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06/08/2009 | LUXEMBOURG | N°25928

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 août 2009, 25928


Tribunal administratif Numéro 25928 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 2009 Audience publique extraordinaire du 6 août 2009 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25928 du rôle et déposée le 27 juillet 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud Ra

nzenberger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au...

Tribunal administratif Numéro 25928 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 2009 Audience publique extraordinaire du 6 août 2009 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25928 du rôle et déposée le 27 juillet 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Arnaud Ranzenberger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité ivoirienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 10 juillet 2009, lui notifiée le 15 juillet 2009, ordonnant la prorogation de sa rétention au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 juillet 2009 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Thomas Stackler, en remplacement de Maître Arnaud Ranzenberger, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 août 2009.

Le 26 septembre 2005, Monsieur … déposa une demande d’asile au Luxembourg, laquelle fut rejetée par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 13 avril 2006.

Le recours contentieux introduit à l’encontre de ladite décision fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 16 novembre 2006 (n° 21575 du rôle). Monsieur … se trouva depuis lors en séjour irrégulier au Luxembourg.

Par jugement du 6 novembre 2008 de la chambre correctionnelle du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, Monsieur … fut condamné à une peine d’emprisonnement de 3 ans dont 1 an avec sursis pour infraction aux dispositions de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.

Par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministre » du 16 janvier 2009, Monsieur … se vit refuser le séjour au Grand-Duché de Luxembourg, en application des articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après « la loi du 29 août 2008 ».

Par décision du 12 juin 2009, notifiée le 15 juin 2009, le ministre ordonna la rétention administrative de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

Par décision du ministre du 10 juillet 2009, lui notifiée le 15 juillet 2009, la rétention de Monsieur … fut prorogée pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de la décision.

Cette décision est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 12 juin 2009 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé a été présenté en date du 26 juin 2009 à l’ambassade de la République du Mali à Bruxelles ;

- que les autorités maliennes n’ont pas confirmé son identité ;

Considérant que l’intéressé a été présenté en date du 7 juillet 2009 à l’ambassade de la République de Côte d’Ivoire à Bruxelles ;

- que les autorités ivoiriennes vont procéder à des recherches complémentaires ;

Considérant que l’intéressé sera présenté à l’ambassade du Burkina Faso à Bruxelles en date du 14 juillet 2009 ;

- qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la situation de l’intéressé, l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison de circonstances de fait ;

Considérant qu’il y a nécessité de reconduire la décision de placement ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 juillet 2009, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la prédite décision de rétention du 10 juillet 2009.

Etant donné que l'article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours en réformation, par ailleurs introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient qu’une décision de placement présupposerait l’existence de circonstances de fait rendant impossible l’éloignement immédiat de l’intéressé. Il fait valoir dans ce contexte qu’une mesure de placement ne saurait servir à pallier l’inertie des autorités administratives qui auraient l’obligation de tout faire pour réduire autant que possible la privation de liberté inhérente à toute mesure de placement.

Il ajoute qu’il serait stupéfiant de constater que malgré le fait qu’il aurait déclaré être de nationalité ivoirienne, le ministre aurait tout de même estimé, après avoir procédé à un test linguistique, qu’il aurait la nationalité malienne. Or, l’ambassade du Mali ne l’aurait pas reconnu comme un de ses ressortissants, de sorte que le ministre se serait ensuite adressé aux ambassades de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso.

Cette façon de procéder lui serait hautement préjudiciable dans la mesure où le ministre s’adresserait aux autorités administratives des pays d’Afrique francophone, sans qu’aucune réponse concrète des différentes ambassades n’ait porté ses fruits, de sorte que le cas de nécessité ne serait pas rapporté en l’espèce.

Le délégué du gouvernement estime que des démarches suffisantes auraient été entreprises, de sorte que la décision de prorogation aurait été valablement prise.

En ce qui concerne l’absence de démarches suffisantes entreprises, et par conséquent l’absence de « nécessité » en résultant, pourtant requise pour la prorogation de la décision de placement, il appartient au tribunal d’analyser si le ministre a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier que la prorogation de la décision de placement a été nécessaire.

Il ressort des pièces du dossier administratif que Monsieur … a été soumis à un test linguistique en date du 25 janvier 2008 dans le cadre de l’examen d’une demande de protection internationale présentée au cours de son emprisonnement. Le résultat de ce test linguistique a indiqué comme pays d’origine le Mali ou le Burkina Faso et a exclu la Côte d’Ivoire.

Le 26 mai 2009, le ministre saisit l’Ambassade de la Côte d’Ivoire afin de procéder à l’identification du demandeur, tandis que les Ambassades du Mali et du Burkina Faso ont été saisies le 28 mai 2009. La peine d’emprisonnement est venue à terme le 15 juin 2009.

Le 6 juin 2009, l’Ambassade du Mali informa les autorités compétentes luxembourgeoises que Maxim Fahoudjydi est un prénom totalement inconnu au Mali mais qu’elle désirait néanmoins procéder à l’audition de Monsieur …. Lors de l’entretien qui a eu lieu le 26 juin 2009 à l’Ambassade du Mali à Bruxelles, le Premier Conseiller de l’Ambassade a souligné que Monsieur … n’est pas d’origine maliennne.

Le demandeur a encore été présenté à l’Ambassade de la Côte d’Ivoire à Bruxelles le 7 juillet 2009 et à l’Ambassade du Burkina Faso le 14 juillet 2009.

Il ressort d’un rapport daté au 8 juillet 2009 que l’Ambassade de la Côte d’Ivoire a confirmé qu’il est très probable que Monsieur … vienne effectivement du Nord de la Côte d’Ivoire mais qu’elle ne serait pas complètement sûre. L’Ambassade a transmis les empreintes digitales aux autorités ivoiriennes en espérant le retrouver dans leur fichier.

Il ressort d’un autre rapport daté au 15 juillet 2009 que l’Ambassade du Burkina Faso ne confirme pas la nationalité burkinabé de Monsieur ….

Il ressort enfin d’une note au dossier du 28 juillet 2009 que suite à un appel téléphonique avec l’Ambassade de la Côte d’Ivoire en date du même jour, celle-ci a confirmé que les empreintes digitales ont été envoyées à la Côte d’Ivoire mais que l’ambassade n’a pas encore eu de résultat.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que la nécessité de proroger la durée de rétention se trouvait certes verifiée au jour de la prise de la décision de prorogation, mais ne se trouve plus vérifiée au jour où le tribunal est amené à statuer.

En effet, un seul rappel téléphonique de la part des autorités luxembourgeoises en date du 28 juillet 2009 à l’adresse de l’Ambassade de la Côte d’Ivoire à partir du 15 juillet 2009, date de la prorogation de la durée de rétention, ne saurait suffir pour justifier le caractère de nécessité inhérent à une décision de prorogation. Il appartient au contraire au ministre de prendre des mesures appropriées afin d’assurer que l’étranger puisse être éloigné du pays dans les meilleurs délais, et en particulier d’insister le cas échéant par les moyens diplomatiques à sa disposition auprès des autorités étrangères afin d’obtenir la collaboration de celles-ci.

Le tribunal est partant amené à réformer la décision déférée et à ordonner la libération immédiate du demandeur.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, par réformation de la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 10 juillet 2009, ordonne la mise en liberté immédiate de Monsieur … ;

donne acte au demandeur qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Catherine Thomé, premier juge, Marc Sünnen, premier juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 6 août 2009 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.

s. Claude Legille s. Carlo Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 25928
Date de la décision : 06/08/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-08-06;25928 ?

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