en l’espèce justifier d’une situation de proximité par rapport à l’établissement concerné dont l’exploitation est autorisée à travers la décision déférée, de nature à fonder un intérêt personnel à agir dans son chef.
Il s’ensuit que l’asbl … est en défaut d’alléguer, sinon a fortiori d’établir dans son chef un intérêt à agir distinct de l’intérêt général, de sorte qu’il convient de retenir que ladite association empiète sur les attributions des autorités étatiques, administratives et répressives, auxquelles est réservée la défense de l’intérêt général, et ne défend pas un intérêt corporatif caractérisé suffisant à lui donner un intérêt à agir.
Cette conclusion n’est pas énervée par la référence faite par les demandeurs à un arrêt de la Cour d’appel du 20 juin 2007 versé en cause, étant donné que dans cette affaire était en cause la recevabilité de l’action d’un syndicat professionnel, à savoir l’Ordre des experts indépendants professionnels en automobile, qui agissait pour la défense de l’intérêt collectif de la profession qu’il représente. A la différence d’un syndicat professionnel qui agit pour la défense des intérêts de la profession et qui justifie donc d’un intérêt personnel à agir puisqu’il est considéré comme le représentant de cette profession, une association ne peut représenter que ses membres et non la collectivité visée par ses statuts. Le préjudice collectif invoqué dépassera ainsi en règle générale les seuls membres de l’association qui ne pourra pas prétendre qu’il lui est personnel.
L’association ne saura ainsi se prévaloir d’un intérêt personnel, alors qu’il ne s’agira que de la somme des intérêts individuels de ses membres.
Il suit de ce qui précède que l’exception d’irrecevabilité soulevée doit être accueillie et que le recours en réformation est à déclarer irrecevable dans le chef de l’asbl … pour défaut d’intérêt à agir.
Quant à l’intérêt à agir des demandeurs personnes physiques La société … conteste également l’intérêt à agir des demandeurs personnes physiques en ce que ceux-ci, au-delà d’affirmer de manière générale qu’ils seraient gênés par le trafic, les problèmes de stationnement et le bruit causé par l’établissement « … » et les autres établissements présents sur le site Rives de Clausen, omettraient de préciser en quoi, l’autorisation d’exploitation querellée leur ferait grief. Ils ne justifieraient partant pas d’un intérêt légitime à agir.
Elle fait valoir que les demandeurs personnes physiques habiteraient à des endroits différents du quartier de Clausen, de sorte qu’il serait difficilement concevable qu’ils puissent tous invoquer les mêmes gênes.
La société … soutient, en ce qui concerne le bruit émanant prétendument du site Rives de Clausen, que les demandeurs sub 2), 3), 4), 6), 8), 9) et 10) n’auraient aucun intérêt personnel à agir à l’encontre de l’autorisation litigieuse, dans la mesure où leurs habitations se trouveraient à une distance trop éloignée du site pour pouvoir ressentir une gêne. Quant au bruit prétendument causé par les allées et venues des clients du site, elle estime que les clients n’auraient aucun intérêt à passer par la rive gauche de l’Alzette ou par la partie du quartier où habitent les demandeurs sub 2), 3), 4), 6), 8), 9) et 10) ou par le plateau Altmunster où habite le demandeur sub 7) pour accéder au site en voiture, voire pour s’y garer. Quant à la partie du quartier où habiteraient les demandeurs sub 3), 6) et 8), il s’agirait d’une rue interdite le soir à la circulation et protégée par une borne. En ce qui concerne le reproche de ne pas trouver une place à se garer en rentrant à la maison le soir, la société … répond que les demandeurs ne justifieraient pas d’un intérêt légitime à agir à ce titre au motif qu’il ne s’agirait pas d’un intérêt légitime digne de protection par la justice, d’une part, et qu’ils disposeraient tous d’un garage respectivement d’emplacements réservés, d’autre part.
En ce qui concerne les demandeurs sub 5) et 11), la partie tierce intéressée s’interroge sur la légitimité de leur intérêt à agir dans la mesure où, et contrairement à ce qui est soutenu par les demandeurs, ceux-ci n’habiteraient pas sur le site même.
La Ville de Luxembourg se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne l’intérêt à agir des demandeurs, tout en précisant, en ce qui concerne les demandeurs sub 2), 3), 4), 6), 8), 9) et 10), que ceux-ci habiteraient à une distance supérieure ou égale à 200 mètres à vol d’oiseau du site litigieux.
En matière d’établissements classés, les voisins directs par rapport à un établissement projeté peuvent légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux du projet et qu’ils ont intérêt à voir respecter les règles applicables en matière d’établissements classés du moins dans la mesure où la non observation éventuelle de ces règles est susceptible de leur causer un préjudice nettement individualisé (cf. trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9474, Pas. adm. 2008, V° Procédure contentieuse, n° 69 et autres références y citées), étant entendu que la notion de proximité suffisante des propriétaires ou habitants par rapport à une installation insalubre ou incommode est, entre autres, fonction de l’envergure de l’installation concernée, ainsi que de l’importance des nuisances ou risques de nuisances que son exploitation peut comporter (cf. trib. adm. 27 juin 2001, n° 12485 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Procédure contentieuse, n° 70 et autres références y citées).
Concernant la proximité d’installation des demandeurs sub 2) à 11), selon les indications apportées par les demandeurs, lesquelles n’ont pas été en substance contredites par les parties adverses, de sorte que le tribunal est amené à les considérer comme données constantes en cause, il échet de retenir que les demandeurs habitent tous dans un rayon de moins de 300 mètres autour du site Rives de Clausen.
Il y a lieu de relever que l’autorisation d’établissement litigieuse a été délivrée pour un établissement situé sur le site Rives de Clausen, que le même jour ont été délivrées deux autres autorisations d’établissement, qui font également l’objet de recours, pour des établissements à exploiter sur le même site, sur lequel d’autres établissements sont encore projetés, voire déjà exploités.
Le moyen d’irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs personnes physiques laisse dès lors d’être fondé, étant donné que l’existence d’un lien suffisamment direct entre la décision déférée et leur situation personnelle, en tant que voisins de l’établissement, est patent à partir de la situation particulière de leur lieu de résidence, ainsi que de l’impact que le projet litigieux présente pour le voisinage direct en raison notamment de son envergure et de son objet.
Quant à la légitimité de l’intérêt à agir, également contestée par la partie tierce intéressée, celle-ci reste en défaut d’établir en quoi l’exercice du recours par les demandeurs poursuivrait un intérêt illicite.
Il suit de ce qui précède que l’exception pour défaut d’intérêt à agir des demandeurs personnes physiques ne saurait être accueillie.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable, dans la limite des moyens d’annulation soulevés, dans le chef de tous les demandeurs, à l’exception de l’asbl ….
Quant à l’intervention volontaire Les demandeurs dénient à l’Etat un intérêt à agir né et actuel dans la mesure où ce serait le bourgmestre de la Ville de Luxembourg qui a délivré l’autorisation d’exploitation litigieuse et non pas le ministre de l’Environnement. D’autre part, le ministre de l’Environnement ne contesterait pas la légalité de la décision du bourgmestre, de sorte qu’il y aurait lieu d’admettre que l’Etat à travers son intervention volontaire dans le présent litige entendrait exercer une « action préventive » non prévue en droit luxembourgeois afin d’empêcher la création d’une jurisprudence contraire à sa position. Or, ce faisant le ministre ne justifierait pas d’un intérêt à intervenir au sens juridique du terme, de sorte que la requête en intervention volontaire serait à déclarer irrecevable.
La partie tierce intéressée conclut que la requête en intervention volontaire de l’Etat serait recevable et justifiée.
Quant à la partie défenderesse, elle estime qu’il y aurait lieu de déclarer recevable la requête en intervention volontaire de l’Etat dans la mesure où le litige porterait entre autres sur la question de l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’exploitation sous l’empire de la loi du 10 juin 1999. Elle explique que contrairement à son analyse ayant abouti à considérer les établissements de restauration, bars et salles de spectacles comme constituant un site unique et devant relever à ce titre du régime d’autorisation de la classe 1, le ministère de l’Environnement aurait défendu la thèse que chaque établissement devrait être autorisé séparément en tant qu’établissement de la classe 2, de sorte qu’il serait important que l’Etat soit admis à intervenir dans l’instance.
Force est de constater que l’Etat, représenté par son ministre de l’Environnement, a un intérêt à la solution du présent litige, étant donné que l’un des moyens des demandeurs est dirigé contre sa position dans la mesure où il défend la thèse, en opposition flagrante avec celle défendue par les demandeurs, que chaque établissement présent sur le site Rives de Clausen doit faire l’objet d’une autorisation d’exploitation séparée, de sorte que les établissements en cause relèvent de la classe 2 et ne tombent partant pas dans le champ de compétence des ministres compétents pour les établissement de la classe 1.
Il y a partant lieu d’admettre l’intervention volontaire de l’Etat dans la présente instance.
Quant au fond En premier lieu, les demandeurs concluent à l’irrégularité de la procédure d’autorisation suivie, en soutenant que si l’établissement litigieux « … » relèverait bien de la classe 2, l’ensemble des établissements d’ores et déjà autorisés dans le cadre du projet Rives de Clausen dépasserait une capacité d’accueil de 1.000 personnes et relèverait partant de la classe 1. Ils reprochent ainsi au bourgmestre d’avoir examiné chaque demande d’autorisation séparément au lieu de considérer le site Rives de Clausen comme un ensemble relevant de la classe 1. Ce serait dès lors à tort que les autorisations ont été délivrées sur la base d’une procédure mise en place pour des installations relevant de la classe 2. Pour fonder leur argumentation, ils se basent sur l’article 1er, paragraphe 2 de la loi du 10 juin 1999 aux termes duquel « tout établissement industriel, commercial ou artisanal, public ou privé, toute installation, toute activité ou activité connexe et tout procédé, dénommés ci-après établissements » tomberaient dans le champ d’application de ladite loi. Ils font valoir que dans la mesure où le but de la législation sur les établissements classés serait celui de mesurer les inconvénients susceptibles d’incommoder les riverains du site - au sens géographique du terme - l’implantation serrée d’établissements de même nature qui, de ce fait, constituent une source unique d’inconvénients, qui risque d’avoir un effet nuisible exponentiel, devrait être considérée de manière globale pour déterminer la classe dont ils relèvent, sous peine de priver la loi du 10 juin 1999 de sa vocation et de son efficacité. Ils font encore noter que le bourgmestre aurait lui-même considéré que les différents établissements étaient source unique de nuisances, puisqu’une étude de bruit globale pour tout le site aurait été effectuée.
La partie défenderesse rétorque qu’après avoir analysé le projet, elle serait venue à la conclusion que les établissements de restauration, bars et salles de spectacles auraient pu être considérés comme constituant un site unique et relevant à ce titre du régime d’autorisation de la classe 1 tel que prévu par la loi du 10 juin 1999. Elle aurait ainsi conseillé au propriétaire du terrain d’adresser aux administrations compétentes une demande d’autorisation d’établissement relevant de la classe 1 pour l’ensemble du site. Comme celles-ci ne se seraient pas reconnues officiellement compétentes, le bourgmestre aurait délivré le 8 octobre 2008 des autorisations valables pour six mois. Elle affirme dans ce contexte que le simple fait que chaque demande d’autorisation ait été traitée séparément n’aurait pas engendré une protection moindre au regard des objectifs prévus par la loi du 10 juin 1999, la preuve en étant qu’une étude du bruit globale pour tout le site a été effectuée.
Le ministre de l’Environnement soutient que seuls les établissements qui sont limitativement énumérés par le règlement grand-ducal du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés tomberaient dans le champ d’application de la loi du 10 juin 1999. Or, le point de nomenclature 311.2.a) ne viserait qu’un seul établissement d’une capacité d’accueil de plus de 1.000 personnes et aucune disposition de la loi ne permettrait de faire l’addition des différents établissements, même s’ils sont de même nature et regroupés sur un même site. Il soutient ensuite que les termes de l’article 2.2 de la loi du 10 juin 1999 s’opposeraient à la délivrance d’une autorisation d’établissement unique pour plusieurs établissements exploités par des exploitants différents. Or, tel serait précisément le cas dans le cadre du projet Rives de Clausen.
La partie tierce intéressée se rallie à l’argumentation défendue par l’Etat.
Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2 de la loi du 10 juin 1999 « sont soumis aux dispositions de la (…) loi tout établissement industriel, commercial ou artisanal, public ou privé, toute installation, toute activité ou activité connexe et tout procédé, dénommés ci-après « établissement(s) », dont l’existence, l’exploitation ou la mise en œuvre peuvent présenter des causes de danger ou des inconvénients à l’égard des intérêts dont question au point 1 ».
L’article 3 de la même loi dispose que « les établissements sont divisés en quatre classes et deux sous-classes. Leur nomenclature et leur classification sont établies par règlement grand-
ducal ».
Il y a encore lieu de relever que c’est l’article 4 de la même loi qui détermine les compétences respectives des autorités qui sont habilitées à prendre les autorisations dans le cadre de la loi du 10 juin 1999 et que ces compétences sont différentes suivant les classes et sous-
classes dans lesquelles sont rangés les établissements classés par le règlement grand-ducal prévu à l’article 3 précité.
Il se dégage de l’agencement et du contenu des dispositions légales précitées que tous les établissements classés devant être autorisés en conformité avec la loi du 10 juin 1999 doivent avoir été énumérés par le règlement grand-ducal tel que visé à l’article 3 de la loi du 10 juin 1999, au vu de ce que l’article en question vise « les » établissements, partant tous les établissements sujets à autorisation et qu’à défaut pour un établissement de figurer dans la nomenclature ainsi fixée par le règlement grand-ducal, l’établissement en question n’a pas pu bénéficier d’une classification, de sorte à rendre impossible la détermination des compétences ministérielles ou communales en conformité avec l’article 4 de la même loi.
Il s’ensuit que, et contrairement aux développements des demandeurs, l’article 1er, paragraphe 2 de la loi du 10 juin 1999 ne constitue pas une base légale suffisante permettant de soumettre un établissement industriel, commercial ou artisanal au champ d’application de la loi du 10 juin 1999, à défaut pour l’établissement en question de figurer dans la nomenclature et la classification du règlement grand-ducal visé à l’article 3 de la même loi.
Il n’appartient par ailleurs pas au juge ni de rajouter à la loi une disposition que celle-ci ne contient pas, ni de soumettre au champ d’application de la loi du 10 juin 1999 un établissement que le pouvoir exécutif n’a pas énuméré au règlement grand-ducal visé par l’article 3 de la loi du 10 juin 1999. Il s’ensuit que la nomenclature et la classification figurant au règlement grand-
ducal précité du 16 juillet 1999, pris en application de l’article 3 en question, sont limitatives.
En ce qui concerne les salles de spectacles, le règlement grand-ducal du 16 juillet 1999 prévoit sous le numéro 311. 2) a) les salles de spectacles destinées à recevoir plus de 1.000 personnes comme relevant de la classe 1, tandis que le numéro 311 2) b) classe les salles de spectacles accueillant entre 100 et 1.000 personnes dans la classe 2.
C’est encore à juste titre que le délégué du gouvernement soutient que le point de nomenclature 311. 2) a) ne vise qu’un seul établissement d’une capacité d’accueil de 1.000 personnes, étant donné que ledit texte ne prévoit pas que l’on puisse additionner la capacité d’accueil de plusieurs établissements, même s’ils sont exploités sur un même site géographique.
L’argument des demandeurs tiré de ce que les activités des différents établissements autorisés sur le site Rives de Clausen seraient connexes au sens de la loi du 10 juin 1999 laisse également d’être fondé. En effet, si l’article 1er, paragraphe 2 de ladite loi prévoit certes que « toute activité ou activité connexe » relève du champ d’application de ladite loi, il faut cependant entendre par là toute activité connexe d’un établissement classé engendrée par l’exploitation de ce dernier.
Pour le surplus, il convient encore de relever que l’article 2, paragraphe 2 de la loi du 10 juin 1999, qui définit ce qu’il faut entendre par autorisation au sens de ladite loi, prévoit certes qu’une autorisation peut être valable pour plusieurs établissements situés sur un même site, mais dans ce cas, les établissements sont exploités par un même exploitant. Or, en l’espèce, les différents établissements présents sur le site Rives de Clausen sont exploités par des exploitants distincts, de sorte que cette disposition ne saurait utilement sous-tendre l’argumentation des demandeurs.
Quant à l’argument des demandeurs selon lequel seul un traitement global de tous les établissements de même nature causant les mêmes nuisances permettrait de mesurer leur impact global sur l’environnement, en conformité avec les objectifs poursuivis par la loi du 10 juin 1999, n’est pas non plus fondé, étant donné que, ainsi que cela a été relevé à bon droit par le délégué du gouvernement, une étude d’impact peut, si le besoin en est, être sollicitée par l’autorité compétente.
Il s’ensuit qu’en application des dispositions légales et réglementaires actuellement en vigueur, c’est à bon droit que la procédure d’autorisation pour un établissement relevant de la classe 2 a été suivie.
Le moyen afférent des demandeurs est partant à rejeter comme non fondé.
Les demandeurs invoquent ensuite une violation de l’article 17, paragraphe 2 de la loi du 10 juin 1999 en ce que l’établissement litigieux ne serait pas situé dans une zone prévue à cette fin par le plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg (PAG). Ils font valoir que l’établissement litigieux serait prévu dans le « secteur protégé des vallées de la Pétrusse et de l’Alzette et du promontoire du Rham », dans lequel, en vertu de l’alinéa 3 de l’article C.5.1. de la partie écrite du PAG, ne seraient admis que des logements, des équipements d’intérêt public ainsi que des installations et des établissements servant aux besoins propres du quartier d’habitation.
S’ils reconnaissent que selon l’alinéa 4 de l’article C.5.1, sur les sites marqués sur la partie graphique par la lettre M, une affectation telle que prévue par l’article B.0 peut être admise, soit des établissements administratifs, commerciaux et récréatifs, ils relèvent l’absence de définition de la notion de « site » dans le PAG qui n’aurait partant aucune signification juridique. En outre, si deux lettres M figuraient bien sur la partie graphique du PAG à l’endroit occupé par l’établissement litigieux, les limites exactes de la zone M ne seraient pas clairement définies dans la partie graphique. Ils en déduisent que la disposition de l’article C.5.1, alinéa 4 ne serait pas applicable à défaut de précisions quant à sa signification exacte.
Ils soutiennent ensuite que la disposition de l’alinéa 4 de l’article C.5.1. de la partie écrite du PAG devrait être appliquée cumulativement avec les autres dispositions applicables au secteur protégé en question. Ils estiment en effet que ladite disposition ne saurait aboutir à abroger les autres dispositions protectrices relatives au secteur protégé. Ils plaident ainsi pour une application rationnelle et conforme à l’ensemble des dispositions du PAG, en soutenant que les sites marqués par la lettre M ne peuvent accueillir que des établissements administratifs, commerciaux et récréatifs qui ne sont pas de nature à avoir des nuisances au-delà des sites strictement délimités sur la partie graphique. Or, de l’avis des demandeurs, un bar avec salle de spectacles du type de l’établissement autorisé ne serait pas de nature à satisfaire les besoins propres d’un quartier d’habitation, d’autant plus que la capacité d’accueil du projet « Rives de Clausen » pour les trois établissements autorisés à la date du 8 octobre 2008 serait de 1.035 personnes, alors que le quartier de Clausen ne compterait qu’environ 800 habitants.
En substance, les demandeurs soutiennent que la disposition de l’alinéa 4 de l’article C.5.1 du PAG ne saurait trouver application en l’espèce, à défaut de définition de la notion de « site » et de délimitation précise de la zone concernée.
La Ville de Luxembourg rétorque que le site marqué par la lettre M constituerait le site de l’ancienne brasserie Mousel, qui formerait un terrain et un ensemble de bâtiments situés le long de la rue Emile Mousel. Si elle admet que le PAG ne contient pas de définition de la notion de « site », elle cite toutefois la définition donnée par le Dicobat, Dictionnaire général du bâtiment (Jean de Vigan, éditions Arcature 2000) selon lequel il s’agit d’un ensemble de terrains ayant une caractéristique commune, soit d’ordre architectural, historique, naturel ou pittoresque. En ordre subsidiaire, elle fait valoir qu’une confusion au sujet de la délimitation de la zone concernée ne serait pas possible, dès lors que l’autorisation litigieuse concernerait un immeuble qui se trouverait implanté à proximité de la lettre M.
La société … fait valoir pour sa part qu’une zone est définie soit par une limite spécialement indiquée, soit par une zone d’une autre couleur. Il s’ensuivrait qu’en l’espèce, le site serait délimité sur la partie graphique par les zones de couleur verte situées le long de l’Alzette et par la couleur bleue qu’est le plateau Altmunster et par les rues de couleur blanche. Elle explique que la Ville de Luxembourg, lors de la révision de son PAG, aurait décidé d’accorder aux anciens sites industriels situés dans le secteur protégé des rives de l’Alzette, à savoir l’ancien site industriel de la Pulvermuehl et celui de l’ancienne brasserie Mousel, le statut particulier des secteurs mixtes de la classe B.0 définissant les zones mixtes. Le fait que les sites seraient marqués par deux respectivement par trois lettres M s’expliquerait tout simplement par l’étendue des sites respectifs.
Quant à la partie intervenante, le délégué du gouvernement a déclaré que l’Etat n’entendait pas prendre position par rapport à ce moyen.
Aux termes de l’article 17, paragraphe 2 de la loi du 10 juin 1999, en présence d’un établissement projeté dans des immeubles existants ou dans des immeubles à construire et dont la construction a été dûment autorisée, les autorisations requises en vertu de cette loi ne pourront être délivrées que lorsque l’établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, remplacée par la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
En l’espèce, il est constant que l’immeuble devant accueillir l’établissement litigieux est situé dans le secteur protégé des vallées de la Pétrusse et de l’Alzette et du promontoire du Rham, et plus particulièrement sur le site de l’ancienne brasserie Mousel, une zone marquée dans la partie graphique du PAG en rose et par deux lettres M.
Aux termes de l’article C.5.1 de la partie écrite du PAG, le secteur protégé des vallées de la Pétrusse et de l’Alzette et du promontoire du Rham couvre les parties du territoire de la Ville de Luxembourg situées aux abords des cours d’eau de la Pétrusse et de l’Alzette, entre le pont Adolphe et la place Dargent, le promontoire du Rham et le lieu-dit « Pulvermuehl », le côté impair du boulevard de la Pétrusse entre la rue Zithe et la rue Adolphe Fischer, les deux côtés du boulevard de la Pétrusse entre la rue Adolphe Fischer et la rue d’Anvers ainsi que le côté impair de la rue d’Anvers, allant des maisons 77 à 93 et les sites du « Konviktsgaard » et de la « Fondation Pescatore ». Ce secteur est représenté dans la partie graphique par la couleur rose. Y sont admis des logements, des équipements d’intérêt public, ainsi que des installations et des établissements servant aux besoins propres d’un quartier d’habitation. Sur les sites marqués sur la partie graphique par la lettre M, une affectation telle que prévue par l’article B.0 peut être admise.
L’article B.0 de la partie écrite du PAG a trait aux zones mixtes qui sont définies à l’article B.0.1 comme étant celles constituées par les parties du territoire de la ville qui, situées principalement aux abords des voies à circulation intense, sont destinées à accueillir, en dehors de l’habitat, des établissements administratifs, commerciaux et récréatifs.
En ce qui concerne la délimitation du site marqué par deux lettres M sur la partie graphique, il n’est pas contesté par les parties que le PAG ne donne pas une définition de la notion de « site ». Il y a toutefois désaccord entre les parties quant au sens à donner au terme de « site ». Contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, l’absence de définition de la notion de « site » n’empêche pas la disposition afférente de l’alinéa 4 de l’article C.5.1 de s’appliquer, mais il incombe au contraire au juge de donner un sens à ce terme en conformité avec la ratio legis. D’après la définition donnée par la partie défenderesse et issue du Dicobat, Dictionnaire général du bâtiment de Jean de Vigan aux éditions Arcature 2000, la notion de « site » vise notamment un « ensemble urbain ou zone à caractère particulier d’ordre architectural, historique, naturel ou pittoresque ».
Il ressort de l’extrait de la partie graphique du PAG versé en cause que le site de l’ancienne brasserie Mousel est situé dans le secteur protégé des vallées de la Pétrusse et de l’Alzette et du promontoire du Rham qui est marqué de couleur rose et que le site est marqué par deux lettres M.
S’il est vrai que sur la partie graphique, le site en question marqué par deux lettres M n’est pas clairement délimité par des limites spécialement indiquées, il n’y a cependant pas lieu de se référer aux limites représentées par des zones d’une autre couleur, dès lors qu’il ne s’agit pas en l’occurrence de la délimitation d’une zone ou d’un secteur, mais d’un site. Or, le site de l’ancienne brasserie Mousel correspond parfaitement à la définition du site, telle que énoncée ci-
dessus, en ce qu’il constitue une zone à caractère particulier d’ordre architectural, historique et même pittoresque. Cette analyse est encore confirmée par le fait que sur l’extrait de la partie graphique versé en cause figure un autre site dans le secteur protégé des vallées de la Pétrusse et de l’Alzette et du promontoire du Rham, à savoir le site de l’ancienne usine …, marqué par trois lettres M. La conclusion s’impose partant que les rédacteurs du PAG ont entendu réserver à ces anciens sites industriels une affectation telle que prévue à l’article B.0.
Etant donné qu’en vertu de l’article C.5.1, alinéa 4 de la partie écrite du PAG, sur les sites marqués par une lettre M, des établissements récréatifs, voire commerciaux peuvent être accueillis, l’établissement litigieux d’un bar avec salle de spectacles n’est partant pas incompatible avec la zone d’implantation.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation des demandeurs consistant à soutenir qu’il faudrait interpréter l’alinéa 4 de l’article C.5.1 de la partie écrite du PAG ensemble avec les autres dispositions de l’article C.5.1. En effet, à suivre la thèse des demandeurs, cela reviendrait à vider l’alinéa 4 de l’article C.5.1 de tout son sens. La crainte des demandeurs de voir transformer le secteur protégé en zone mixte, n’est pas non plus fondée, étant donné que les sites marqués par la lettre M sont limités dans leur nombre et leur étendue, de sorte que les dispositions protectrices de l’article C.5.1, en dehors de ces sites, restent toujours d’application.
Quant aux critiques des demandeurs à l’encontre de l’établissement litigieux, qui se résument en substance au caractère démesuré, de par son envergure, du projet « Rives de Clausen » dans son ensemble, par rapport aux besoins du quartier d’habitation de Clausen, cela revient à remettre directement en question le choix politique à la base du projet, étant entendu qu’il n’appartient pas au bourgmestre, dans le cadre des compétences lui conférées par la loi du 10 juin 1999, de se prononcer sur l’opportunité politique de l’envergure de l’établissement classé concerné, tout comme il n’appartient pas au tribunal administratif d’étendre son contrôle sur le terrain des considérations d’opportunité politique.
Le moyen tiré d’une violation de l’article 17, paragraphe 2 de la loi du 10 juin 1999 est partant à rejeter comme non fondé.
Les demandeurs sollicitent ensuite la réformation de l’autorisation litigieuse en vue de réduire les nuisances jugées excessives pour les riverains et ils proposent différentes solutions concrètes pour y remédier.
A cet égard, il convient de relever, comme il a été retenu ci-avant, que le tribunal ne saurait utilement faire droit à la demande en réformation, étant donné que l’autorisation d’établissement classé litigieuse a cessé de produire ses effets. Il n’en demeure pas moins que le tribunal vérifiera la légalité de l’autorisation d’établissement classé dans la limite des moyens d’annulation avancés par les demandeurs.
Les demandeurs se plaignent de nuisances sonores et de troubles de voisinage causés par l’exploitation de l’établissement.
Conformément aux dispositions de l’article 13 de la loi du 10 juin 1999, les autorisations délivrées en matière d’établissements classés sont appelées à fixer « les conditions d’aménagement et d’exploitation qui sont jugées nécessaires pour la protection des intérêts visés à l’article 1er de la présente loi, en tenant compte des meilleures techniques disponibles respectivement en matière d’environnement et en matière de protection des personnes », étant entendu que ladite loi a, aux termes de son article 1er, pour objet de « - réaliser la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance des établissements ; - protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au voisinage ou au personnel des établissements, la santé et la sécurité des travailleurs au travail, ainsi que l’environnement humain et naturel ; - promouvoir un développement durable ».
En ce qui concerne les nuisances sonores, les demandeurs reprochent au bourgmestre de ne prescrire dans son autorisation que des mesures abstraites et de ne pas avoir pris des mesures concrètes afin de garantir de manière effective le repos des riverains et la tranquillité du voisinage. Ils se plaignent dans ce contexte de nuisances sonores extérieures provoquées par les clients, ainsi que par les voitures des clients cherchant une place pour se garer, de l’ouverture et la fermeture des portes des établissements laissant échapper le bruit vers l’extérieur, du bruit causé par le rangement du site après les heures de fermeture et d’actes de vandalisme et d’incivisme.
La Ville de Luxembourg rétorque que les demandeurs resteraient en défaut d’établir que les établissements autorisés dépassent les normes découlant respectivement du règlement grand-
ducal du 16 novembre 1978 concernant les niveaux acoustiques pour la musique à l’intérieur des établissements et dans leur voisinage et du règlement grand-ducal du 13 février 1979 concernant le bruit dans les alentours immédiats des établissements et des chantiers. Les demandeurs n’auraient pas non plus établi en quoi les conditions d’aménagement et d’exploitation énoncées dans l’arrêté d’autorisation litigieux du 8 octobre 2008 ne suffiraient pas pour garantir les objectifs visés par la loi du 10 juin 1999.
La société …, à l’instar de la partie défenderesse, estime que les demandeurs n’indiqueraient pas avec la précision requise les griefs dont ils entendent faire état, tout en relevant que des articles de presse et des échanges de correspondance ne sauraient servir de preuve des troubles allégués. Elle conteste par ailleurs que les prétendues nuisances invoquées par les demandeurs proviennent de l’exploitation de son établissement. En ordre subsidiaire, elle soutient qu’elle respecterait les dispositions légales applicables en la matière, ainsi que les conditions imposées par l’autorisation d’établissement. Quant aux nuisances sonores provoquées par les clients à l’extérieur de son établissement, la société … fait siennes les conclusions du délégué du gouvernement qui estime que le bruit causé par les clients ne serait pas susceptible d’être réglementé par une autorisation dite commodo et incommodo. Elle conteste par ailleurs une quelconque relation entre les prétendus troubles et son établissement, tout en précisant qu’elle n’aurait aucune autorité de police sur la voie publique et qu’elle ne serait pas gardienne de ses clients.
Un acte administratif individuel, et plus particulièrement celui qui est de nature à faire grief soit à son destinataire soit à de tierces personnes, bénéficie de la présomption de légalité ainsi que de conformité par rapport aux objectifs de la loi sur base de laquelle il a été pris, de sorte qu’il appartient à celui qui prétend subir un préjudice ou des inconvénients non justifiés du fait de l’acte administratif en question, et qui partant souhaite le voir réformé ou annulé en vue d’obtenir une situation de fait qui lui est plus favorable, d’établir concrètement en quoi l’acte administratif en question viole une règle fixée par une loi ou un règlement grand-ducal d’application (cf. trib. adm. 16 juillet 2003, n° 15207 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Actes administratifs, n° 82).
Cette règle s’applique plus particulièrement en matière d’établissements classés, de sorte qu’il ne suffit pas d’invoquer de manière générale et abstraite des inconvénients que de tiers intéressés estiment subir du fait de l’autorisation d’un établissement classé, mais il leur incombe d’apporter au tribunal des éléments suffisamment précis et documentés dans toute la mesure du possible afin que la juridiction soit mise en mesure d’apprécier de la manière la plus exacte possible la nature des inconvénients et préjudices que ces tiers intéressés déclarent subir du fait de l’installation et de l’exploitation de l’établissement classé, en lui soumettant également une argumentation juridique et technique suffisamment détaillée tendant à établir les raisons pour lesquelles les conditions techniques fixées par l’autorisation litigieuse ne sont pas de nature à leur donner satisfaction. En effet, ce n’est que dans ces conditions que le tribunal peut sérieusement analyser, dans le cadre du recours en réformation dont il est saisi en matière d’établissements classés, le caractère approprié des conditions fixées par l’autorisation litigieuse et ordonner, le cas échéant, au cas où il estime ne pas disposer de toutes les connaissances techniques nécessaires, une expertise technique (cf. trib. adm. 16 juillet 2003, n° 15207 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Etablissements classés, n° 120).
En l’espèce, en ce qui concerne tout d’abord le reproche formulé par les demandeurs suivant lequel l’autorisation litigieuse ne contiendrait pas de mesures concrètes pour garantir la protection des intérêts visés à l’article 1er de la loi du 10 juin 1999 et, notamment le repos et la tranquillité du voisinage, force est de constater que ce reproche n’est pas fondé, étant donné que l’autorisation litigieuse du bourgmestre du 8 octobre 2008 fixe sous les points 15 à 19 sous la rubrique « Mesures relatives à la santé, la salubrité et la commodité », à côté de simples recommandations à l’adresse de l’exploitant, un ensemble contraignant de conditions d’exploitation et de réserves auxquelles est soumise l’exploitation de l’établissement litigieux, telle l’interdiction de servir des boissons à l’extérieur de l’établissement. S’y ajoute que le bourgmestre a précisé dans sa décision sous le point 17 que les recommandations retenues à l’étude de bruit, faisant partie intégrante de l’arrêté d’autorisation, sont à respecter.
S’agissant des nuisances sonores, les demandeurs font état, d’une part, de nuisances provenant de l’exploitation même des établissements du site Rives de Clausen et, d’autre part, de nuisances extérieures provoquées par les clients de ces établissements.
A cet égard, il échet tout d’abord de relever que les demandeurs se plaignent, d’une manière générale et abstraite, de nuisances sonores qu’ils jugent excessives, sans toutefois localiser avec précision la source exacte des nuisances alléguées, la source retenue par les demandeurs étant le site Rives de Clausen dans son ensemble.
Les demandeurs restent également en défaut de soumettre au tribunal des éléments concrets de nature à établir que les nuisances alléguées soient excessives. Or, ils ne sauraient démontrer, par leurs seules allégations, le caractère excessif des nuisances dont ils se prévalent en raison de l’exploitation de l’établissement litigieux. Ils n’ont ainsi soumis aucune indication concrète, chiffrée ou technique au tribunal qui permettrait de soutenir que les nuisances sonores dépassent les seuils légalement tolérables, et notamment dans quelle mesure ces nuisances dépasseraient les prévisions des deux règlements grand-ducaux précités du 16 novembre 1978 et du 13 février 1979, étant entendu qu’il s’agit ici non pas d’examiner les nuisances effectives, mais de savoir si le bourgmestre a pris toutes les précautions et mesures nécessaires pour éviter que les inconvénients effectifs puissent être regardés comme étant excessifs. Ce faisant, les demandeurs n’ont pas mis le tribunal en mesure de vérifier ni la réalité des nuisances sonores ainsi alléguées, ni d’en apprécier le caractère prétendument excessif.
Quant aux autres nuisances sonores invoquées, provoquées à l’extérieur par les clients du site Rives de Clausen, étant relevé que dans ce contexte aussi les demandeurs raisonnent en termes généraux par rapport à l’ensemble du site Rives de Clausen, sans distinguer entre les clients des différents établissements, distinction qui est par ailleurs très difficile, voire impossible à faire, il y a lieu de retenir que de telles nuisances ne relèvent pas du champ d’application de la loi du 10 juin 1999, mais du domaine du maintien de l’ordre et de la tranquillité publics.
Force est dès lors au tribunal de constater que les demandeurs n’ont pas établi que la décision litigieuse du bourgmestre, en ce qui concerne les nuisances sonores alléguées, soit entachée d’une erreur d’appréciation manifeste ou d’illégalité.
Les demandeurs se plaignent ensuite d’une augmentation du trafic routier et de problèmes de stationnement aux abords du site Rives de Clausen. Ils font valoir que le parking du site Rives de Clausen d’une capacité de 350 à 400 places ne suffirait pas au vu de la capacité d’accueil totale de 1.035 personnes pour les trois établissements autorisés sur ledit site par le bourgmestre à la date du 8 octobre 2008. Or, malgré des mesures concrètes adoptées par la Ville de Luxembourg, et notamment par la mise en place d’un service de navettes, les clients continueraient à venir en voiture, ce qui entraînerait un stationnement illicite gênant dans le quartier de Clausen. Ils critiquent dans ce contexte le fait qu’aucune étude de trafic n’ait été effectuée au préalable.
La Ville de Luxembourg rétorque que les problèmes inhérents à la circulation et aux voies publiques ne relèveraient pas du cadre de la législation sur les établissements classés. Quant au bruit causé par le trafic des voitures, ce problème ne tomberait pas non plus dans le champ d’application de la loi du 10 juin 1999 dans la mesure où celle-ci viserait uniquement à appréhender les nuisances provenant des établissements. Elle fait valoir à titre subsidiaire que l’administration communale aurait mis en place un certain nombre de mesures destinées à faciliter l’accès au site et à remédier au problème du stationnement illicite.
La société …, en faisant siennes les conclusions du délégué du gouvernement sur ce point, soutient que les nuisances découlant de l’accroissement du trafic et des problèmes de stationnement seraient étrangères à la législation sur les établissements classés pour relever de la compétence des autorités compétentes en matière de circulation sur les voies publiques. En ordre subsidiaire, elle conteste en substance la gravité du problème tel que décrit par les demandeurs, tout en relevant qu’un certain nombre de mesures auraient été mises en place pour éviter que le stationnement dans le quartier ne devienne trop difficile. Elle renvoie ainsi notamment à la mise en place par les exploitants des établissements du site Rives de Clausen d’un service de navettes qui transporterait jusqu’à 1.600 personnes par soirée. Elle estime partant que le nombre de places de stationnement disponibles à proximité du site serait largement suffisant. Pareillement, la Ville de Luxembourg aurait procédé à un certain nombre de mesures, comme notamment celle de fermer la rue de la Malterie et la rue Funck-Brentano à la circulation nocturne et celle d’étendre le stationnement payant dans le quartier pour les non résidents jusqu’à trois heures du matin. Ces mesures n’auraient été mises en place qu’après l’introduction du présent recours, de sorte que les demandeurs n’auraient pas eu la possibilité d’en apprécier les effets.
Quant au premier volet concernant l’accroissement du trafic routier engendré par l’exploitation de l’établissement, il convient de suivre la partie défenderesse en ce qu’elle soutient que ces problèmes sont étrangers à la loi du 10 juin 1999 pour relever de la compétence des autorités compétentes en matière de circulation sur les voies publiques, étant donné que les nuisances en question ne se rapportent pas directement à l’établissement classé pour en émaner d’une manière ou d’une autre, mais en constituent une simple répercussion normale, non spécifique au type d’établissement classé sous examen, mais commune à tous genres d’activités engendrant des déplacements du public.
Concernant ensuite le problème du stationnement, il appartient au bourgmestre de prendre les mesures appropriées pour réduire les difficultés de stationnement entraînées de façon prévisible par l’activité concernée. En effet, l’autorité compétente doit prendre en considération les nuisances indirectes prévisibles d’un établissement classé de par son activité, tant en ce qui concerne la desserte des installations que l’implantation d’une aire de stationnement suffisante pour garantir dans la mesure du possible et du prévisible les troubles anormaux résultant de son fonctionnement.
Or, en l’espèce, force est de constater que les demandeurs raisonnent par rapport au site Rives de Clausen dans son ensemble, alors que le tribunal n’est saisi en l’espèce que de l’autorisation d’établissement de la société …, dont l’établissement prévoit une capacité d’accueil maximale de 380 personnes, de sorte que l’existence du parking Brasserie de 400 places et d’un second parking de 80 places devrait a priori couvrir les besoins. Quant aux problèmes de stationnement illicite gênant invoqués, ceux-ci sont étrangers à la législation sur les établissements classés, alors que c’est au bourgmestre en sa qualité d’autorité de police qu’il revient de veiller au respect de l’ordre public.
S’agissant d’actes de vandalisme et d’incivisme commis aux abords du site Rives de Clausen, c’est encore à bon droit que les parties défenderesse et tierce intéressée soutiennent que ces problèmes ne sont pas liés à des erreurs d’appréciation commises par le bourgmestre dans le cadre de ses compétences en matière d’établissements classés.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les demandeurs n’ont pas établi que la décision déférée du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 8 octobre 2008 est entachée d’illégalité ou d’une erreur manifeste d’appréciation, de sorte que le recours est à rejeter comme non fondé.
Quant à la demande d’effet suspensif Les demandeurs sollicitent, en application de l’article 35 de la loi précitée du 21 juin 1999, l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel, en faisant valoir que l’exécution de l’autorisation litigieuse risquerait de leur causer un préjudice grave et définitif, consistant en la perte de leur qualité de vie, dans la mesure où ils subiraient les nuisances incriminées depuis le mois d’octobre 2008.
L’article 35 de la loi du 21 juin 1999 dispose que « … si l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif, le tribunal peut, dans un jugement tranchant le principal ou une partie du principal, ordonner l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel ».
Il échet de relever que la décision déférée a d’ores et déjà été exécutée et qu’elle a par ailleurs cessé de produire ses effets, étant donné que l’autorisation d’établissement n’a été accordée que pour une durée de six mois. Il y a partant lieu de rejeter la demande tendant à voir accorder l’effet suspensif du recours pour être sans objet.
Quant à l’indemnité de procédure Les demandeurs sollicitent la condamnation de la Ville de Luxembourg à payer à chacun d’eux une indemnité de procédure de 500 euros. Cette demande est cependant à rejeter, étant donné qu’ils ont succombé dans leurs moyens et arguments, de sorte qu’ils ne sauraient prétendre à l’octroi d’une indemnité de procédure sur base de l’article 33 de la loi précitée du 21 juin 1999.
La société … demande de voir condamner les demandeurs dont le recours sera déclaré irrecevable à lui payer une indemnité de procédure de 5.000 euros chacun et ceux dont le recours sera rejeté comme non fondé à lui payer une indemnité de procédure de 1.000 euros chacun. Elle fait valoir qu’elle exploiterait l’établissement … en conformité avec la loi et les conditions de l’autorisation d’établissement. Or, en raison de la médiatisation importante de l’affaire par l’asbl …, elle aurait subi un préjudice en raison de l’atteinte portée à la réputation de son établissement.
Elle affirme en outre dans ce contexte que son personnel serait inquiet et que les clients hésiteraient à venir en raison des rumeurs quant à une éventuelle fermeture.
Cette demande est également à rejeter, étant donné, d’une part, qu’une demande en allocation d’une indemnité de procédure qui omet de spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qui n’établit pas en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge une partie des frais non compris dans les dépens est à rejeter et, d’autre part, que le tribunal n’est pas compétent pour indemniser un prétendu préjudice tiré du fond du litige.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
rejette la demande tendant à obtenir la jonction du présent recours avec les recours inscrits sous les numéros du rôle 25127 et 25128 ;
déclare le recours en réformation irrecevable pour autant qu’il a été introduit par l’asbl … ;
pour le surplus, reçoit le recours en réformation en la forme dans la limite des moyens d’annulation invoqués ;
déclare le recours sans objet pour le surplus ;
reçoit la requête en intervention volontaire en la forme ;
au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;
déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;
rejette la demande tendant à voir ordonner l’effet suspensif du recours ;
rejette les demandes tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure présentées tant par les demandeurs que par la société … S.àr.l. ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Marc Sünnen, premier juge, et lu à l’audience publique du 10 décembre 2009 par le premier vice-président, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11.12.2009 Le Greffier du Tribunal administratif 22