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05/10/2009 | LUXEMBOURG | N°25516

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 octobre 2009, 25516


Tribunal administratif N° 25516 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mars 2009 1ère chambre Audience publique du 5 octobre 2009 Recours formé par Madame Xhemajilije Bojku, Luxembourg, contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25516 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2009 par Maître François Moyse, avocat à la Cour, i

nscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame Xhemajilije Bojk...

Tribunal administratif N° 25516 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mars 2009 1ère chambre Audience publique du 5 octobre 2009 Recours formé par Madame Xhemajilije Bojku, Luxembourg, contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25516 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2009 par Maître François Moyse, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame Xhemajilije Bojku, née le 9 décembre 1986 à Druar/Vucitrn (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L-1511 Luxembourg, 162b, avenue de la Faïencerie, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 12 janvier 2009 refusant à Madame Bojku le bénéfice d’une autorisation de séjour pour motifs humanitaires sinon subsidiairement l’octroi d’un statut de tolérance, ainsi qu’un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans cette même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2009 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mai 2009 par Maître François Moyse au nom de Madame Bojku ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2009 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître May Nalepa, en remplacement de Maître François Moyse, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 septembre 2009.

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Après s’être vue refuser l’octroi d’une protection internationale par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 13 août 2008, décision confirmée suivant jugement du tribunal administratif du 27 octobre 2008, Madame Xhemajilije Bojku, originaire du Kosovo, s’adressa une nouvelle fois le 19 novembre 2008 aux autorités luxembourgeoises pour solliciter le bénéfice d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, sinon d’un statut de tolérance. A l’appui de cette demande elle s’est prévalue du fait que son fiancé, Monsieur Hysni Behrami, aurait besoin de sa présence au pays en raison du fait qu’il serait atteint de troubles psychologiques graves et qu’elle seule arriverait à lui dispenser le soutien indispensable sur le plan psychologique dont il aurait besoin. Elle insiste dans ce contexte sur le fait que la mère de Monsieur Behrami souffrirait de graves rhumatismes et suivrait un traitement par antiépileptiques, de sorte qu’elle ne pourrait que très difficilement accomplir tous les actes de la vie quotidienne et qu’elle aurait à son tour besoin du soutien de Madame Bojku aussi bien pour elle-même que pour prendre soin de son fils.

Le ministre refusa de faire droit à cette demande par décision du 12 janvier 2009 au motif que suivant jugement du 8 janvier 2009 concernant la demande en obtention d’une tolérance de Monsieur Behrami, le tribunal est arrivé à la conclusion qu’il n’existe pas dans son chef des circonstances rendant impossible l’exécution d’une mesure d’éloignement. Or, dans la mesure où Monsieur Behrami se trouverait dès lors sans autorisation de séjour au Luxembourg et que Madame Bojku ne fournirait pas d’explications ayant trait à sa situation personnelle qui seraient de nature à établir une impossibilité de procéder à l’exécution matérielle d’un éloignement dans son propre chef, sa propre demande de tolérance serait également à considérer comme étant non fondée. Quant à la demande subsidiaire tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, le ministre a retenu que l’intéressée ne ferait pas état de motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité tels que prévus à l’article 78 (1) d) de la loi du 29 août 2008 portant notamment sur la libre circulation des personnes et l’immigration.

Il informa l’intéressée par ce même courrier que conformément à l’article 111 de la loi précitée de 2008, elle aurait un mois à compter de la date de notification de cette décision pour quitter le territoire luxembourgeois.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2009, Madame Bojku a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision prévisée du 12 janvier 2009 ayant rejeté sa demande en obtention d’une autorisation de séjour pour base humanitaire sinon d’un statut de tolérance. Par la même requête elle a sollicité l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans cette même décision. A l’appui de ce recours elle réexpose les raisons ayant motivé sa demande adressée au ministre et insiste sur le fait qu’elle aurait quitté le Kosovo pour venir rejoindre et soigner son fiancé gravement malade ; de ce fait elle aurait été totalement rejetée par sa famille et ne disposerait plus, en cas de retour dans son pays d’origine, de ressources et de soutien. Son rapatriement serait encore impossible en raison du fait qu’elle ne disposerait d’aucune pièce d’identité et d’aucun laissez-passer de nature à permettre l’exécution de son rapatriement, étant entendu que ces documents seraient restés chez sa famille qui refuserait désormais tout contact avec elle. Quant au caractère humanitaire de sa demande, elle insiste sur le fait qu’elle se dévouerait volontairement pour soutenir deux personnes gravement malades qui nécessiteraient régulièrement des soins importants.

La demanderesse se prévaut encore de son appartenance à la communauté albanaise pour soutenir qu’elle serait exposée au risque de subir des violences en cas de rapatriement au Kosovo, ceci en raison notamment des tensions interethniques récurrentes à Mitrovica.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours comme étant non fondé en insistant sur le fait que tant le fiancé de la demanderesse que la mère de ce dernier se trouveraient actuellement en séjour irrégulier au pays et que par ailleurs le fait de vouloir assister des personnes malades ne saurait constituer un motif humanitaire justifiant une autorisation de séjour au pays.

Quant au statut de tolérance Etant donné qu’aucun recours au fond n’est prévu en matière de statut de tolérance, tel que prévu par l’article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, dénommée ci-après « la loi du 5 mai 2006 », le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours en annulation, introduit à titre subsidiaire, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Aux termes de l’article 22, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, « si le statut de réfugié est refusé au titre des articles 19 et 20 qui précèdent, le demandeur d'asile sera éloigné du territoire » et aux termes du paragraphe (2) du même article « si l'exécution matérielle de l'éloignement s'avère impossible en raison de circonstances de fait, le ministre peut décider de le tolérer provisoirement sur le territoire jusqu'au moment où ces circonstances de fait auront cessé ».

Il se dégage de cette disposition que les circonstances de fait pouvant utilement être invoquées à l’appui d’une demande en obtention du statut de tolérance, doivent nécessairement se rapporter à l’exécution matérielle de la mesure d’éloignement proprement dite et ne sauraient se confondre ni avec les moyens qui ont déjà été invoqués dans le cadre d’une demande de protection internationale, qui a définitivement été rejetée, ni avec des considérations liées à la situation du pays d’origine, respectivement aux conditions d’accueil dans ce pays.

Il se dégage encore de la disposition précitée que la preuve d’une éventuelle impossibilité matérielle de procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement obéit aux règles de preuve de droit commun, ce qui implique que pour tolérer l’étranger sur le territoire, le ministre doit vérifier l’existence de circonstances qui empêchent l’exécution matérielle de l’éloignement. L’application du droit commun entraîne encore qu’en cas de contestation de ces circonstances, il appartient à celui qui en revendique l’existence, en l’occurrence à l’étranger qui revendique cette tolérance, d’en établir l’existence (Cour adm. 11 novembre 2008, n° 24693C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu).

En l’espèce il y a lieu de constater qu’il ressort d’une confirmation de l’UNMIK du 5 février 2009, versée aux débats par le délégué du gouvernement, qu’il n’y a pas d’objections au rapatriement de l’intéressée au Kosovo. Le ministre pouvait dès lors valablement conclure qu’il n’existait aucun empêchement à l’exécution matérielle du rapatriement de la demanderesse.

Quant à la nécessité alléguée d’être présente sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pour assister son fiancé et la mère de ce dernier, force est encore de constater que si cette argumentation est certes susceptible d’être examinée dans le cadre du refus ministériel d’accorder une autorisation de séjour pour raisons humanitaires à la demanderesse, cette même argumentation n’est cependant pas de nature à établir directement dans le chef de la demanderesse des circonstances de fait qui rendraient impossible son éloignement, ces considérations étant plutôt de nature à établir des raisons justifiant le cas échéant sa présence au Luxembourg, mais non de nature à établir un empêchement d’ordre matériel à l’exécution de l’éloignement.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre le refus du ministre de faire droit à la demande de tolérance formulée par l’intéressée laisse d’être fondé.

Quant aux raisons humanitaires invoquées L’article 78 (1), d) de la loi précitée du 29 août 2008 permet au ministre d’accorder une autorisation de séjour pour raisons privées au ressortissant d’un pays tiers qui fait valoir des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité, à condition que sa présence ne constitue pas de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques et qu’il dispose de la couverture d’une assurance maladie et d’un logement approprié.

Ladite loi du 29 août 2008 ne prévoyant pas de recours au fond contre une décision de refus d’accorder une autorisation de séjour à ce titre, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal tendant à la réformation du volet de la décision ministérielle sous examen. Le recours subsidiaire tendant à l’annulation de ce même volet de la décision litigieuse est quant à lui recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Les raisons humanitaires avancées à titre principal par la demanderesse trouvant leur fondement essentiellement dans la situation personnelle de son fiancé et de la mère de ce dernier et plus particulièrement dans la nécessité alléguée de demeurer auprès d’eux afin de leur dispenser les soins requis par leur état de santé, c’est à juste titre que le ministre a pu estimer que par le fait que ces deux personnes ne sont plus autorisées à résider légalement sur le territoire luxembourgeois, les raisons avancées par la demanderesse ne seraient en tout état de cause plus justifiées non plus ; en effet, faute pour le fiancé de la demanderesse et sa mère de s’être vu prolonger leur statut de tolérance au pays, ceux-ci, désormais dépourvus d’un titre leur permettant de séjourner sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, n’auront a fortiori plus besoin d’une assistance sur ce même territoire, mais auront le cas échéant besoin de cette assistance dans leur pays d’origine où il est prévu de les éloigner. Le recours contentieux introduit par Monsieur Hysni Behrami et sa mère, Madame Fazile Behrami Azizaj contre une décision ministérielle ayant porté retrait dans leur chef du statut de tolérance, s’est en effet soldé par un arrêt de la Cour administrative du 21 avril 2009, numéro 25372C du rôle, ayant conclu que leurs états de santé respectifs, s’ils apparaissent certes comme accablants concernant plus précisément l’état de santé psychique de Monsieur Behrami, ne rentrent pas sous les circonstances de fait visées par l’article 22 (2) de la loi précitée du 5 mai 2006 et ne sont partant pas de nature à empêcher leur éloignement.

La demanderesse s’est encore prévalue de sa situation personnelle au Kosovo en cas de retour forcé. A cet égard force est de constater que la seule référence à la situation générale dans ce pays ainsi qu’au fait que les liens de la demanderesse avec sa famille, à la suite d’un choix personnel ayant consisté à rejoindre son fiancé au Grand-Duché de Luxembourg, ont été rompus, ne s’analysent pas en des raisons présentant un caractère de gravité suffisant pour qualifier en tant que motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité au sens de l’article 78 (1) d) de la loi précitée du 29 août 2008.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse encore d’être fondé sous cet aspect.

Quant à l’ordre de quitter le territoire Conformément à l’article 111 (1) de la loi précitée du 29 août 2008, une décision de refus du type de celle faisant l’objet du présent recours est assortie d’une obligation de quitter le territoire pour l’étranger qui s’y trouve comportant notamment l’indication du délai imparti pour quitter le territoire.

Si la demanderesse sollicite certes aux termes du dispositif de sa requête introductive d’instance l’annulation de l’ordre de quitter le territoire lui adressé, elle reste cependant en défaut de formuler utilement un quelconque moyen de légalité, voire d’invoquer une base légale susceptible d’étayer ses prétentions, de sorte que le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée en ce qu’elle véhicule l’information que par l’effet de l’article 111 (1) prévisé elle est assortie de l’ordre de quitter le territoire.

Partant le recours en annulation est encore à rejeter comme étant non fondé sous cet aspect.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 octobre 2009 par :

Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Paulette Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5.10.2009 Le Greffier du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 25516
Date de la décision : 05/10/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-10-05;25516 ?

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