Tribunal administratif N° 25205+25363 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 22 décembre 2008 et 2e chambre 5 février 2009 Audience publique du 26 novembre 2009 Recours formés par Madame … et consorts, … contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg, ainsi que contre une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire en matière d’urbanisme
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JUGEMENT
I) Vu la requête inscrite sous le numéro 25205 du rôle et déposée le 22 décembre 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Luc Schaack, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Madame …, 2) son époux, Monsieur …, les deux demeurant ensemble à L-…, et 3) Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation a) d’une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg prise en sa séance du 25 juillet 2008, ayant pour objet l’approbation d’un devis pour la construction d’une passerelle pour piétons et cyclistes passant au-dessus de la rue de Neudorf reliant les quartiers de Cents et de Weimershof, et b) d’une décision d’approbation de ladite décision par le ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire prise en date du 29 octobre 2008 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 mars 2009 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Luc Schaack, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er avril 2009, pour le compte des demandeurs ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 mai 2009 ;
II) Vu la requête inscrite sous le numéro 25363 du rôle et déposée le 5 février 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Luc Schaack, préqualifié, au nom de 1) Madame …, 2) son époux, Monsieur …, et 3) Monsieur …, préqualifiés, tendant à la réformation, sinon à l’annulation a) d’une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg prise en sa séance du 25 juillet 2008, ayant pour objet l’approbation d’un devis pour la construction d’une passerelle pour piétons et cyclistes passant au-dessus de la rue de Neudorf reliant les quartiers de Cents et de Weimershof, et b) d’une décision d’approbation de ladite décision par le ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire prise en date du 29 octobre 2008 ;
Vu l’exploit de l'huissier de justice Guy Engel, demeurant à Luxembourg, du 9 février 2009 portant signification de la prédite requête à l'administration communale de la Ville de Luxembourg, établie à L-2090 Luxembourg, 42 place Guillaume II, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 mars 2009 ;
Vu le mémoire en réponse de Maître Christian Point, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 mai 2009, pour le compte de l'administration communale de la Ville de Luxembourg, ledit mémoire ayant été notifié par acte d’avocat à avocat au mandataire des demandeurs en date du même jour ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Luc Schaack, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 juin 2009, pour le compte des demandeurs, ledit mémoire ayant été notifié par acte d’avocat à avocat au mandataire de l’administration communale de la Ville de Luxembourg en date du même jour ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 mai 2009 ;
Vu le mémoire en duplique de Maître Christian Point, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juillet 2009, pour le compte de l'administration communale de la Ville de Luxembourg, ledit mémoire ayant été notifié par acte d’avocat à avocat au mandataire des demandeurs en date du même jour ;
I), II) Vu les pièces versées en cause et notamment les actes attaqués ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan Michel, en remplacement de Maître Luc Schaack, Maître Gilles Dauphin, en remplacement de Maître Christian Point, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc Mathekowitsch en leurs plaidoiries respectives.
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Dans sa séance du 25 juillet 2008, le conseil communal de la Ville de Luxembourg, ci-
après désigné par « le conseil communal », approuva, sous le point 3 de son ordre du jour, le devis d’un montant de 17.645.600 euros TTC pour la construction d’une passerelle pour piétons et cyclistes passant au-dessus de la rue de Neudorf reliant les quartiers de Cents et de Weimershof. Ladite délibération fut approuvée par le ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, ci-après désigné par « le ministre », en date du 29 octobre 2008.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2008, et inscrite sous le n° 25205 du rôle, Madame …, son époux, Monsieur …, et Monsieur …, ci-après désignées par « les consorts X. », ont fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la prédite délibération du conseil communal du 25 juillet 2008, ainsi que contre la décision d’approbation du ministre du 29 octobre 2008.
Par requête séparée, déposée au greffe du tribunal administratif le 5 février 2009, et inscrite sous le n° 25363 du rôle, les consorts X. ont fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la prédite délibération du conseil communal du 25 juillet 2008, ainsi que contre la décision d’approbation du ministre du 29 octobre 2008.
Les consorts X. ont, à l’audience des plaidoiries, sur question soulevée par le tribunal quant au sort à réserver à la requête introduite le 22 décembre 2008 puisque celle-ci n’a pas été signifiée à la Ville de Luxembourg, demandé la jonction des deux affaires inscrites sous les n° 25205 et 25363 du rôle.
Les deux requêtes ayant un contenu identique, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de joindre les rôles n° 25205 et 25363, et de statuer sur les deux recours par un seul jugement.
1.
Quant au recours inscrit sous le n° 25205 du rôle :
Aux termes de l’article 4 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives « faute par le requérant d’avoir procédé à la signification de son recours à la partie défenderesse dans le mois du dépôt du recours, celui-ci est caduc ».
Le recours inscrit sous le n° 25205 du rôle, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 décembre 2008, n’ayant jamais été signifié à la Ville de Luxembourg, ledit recours doit être déclaré caduc.
2.
Quant au recours inscrit sous le n° 25363 du rôle :
Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours, en contestant que les actes attaqués constituent des actes administratifs à caractère décisionnel et qu’ils constituent des actes finaux de la procédure faisant grief aux consorts X., tout en soulignant qu’un recours devant le tribunal administratif ne serait admissible que contre de véritables décisions de nature à faire grief.
Dans ce contexte, le représentant étatique expose que la décision de principe concernant la construction d’une passerelle reliant les quartiers de Cents et de Weimershof aurait été prise par le conseil communal à l’occasion du vote du budget rectifié de l’année 2007, ensemble avec le budget pour l’année 2008 lors de sa séance du 17 décembre 2007, ceci en conformité avec l’article 155 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics et portant modification du seuil prévu à l’article 106 point 10 de la loi communale du 13 décembre 1988, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 ». Contre cette décision aucun recours n’aurait été introduit, de sorte qu’il conviendrait de constater la forclusion à agir contre cette décision de principe de la construction de la passerelle.
La délibération sous examen n’aurait pas porté sur le principe de la construction, mais uniquement sur le devis, et l’approbation du devis ne constituerait qu’une phase d’un avant-projet de travaux suivant l’article 156 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003, et n’aurait par ailleurs même pas dû être soumise à ce stade à l’approbation du ministre tant que le projet n’était pas accompagné des plans définitifs. Cette décision d’approbation d’un devis ne serait pas à qualifier d’acte à caractère exécutoire pouvant à lui seul faire grief, et n’aurait aucun effet juridique, de sorte qu’il ne saurait de manière isolée, en dehors des plans, faire l’objet d’un recours. Dans la mesure où la décision du conseil communal ne serait pas accompagnée des avis, approbations et autorisations requises, au vœu de l’article 159 (2) du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003, celle-ci ne serait pas à qualifier de projet définitif. A cet égard, le délégué du gouvernement insiste sur ce que la procédure relative à l’élaboration de projets de travaux n’admettrait pas qu’une décision de travaux d’un conseil communal soit définitive avant que le projet définitif ait été approuvé par l’autorité de tutelle en vertu des articles 156 et suivants du règlement grand-
ducal du 7 juillet 2003 et que la Ville de Luxembourg n’aurait pas encore soumis d’avant-projet complet.
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la délibération litigieuse serait à qualifier d’acte à caractère décisionnel pouvant faire grief, le délégué du gouvernement soutient que le grief ne pourrait provenir que du seul montant du devis, mais ne saurait être tiré du principe même de la construction, qui aurait fait l’objet d’une décision antérieure.
En ordre encore plus subsidiaire, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours au motif qu’au stade d’un devis, qui ne déclencherait pas encore la construction de la passerelle litigieuse, mais qui devrait être suivi d’un certain nombre de démarches jusqu’à la passation d’un contrat, l’intérêt à agir ne serait qu’éventuel.
La Ville de Luxembourg, de son côté, soutient que le tribunal serait incompétent pour connaître du recours, au motif que la délibération litigieuse ne constituerait ni un acte administratif à caractère réglementaire, dans la mesure où la délibération litigieuse n’établirait aucune norme générale et impersonnelle, ni une décision administrative individuelle, dans la mesure où, d’un côté, l’approbation par le conseil d’un devis d’un ouvrage ne produirait aucun effet juridique affectant les tiers, de sorte qu’elle ne ferait pas grief, et, de l’autre côté, cette approbation ne serait pas une décision définitive, seule susceptible de faire l’objet d’un recours devant les juridictions administratives, mais ne constituerait qu’une étape dans une procédure menant à l’attribution d’un marché public conformément aux articles 151 à 159 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003, procédure ayant débuté par l’arrêt du principe de la construction dans le budget de l’année 2008, suivie par la délibération litigieuse, qui devrait encore être suivie par notamment le vote du projet définitif détaillé, et ensuite la procédure d’appel d’offres.
Elle conclut encore à l’irrecevabilité du recours puisque les actes attaqués s’inscriraient dans une démarche préalable à une passation d’un marché public, en faisant valoir que le recours d’une personne qui ne serait pas soumissionnaire et qui ne développerait aucun moyen basé sur une violation de la législation en matière de marchés publics devrait être déclaré irrecevable.
Enfin, la Ville de Luxembourg conclut à l’incompétence du tribunal pour statuer sur un recours en réformation, un tel recours n’étant pas prévu par la loi en la matière.
Les consorts X. soutiennent que la délibération litigieuse serait à qualifier d’acte à caractère règlementaire, au motif qu’il s’agirait d’une mesure d’ordre général et impersonnel ayant un effet direct sur les intérêts privés des propriétaires concernés. Ils soutiennent que cette délibération constituerait une décision de principe conforme à l’article 154 du règlement grand-
ducal du 7 juillet 2003, en soulignant qu’il ressortirait des considérants de la délibération que celle-ci n’aurait pas seulement porté pas seulement sur l’approbation du devis. Elle serait une décision de principe puisque le conseil communal aurait lors de cette séance été informé pour la première fois du tracé et des sites d’implantation des éléments de gros œuvre, et que les votes de budgets invoqués par le délégué du gouvernement n’auraient porté en réalité que sur le financement des études ayant abouti à la présentation d’un projet au conseil communal lors de la séance du 25 juillet 2008. Ils soutiennent encore que la délibération serait de nature à faire grief, puisqu’elle fixerait de façon définitive le tracé de la passerelle et l’implantation de ses infrastructures, tout en rappelant que le tracé serait tel que la passerelle surplomberait leurs propriété et que les piliers en béton seraient implantés devant lesdites propriétés. Le projet serait encore arrêté quant au financement puisque les précisions des études et plans soumis au conseil communal permettraient d’en chiffrer le coût. Ils donnent encore à considérer que si d’autres décisions seraient encore prises, elles ne porteraient pas sur la globalité du projet, ni sur l’emplacement des infrastructures.
Au regard du désaccord des parties sur la question de savoir si les actes attaqués constituent des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif, et afin de toiser plus particulièrement la compétence d’attribution du tribunal de connaître d’un recours en annulation contre un acte règlementaire, il convient en premier lieu d’examiner si la délibération déférée du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 25 juillet 2008 constitue une décision administrative individuelle visée par l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996 précitée ou si par contre il s’agit d’un acte administratif à caractère règlementaire visé par l’article 7 de la même loi.
Aux termes de l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif « le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements », et aux termes de l’article 7 de la même loi « le tribunal administratif statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère règlementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent ».
La décision litigieuse du conseil communal, approuvée par le ministre en date du 29 octobre 2008, a pour objet l’approbation du « devis au montant de 17.645.600 EUR TTC pour la construction d’une passerelle pour piétons et cyclistes passant au-dessus de la rue de Neudorf reliant les quartiers de Cents et de Weimershof ».
Les parties s’accordent pour situer ladite décision dans la phase préalable à la procédure de passation d’un marché public en application des articles 151 à 159 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003, mais sont en désaccord sur la question de savoir à quel stade de cette procédure la décision litigieuse est à situer, les demandeurs affirmant qu’elle constituerait une décision de principe conforme à l’article 154 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003, prise par le conseil communal sous l’approbation du ministre, l’Etat et la Ville de Luxembourg argumentant que le principe de la construction aurait été décidé antérieurement à la délibération litigieuse, et que cette dernière ne constituerait que le vote d’un budget s’analysant en une étape d’un avant-projet conformément à l’article 156 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 et que le projet définitif détaillé au sens du même article devrait encore faire l’objet d’un vote ultérieurement.
Avant d’examiner la question de la nature règlementaire ou non de la délibération litigieuse, il convient de la situer dans la procédure de passation d’un marché public.
Conformément à l’article 154 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003, le conseil communal doit, avant la passation d’un contrat relatif à un marché public, avoir a) décidé le principe des travaux, fournitures ou services qui font l’objet des contrats, b) approuvé les projets en cas de travaux et c) pourvu à l’allocation des crédits nécessaires au règlement de la dépense découlant de l’exécution des contrats, le tout sous l’approbation du ministre, tandis que l’article 156 du même règlement distingue entre deux phases dans l’élaboration des projets de travaux et leur approbation par le conseil communal et l’autorité supérieure, à savoir l’avant-projet, d’un côté, et le projet définitif détaillé, de l’autre côté.
C’est à juste titre que les parties défenderesses soutiennent que le principe de la construction d’une passerelle a déjà été décidé lors d’une délibération antérieure du conseil communal, en l’occurrence lors de sa séance du 17 décembre 2007 dans le cadre de l’approbation du budget rectifié de 2007 et du budget 2008.
Il se dégage du libellé de l’extrait du registre des délibérations du conseil communal du 25 juillet 2008 que le projet se trouvait encore au stade d’avant-projet (« considérant qu’il est appelé à se prononcer sur l’avant-projet pour la construction d’une passerelle »). Le tribunal est amené à retenir qu’au regard des termes de l’extrait de la délibération litigieuse et plus particulièrement de son dispositif, le conseil communal s’est limité à approuver le devis, à l’exclusion de l’approbation d’autres éléments. Dans ce contexte, il convient encore de relever que, contrairement à l’avis des consorts X., il ne se dégage pas du libellé de l’extrait précité que par la même résolution, le conseil communal ait approuvé également le tracé de la passerelle, étant précisé que, quant à la question du tracé de la passerelle, l’extrait fait seulement état d’une décision antérieure du collège des bourgmestres et échevins concernant le tracé (« que suite à cette intervention le collège des bourgmestre et échevins a finalement retenu le site F (…) »), sans que le conseil communal ne se soit cependant expressément prononcé sur le choix de ce tracé.
Il suit de ces considérations que la délibération litigieuse est à situer au niveau de l’élaboration de l’avant-projet des travaux de construction de la passerelle litigieuse au sens de l’article 156 (1), 1) du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003.
Quant à la question de savoir si la délibération litigieuse peut être qualifiée d’acte règlementaire, il convient de rappeler qu’un acte règlementaire est un acte normatif, à portée générale et impersonnelle, applicable aux catégories de personnes y visées et non pas à des personnes individualisées (Fernand Schockweiler « Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois », n°53, page 31).
Or, une décision du conseil communal d’approuver un devis pour la construction d’une passerelle, dont le principe de construction a par ailleurs été décidé par une délibération antérieure, ne fixe aucune norme à portée générale et impersonnelle. Il s’agit au contraire d’une décision prise dans le cadre de l’article 28 de la loi communale du 13 décembre 1988, telle qu’elle a été modifiée, qui prévoit que le conseil communal règle tout ce qui est d’intérêt communal et de l’article 154 précité du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003. Il s’ensuit que la décision litigieuse n’est pas à considérer comme un acte règlementaire. Cette conclusion n’est pas énervée par les considérations des consorts X. suivant lesquelles ladite délibération aurait un effet direct sur les intérêts des propriétaires concernés. Notons de prime abord que cette circonstance à elle seule, à la supposer avérée, n’est pas de nature à conférer à la délibération, qui à la base ne contient aucune norme à portée générale et impersonnelle, le caractère d’un acte règlementaire, étant précisé que la question de l’effet direct sur les intérêts des personnes concernées ne constitue qu’un critère afin de déterminer, dans la catégorie des actes à portée générale, ceux qui constituent des actes règlementaires susceptibles de faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif. Pour le surplus, le tribunal est amené à retenir que c’est à juste titre que plus particulièrement la partie étatique a relevé que la délibération du conseil communal, par laquelle celui-ci décide d’approuver un devis dans le cadre d’une phase préliminaire de la procédure de passation d’un marché public, n’est pas en elle-même de nature à causer grief aux habitants concernés.
La délibération litigieuse, ensemble l’approbation de l’autorité tutélaire qui forme un tout avec celle-ci, et qui doit dès lors recevoir la même qualification, ne constituant pas un acte à caractère règlementaire, le tribunal est incompétent pour statuer sur les actes déférés sur base de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 précitée.
Aucun recours au fond n’étant prévu pour la catégorie des décisions sous examen, le tribunal est encore incompétent pour statuer sur le recours en réformation introduit à titre principal par les consorts X..
Il convient enfin d’examiner si la délibération litigieuse ainsi que l’approbation tutélaire constituent des actes administratifs susceptibles d’un recours en annulation devant le tribunal administratif sur le fondement de l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996 précitée.
Pour pouvoir être considérée comme une décision administrative, susceptible d’un recours devant le tribunal administratif, la décision doit, entre autres, constituer un acte individuel, non normatif, - donc par opposition à un acte à caractère règlementaire -, pris sur la base des lois et règlements réglant une situation déterminée et dont l’effet est restreint à la situation individuelle à laquelle elle se rapporte. Il s’agit en principe d’un acte d’exécution ou d’application d’une norme générale à l’égard d’un ou de plusieurs administrés nettement individualisés (Fernand Schockweiler, opus précité, n° 46 et 52, pages 28 et 31). Elle doit encore constituer une véritable décision, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame (trib. adm. 18 juin 1998, n° 10617 et 10618 du rôle, Pas. adm. 2008, V° actes administratifs, n°13).
La décision d’approbation d’un devis pour une construction projetée par la Ville de Luxembourg, dans le cadre de la procédure préalable de la passation d’un marché public, qui n’est prise à l’égard d’aucun administré, et qui ne produit pas en lui-même des effets juridiques affectant la situation des consorts X., mais qui constitue un simple acte de gestion accompli par le conseil communal dans le cadre de ses attributions légales à l’intérieur duquel il dispose d’une libre opportunité du choix, sous réserve de l’approbation du ministre de l’Intérieur, ne répond cependant à aucun de ces deux critères. La même conclusion s’impose pour l’approbation tutélaire, qui forme un tout avec la délibération du conseil communal. Au demeurant, il convient de noter que les consorts X. admettent eux-mêmes que la délibération litigieuse n’est pas à considérer comme un acte administratif individuel, dans la mesure où ils soutiennent qu’il s’agirait d’un acte à caractère règlementaire.
Il suit de l’ensemble de ces considérations que le recours en annulation est à déclarer irrecevable, à défaut de décision administrative individuelle de nature à faire grief.
Quant à la demande tendant à voir ordonner l’effet suspensif du recours sur base de l’article 35 de la loi du 21 juin 1999 précitée, force est de constater que dans la mesure où l’application de la mesure prévue audit article 35 présuppose un jugement ayant annulé ou réformé la décision attaquée, conformément à l’article 45 de la même loi auquel renvoie l’article 35, et dans la mesure où le recours a été déclaré irrecevable, la demande afférente est à rejeter pour être devenue sans objet.
Compte tenu du résultat du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000 euros formulée par les consorts X. est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
joint les affaires inscrites sous les n° 25205 et 25363 du rôle ;
déclare caduc le recours inscrit sous le n° 25205 du rôle ;
quant au recours inscrit sous le numéro 25363 du rôle :
se déclare incompétent pour statuer sur le recours inscrit sur base de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ;
se déclare incompétent pour statuer sur le recours principal en réformation ;
déclare irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande visant à ordonner l’effet suspensif du recours sur base de l’article 35 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par les demandeurs ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 26 novembre 2009 par le premier vice-président, en présence du greffier en chef Claude Legille.
s. Claude Legille s. Carlo Schockweiler 9