Tribunal adminsitratif Numéro 24937 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 octobre 2008 3e chambre Audience publique extraordinaire du 30 octobre 2009 Recours formé par Monsieur …, contre une décision de la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifiée du 23 juillet 1983 en matière d’aides au logement
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 24937 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 octobre 2008 par Maître Roy Reding, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à D-…, tendant à l’annulation d’une décision prise en date du 7 février 2008 par la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 fixant les mesures d’exécution relatives aux primes et subventions d’intérêt en faveur du logement prévues par la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement, approuvée par le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, l’ayant invité au remboursement des aides au logement touchées à hauteur de 767,65 euros, du fait qu’il n’habite plus le logement sis à … et d’une décision confirmative du 21 juillet 2008 du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement rendue sur recours gracieux ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 janvier 2009 ;
Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Roy Reding au nom du demandeur au greffe du tribunal administratif en date 9 février 2009 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, et Maître Sophie Pierini, en remplacement de Maître Roy Reding, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 mai 2009.
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En vertu d’une décision prise en date du 7 février 2008, la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 fixant les mesures d’exécution relatives aux primes et subventions d’intérêt en faveur du logement prévues par la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement, ci-après « la commission », approuvée par le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après « le ministre », invita Monsieur … à rembourser les aides au logement touchées à hauteur de 767,65 euros, pour la maison sise à …, du fait qu’il n’y habite plus.
Par courrier du 8 mai 2008, le mandataire de Monsieur … forma un recours gracieux contre la décision du 7 février 2008 précitée au motif que : « si M. … n’habite plus sa maison, c’est en raison d’état de force majeure que le logement conjugal à été provisoirement attribué à son épouse dans le cadre de la procédure de divorce. » Par décision de la commission du 21 juillet 2008, approuvée par le ministre, le recours gracieux fut rejeté. Cette décision est libellée comme suit :
« En réponse à votre lettre du 8 mai 2008, la commission, instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 concernant les aides au logement et composée de […], est au regret de vous informer qu'elle a dû maintenir sa décision de remboursement du 7 février 2008 étant donné que jusqu'à présent aucun élément nouveau susceptible d'influencer la décision de la prédite commission n'est intervenu.
En effet, l'article 9 du règlement grand-ducal prémentionné stipule que : Le logement pour lequel une aide à la construction respectivement à l'acquisition du logement est accordée doit, sous peine de restitution de celle-ci, servir d'habitation principale et permanente aux bénéficiaires pendant un délai d'au moins dix ans après la date de l'achèvement des travaux de construction respectivement de la date de l'acte authentique documentant l'acquisition de ce logement. (…) ».
De plus, l'article 11 de la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l'aide au logement dispose que : a (…) Ces primes ne peuvent être accordées qu'aux ménages a) auxquels le logement en question sert d'habitation principale et permanente; (…) » Vu qu'il ressort du dossier que Monsieur … a déménagé le 24 octobre 2005, force est de constater qu'au moins un des bénéficiaires n'a pas occupé le logement de façon permanente et, de ce fait, la subvention d'intérêt indûment touchée pendant la période de novembre 2005 jusqu'à novembre 2006 est à rembourser au Trésor.
Aucun moyen de dispense n'est prévu par la législation pour ce cas concret.
Partant, le montant de 767,64 euros (part de Monsieur …) est à rembourser sur le compte du Service des Aides au Logement, numéro […], auprès de la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat à Luxembourg.
[…] » Par requête déposée en date du 9 février 2009, Monsieur … sollicite l’annulation des décisions des 7 février et 21 juillet 2008 précitées.
Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours le demandeur relate qu’il aurait acquis ensemble avec son épouse une maison sise à … et qu’ils auraient demandé tous les deux une aide au logement sur base de la loi du 23 juillet 1983 (sic !) relative à l’aide au logement qui leur aurait été accordée à compter du mois de novembre 2005. En date du 16 mars 2006, son épouse l’aurait assigné en divorce et par ordonnance de référé du 4 juillet 2006, elle se serait vue reconnaître le droit de résider au domicile conjugal avec les enfants du couple.
Il fait valoir qu’il aurait quitté le domicile conjugal pour lequel les aides au logement auraient été accordées en raison de la procédure de divorce introduite par son épouse, de sorte qu’il devrait bénéficier de la dispense de résider au moins 10 années dans le logement pour cause de force majeure aux termes de l’article 9, paragraphe 3 du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983 concernant les aides au logement. Il tire une parallèle avec la loi du 30 juillet 2002 relative aux différentes mesures fiscales à encourager la mise sur le marché et l’acquisition de terrains à bâtir et d’immeubles d’habitation, ci-après « la loi du 30 juillet 2002 », qui permettrait d’obtenir un abattement fiscal dans l’hypothèse d’une occupation à titre principal du logement pendant dix années, et qui prévoirait le cas de divorce expressément comme cas de force majeure permettant de dispenser le bénéficiaire d’occuper le logement pendant dix ans.
Le délégué du gouvernement soutient que les décisions litigieuses seraient basées principalement sur l’article 11 de la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement et sur l’article 9 du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 fixant les mesures d’exécution relatives aux aides au logement. Il estime qu’il serait incontesté que le demandeur n’aurait pas respecté la condition relative au délai d’habitation principale de 10 ans et conteste que le divorce constituerait dans le chef du demandeur un cas de force majeur étant donné que ce dernier aurait quitté le domicile conjugal antérieurement à l’assignation en divorce et qu’il aurait demandé lui-même l’autorisation de résider séparément dans le cadre de la procédure de référé.
Force est de constater de prime abord que la portée d’un recours est conditionnée par la décision déférée et délimitée en principe par les moyens invoqués dans la requête introductive d’instance, sous réserve des moyens d’ordre public qui peuvent être produites en tout état de cause, voire être soulevés d’office par la juridiction saisie.1 En l’espèce, le demandeur avance un seul moyen à savoir que son divorce constituerait un cas de force majeure, de sorte qu’il devrait bénéficier de la dispense de la condition de résidence de dix ans en vertu de l’article 9, alinéa 3 du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 fixant les mesures d’exécution relatives aux primes et subventions d’intérêt en faveur du logement prévues par la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement, ci-après « le règlement grand-ducal du 23 juillet 1983 ».
L’analyse si le ministre peut accorder une dispense de remboursement dans des cas tels qu’invoqués en espèce, devra porter sur l’article 9 du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983 dans son intégralité.
Aux termes de l’article 9 du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983 « Le logement pour lequel une aide à la construction respectivement à l’acquisition du logement est accordée doit, sous peine de restitution de celle-ci, servir d'habitation principale et permanente aux bénéficiaires pendant un délai d'au moins dix ans après la date de l'achèvement des travaux de construction respectivement de la date de l'acte authentique documentant l'acquisition de ce logement.
La condition de la résidence effective et permanente est à documenter notamment moyennant la production d’un extrait du registre de la population émanant de l’autorité 1 Voir TA 15 mars 2000, n° 15251 du rôle, Pas. adm. 2008, v° Procédure contentieuse, n° 237, page 413.
compétente de la commune sur le territoire de laquelle se trouve le logement faisant l’objet de l’aide.
Toutefois, le Ministre ayant le logement social dans ses attributions peut dispenser de cette condition dans le cas où celle-ci ne peut être respectée pour des raisons de force majeure.
Au cas où le logement pour lequel une aide a été accordée est aliéné avant le délai prévu ci-dessus, celle-ci est immédiatement remboursable.
La transmission du logement subventionné par changement de régime matrimonial ou par mariage n'est pas à considérer comme aliénation au sens de l'alinéa 3 pour autant que le logement demeure celui de la famille.
Le Ministre ayant le logement social dans ses attributions peut dispenser du remboursement des aides en tenant compte notamment du prix réalisé, de la durée d'occupation et de la situation familiale. Dans ce cas une nouvelle aide ne peut plus être accordée. » Force est de constater qu’une analyse tant du contenu de l’article 9 du règlement du 23 juillet 1983 que de l’agencement des différents paragraphes amènent le tribunal à conclure qu’une dispense, pour les motifs avancés par le demandeur, n’est pas prévue par l’article en question.
En effet, il y a lieu de différencier entre la dispense de résider à titre principal et permanent le logement pour lequel l’aide est accordée pendant un délai d’au moins dix ans tel que visée aux alinéas 1, 2 et 3 de l’article 9 du règlement grand-ducal du 21 juillet 1983 et la dispense de remboursement des aides perçues telle que visée à l’alinéa 6 de l’article 9 du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983.
A cet égard, force est de constater que le paragraphe 1er de l’article 9 du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983 énonce que les aides accordées sont soumises à la condition que le logement pour lequel elles sont accordées doit servir aux bénéficiaires de résidence principale et permanente pendant un délai d’au moins dix ans. Le paragraphe 3 de ce même article habilite le ministre de dispenser les bénéficiaires d’une aide de la condition de résidence principale et permanente pendant un délai de 10 ans au cas où ceux-ci ne sont pas en mesure de respecter la condition précitée pour des raisons de force majeure.
Il y a partant lieu de conclure que la dispense de la condition d’habitation principale et permanente peut être accordée aux bénéficiaires d’une aide au logement qui, pour des raisons de force majeure, sont dans l’impossibilité de résider de façon permanente et principale dans le logement pour lequel ils perçoivent l’aide. Le texte n’exclut ni une dispense au moment de la première demande, ni une dispense au cours de la période endéans laquelle des aides sont perçues. Cependant, les bénéficiaires qui entendent vouloir bénéficier de ladite dispense sont tenus de la demander soit au moment où ils introduisent la demande, soit au moment où le cas de force majeure survient, dans la mesure où, en vertu de l’article 11bis, paragraphe 2 du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983, les bénéficiaires ont l’obligation d’informer le ministre de tout changement susceptible d’entraîner la suppression des primes ou de la subvention d’intérêt. La dispense de l’obligation d’habitation permanente et principale a pour effet que les bénéficiaires continuent à percevoir l’aide au logement, sans qu’ils aient besoin d’habiter le logement pour lequel l’aide leur est accordée tant que le cas de force majeure perdure. Partant, force est de constater, que si l’objet du recours gracieux serait à qualifier de demande de dispense de la condition de résidence en vertu de l’article 9 alinéa 3, une telle demande ne saurait être considérée comme valablement introduite après que la décision de remboursement à été prise.
Force est de constater d’autre part, que ce ne sont que les paragraphes subséquents de l’article 9 du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983, à savoir les paragraphes 4, 5 et 6, qui traitent du remboursement des aides déjà perçues. En effet, les paragraphes 4 et 5 de l’article 9 du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983 sont consacrés au cas d’ouverture de l’obligation de remboursement des aides perçues, notamment en cas de vente prématurée de l’immeuble, tandis que l’alinéa 6 permet au ministre de dispenser les bénéficiaires du remboursement des aides en tenant compte notamment du prix réalisé par l’aliénation du logement, de la durée d’occupation et de la situation familiale.
En l’espèce, dans la mesure où la décision initiale déférée invite le demandeur à rembourser les aides de logement par lui perçues, le tribunal est encore amené à analyser si le moyen du demandeur selon lequel son divorce est susceptible d’être qualifié de force majeure peut être analysé dans le cadre d’une dispense de remboursement des aides perçus. Or, force est au tribunal de constater que le cas de force majeure est visé uniquement à l’alinéa 3 de l’article 9 du règlement grand-ducal qui ne vise pas la dispense de remboursement des aides perçues mais la dispense de résidence de 10 ans, de sorte que le tribunal est amené à conclure que le cas de force majeur soulevé par le demandeur ne saurait valablement motiver la dispense de remboursement des aides au logement perçues.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et compte tenu du moyen invoqué par le demandeur, que le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni le bien-
fondé, ni la légalité de la décision déférée. Partant, le recours est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours en annulation recevable en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 30 octobre 2009 par le premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Catherine Thomé Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30.10.2009 Le Greffier du Tribunal administratif 6