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09/09/2009 | LUXEMBOURG | N°26055

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 septembre 2009, 26055


Tribunal administratif Numéro 26055 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 septembre 2009 Audience publique du 9 septembre 2009 Recours formé par Monsieur XXX XXX, alias XXX XXX, Schrassig contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26055 du rôle et déposée le 3 septembre 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc L

entz, avocat à la Cour, assisté de Maître Julien Boeckler, avocat, tous les deux insc...

Tribunal administratif Numéro 26055 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 septembre 2009 Audience publique du 9 septembre 2009 Recours formé par Monsieur XXX XXX, alias XXX XXX, Schrassig contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26055 du rôle et déposée le 3 septembre 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Lentz, avocat à la Cour, assisté de Maître Julien Boeckler, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, alias XXX XXX, né le XXX, de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d'une décision du 26 août 2009 présentée comme émanant du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration mais émanant du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ordonnant la prorogation de sa rétention pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 septembre 2009 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Julien Boeckler et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 septembre 2009.

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Après avoir été définitivement débouté de sa demande en obtention d’une protection internationale par les autorités luxembourgeoises suivant jugement rendu le 22 août 2007 par le tribunal administratif, numéro du rôle 22897, Monsieur XXX XXX alias XXX XXX fut condamné le 21 novembre 2007 par jugement de la neuvième chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg à une peine d’emprisonnement de 36 mois, cette peine d’emprisonnement ayant été ramenée à 30 mois par un arrêt de la Cour d’appel du 17 juin 2008.

Le 18 juillet 2008, le ministre des Affaires Etrangères et de l’Immigration prit à son encontre un arrêté de refus d’entrée et de séjour. Par la suite, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier, ci-après « le ministre », après avoir appris la date de libération exacte de l’intéressé, prit à son encontre un arrêté de placement en rétention le 30 juillet 2009.

Monsieur XXX XXX, alias XXX XXX, fut alors placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig.

Par arrêté du 26 août 2009, notifié le 31 août 2009, le ministre ordonna la prorogation de ce placement pour une nouvelle durée d’un mois sur base des considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 30 juillet 2009 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant qu’une demande d’identification a été adressée aux autorités algériennes ;

Considérant qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la situation de l’intéressé, l’éloignement immédiat est impossible en raison de circonstances de fait ;

Considérant qu’il y a nécessité de reconduire la décision de placement ; ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 septembre 2009, Monsieur XXX XXX, alias XXX XXX, a fait introduire un recours tendant à la réformation de la prédite décision du 26 août 2009.

Etant donné que l'article 123, paragraphe 1 de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours en réformation, par ailleurs introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que la condition de nécessité prévue par la loi pour légitimer le renouvellement d’une mesure de placement ne serait pas remplie en l’espèce, étant donné que l’inaction, voire la tardiveté de l’action des autorités administratives luxembourgeoises, ainsi que la non-coopération des autorités algériennes ne sauraient lui être opposables.

Il relève plus particulièrement que l’entrée et le séjour lui ont déjà été refusés suivant décision ministérielle du 16 février 2007 et qu’une première demande de laissez-passer avait été adressée au consulat de la République algérienne le 11 janvier 2008, demande qui aurait été complétée le 5 mars 2008, mais qui n’aurait été relancée que plus d’une année et trois mois plus tard, soit le 10 juin 2009. Il estime qu’une mesure de placement ne saurait servir à pallier l’inertie des autorités administratives qui seraient tenues de déployer toutes les diligences nécessaires pour réduire autant que possible la privation de liberté inhérente à toute mesure de placement.

Il reproche ensuite à la décision déférée de ne pas faire état d’un danger réel dans son chef de vouloir se soustraire à l’exécution de la mesure de rapatriement ultérieure.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé. Il soutient que le ministre aurait effectué des démarches suffisantes afin d’écourter au maximum la privation de liberté du demandeur. Il rappelle qu’en date du 18 juillet 2008, le ministre a pris un arrêté de refus d’entrée et de séjour à l’encontre de l’intéressé et qu’une demande de délivrance d’un laissez-passer a été transmise aux autorités algériennes en date des 11 janvier et 5 mars 2008, tout en signalant que les démarches ainsi entamées en vue de l’éloignement de l’intéressé n’ont effectivement été relancées qu’à partir du moment où la date de sa libération concrète était connue. Ainsi, le ministre aurait relancé le consulat algérien le 10 juin 2009 et assuré le suivi de ce dossier par la voie téléphonique sans que toutefois un résultat concret n’ait été acquis au moment de l’expiration de la première mesure de placement.

La condition légale de la nécessité serait encore remplie du fait que l’intéressé constituerait une menace pour l’ordre public par le fait d’avoir fourni deux identités différentes aux autorités luxembourgeoises. Quant au reproche d’un défaut de motivation par l’absence d’invocation d’un danger de soustraction à la mesure de rapatriement, le représentant étatique fait valoir que la législation actuelle n’énoncerait pas pareille condition, tout en relevant par ailleurs que compte tenu du comportement délictueux de l’intéressé, ainsi que du fait qu’il a fait usage de deux identités différentes, il serait évident qu’un tel danger de soustraction à une mesure de rapatriement existerait en l’espèce.

Quant aux conditions du recours à une mesure de placement, respectivement de la prorogation d’une telle mesure, il y a lieu de se référer à l’article 120, paragraphe 1 de la loi du 29 août 2008 qui est libellé comme suit :

« (1) Lorsque l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 est impossible en raison des circonstances de fait, ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre être placé en rétention dans une structure fermée. (…) La durée maximale est fixée à un mois. » Cette disposition permet au ministre, dans l’hypothèse où l’exécution d’une mesure d’éloignement est impossible en raison de circonstances de fait, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, étant entendu que le paragraphe 3 du même article permet au ministre de reconduire, en cas de nécessité, la décision de placement à trois reprises, chaque fois pour une durée maximale d’un mois.

Une impossibilité de procéder à l’éloignement immédiat d’un étranger en raison de circonstances de fait est vérifiée lorsque ce dernier ne dispose pas des documents d’identité et de voyage requis pour permettre son refoulement immédiat et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé et desdits documents. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée à trois reprises en cas de nécessité.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le demandeur se trouve en situation irrégulière au Luxembourg et qu’il est démuni de documents de voyage valables pour permettre son éloignement immédiat vers son pays d’origine. De ce seul fait, l’exécution immédiate d’une mesure d’éloignement est à considérer comme étant impossible, de sorte que les autorités compétentes ont valablement pu ordonner son placement en rétention et entreprendre différentes démarches afin d’obtenir de l’Etat d’origine du demandeur un accord de reprise en vue de l’organisation de son rapatriement.

Il ressort des pièces versées au dossier que le ministre a relancé les démarches auprès des autorités algériennes dès qu’il a eu connaissance de la date de la libération de l’intéressé et ce même avant la prise du premier arrêté de placement en rétention, mais que malgré différents rappels adressés auxdites autorités, ces démarches n’ont à l’heure actuelle pas encore été couronnées de succès. Dans la mesure où l’emprisonnement de l’intéressé empêchait une exécution utile de la mesure d’éloignement, le ministre ne saurait se voir reprocher d’avoir interrompu ses démarches auprès des autorités algériennes en attendant que l’intéressé purge sa peine, étant donné que l’organisation concrète d’un rapatriement suppose la communication d’une date de rapatriement utile et ne saurait être finalisée en cas d’incertitude sur la date de libération effective. Il se dégage encore des pièces versées au dossier que le ministre s’est assuré auprès des autorités algériennes que les démarches en vue de l’identification de l’intéressé étaient effectivement en cours et qu’il s’était régulièrement informé au sujet du suivi de l’instruction de ce dossier auprès des autorités algériennes.

Dans la mesure où les autorités luxembourgeoises n’étaient pas encore en possession des informations requises de la part des autorités algériennes au moment de l’expiration de la première mesure de rétention, la prorogation de cette mesure a valablement pu être considérée comme étant nécessaire afin de ne pas compromettre l’exécution ultérieure de la mesure d’éloignement de l’intéressé vers son pays d’origine.

Compte tenu de l’ensemble des démarches entreprises dès le placement de l’intéressé, le reproche d’un défaut de diligences, voire de lenteurs administratives formulé par le demandeur à l’appui de son recours laisse dès lors d’être fondé. Les autorités luxembourgeoises sont en effet tributaires à cet égard de la collaboration des autorités étrangères et les démarches entreprises par le ministre auprès des autorités algériennes sont à considérer comme correspondant à des efforts raisonnables en vue d’obtenir les documents sollicités dans les meilleurs délais sans que le ministre ne puisse être contraint d’user d’autres moyens diplomatiques à cette fin.

La légalité et le bien-fondé de la décision ne sauraient pas non plus être énervés par l’absence d’indication d’un risque dans le chef de l’intéressé de se soustraire à la mesure d’éloignement ultérieure, étant donné que la loi n’énonce pas une condition de ce type pour prendre une mesure de placement en rétention.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à déclarer non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Paulette Lenert, vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 9 septembre 2009, par le vice-président, en présence du greffier de la Cour administrative Erny May, greffier assumé.

s. Erny May s. Paulette Lenert 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 26055
Date de la décision : 09/09/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-09-09;26055 ?

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