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09/09/2009 | LUXEMBOURG | N°26054

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 septembre 2009, 26054


Tribunal administratif Numéro 26054 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 septembre 2009 Audience publique du 9 septembre 2009 Recours formé par Monsieur XXX XXX, alias XXX XXX, alias XXX XXX, alias XXX XXX, Schrassig contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26054 du rôle et déposée le 3 septembre 2009 au greffe du tribunal ad

ministratif par Maître Marc Lentz, avocat à la Cour, assisté de Maître Julien Boeckl...

Tribunal administratif Numéro 26054 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 septembre 2009 Audience publique du 9 septembre 2009 Recours formé par Monsieur XXX XXX, alias XXX XXX, alias XXX XXX, alias XXX XXX, Schrassig contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26054 du rôle et déposée le 3 septembre 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Lentz, avocat à la Cour, assisté de Maître Julien Boeckler, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, né le XXX, alias XXX XXX, né le XXX, alias XXX XXX, alias XXX XXX déclarant être de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d'une décision du 26 août 2009 présentée comme émanant du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration mais émanant du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, ordonnant la prorogation de sa rétention pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 septembre 2009 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Julien Boeckler et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 septembre 2009.

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Depuis un arrêt de la Cour administrative du 26 octobre 2006, numéro 21993C du rôle, ayant définitivement débouté de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié Monsieur XXX XXX, alias XXX XXX, alias XXX XXX, alias XXX XXX, ci-après « Monsieur XXX », celui-ci se trouve en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

Dès le mois de mai 2007, les services du ministère des Affaires Etrangères et de l’Immigration ont entrepris différentes démarches en vue d’établir l’identité de Monsieur XXX en s’adressant aux autorités algériennes le 16 mai 2007 et, à la suite d’une réponse négative de la part de ces autorités, en soumettant l’intéressé à un test linguistique au mois de décembre 2007, test qui a exclu la Palestine comme région d’origine et laissé présumer que l’intéressé était soit algérien soit tunisien. Le bureau de coopération policière ayant réussi en date du 24 janvier 2008 à identifier l’intéressé comme étant probablement d’origine tunisienne, l’ambassade tunisienne fut saisie le 23 janvier 2008 et le dossier afférent fut complété en date des 26 et 27 mars 2008, de sorte qu’en date du 6 mai 2008, les autorités tunisiennes ont informé les autorités luxembourgeoises qu’elles étaient disposées à délivrer un laissez-passer en faveur de Monsieur XXX à condition de disposer d’une photo d’identité et de se voir préciser la date du rapatriement, le numéro de vol et l’heure d’arrivée. L’intéressé ayant entretemps été condamné par jugement rendu le 21 novembre 2007 par la neuvième chambre du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, à une peine d’emprisonnement de 30 mois et la Cour d’appel, cinquième chambre siégeant en matière correctionnelle, ayant confirmé ce jugement suivant arrêt du 17 juin 2008, n’a pas été rapatrié en 2007. Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informé de la date de libération de l’intéressé, prit un arrêté de placement en rétention à son encontre le 30 juillet 2009. Monsieur XXX fut alors placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig.

Par arrêté du 26 août 2009, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, entretemps en charge du dossier, ordonna la prorogation de ce placement pour une nouvelle durée d’un mois sur base des considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 30 juillet 2009 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant qu’une nouvelle demande d’identification a été adressée aux autorités tunisiennes ;

Considérant qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité de la situation de l’intéressé, l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ;

Considérant qu’il y a nécessité de reconduire la décision de placement ; ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 septembre 2009, Monsieur XXX a fait introduire un recours tendant à la réformation de la prédite décision du 26 août 2009.

Etant donné que l'article 123, paragraphe 1 de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours en réformation, par ailleurs introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que la condition de nécessité prévue par la loi pour légitimer le renouvellement d’une mesure de placement ne serait pas remplie en l’espèce, étant donné que l’inaction, voire la tardiveté de l’action des autorités administratives luxembourgeoises, ainsi que la non-coopération des autorités tunisiennes ne sauraient lui être opposables.

Il relève plus particulièrement qu’en date du 6 mai 2008 déjà, le Consulat général de Tunisie à Bruxelles avait informé le ministre que ses services étaient disposés à délivrer un laissez-passer sous la réserve de la communication d’une photo d’identité et de la date, de l’heure et du numéro de vol employé pour le rapatriement, de sorte qu’il serait inconcevable qu’il doive à l’heure actuelle payer de sa liberté l’inaction des autorités luxembourgeoises pendant plus d’une année.

Il reproche ensuite à la décision déférée de ne pas faire état d’un danger réel dans son chef de vouloir se soustraire à l’exécution de la mesure de rapatriement ultérieure.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé. Il soutient que le ministre aurait effectué des démarches suffisantes afin d’écourter au maximum la privation de liberté du demandeur. Il relève plus particulièrement que l’attente épinglée comme ayant été démesurée par le demandeur s’expliquerait aisément par le fait que celui-ci avait été condamné à une peine d’emprisonnement et que toute tentative d’organiser le rapatriement durant l’incarcération serait parfaitement inutile, étant donné qu’un laissez-passer ne serait en règle général valable que pendant quelques jours et devrait par conséquent être utilisé très rapidement à partir de son émission. Il signale que dès la libération de l’intéressé, soit le 31 juillet 2009, le ministre aurait saisi les autorités tunisiennes des pièces nécessaires en vue de l’organisation du rapatriement, de sorte qu’aucun retard afférent ne serait imputable aux autorités luxembourgeoises ; il aurait au contraire été prévu que ce rapatriement soit exécuté dans les trois semaines après le terme de la peine d’emprisonnement ce qui serait un délai parfaitement raisonnable. Quant au fait que les autorités tunisiennes n’acceptent désormais plus le rapatriement au motif que leur accord fourni en 2008 serait devenu caduc, le représentant étatique se prévaut du caractère imprévisible et partant non imputable aux autorités luxembourgeoises de ce comportement, tout en signalant que c’est en raison de cette nouvelle prise de position que les autorités luxembourgeoises ont été contraintes d’entamer une nouvelle procédure.

La condition légale de la nécessité serait encore remplie du fait que l’intéressé constituerait une menace pour l’ordre public par le fait d’avoir fourni de nombreuses identités différentes aux autorités luxembourgeoises. Quant au reproche d’un défaut de motivation par l’absence d’invocation d’un danger de soustraction à la mesure de rapatriement, le représentant étatique fait valoir que la législation actuelle n’énoncerait pas pareille condition, tout en relevant par ailleurs qu’au vu du comportement délictueux de l’intéressé ainsi que du fait d’avoir fait usage de différentes identités, il serait évident qu’un tel danger de soustraction à une mesure de rapatriement existerait en l’espèce.

Quant aux conditions du recours à une mesure de placement, respectivement de la prorogation d’une telle mesure, il y a lieu de se référer à l’article 120, paragraphe 1 de la loi du 29 août 2008 qui est libellé comme suit :

« (1) Lorsque l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 ou d’une demande de transit par voie aérienne en vertu de l’article 127 est impossible en raison des circonstances de fait, ou lorsque le maintien en zone d’attente dépasse la durée de quarante-huit heures prévue à l’article 119, l’étranger peut, sur décision du ministre être placé en rétention dans une structure fermée. (…) La durée maximale est fixée à un mois. » Cette disposition permet au ministre, dans l’hypothèse où l’exécution d’une mesure d’éloignement est impossible en raison de circonstances de fait, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, étant entendu que le paragraphe 3 du même article permet au ministre de reconduire, en cas de nécessité, la décision de placement à trois reprises, chaque fois pour une durée maximale d’un mois.

Une impossibilité de procéder à l’éloignement immédiat d’un étranger en raison de circonstances de fait est vérifiée lorsque ce dernier ne dispose pas des documents d’identité et de voyage requis pour permettre son refoulement immédiat et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé et desdits documents. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour la durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée à trois reprises en cas de nécessité.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le demandeur se trouve en situation irrégulière au Luxembourg et qu’il est démuni de documents de voyage valables pour permettre son éloignement immédiat vers son pays d’origine. De ce seul fait l’exécution immédiate d’une mesure d’éloignement est à considérer comme étant impossible, de sorte que les autorités compétentes ont valablement pu entreprendre différentes démarches afin d’obtenir de l’Etat d’origine du demandeur un accord de reprise en vue de l’organisation de son rapatriement et ordonner en attendant son placement en rétention.

Il ressort encore des pièces versées au dossier que le ministre est parti de l’hypothèse que l’accord écrit fourni en date du 6 mai 2008 par le Consulat général de Tunisie à Bruxelles quant au principe de délivrance d’un laissez-passer pour rentrer en Tunisie à Monsieur XXX était encore acquis au moment de la libération de ce dernier, étant donné qu’il se dégage de cet accord qu’il n’était assorti d’aucune condition de délai mais se limitait à indiquer la nécessité de faire parvenir une photo d’identité et de préciser la date du rapatriement ainsi que le numéro et l’heure de vol. Il ne saurait non plus être reproché au ministre d’avoir attendu une information concrète quant à la libération de l’intéressé pour faire parvenir les informations ainsi demandées aux autorités tunisiennes, étant donné que l’organisation d’un rapatriement comportant en l’espèce l’émission d’un laissez-passer et la réservation d’un vol, requièrent des informations précises et fiables quant à la disponibilité de la personne concernée et ne saurait être conçue abstraitement et à l’avance.

Dans la mesure où les autorités luxembourgeoises n’ont été informées que tardivement de la nécessité d’entamer une nouvelle procédure de demande en obtention d’un laissez-passer et qu’à cet égard elles sont entièrement tributaires de la collaboration des autorités tunisiennes, la prorogation de la mesure de placement litigieuse a valablement pu être considérée comme étant nécessaire afin de ne pas compromettre l’exécution ultérieure de l’éloignement de l’intéresse vers son pays d’origine, étant donné qu’au moment de l’expiration de la première mesure de rétention, les autorités luxembourgeoises n’étaient pas encore en possession des documents requis pour procéder à la mesure de rapatriement.

Compte tenu de l’ensemble des démarches entreprises dès le placement de l’intéressé, le reproche d’un défaut de diligences, voire de lenteurs administratives formulé par le demandeur à l’appui de son recours laisse dès lors d’être fondé.

La légalité et le bien-fondé de la décision ne sauraient pas non plus être énervés par l’absence d’indication d’un risque dans le chef de l’intéressé de se soustraire à la mesure d’éloignement ultérieure, étant donné que la loi n’énonce pas une condition de ce type pour prendre une mesure de placement en rétention.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à déclarer non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Paulette Lenert, vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 9 septembre 2009 par le vice-président en présence du greffier de la Cour administrative Erny May, greffier assumé.

s. Erny May s. Paulette Lenert 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 26054
Date de la décision : 09/09/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-09-09;26054 ?

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