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02/09/2009 | LUXEMBOURG | N°26007

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 septembre 2009, 26007


Tribunal administratif Numéro du rôle 26007 du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 août 2009 Audience publique du 2 septembre 2009 Recours formé par Monsieur XXX XXX, Schrassig contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26007 du rôle et déposée le 24 août 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Barbara NAJDI, avocat à

la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX...

Tribunal administratif Numéro du rôle 26007 du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 août 2009 Audience publique du 2 septembre 2009 Recours formé par Monsieur XXX XXX, Schrassig contre une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 26007 du rôle et déposée le 24 août 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Barbara NAJDI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, déclarant être né le XXX à XXX (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration du 17 août 2009 ordonnant la prolongation de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée d’un mois à partir de la notification.

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 août 2009 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Katy DEMARCHE, en remplacement de Maître Barbara NAJDI, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 septembre 2009.

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En date du 10 septembre 2008, Monsieur XXX XXX, alias XXX XXX, a été remis par les autorités belges aux autorités luxembourgeoises dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen.

Par jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 7 mai 2009, Monsieur XXX fut condamné à une peine d’emprisonnement de vingt mois, dont huit mois avec sursis, du chef de tentative de vol et association de malfaiteurs.

En date du 17 juillet 2009, Monsieur XXX fut remis en liberté suivant ordonnance de la chambre du Conseil. Par arrêté du même jour, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ordonna le placement de Monsieur XXX au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig. En date du même jour, il fit l’objet d’une décision de refus de séjour.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu la décision de refus de séjour du 17 juillet 2009 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;

Considérant qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la situation de l’intéressé, l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison des circonstances de fait. » Par arrêté du 17 août 2009, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier, prorogea le placement de Monsieur XXX pour une nouvelle durée d’un mois, ledit arrêté étant motivé comme suit :

« Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 17 juillet 2009 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu’une demande d’identification a été adressée aux autorités algériennes en date du 27 juillet 2009 ;

- qu’en attendant le résultat des recherches quant à son identité, l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison des circonstances de fait ;

Considérant qu’il y a nécessité de reconduire la décision de placement ».

Ledit arrêté ministériel fut notifié à l’intéressé le 17 août 2009.

Par requête déposée le 24 août 2009 au greffe du tribunal administratif, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l'encontre de la prédite décision ministérielle de prorogation.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable.

Le recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur XXX fait valoir que suite à des errements administratifs, il se serait vu obliger de purger une peine d’emprisonnement de treize mois, de sorte que la durée de son emprisonnement aurait été supérieure à celle prononcée par le tribunal correctionnel et s’élevant à 12 mois.

A l’issue de son emprisonnement, il aurait été placé au centre de rétention administrative. Il estime qu’une telle situation serait invraisemblable, alors qu’il aurait déjà purgé intégralement sa peine d’emprisonnement.

Monsieur XXX affirme en outre que durant sa peine d’emprisonnement, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait disposé de tout le temps nécessaire pour organiser son rapatriement. Dans le même ordre d’idées, il souligne que ledit ministre aurait adressé une demande d’identification aux autorités algériennes plus de quinze mois après le début de son séjour au centre pénitentiaire et plus d’un mois après le début de son séjour au centre de rétention.

Le demandeur en conclut que la mesure de rétention aurait été prorogée sans fondement réel.

Il expose par ailleurs que les conditions de rétention seraient inacceptables alors qu’elles seraient similaires à celles d’une détention.

Finalement, le demandeur souligne qu’une privation de liberté du fait d’une mesure de rétention ou de détention ne devrait se faire que dans la mesure strictement nécessaire, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Le délégué du gouvernement rétorque que le fait que le demandeur aurait subi un emprisonnement d’une durée apparemment supérieure à celle prononcée par le tribunal correctionnel serait étranger à la mesure de placement.

Par ailleurs, le délégué du gouvernement souligne que jusqu’au 19 juin 2009, le ministre aurait été dans l’ignorance totale de la peine qui allait être prononcée contre le demandeur et vu la gravité des faits reprochés à Monsieur XXX, le ministre aurait pu légitimement s’attendre à ce qu’une lourde peine d’emprisonnement soit prononcée à l’égard de l’intéressé, de sorte que toute démarche antérieure au 19 juin 2009 aurait été prématurée.

Finalement, en ce qui concerne les conditions de rétention du demandeur, le délégué du gouvernement souligne que le demandeur serait placé non pas ensemble avec des détenus de droit commun, mais qu’il se trouverait à la section P2 réservée aux mesures de rétention, de sorte que le moyen afférent du demandeur laisserait d’être fondé.

En premier lieu, il y a lieu de relever que c’est à juste titre que le délégué du gouvernement a relevé que la durée d’emprisonnement effectivement subie par le demandeur est une question concernant uniquement l’exécution des peines et partant étrangère à la mesure de placement actuellement sous analyse, de sorte que le moyen est à rejeter pour défaut de pertinence.

Quant au bien-fondé de la mesure de prorogation, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 120 (3) de la loi précitée du 29 août 2008, une décision de placement peut être reconduite en cas de nécessité à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois.

Une mesure de rétention s’analysant en une mesure administrative privative de la liberté de mouvement de la personne concernée, elle doit être limitée à la durée strictement nécessaire afin de permettre l’exécution de la mesure d’éloignement. A cette fin le ministre est dans l’obligation de faire entreprendre avec la diligence requise toutes les démarches nécessaires afin d’organiser cette mesure d’éloignement.

S’il est vrai que le ministre aurait théoriquement pu mettre à profit la période d’emprisonnement du demandeur en vue de démarrer ou de préparer la procédure d’éloignement, encore eut-il fallu que le ministre ait eu connaissance tant de l’emprisonnement du demandeur, que de la date précise de sa libération. Or, il résulte des développements du délégué du gouvernement, d’ailleurs non utilement contestés en l’espèce, que jusqu’au 19 juin 2009, le ministre était dans l’ignorance totale de la peine prononcée contre le demandeur et de la date précise de sa libération.

Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché aux autorités luxembourgeoises de ne pas avoir entamé les démarches nécessaires en vue de l’éloignement du demandeur en temps utile.

En ce qui concerne les diligences concrètement effectuées par les services compétents, il ressort des éléments du dossier administratif qu’en date du 19 juin 2009, le ministre a été informé par l’administration pénitentiaire que le demandeur a été condamné à une peine d’emprisonnement de vingt mois, assortie d’un sursis de huit mois et que le terme de sa peine se situe au 5 septembre 2009. Il ressort encore du dossier administratif que dès le 8 juillet 2009, les services compétents ont sollicité des photographies et empreintes digitales du demandeur auprès de la police technique afin de procéder à son identification dans les meilleurs délais. En effet, l’identité exacte du demandeur n’est pas connue, alors que ce dernier a utilisé depuis le début de la procédure de placement deux identités différentes et a ainsi fait preuve d’un manque de collaboration manifeste vis-à-vis des autorités compétentes. En date du 20 juillet 2009, c’est-à-dire trois jours après l’arrêté de prise de la décision de placement à l’égard du demandeur, et suite au résultat négatif des recherches effectuées dans le système Eurodac, le ministre a saisi le bureau de coopération policière pour enquête, dont le rapport a été établi en date du 21 juillet 2009. Le 27 juillet 2009, le ministre a saisi le consulat de la République d’Algérie en vue de l’émission d’un laissez-passer et en date du 31 juillet 2009, le service de police judiciaire a transmis la fiche d’identification remplie par le demandeur à la Direction de l’Immigration, fiche qui a été transmise en date du 10 août 2009 au consulat de la République Algérienne. Il ressort par ailleurs d’une note au dossier du ministère du 25 août 2009 que la demande d’identification a été transmise par le consulat de la République d’Algérie en Algérie pour identification en date du 11 août 2009.

Il résulte des développements qui précèdent que le ministre a bien entrepris des démarches concrètes et utiles en vue de l’éloignement du demandeur, mais que ce dernier, du fait de son manque de collaboration, n’a pas permis aux autorités luxembourgeoises d’établir son identité, de sorte que la nécessité de proroger la mesure de placement est donnée en l’espèce et que le moyen afférent est partant à rejeter.

Quant au moyen basé plus particulièrement sur les conditions de rétention de l’intéressé, il échet tout d’abord de souligner que le demandeur, au-delà de relever de façon générale que les conditions de rétention seraient similaires à celles de la détention, reste en défaut de préciser concrètement en quoi ces conditions seraient inacceptables pour sa personne.

Pour le surplus, il est constant en cause que le demandeur est placé non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, fonctionnant provisoirement dans l’enceinte du Centre pénitentiaire d’après le régime spécifique du bloc C, section P2.

Il convient de rappeler que les conditions de rétention résultant en leurs grandes lignes du régime spécifique tel qu’instauré par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, règlement qui renvoie en son article 5 directement pour toutes les questions qu’il ne règle pas lui-même au règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires.

Il y a lieu de souligner que l’assimilation dans ses grandes lignes, excepté les dispositions spécifiques figurant à l’article 4 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, du régime de rétention à celui des détenus de droit commun, si elle peut prêter à discussion, résulte cependant explicitement du prédit article 5 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, dont la légalité n’est pas contestée en l’espèce et ne saurait par voie de conséquence être utilement remise en question par le tribunal dans la présente instance.

Il s’ensuit que le moyen suivant lequel les conditions de rétention du demandeur seraient inacceptables est à rejeter comme non fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 septembre 2009 par :

Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier en chef de la Cour administrative Erny May, greffier assumé.

s. Erny May s. Martine Gillardin 6


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 26007
Date de la décision : 02/09/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-09-02;26007 ?

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