Tribunal administratif Numéro 25323 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2009 3e chambre Audience publique du 22 juillet 2009 Recours formé par Monsieur … et Madame … et consort, contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25323 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2009 par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro) et de son épouse Madame …, née le … (Monténégro) et de leur fils … …, né le … (Kosovo), prétendant être tous de nationalité kosovare, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 16 décembre 2008 portant refus de leur demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2009 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Frank Wies et Madame le délégué du gouvernement Anne Kayser en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mai 2009.
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Le 3 janvier 2008, Monsieur … et son épouse, Madame … et leur fils … … introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « loi du 5 mai 2006 ».
Le 9 janvier 2008, les époux …-… et leur fils furent entendus par un agent de la Police grand-ducale sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.
Madame … et Monsieur … furent entendus séparément en date du 21 janvier 2008 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale, tandis que leur fils … … fut entendu le 30 janvier 2008.
Par décision du 16 décembre 2008, envoyée par lettre recommandée du 17 décembre 2008, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa les intéressés de ce que leur demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :
« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 3 janvier 2008.
En application de la loi précitée, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains les rapports du Service de Police Judiciaire des 3 et 9 janvier 2008 et les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration des 21 janvier et 30 janvier 2008.
Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 3 janvier 2008 que vous avez déposé trois cartes d'identité, établies par l'UNMIK, pour démontrer votre provenance du Kosovo. Les trois cartes d'identité sont établies en date du 21 décembre 2007 à Pristina et vont expirer en date du « 21.12.20012 ». Le Commissaire en Chef de la Police judiciaire fait remarquer que les trois cartes d'identité sont falsifiées et que les marques de sécurité manquent.
Vu ces constatations, les cartes d'identité ont été envoyées pour analyse au Service de Documents de voyage de la Police judiciaire qui a constaté que les trois cartes d'identité UNMIK sont des falsifications (Totalfälschung).
En outre, selon les recherches de la Police judiciaire, un refus d'entrée et de séjour a été établi par les autorités allemandes. Ce refus est valable jusqu'au 25 octobre 2010. Selon les informations du Landkreis Salzland, vous êtes disparus depuis le 25 novembre 2004. A noter que vous n'aviez pas déposé des pièces d'identité en Allemagne.
Selon le rapport de la Police judiciaire, vous avez déclaré que vous auriez « plus de chances de recevoir le droit de séjour au Luxembourg », en déposant de fausses cartes d'identité.
Selon vos dires, ces cartes d'identité prouvaient que vous appartiendriez à la minorité des serbes et que vous veniez directement du Kosovo.
Selon vos dires, vous auriez payé la somme de 3.000.- euros pour les cartes d'identités fausses et pour votre voyage au Luxembourg.
Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 9 janvier 2008 qu'au mois de décembre 2004, vous auriez quitté l'Allemagne pour vous rendre à Rozaje au Monténégro pour vous y établir. De temps en temps vous auriez voyagé à Pec au Kosovo, pour rendre visite à votre famille. En date du 1 er janvier 2008, vous auriez voyagé, à l'aide d'un passeur, au Luxembourg.
Vous auriez payé la somme de 3.500.- euros pour ce voyage.
Monsieur …-…, il résulte de vos déclarations transcrites dans le rapport d'entretien du 21 janvier 2008 que vous auriez vécu entre 1969 et 1999 à … près de Pec au Kosovo. En 1999 vous vous seriez refugié à Rozaje au Monténégro, avant de partir en Allemagne, où vous auriez vécu jusqu'en 2004. Après avoir reçu l'ordre de quitter le territoire allemand, vous vous seriez d'abord rendu au Monténégro, pour ensuite aller chez de la famille au Kosovo, en 2005. Le jour même de votre arrivée au Kosovo, trois albanais inconnus seraient venus chez votre beau-frère pour vous ordonner de quitter le Kosovo. Vous dites que vous auriez été menacé de finir comme un cousin de votre femme,…. Celui-ci aurait été assassiné lors d'un cambriolage en 1999. Après cet incident, vous seriez resté uniquement pendant une nuit au Kosovo, avant de vous installer à nouveau au Monténégro, où vous auriez vécu jusqu'à votre départ pour le Luxembourg. Vous précisez cependant que vous seriez resté pendant une semaine au Kosovo chez votre beau-frère, avant de partir en direction du Grand-Duché. Vous dites que vous auriez travaillé au noir ces dernières années au Monténégro et que vous ne vous seriez jamais déclaré au Monténégro. Selon vos dires, vous auriez vécu à trois endroits différents au Monténégro, en fonction de la durée de temps que votre famille ou vos copains auraient voulu vous accueillir. Vous dites que vous auriez dû quitter votre dernier domicile comme le propriétaire de votre logement aurait eu besoin de la maison pour son propre fils. Vous attestez que vous auriez quitté le Monténégro, comme « j'en avais marre d'aller d'un logement à un autre. J'y suis resté tant que j'ai pu, mais lorsque cela n'allait plus, je suis parti. » Vous ajoutez que vous seriez retourné clandestinement au Kosovo de manière plus ou moins régulière, pour rendre visite à votre famille. Selon vos dires, vous n'auriez pas eu besoin de pièces d'identité pour faire les aller-retour du Monténégro au Kosovo. Par ailleurs, vous expliquez que vous ne seriez plus en sécurité au Kosovo, vu la menace de ces trois albanais et en raison de la situation générale qui régnait au Kosovo. Vous ajoutez que vous auriez des cousins qui auraient été policier de profession avant le conflit ce qui constituerait une autre raison pourquoi vous seriez en danger au Kosovo.
Quant aux fausses cartes d'identité que vous avez remis aux autorités luxembourgeoises, vous dites qu'un albanais que vous auriez connu aurait eu une connaissance auprès de I'UNMIK, qui vous aurait alors délivré les pièces d'identité.
Vous ajoutez qu'un de vos deux fils serait resté au Monténégro chez sa copine et vous précisez que lui aussi se rendait de temps en temps au Kosovo.
Madame…-…, selon vos déclarations, vous auriez séjourné en Allemagne entre décembre 1999 et novembre 2004. Selon vos dires, vous seriez restée pendant une semaine au Monténégro, avant de partir au Kosovo. Après cinq ou six jours, des albanais seraient venus pour vous donner une sorte d'ultimatum pour quitter le pays. Selon vos déclarations, les albanais ne vous apprécieraient pas, comme un cousin paternel de votre mari aurait été policier pendant le régime serbe. Vous précisez que vous seriez quand même retournée en cachette au Kosovo de manière assez régulière et vous dites que ces dernières années, vous auriez vécu parfois au Kosovo et parfois au Monténégro. Vous dites que vous ne vous auriez pas pu déclarer au Monténégro, comme vous n'y auriez vécu que de manière provisoire en attendant que la situation au Kosovo s'améliorerait. En outre, pour pouvoir se déclarer au Monténégro, il fallait être propriétaire d'une maison ou de biens immobiliers.
Selon vos dires, vous ne pourriez pas retourner au Kosovo, comme votre vie y serait en danger. Vous dites qu'en 1999 les albanais vous auraient chassé de votre maison et en 2004, vous auriez reçu un ultimatum de la part de quatre albanais inconnus de quitter le Kosovo endéans les 24 heures. Vous ajoutez qu'un oncle paternel,…, aurait été tué en 2003 à l'âge de 82 ans, comme il aurait refusé de quitter le Kosovo. De plus, vous dites que vous ne pourriez circuler librement au Kosovo, comme les albanais accuseraient trois membres de votre famille d'avoir collaboré avec les serbes, en tant que policier, jusqu'au conflit. Vous précisez que ces trois personnes auraient quitté le Kosovo.
Vous dites que vous auriez dû quitter le Monténégro, comme vous n'auriez plus su où aller et parce que vous n'auriez pas d'argent. Ainsi, vous auriez pris la décision définitive de quitter le Monténégro lorsque le propriétaire de votre logement vous aurait dit qu'il aurait besoin de l'appartement pour son fils.
Monsieur … …, vous déclarez qu'en 2004 vous auriez quitté l'Allemagne pour vous rendre au Monténégro, où vous seriez resté pendant une semaine, avant de partir au Kosovo, où vous auriez passé une seule nuit, avant de repartir pour le Monténégro. Vous expliquez que vous auriez accompagné vos parents à quelques reprises au Kosovo pendant ces dernières années, cependant vos parents y seraient allés beaucoup plus souvent. Selon vos dires, votre frère se trouverait toujours soit au Kosovo, soit au Monténégro. Vous dites que vous ne pouviez pas indiquer où il se trouverait exactement comme il changerait tout le temps entre les deux pays.
Vous dites que vos parents auraient décidé de quitter les Balkans quand vous n'auriez plus eu d'endroit pour dormir au Monténégro. Vous précisez que vous auriez dû passer l'hiver dans la rue si vous n'aviez pas quitté le Monténégro. Ainsi, vous seriez retourné au Kosovo pendant une semaine, avant de venir au Luxembourg.
Enfin, Madame, Messieurs, vous admettez n'avoir subi aucune persécution, ni mauvais traitement et vous dites ne pas être membre d'un parti politique.
En tout état de cause les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d’être persécuté dans votre pays d’origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.
En premier lieu, en ce qui concerne les pièces versées, à savoir les trois cartes d'identité UNMIK, elles se sont avérées être complètement fausses après vérification de leur authenticité par le service compétent de la Police judiciaire. Il convient également de mettre en évidence que vous avez déclaré auprès un agent de la Police judiciaire que vous croyiez avoir plus de chances de recevoir le droit de séjour au Luxembourg, en indiquant que vous appartiendriez à la minorité des serbes et que vous veniez directement du Kosovo. Or, force est de constater que vous déclarez de manière manuscrite sur la fiche de données personnelles, ainsi que lors des entretiens auprès du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration que vous appartiendriez à l'ethnie des bosniaques. Il convient ainsi de mettre en exergue que votre demande repose sur une fraude délibérée qui démontre une volonté de votre part de dissimuler votre véritable identité. Or, l'incertitude quant à votre identité remet également en cause la crédibilité de la totalité de votre récit.
En deuxième lieu, il convient de souligner qu’il est nullement établi que vous seriez retourné soit au Kosovo, soit au Monténégro, après avoir disparu en Allemagne, comme vous n’avez remis aux autorités luxembourgeoises aucun certificat de résidence ou déclaration de résidence permanente que vous auriez habité au Monténégro ou au Kosovo avant 1999 et après votre retour de l’Allemagne en 2004. Toutefois, Madame, Monsieur, vous déclarez que vous seriez nés à … au Monténégro.
En se référant à la législation monténégrine, vous devriez toujours détenir la nationalité monténégrine. En effet, l'article 2 du « Decree on the promulgation of the Montenegrin citizenship law » de 1999, lequel est toujours en vigueur, dispose que la nationalité monténégrine s'acquiert, soit par ï€ descendance, ï€ naissance dans la République monténégrine ï€ authentification ï€ en vertu d'accords internationaux.
Il convient d'ajouter que vous n'avez pas remis un document prouvant que vous auriez sollicité la nationalité serbe ou que vous auriez abandonné la nationalité monténégrine. Ainsi, il n'existe aucun doute que vous êtes en possession de la nationalité monténégrine, du fait que vous, Madame et Monsieur, êtes nés au Monténégro et par descendance, votre fils est également détenteur de la nationalité monténégrine. Ainsi, pour éviter les soi-disant représailles, dont vous dites être victimes au Kosovo, rien ne vous empêche de vous installer définitivement au Monténégro, où vous avez d'ailleurs vécu pendant quelques années, sans connaître de problèmes quelconques.
En troisième Iieu, il convient de relever quelques contradictions importantes dans vos faits rélatés. Ainsi, vous, Monsieur …-…, dites que vous auriez été menacé de finir comme un cousin de votre femme, … …. Celui-ci aurait été assassiné lors d'un cambriolage en 1999.
Cependant, vous, Madame, vous dites que … … aurait été un de vos oncles paternels et il aurait été tué en 2003, comme il aurait refusé de quitter le Kosovo. En outre, Monsieur, vous aviez remis à l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration une copie d'un document, attestant qu'un certain … … aurait été tué par arme à feu le 24 mars 2000 par des inconnus et pour des raisons inconnues. Force est de constater qu'il s'agit d'une contradiction assez importante, comme presque toutes les craintes que vous exprimez dans le contexte de vos soi-
disant problèmes au Kosovo, sont liés à cette personne.
En quatrième lieu, vous vous contredisez quant à votre retour au Kosovo. Ainsi, vous Monsieur, dites que vous y seriez retourné vers le début de l'année 2005, tandis que vous Madame déclarez que vous vous seriez rendue au Kosovo au mois de novembre 2004. En outre, vous vous contredisiez en ce qui concerne la durée de votre séjour au Kosovo. Ainsi, vous, Monsieur, vous dites que les trois albanais, qui vous auraient été inconnus, seraient venus le jour même de votre arrivée au Kosovo pour vous chasser de là . Cependant, vous Madame, vous dites qu'après cinq ou six jours, des albanais seraient venus pour vous donner une sorte d'ultimatum pour quitter le pays. Il est difficilement concevable que vous pourriez vous contredire, ou bien vous tromper, dans le contexte d'une menace si importante.
En dernier lieu, force est de constater qu'il est difficilement concevable que vous auriez voyagé à maintes reprises au Kosovo si vous y aviez vraiment connu des problèmes, ou si vous aviez vraiment craint pour votre vie. Il est peu crédible que vous vous seriez exposé au danger pour rencontrer votre famille, d'autant plus que vous dites qu'il n'y aurait jamais eu de contrôles entre les deux frontières. Par conséquent, il est surprenant que votre famille ne vous aurait pas rendu visite au Monténégro. Par ailleurs, force est de constater, Madame, Messieurs que vous avez des problèmes à décrire la garde frontière, ce qui est surprenant, vu les multiples passages que vous prétendez avoir fait entre les deux pays.
Finalement, il convient de souligner qu'il est inutile d'entrer encore plus dans les détails concernant vos innombrables contradictions, incohérences, confusions et même mensonges. Au vu de ce qui précède, il est incontestable que votre demande de protection internationale se base dans son entièreté sur des mensonges quant à votre vraie identité et que vous avez inventé une panoplie de soi-disant problèmes afin d'améliorer vos chances de pouvoir vous établir au Luxembourg. Le dépôt des trois fausses carte d'identité, vos mensonges quant à votre appartenance ethnique et tout vos récits contradictoires et inventés démontrent clairement le refus de collaboration avec les autorités ministérielles dès le début de la procédure d'asile. Il convient même de constater que votre comportement constitue un recours abusif aux procédures en matière d'asile politique.
Je constate ainsi que vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d’opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d’appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.
Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
Au vu de ce qui précède, force est de constater que vos récits ne contiennent pas non plus de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de vos demandes ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.
La décision de rejet de vos demandes de protection internationale est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente.
Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l'ordre de quitter le territoire, simultanément et dans les mêmes délais que le recours contre la décision de rejet de votre demande de protection internationale. Tout recours séparé sera entaché d'irrecevabilité.
Je vous informe par ailleurs que le recours gracieux n'interrompt pas les délais de la procédure ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2009, Monsieur et Madame …-… et leur fils Monsieur … … ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 16 décembre 2008 par laquelle ils se sont vu refuser la protection internationale et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, inscrite dans le même document, portant à leur encontre l’ordre de quitter le territoire.
Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
A l’appui de leur recours, Monsieur et Madame …-… font valoir qu’ils seraient nés tous les deux au Monténégro, mais qu’ils auraient vécu leur enfance au Kosovo dans le village de … où ils se seraient rencontrés et mariés plus tard. Ils ajoutent qu’ils seraient de nationalité kosovare parlant la langue serbe et qu’ils seraient de confession musulmane. En 1999, leur maison aurait été détruite par le feu au moment de l’entrée des forces de l’OTAN au Kosovo et ils se seraient réfugiés en Allemagne où ils auraient introduit une demande de protection internationale. En 2004, ils seraient revenus dans le village de … au Kosovo où ils auraient cependant dû apprendre qu’il leur serait impossible d’y rester. En effet, quelques jours après leur retour un groupe de quatre individus appartenant à l’ethnie des Albanais du Kosovo, leur aurait ordonné de quitter immédiatement le Kosovo, sinon ils suivraient le même sort qu’un dénommé …. Face à cette menace de mort non voilée, ils auraient à nouveau quitté leur village natal et ils se seraient réfugiés temporairement au Monténégro auprès de membres de leur famille, dans l’espoir que la situation au Kosovo s’améliorerait. D’autre part, l’ethnie des bochniaques du Kosovo dont ils feraient partie aurait pratiquement disparu de … en raison des intimidations et des menaces de la part des Albanais. Outre les volontés générales de la part d’une partie de la population albanaise de voire disparaître les différentes minorités ethniques tels que les bochniaques, eux-mêmes seraient particulièrement visés en raison du fait que certains membres de leur famille auraient travaillé pour la police serbe avant 1999. Il s’agirait d’… et de … ainsi que de ….
Après avoir attendu presque trois années une amélioration dans leur pays d’origine ils n’auraient plus pu rester dans leur logement de fortune auprès de la famille au Monténégro, de sorte qu’ils auraient pris la décision de venir se réfugier au Luxembourg.
Quant aux motifs à la base de la décision déférée, ils font valoir que la décision manquerait cruellement d’objectivité en se prévalant des faux documents d’identité et de prétendues contradictions pour les dénigrer et surtout contourner un examen au fond des craintes de persécutions exprimées fondées à la fois sur leur origine ethnique et l’appartenance par le passé de membres de leur famille à la police serbe.
Le ministre serait en effet resté en défaut d’examiner le bien fondé de ces craintes, lesquelles seraient cependant justifiées en raison des déclarations cohérentes des demandeurs et de la situation au Kosovo qui est telle que les minorités ethniques telles que les bochniaques continueraient à certains endroits à être menacées par une partie de la majorité albanaise.
Au niveau des faux documents, les demandeurs ne contestent pas avoir acheté de faux documents, mais font valoir qu’ils seraient établis à leurs vrais noms respectifs, de sorte qu’il serait faux d’affirmer que leur demande serait basée sur une fraude délibérée.
Ils ajoutent qu’ils ne se seraient pas contredits quant à la date de leur retour au Kosovo. Le fait que la décision ministérielle reprendrait sans broncher l’erreur de l’agent d’audition concernant la date de leur retour au Kosovo pour alléguer une contradiction démontrerait le manque radical d’objectivité ayant régné au moment de la prise de décision.
Ils concluent que ce serait à tort que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ne leur a pas accordé le statut de réfugié.
Quant à la protection internationale, ils font valoir que le fait d’avoir subi des persécutions en 1999 et d’avoir été menacé à nouveau en 2005 constituerait un indice sérieux de leur crainte fondée de subir des atteintes graves en cas d’un retour au Kosovo.
Le délégué du gouvernement fait valoir que les demandeurs auraient menti dès le début de l’introduction de leur demande, qu’ils auraient présenté de fausses pièces d’identité et qu’ils auraient inventé une panoplie de soi-disant problèmes afin d’améliorer leur chance de pouvoir s’établir au Luxembourg. La décision développerait à suffisance les raisons pour lesquelles les conditions permettant l’octroi du statut de réfugié ne sont pas remplies. Il ajoute que les demandeurs devraient toujours détenir la nationalité monténégrine, de sorte que pour éviter les soi-disant représailles au Kosovo, rien ne les aurait empêché de s’installer définitivement au Monténégro où ils auraient, selon leurs propres déclarations, vécu pendant quelques années sans connaître de quelconques problèmes.
1. Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Aux termes de l’article 2 a) de la loi modifiée du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire, tandis que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de la même loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».
Il échet de rappeler que le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur de protection internationale, tout en prenant en considération la situation générale existant dans son pays d’origine.
Au niveau de l’affirmation des demandeurs selon laquelle la décision manquerait d’objectivité en se prévalant des faux documents d’identité et de prétendues contradictions pour les dénigrer et surtout pour contourner un examen au fond des craintes de persécutions, force est de constater que ces affirmations ne peuvent pas être vérifiées par le tribunal.
En effet, il ressort de l’examen de la décision litigieuse que celle-ci, tout en ayant souligné d’abord que les cartes d’identité de l’UNMIK présentées sont des falsifications, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les demandeurs, a repris de façon précise les faits et les craintes tels que présentés par Madame … et Messieurs … lors de leurs entretiens respectifs pour retenir à la troisième page de la décision, au 6ième paragraphe qu’en tout état de cause les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, de sorte que la décision n’a pas contourné un examen au fond des craintes de persécutions exprimées. Si la décision ministérielle a, dans la suite, encore mis en lumière six autres éléments de motivation, ayant trait plus particulièrement aux cartes d’identité falsifiés, à l’incertitude quant à la nationalité des demandeurs et sur les contradictions ressortant des différents rapports d’audition, ces éléments ont été mis en valeur pour souligner davantage la conclusion dégagée auparavant que les demandeurs n’ont pas fait état d’une crainte de persécution dans leur chef. Par ailleurs le tribunal ne saurait déceler en quoi la décision manquerait d’objectivité.
Au niveau de l’affirmation qu’il serait faux d’affirmer que leur demande basée « sur une fraude délibérée qui démontre une volonté de votre part de dissimuler votre véritable identité », force est de constater qu’il est constant en cause que les demandeurs ont déposé de fausses cartes d’identité UNMIK pour avoir été condamnés selon leurs propres dires par un jugement correctionnel du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 26 juin 2008 à une peine d’emprisonnement de trois mois, assortie du sursis intégral pour faux et usage de faux.
S’il est certes exact que les noms repris sur lesdites cartes correspondent aux noms qu’ils avaient également indiqués pendant leur séjour en Allemagne pendant les années 1999 à 2004, il n’en reste pas moins que l’identité exacte et le lieu de résidence des demandeurs ne sont actuellement toujours pas établis. A cela s’ajoute qu’il ressort des trois récépissés de dépôts de documents des 3 janvier 2008 respectivement 6 février 2008 que les demandeurs avaient indiqué comme nationalité la nationalité serbe sans aucune autre précision, tandis qu’ils ont ultérieurement indiqué sur la fiche de données personnelles, ainsi que lors des entretiens et dans le cadre du présent recours appartenir à la minorité des bochniaques. Il ressort en plus du procès-
verbal du 3 janvier 2008 dressé dans le cadre de l’enquête au sujet des cartes d’identités falsifiées ce qui suit : „Den Antragstellern war bewusst, dass sie mit den UNMIK-Identitätskarten aus dem Kosovo, grössere Chancen auf ein Bleiberecht in Luxemburg haben, da sie so als „Minorität“ (Serben) aus dem Kosovo geführt werden und so beweisen wollten, dass sie auf direktem Wege nach Luxemburg gekommen wären…“. Enfin il aurait appartenu aux demandeurs, suite aux reproches du ministre avancés à cet égard, de présenter tous les documents dont ils disposent concernant leur identité, leur nationalité et le ou les pays ainsi que le ou les lieux où ils ont résidé auparavant, en application de l’article 26 (2) de la loi du 5 mai 2006.
Au vu des ces considérations, le moyen afférant n’est pas fondé.
En ce qui concerne l’affirmation selon laquelle la décision ministérielle reprendrait sans broncher l’erreur de l’agent d’audition concernant la date de retour des demandeurs au Kosovo « en ce qu’il aurait cru utile d’affirmer à un certain moment de l’audition que Monsieur … aurait indiqué que le retour au Kosovo se situait en 2005 » démontrerait le manque d’objectivité ayant régné au moment de la prise de décision, force est de constater que cette affirmation ne saurait pas non plus être vérifiée par le tribunal.
En effet, il ressort de l’entretien de Monsieur … que celui-ci a répondu à la question « Et quand vous êtes-vous exactement rendu au Monténégro » « je suis allé au Kosovo tout de suite après le nouvel, en 2005 », de sorte qu’il y a lieu de retenir que Monsieur … a affirmé lui-même être retourné au Kosovo en 2005.
Il y a ensuite lieu d’analyser le moyen selon lequel les demandeurs auraient exposé des craintes de persécutions basées à la fois sur leur origine ethnique et l’appartenance par le passé de membres de leur famille à la police serbe.
Force est de constater que l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006.
En effet, les demandeurs font état d’un seul événement ayant eu lieu en 2005 où des Albanais les ont menacé de quitter le Kosovo. Ils précisent qu’ils auraient seulement été menacés verbalement.
Or, cette menace ne présente pas un caractère de gravité suffisant afin de pouvoir justifier encore à l’heure actuelle une crainte de persécution dans leur chef.
Par la suite, il ressort encore des différents entretiens que les demandeurs sont restés encore pendant 3 années essentiellement au Monténégro, pour retourner occasionnellement au Kosovo auprès de leur famille à … , sans faire état d’un quelconque problème concret, si ce n’est celui-ci lié à l’absence de travail et à l’absence d’un logement adéquat. Enfin les demandeurs affirment avoir pris la décision définitive de quitter les Balkans au moment où le propriétaire de l’appartement dans lequel ils ont vécu au Monténégro leur a dit qu’il aurait besoin de cet appartement pour son fils qui allait se marier.
Au vu de ces considérations, les craintes éprouvées par les demandeurs ne constituent pas une crainte fondée de persécution susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef.
En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder aux demandeurs le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de la loi modifiée du 5 mai 2006 précitée, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Au vu des développements qui précèdent, il échet de retenir que les demandeurs n’invoquent aucun élément ou circonstance indiquant qu’il existe de sérieux motifs de croire qu’ils seraient exposés, en cas de retour au Kosovo, à un risque réel d’y subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006.
Enfin, dans la mesure où le tribunal vient de conclure que les demandeurs n’ont ni subi des persécutions aux termes de la Convention de Genève, ni un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006 en cas de retour dans son pays d’origine, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 disposant que : « Le fait qu’un demandeur a déjà été persécuté ou a subi des atteintes graves ou a fait l’objet de menaces directes d’une telle persécution ou de telles atteintes est un indice sérieux de la crainte fondée du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s’il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas » n’est pas applicable en l’espèce, de sorte que le moyen afférent laisse d’être fondé.
De tout ce qui précède, il ressort que c’est à juste titre que le ministre, au terme de l’analyse de la situation des demandeurs, a déclaré leur demande de protection internationale comme non fondée.
2. Quant au recours en annulation visant la décision déférée du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 19 (1) de la loi relative au droit d’asile, une décision négative du ministre prise dans le cadre de la procédure accélérée vaut ordre de quitter le territoire en conformité des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers, 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère.
Les demandeurs font valoir que l’ordre de quitter le territoire violerait l’article 129 de la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après « la loi du 29 août 2008 ».
Aux termes de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 : « L’étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. » Force est de constater que les demandeurs ne présentent aucun élément permettant au tribunal de conclure qu’ils s’exposeraient en cas de retour au Kosovo à un traitement cruel, inhumain ou dégradant, de sorte qu’aucune violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 ne saurait être retenue en l’espèce.
Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement, reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision déférée portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par :
Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 22 juillet 2009 par le premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Catherine Thomé Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22.7.2009 Le Greffier du Tribunal administratif 13