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19/10/2009 | LUXEMBOURG | N°25396

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 octobre 2009, 25396


Tribunal administratif N° 25396 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 février 2009 1re chambre Audience publique du 19 octobre 2009 Recours formé par la société … S.A., …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes et un bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux émis par le bureau d’imposition Luxembourg 4 en matière d’impôt sur les revenus de capitaux

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25396 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2009 par MaÃ

®tre François REINARD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxem...

Tribunal administratif N° 25396 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 février 2009 1re chambre Audience publique du 19 octobre 2009 Recours formé par la société … S.A., …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes et un bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux émis par le bureau d’imposition Luxembourg 4 en matière d’impôt sur les revenus de capitaux

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25396 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2009 par Maître François REINARD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce de Luxembourg sous le no …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision sur réclamation du directeur de l’administration des Contributions directes du 17 novembre 2008 ainsi que du bulletin de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux 2003 émis le 3 décembre 2008 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2009 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Claude CLEMES, en remplacement de Maître François REINARD, et Monsieur le délégué du gouvernement Claude LICK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 octobre 2009.

___________________________________________________________________________

La société … S.A., anciennement … S.AR.L., active dans le domaine des prestations de informatiques, comporte depuis juin 2002 trois associés, à savoir la société AAA S.A., détenant 60 % du capital social, Monsieur TTT, détenant 20% ainsi que Monsieur GGG, détenant également 20 % du capital social.

Par assemblée générale extraordinaire du 25 juin 2003 les associés décidèrent à l'unanimité d'affecter le bénéfice de 272.697,34 € comme suit :

-

AAA S.A. : 163.618,41 € (soit 60% du résultat) -

TTT : 0 -

GGG : 0 Le bureau d'imposition Luxembourg 4, n’ayant pas accepté cette distribution inégalitaire de dividendes a, par courrier du 17 juillet 2003 considéré que sur les 163.618,41 € de dividendes AAA S.A. en aurait touché 98.171,05 € (soit 60%), TTT 32.723,68 € (soit 20%) et GGG 32.723,68 € (soit également 20%) et émis le 11 mai 2005 un bulletin d'impôt de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux 2003 confirmant cette position et opérant en conséquence une retenue à la source de 20% sur la somme de 65.447,36 €.

Suite à la réclamation que la société … S.A. fit introduire contre le bulletin de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux 2003, le directeur de l’administration des Contributions directes conclut au bien-fondé de cette réclamation mais réforma le bulletin d'impôt de la retenue d'impôt sur le revenus de capitaux in pejus et fixa la retenue sur les revenus de capitaux de l'année 2003 à 14.665,66 €, en les termes suivants :

« Vu la requête introduite le 27 juin 2005 par le sieur … au nom de la société à responsabilité limitée …, avec siège social à L- … , pour réclamer contre le bulletin de la retenue sur les revenus de capitaux de l'année 2003, émis le 11 mai 2005 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les paragraphes 228 et 301 de la loi générale des impôts ;

Considérant que la réclamation est recevable pour avoir été introduite par qui de droit dans les forme et délai de la loi ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition de ne pas avoir accepté la distribution « inégalitaire » de bénéfices ;

Considérant qu'en vertu du paragraphe 243 de la loi générale des impôts (AO), une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu'en vertu de ses statuts de constitution, la réclamante a pour objet social toutes prestations informatiques ainsi que toutes activités connexes et annexes ;

Considérant que suivant une convention de cession du 3 juin 2002, le capital social est actuellement détenu à raison de 60 % (300 parts de 500) par la société anonyme résidente Aaa et à raison de chaque fois 20 % par les sieurs TTT et GGG ;

Considérant qu'au cours de l'année 2003, les trois associés ont décidé de distribuer un montant de 163.618,41 euros à la société anonyme Aaa ;

que les deux associés personnes physiques ont renoncé à leur participation au bénéfice ;

que la réclamante qui est le débiteur des revenus distribués, n'a pas soumis le montant alloué à la retenue sur revenus de capitaux sur base des dispositions applicables au régime des sociétés mère et filiales ;

Considérant que le bureau d'imposition n'a pas accepté la répartition inégale du bénéfice de l'année 2002 ;

qu'il a soumis 40 % du montant distribué, i.e. les quotes-parts revenant en principe au sieurs TTT et GGG, à la retenue sur revenus de capitaux par l'émission d'un bulletin de la retenue sur revenus de capitaux au titre de l'année d'imposition 2003 ;

que le montant de la retenue reprise par le bulletin litigieux s'élève à 13.089,47 euros, i.e. 20 % de 65.447,36 euros (40 % de 163.618,41 euros) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 146 L.I.R. les dividendes, parts de bénéfices et autres produits visés à l'article 97, alinéa 1er, numéro 1 L.I.R. sont passibles de la retenue sur revenus de capitaux ;

qu'en vertu de l'article 148 L.I.R., le taux de la retenue sur les revenus de capitaux s'élève à 20 % pour l'année d'imposition 2003 ;

Considérant que selon l'article 14 des statuts de constitution de la réclamante, il est prélevé 5 % pour la constitution d'un fonds de réserve sur le bénéfice net jusqu'à l'atteinte d'un dixième du capital de ce fonds de réserve ;

que le solde du bénéfice est à la disposition de l'assemblée générale des associés ;

Considérant que les articles 179 à 202 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales reprennent des dispositions spécifiques aux sociétés à responsabilité limitée ;

qu' en principe, aucun de ces articles ni d'autre disposition de la loi concernant les sociétés commerciales ne prévoient des restrictions quant à une répartition inégale des bénéfices ;

Considérant que les articles 1832,1853 et 1855 du Code civil contiennent des dispositions plus précises quant à la répartition des bénéfices et des pertes d'une société ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1832 du Code civil, « une société peut être constituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent de mettre en commun quelque chose en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter… » ;

Considérant que l'article 1853 prévoit qu'au cas où les statuts ne déterminent pas les règles de répartition des bénéfices ou pertes aux associés, la répartition se fait en fonction des mises de fonds dans la société ;

Considérant que l'article 1855 du Code civil s'oppose encore à toute convention qui donnerait à l'un des associés la totalité des bénéfices ;

que sous réserve de l'article 1855 du Code civil, les associés sont donc en principe libres de déterminer la participation aux bénéfices de chacun ;

Considérant que l'instruction du dossier fiscal de la réclamante a d'abord révélé que le montant distribué à l'associé Aaa S.A. représente exactement 60% du bénéfice réalisé pour l'année 2002 ;

que l'associé Aaa S.A. détient à son tour 60 % du capital social de la réclamante ;

qu'en raison du fait que seulement un montant de 60 % du bénéfice réalisé en 2002 a été distribué à l'associé détenant à son tour 60 % du capital social de la réclamante, il ne peut pas pas être conclu à une clause léonine selon l'article 1855 du Code civil ;

Considérant que le dossier fiscal de l'associé Aaa S.A. fait ressortir que ce dernier a déclaré au titre de l'année d'imposition 2003 l'intégralité du montant distribué de 163.618,41 euros ;

qu'en ce qui concerne l'attribution de 40 % du montant distribué aux deux associés TTT et GGG, il y a lieu de considérer les dispositions de l'article 104 L.I. R. qui prévoient que tous les biens et avantages, tant en espèce qu'en nature, mis à la disposition du contribuable sont considérés comme recettes ;

que la mise à disposition constitue dès lors une condition sine qua non pour qu'il y ait imposition de recettes ;

qu'en l'occurrence, le montant distribué a été déclaré et imposé intégralement dans le chef de l'associé Aaa S.A. ;

que le montant de la retenue sur les revenus de capitaux en relation avec le bénéfice distribué à l'associé Aaa est à ramener à 0 (zéro) euro ;

Considérant que le directeur des contributions n'est pas lié par les moyens invoqués par le réclamant (§ 243 al. 2 AO), mais a le devoir de procéder d'office à un réexamen intégral de la cause (§ 243 al. 1 er AO), tant en faveur qu'en défaveur du réclamant ;

Considérant cependant qu'il résulte d'un courrier du 22 juillet 2003 adressé par la fiduciaire de la requérante au bureau d'imposition suite à la transmission du projet d'imposition relatif au bulletin litigieux que les deux associés personnes physiques ont décidé le versement d'une gratification totale de 73.328,28 euros ;

que lesdits associés ont préféré la rémunération sous forme de salaire à la distribution de dividendes pour le motif qu'ils considèrent la rémunération sous forme de dividendes comme pénalisante pour eux en tant que contribuables non résidents ;

Considérant que tant les distributions ouvertes que les distributions cachées de bénéfice sont à comprendre dans le revenu imposable d'une société ;

Considérant qu'en vertu de l'article 164 alinéa 3 L.I.R., il y a distribution cachée de bénéfices notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d'une société ou d'une association dont normalement il n'aurait pas bénéficié s'il n'avait pas eu cette qualité ;

Considérant que le dossier fiscal de la requérante a fait ressortir le paiement de gratifications de 48.328,28 euros respectivement de 25.000,00 euros revenant aux associés TTT et GGG ;

Considérant que le versement d'une gratification accordée aux associés selon les bénéfices de la société constitue une distribution cachée de bénéfices ;

qu'un gérant prudent et avisé, tendant à assurer la rentabilité de l'entreprise commerciale, n'accorderait pas à un salarié non associé l'avantage d'une telle gratification ;

qu'il résulte de ce qui précède que le paiement de la gratification d'un montant total de 73.328,28 euros en 2003 tire son origine de la relation particulière entre associé et société. (…) » Par requête déposée le 13 février 2009, la société … S.A, ci-après « la société … », a introduit recours tendant à la réformation, subsidiairement à l’annulation de la décision précitée prise sur réclamation par le directeur de l’administration des Contributions directes en date du 17 novembre 2008 et du bulletin de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux 2003 émis le 3 décembre 2008.

Le délégué du gouvernement soulève de prime abord l’irrecevabilité de la requête en ce qu'elle cumulerait un recours contre une décision prise par le directeur de l'administration des Contributions directes en date du 17 novembre 2008 et un recours dirigé contre un bulletin de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux, émis le 3 décembre 2008 par le bureau d'imposition Sociétés 4, ces deux recours étant incompatibles comme relevant de deux instances complètement distinctes excluant toute possibilité de jonction.

Il estime encore que le recours contre le bulletin de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux de l'année 2003 serait irrecevable omisso medio, aucune réclamation y afférente n'ayant été introduite devant le directeur de l'administration des Contributions directes.

Enfin, il soulève encore l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation.

Le tribunal constate à cet égard qu’il est effectivement saisi de deux décisions distinctes du point de vue formel, à savoir d’une décision du directeur de l'administration des Contributions directes intervenue sur réclamation, directement déférable au tribunal administratif en vertu du paragraphe 228 de la loi générale des impôts dite « Abgabenordnung » (AO), et d’un bulletin de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux, lequel ne saurait en effet, formellement, qu’être directement soumis au tribunal administratif qu’à la double condition de l’introduction préalable d’une réclamation devant le directeur et de l’absence de toute décision définitive intervenue dans le délai de 6 mois à partir de la demande, telle que prévue par l’article 8 (3) 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif.

Or il résulte tant des décisions déférées au tribunal administratif que des explications du litismandataire de la société … présent à l’audience que le bulletin d’imposition déféré au tribunal ne l’a été qu’à titre subsidiaire, ledit bulletin, en dépit de sa qualité formelle et théorique de décision fiscale telle que visée par le paragraphe 228 AO, ne revêtant cependant pas en l’espèce pareille qualité en ce qui concerne son negotium, le bureau d’imposition, lors de l’émission dudit bulletin, n’ayant en effet pas agi dans le cadre de son pouvoir décisionnel propre, mais seulement en exécution de la décision sur réclamation prise par le directeur, ledit bulletin indiquant d’ailleurs explicitement avoir été émis en redressement du bulletin initial -

non déféré au tribunal - « suivant décision directoriale du 17 novembre 2008 ».

De ce point de vue, le recours tel que dirigé contre le bulletin de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux doit être considéré comme superfétatoire, celui-ci devant nécessairement suivre le sort que le tribunal réservera à la décision directoriale, ledit bulletin, comme retenu ci-avant, ne constituant en l’espèce qu’une décision prise en exécution de la décision directoriale et dès lors dépourvue de tout élément décisionnel propre, susceptible, per se, de causer grief à la demanderesse.

Il s’ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable en ce qu’il est dirigé contre le bulletin d’impôt déféré.

En ce qui concerne le volet restant du recours, à savoir le recours en réformation, sinon en annulation tel que dirigé contre la décision sur réclamation du directeur de l’administration des Contributions directes du 17 novembre 2008, notifié au mandataire de la demanderesse par courrier recommandé du même jour, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par la demanderesse, puisque que le paragraphe 228 AO, ensemble l’article 8 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée, ouvrent un recours au fond contre la décision directoriale litigieuse.

Le recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il n’y a dès lors pas lieu d’analyser le recours en annulation, introduit à titre subsidiaire.

Quant au fond, la société … reproche à la décision directoriale d’avoir considéré les gratifications payées à Messieurs TTT et GGG pour l'exercice 2003 comme constituant une distribution cachée de bénéfices et elle estime qu’en conséquence il n’y aurait pas lieu à imposition au titre de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux.

Elle expose à ce sujet que l'administration ne peut supposer une diminution indue des bénéfices de l'entreprise que si les circonstances la rendent probable et que l’administration doit, dans cette optique, procéder à un examen impartial et objectif des déclarations du contribuable ainsi que des éléments du dossier. Or dans la présente espèce le directeur aurait failli à cette obligation, étant donné qu’il ne disposait d'aucun renseignement lui permettant de supposer une diminution indue des bénéfices de l'entreprise.

La société … soutient qu’en effet, en l’espèce, l'avantage incriminé ne trouverait pas son origine dans la qualité d'associé de Messieurs TTT et GGG, mais dans leur statut d'employé, la société ayant en effet voulu marquer sa satisfaction du travail accompli au moyen d’une gratification, de sorte que les conditions d'application de l'article 164 (3) L.I.R.

ne seraient pas données.

La société … expose par ailleurs que les salaires de ses dirigeants-associés pour les exercices 2001 et 2002 auraient été supérieurs à ceux qu'ils ont touchés pour l'exercice 2003 et que son bénéfice commercial pour l'exercice 2003 aurait été très élevé, de sorte qu’il ne saurait être question d’une diminution indue des bénéfices de l’entreprise. Au contraire les dirigeants de la société … se seraient comportés de manière extrêmement prudente et avisée en s'allouant des salaires inférieurs aux salaires qu'ils avaient touchés au cours des exercices précédents et ce ne serait qu'au vu du résultat et plus particulièrement du bénéfice commercial réalisé grâce à leur gestion performante que la société leur aurait alloué une rémunération supplémentaire pour les récompenser de leurs efforts et du résultat obtenu.

Enfin, la demanderesse donne encore à considérer que les gratifications seraient pleinement imposées au niveau de l'impôt sur le revenu, de sorte qu’en les imposant au titre de l'impôt sur le revenu et en leur appliquant une retenue à la source, il y aurait manifestement une double imposition économique d'un même revenu.

Le tribunal constate cependant, en dépit des explications résumées ci-avant de la demanderesse, qu’il résulte d’un courrier du 22 juillet 2003 adressé par la fiduciaire de la société … à l’administration des Contributions directes que si les associés TTT et GGG avaient accepté de ne pas se voir attribuer de dividende, et ce afin d’éviter les répercussions fiscales du versement d’un dividende à l’un de ces associés, résident français, ils avaient néanmoins décidé « le versement d’une gratification totale de 73.328,28 EUR, préférant dès lors être rémunérés sous forme de salaire plutôt que sous forme de dividendes qui sont pénalisants pour eux en tant que non résidents ».

Il résulte indéniablement de ce courrier que le versement de la gratification incriminée doit être considéré comme versement d’un dividende occulte et que la justification de ce versement se situe dans la seule qualité d’associés des bénéficiaires de ce dividende occulte, le courrier cité ci-avant établissant lui-même une corrélation directe entre leur qualité d’associés, la possibilité - écartée - de se voir attribuer un dividende et la solution finalement retenue du versement d’une gratification.

Si la société fait certes actuellement plaider que cette gratification trouverait son origine dans le seul travail méritoire des salariés TTT et GGG, cette affirmation est d’ores et déjà démentie par le contenu explicite du courrier cité ci-avant ; il convient par ailleurs et en tout état de cause de constater que la demanderesse reste en défaut d’établir, voire seulement d’alléguer que d’autres salariés aient également pu prétendre à pareille gratification : il s’ensuit qu’en l’état actuel du dossier un tiers non associé n’aurait pas pu prétendre à pareil versement.

L’article 164 LIR, dispose que « (1) Pour déterminer le revenu imposable, il est indifférent que le revenu soit distribué ou non aux ayants droit.

(2) Sont à considérer comme distribution dans le sens de l’alinéa qui précède, les distributions de quelque nature qu’elles soient, faites à des porteurs d’actions, de parts bénéficiaires ou de fondateurs, de parts de jouissance ou de tous autres titres, y compris les obligations à revenu variable donnant droit à une participation au bénéfice annuel ou au bénéfice de liquidation.

(3) Les distributions cachées de bénéfices sont à comprendre dans le revenu imposable. Il y a distribution cachée de bénéfices notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d’une société ou d’une association dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité ».

Il y a dès lors distribution cachée de bénéfices, telle que visée par l’article 164 (3) LIR, si un associé ou un actionnaire, voire même un intéressé reçoit directement ou indirectement d’une société des avantages qu’il n’aurait pu obtenir s’il n’avait pas eu cette qualité. La situation concernée est celle où un gestionnaire prudent et avisé n’aurait pas accordé un avantage similaire à un tiers.

En l’espèce, le versement d’un dividende occulte sous la forme d’une gratification aux deux associés personnes physiques de la demanderesse n’aurait manifestement pas été accordé par un dirigeant même moyennement diligent et consciencieux, tendant à assurer la rentabilité d’une exploitation commerciale, à un salarié non associé, ledit versement n’ayant pas été effectué, comme allégué, en récompense du travail des desdits associés-salariés, mais comme distribution de bénéfice audits associés qui ont renoncé, pour des raisons fiscales, au versement ouvert d’un dividende.

Il découle de l’ensemble de ces développements que c’est à bon droit que le directeur a conclu à ce que le paiement effectué de 73.328,28 € aux deux associés personnes physiques de la demanderesse constitue une distribution occulte de bénéfice tirant son origine de la relation particulière entre la société … et lesdits associés et qu'il a fixé la retenue sur les revenus de capitaux de l’exercice 2003 à 14.665,66 et que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Si la demanderesse fait finalement remarquer qu’à admettre la retenue à la source, il y aurait double imposition, puisque lesdites gratifications feraient aussi l’objet d’une imposition au titre de l’impôt sur le revenu, le tribunal n’est cependant pas en mesure de prendre position par rapport à un tel moyen simplement suggéré, sans être soutenu effectivement. En effet, en l’absence de l’invocation de moyens concrets, fondés sur la violation alléguée d’une disposition légale précise et susceptibles d’entraîner l’annulation ou la réformation de la décision directoriale déférée, il n’appartient pas au tribunal administratif de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses commentaires.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme en ce qu’il est dirigé contre la décision directoriale du 17 novembre 2003 ;

dans cette mesure, le déclare cependant non fondé et en déboute ;

le déclare irrecevable pour le surplus ;

dit encore qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

met les frais à charge de la demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 octobre 2009 par :

Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Paulette Lenert 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 25396
Date de la décision : 19/10/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-10-19;25396 ?

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