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02/09/2009 | LUXEMBOURG | N°26014

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 septembre 2009, 26014


Tribunal administratif Numéro du rôle 26014 du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 août 2009 Audience publique du 2 septembre 2009 Recours formé par Monsieur XXX XXX, Schrassig contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26014 du rôle et déposée le 25 août 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Thomas STACKLER, avocat Ã

  la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XX...

Tribunal administratif Numéro du rôle 26014 du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 août 2009 Audience publique du 2 septembre 2009 Recours formé par Monsieur XXX XXX, Schrassig contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26014 du rôle et déposée le 25 août 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Thomas STACKLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, déclarant être né le XXX à XXX (Côte d’Ivoire), et être de nationalité ivoirienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision énoncée comme émanant du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, mais émanant en fait du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 10 août 2009 ordonnant la prolongation de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 août 2009 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Anna MATEUSIAK, en remplacement de Maître Thomas STACKLER, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 septembre 2009.

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En date du 18 octobre 2004, Monsieur XXX XXX introduisit sous le nom de XXX DIABATE une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.

Par décision du 15 mars 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration l’informa de ce que sa demande était refusée comme non fondée.

Par jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 27 juillet 2007, Monsieur XXX fut condamné à une peine d’emprisonnement de trente mois du chef d’infractions à la législation en matière de stupéfiants.

En date du 20 novembre 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit un premier arrêté de refus d’entrée et de séjour à l’encontre de Monsieur XXX.

Par arrêté du 13 juillet 2009, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ordonna le placement de Monsieur XXX au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée d’un mois à partir de la notification. En date du même jour, il fit l’objet d’une nouvelle décision de refus de séjour.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 20 novembre 2007 lui notifié le 22 novembre 2007 ;

Vu la décision de refus de séjour du 13 juillet 2009 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;

Considérant que l’intéressé sera présenté aux autorités de la Côte d’Ivoire en date du 14 juillet 2009 ;

Considérant qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la situation de l’intéressé, l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison des circonstances de fait. » Par arrêté du 10 août 2009, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier prorogea le placement de Monsieur XXX pour une nouvelle durée d’un mois, ledit arrêté étant motivé comme suit :

« Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 13 juillet 2009 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités ivoiriennes ;

Considérant que l’intéressé a été présenté en date du 14 juillet 2009 à l’ambassade de la Côte d’Ivoire ;

Considérant qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la situation de l’intéressé, l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ;

Considérant qu’il y a nécessité de reconduire la décision de placement ».

Ledit arrêté ministériel fut notifié à l’intéressé le 14 août 2009.

Par requête déposée le 25 août 2009 au greffe du tribunal administratif, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours en réformation à l'encontre de la prédite décision ministérielle de prorogation.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours en réformation, dans la mesure où il a été dirigé contre une prétendue décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, alors que depuis l’arrêté grand-ducal du 27 juillet 2009 portant constitution des ministères, ce serait le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration qui est compétent en la matière.

Force est de constater que le recours en réformation est effectivement dirigé contre une « décision de prorogation de mesure de placement au Centre pénitentiaire de Luxembourg, prise par Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères en date du 10 août 2009 » alors que la décision déférée émane du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration. Néanmoins, il y a lieu de retenir malgré cette désignation inexacte, que dans la mesure où l’arrêté querellé a été annexé au recours, il est parfaitement identifié, de sorte qu’il n’y a pas eu de préjudice relatif aux droits de la défense.

Il s’agit dès lors d’une simple erreur matérielle et le moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement est à rejeter comme non fondé.

Le recours en réformation ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours Monsieur XXX reproche aux autorités administratives d’avoir fait preuve d’inertie, malgré l’obligation leur incombant de tout faire pour réduire autant que possible la privation de liberté inhérente à la mesure de placement. Il souligne en outre que l’ambassade ivoirienne ferait preuve d’un manque de coopération. Par ailleurs, il expose que la décision litigieuse ne mentionnerait pas le « cas de nécessité » qui rendrait impérieuse une prorogation de la mesure de placement.

Le délégué du gouvernement rétorque que les autorités administratives auraient mis tout en œuvre pour présenter le demandeur à son ambassade dès le premier jour de la rétention administrative et qu’il ressortirait du dossier administratif que ladite ambassade a fait preuve d’une grande disponibilité. En ce qui concerne le caractère de nécessité de la prorogation de la mesure de placement, le délégué du gouvernement fait valoir qu’au vu du comportement particulièrement délictueux et non coopératif du demandeur, il y aurait nécessité de reconduire la mesure de placement en attendant le résultat des recherches des autorités ivoiriennes.

Il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 120 (3) de la loi du 29 août 2008, une décision de placement peut être reconduite en cas de nécessité à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois.

Une mesure de rétention s’analysant en une mesure administrative privative de la liberté de mouvement de la personne concernée, elle doit être limitée à la durée strictement nécessaire afin de permettre l’exécution d’une mesure d’éloignement. A cette fin, le ministre est dans l’obligation de faire entreprendre avec la diligence requise toutes les démarches nécessaires afin d’organiser cette mesure d’éloignement.

Cependant, en présence d’une personne démunie de documents de voyage et même de documents d’identité, le ministre doit d’abord faire procéder à une vérification de l’identité et de l’origine de la personne concernée et ensuite s’adresser aux autorités du pays d’origine afin d’établir l’identité de la personne concernée et de se faire délivrer des documents de voyage. La nécessité d’accomplir ces démarches supplémentaires entraîne forcément une extension du délai requis pour organiser la mesure d’éloignement et partant de la durée admissible de la mesure de rétention, ceci étant vrai a fortiori dans une situation comme, en l’espèce, où la personne concernée non seulement n’entreprend elle-même aucune démarche afin de contribuer à l’émission des documents de voyage par les autorités de son pays d’origine, mais fait preuve d’un manque de collaboration évident.

Toutefois, dans la mesure où une mesure de rétention est indissociable de l’attente de l’exécution d’un éloignement d’un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois, il incombe à l’autorité administrative de faire état et de documenter les démarches qu’elle estime requises et qu’elle est en train d’exécuter afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier si un éloignement valable est possible et est en voie d’organisation, d’une part, et que les autorités luxembourgeoises entreprennent des démarches suffisantes en vue d’un éloignement rapide du demandeur, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté, d’autre part.

En ce qui concerne les diligences concrètement accomplies par les services compétents, il ressort des éléments du dossier administratif que dès le 4 juin 2009, date à laquelle le demandeur était encore en détention, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a transmis la fiche de renseignements contenant les données personnelles, les photos d’identité et un jeu d’empreintes du demandeur, de même qu’une fiche remplie par ce dernier à l’ambassade de la République de la Côte d’Ivoire afin de lui obtenir un laissez-

passer. Il ressort encore de différentes notes du dossier administratif, datées notamment du 1er et du 2 juillet 2009, qu’il y a eu une étroite collaboration entre les services nationaux compétents et l’ambassade de la Côte d’Ivoire en vue de procéder à l’éloignement du demandeur dès sa sortie de prison. Par ailleurs, il y a lieu de relever que le demandeur a été présenté à l’ambassade de la Côte d’Ivoire le premier jour de sa rétention administrative, c’est-à-dire le 14 juillet 2009. Il ressort cependant également d’une note au dossier administratif du 15 juillet 2009 que durant son audition à l’ambassade, le demandeur a refusé de collaborer avec les autorités consulaires compétentes, il n’a pas su répondre aux questions qui lui furent posées sur la Côte d’Ivoire et a prétendu savoir répondre que sur des questions relatives au Liban et pour le surplus il s’est contenté de se plaindre contre les autorités luxembourgeoises. En date du 27 et du 28 juillet 2009 il y eut encore des contacts téléphoniques entre les autorités luxembourgeoises et l’ambassade de la Côte d’Ivoire, laquelle a adressé en date du 28 juillet 2009 un courrier à la Direction de l’Immigration précisant qu’en l’absence de tout document pouvant attester la nationalité ivoirienne de Monsieur XXX, les empreintes digitales de ce dernier ont été transmises aux autorités ivoiriennes compétentes pour son identification. Le dossier administratif renseigne encore sur le fait que l’ambassade de la Côte d’Ivoire a encore été relancée en date du 10 août 2009, du 17 août 2009 et du 1er septembre 2009, mais que jusqu’à ce jour, le résultat concernant les empreintes digitales du demandeur ne lui a pas encore été transmis.

Sur base des développements qui précèdent, les démarches concrètement accomplies par les services du ministère compétent sont à considérer comme correspondant à des efforts raisonnables en vue d’obtenir les documents sollicités et d’établir l’identité du demandeur, sans que le ministre ne puisse être contraint d’user d’autres moyens diplomatiques et un manque de diligences de nature à infirmer la nécessité d’une prorogation de la mesure de rétention ne peut être valablement retenu en l’espèce, de sorte que le moyen afférent est à rejeter comme non fondé.

Le demandeur affirme encore que le ministre aurait fait des confusions dans l’orthographe de son nom, erreurs qui rallongeraient inutilement les délais de recherche.

C’est cependant à juste titre que le délégué du gouvernement rétorque que s’il est vrai que le nom du demandeur a fait l’objet d’une faute d’orthographe à deux reprises, ces erreurs n’auraient cependant pas rallongé les délais de recherche, alors qu’il ressort clairement du courrier de l’ambassade ivoirienne précité, daté du 28 juillet 2009, que cette dernière a enregistré le nom exact du demandeur.

Il s’ensuit qu’il s’agit ici d’une simple erreur matérielle laquelle n’a eu aucun effet sur la durée de la procédure de rétention, de sorte que le moyen afférent est à rejeter comme non fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 septembre 2009 par :

Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier en chef de la Cour administrative Erny May, greffier assumé.

s. Erny May s. Martine Gillardin 6


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 26014
Date de la décision : 02/09/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-09-02;26014 ?

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