La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/07/2009 | LUXEMBOURG | N°25250

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 juillet 2009, 25250


Tribunal administratif N° 25250 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 janvier 2009 3e chambre Audience publique du 22 juillet 2009 Recours formé par Monsieur … contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en matière de comité mixte d’entreprise

_____________________________________________________________________________________

Vu le recours inscrit sous le numéro 25250 du rôle et déposé au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2009 par Maître Romain Adam, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des Av

ocats à Luxembourg ;

au nom de Monsieur …, en sa qualité de secrétaire du group...

Tribunal administratif N° 25250 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 janvier 2009 3e chambre Audience publique du 22 juillet 2009 Recours formé par Monsieur … contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en matière de comité mixte d’entreprise

_____________________________________________________________________________________

Vu le recours inscrit sous le numéro 25250 du rôle et déposé au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2009 par Maître Romain Adam, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des Avocats à Luxembourg ;

au nom de Monsieur …, en sa qualité de secrétaire du groupe des représentants du personnel du comité mixte d’entreprise de l’…, demeurant à L-…;

sinon au nom du groupe des représentants du personnel du comité mixte d’entreprise de l’…, représenté par son secrétaire actuellement en fonctions, Monsieur … ;

tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 3 décembre 2008 par laquelle celui-ci a déclaré recevable mais non fondée une contestation introduite par le groupe des représentants du personnel au comité mixte d’entreprise de l’… ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex Mertzig, remplacé par l’huissier de justice suppléant Georges Weber, les deux demeurant à Diekirch, du 9 février 2009, portant signification du recours à l’…, établissement public, représenté par son directeur administratif actuellement en fonctions, établi à L-…;

Vu le mémoire en réponse du délégué de gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2009 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2009 par Maître Romain Adam aux noms des parties demanderesses ;

Vu l’ordonnance du 5 mai 2009 du président du tribunal administratif prorogeant le délai légal pour déposer le mémoire en réponse ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mai 2009 par Maître Louis Berns au nom de l’établissement public … ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Paul Ketter, en remplacement de Maître Romain Adam, Maître Louis Berns et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 juin 2009.

Par courrier du 6 novembre 2008, le groupe des représentants du personnel du comité mixte d’entreprise de l’… s’adressa, par l’intermédiaire de Monsieur …, secrétaire du comité mixte d’entreprise, au directeur de l’Inspection du Travail et des Mines, ci-après le « directeur », en lui soumettant une contestation les opposant à leur employeur en matière d’attributions du comité mixte d’entreprise de l’….

Dans ladite réclamation, le groupe des représentants du personnel du comité mixte d’entreprise de l’… fit valoir qu’en omettant de saisir préalablement le comité mixte sur l’implantation d’une nouvelle version de l’instrument de mesure de la charge de travail des professionnels de la santé dénommé « PRN 6.0 » et sur le lancement d’une enquête de satisfaction des patients, l’… aurait violé les articles L. 423-1 et L. 423-2 du code du travail.

Le 3 décembre 2008, le directeur, après avoir reçu ladite contestation pour examen au fond, prit une décision motivée comme suit :

« … Attendu que les réclamants reprochent à la direction de l'… :

1) d'avoir modifié par l'introduction d'une nouvelle version 6.0 du Programme de Recherche en Nursing (PRN), qui sert à mesurer la charge de travail des professionnels de la santé pour déterminer le nombre en personnel nécessaire dans l'unité de soins, le contrôle du comportement et des performances des travailleurs, sans avoir soumis cette nouvelle version à la décision du comité mixte d'entreprise comme l'exige l'article L. 423-

1 point 1 du Code du Travail ;

2) d'avoir établi et lancé à partir du 29 septembre 2008 une enquête de satisfaction nationale des patients visant à apprécier les travailleurs, sans avoir soumis cette enquête à la décision du comité mixte d'entreprise comme l'exige l'article L. 423-1 point 4 du Code du Travail ;

Attendu que l'article L. 423-1 du Code du travail transfère un certain nombre de décisions sociales jusque-là de la seule compétence du chef d'entreprise à un organe de cogestion de la société, à savoir le comité mixte d'entreprise, qu'ainsi sont transférées dans ses points 1 et 4 les décisions relatives à - l'introduction ou l'application d'installations techniques destinées à contrôler le comportement et les performances du travailleur à son poste de travail ;

- l'établissement ou la modification de critères généraux d'appréciation des travailleurs ;

Attendu qu'il résulte de la procédure que la contestation concerne l'introduction d'une installation technique destinée à contrôler les performances du travailleur, donc l'article L.423-1 point I ainsi que l'établissement de critères généraux d'appréciation des travailleurs, donc l'article L.423-1 point 4 ;

Attendu que de leur côté les représentants de l'employeur ne contestent pas d'avoir introduit une version actualisée PRN 6.0 permettant de mesurer la charge de travail des salariés mais font valoir que ce changement a été décidé par les partenaires sociaux de la Commission des normes, c'est-à-dire commission comportant des membres salariés, qu'aucune objection n'a jamais été soulevée quant à l'utilisation de l'ancienne version 1987 du PRN, que le secrétaire du comité mixte n'a pas intégré les contestations ci-avant reprochées à l'ordre du jour d'une réunion du comité mixte alors que l'article L. 424-3 du Code du travail lui permet de fixer conjointement avec l'employeur ce même ordre du jour, que la version actualisée PRN 6.0, comme la version antérieure PRN 1987 selon leur argumentation, ne sert pas à contrôler les performances des travailleurs mais permet de mesurer la charge en travail qui est requise, tant en nature qu'en durée, par l'état du patient ;

que l'initiative de mettre en place une enquête de satisfaction nationale émane d'une décision gouvernementale et que cette enquête a été établie par les partenaires sociaux de la Commission d'évaluation, c'est-à-dire commission comportant des membres salariés, en collaboration avec l'institut de recherche … , que cette enquête ne met pas en place des critères généraux d'appréciation des travailleurs mais sert à mesurer le niveau de satisfaction des patients quant à la prestation de services dans les hôpitaux, que le choix de lancer une telle enquête reste de la compétence exclusive de l'employeur ;

Attendu qu'en l'espèce il n'est pas établi qu'une installation technique destinée à contrôler le comportement et les performances du travailleur à son poste de travail a été introduite moyennant la version actualisée RPN 6.0 et n'enfreint pas par cela la compétence du comité mixte d'entreprise, que l'enquête de satisfaction nationale ne met pas en place des critères généraux d'appréciation des travailleurs, mais sert à améliorer les services à prester aux patients ;… ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2009, Monsieur … en sa qualité de secrétaire du groupe des représentants du personnel du comité mixte d’entreprise de l’…, sinon le groupe des représentants du personnel du comité mixte d’entreprise de l’…, représenté par Monsieur …, ont fait introduire un recours en réformation contre ladite décision devant le tribunal administratif.

Quant à la compétence du tribunal administratif Concernant la compétence du tribunal administratif pour connaître du litige, les demandeurs font valoir qu’en application des dispositions de l’article L. 614-4 du code du travail le tribunal administratif serait compétent en la matière.

Le délégué du gouvernement et l’… ne présentent aucune observation à cet égard.

Il est constant qu’actuellement seul un recours devant le tribunal administratif est pendant dans la présente affaire. En effet, par arrêt du 5 mars 2009 (n° du rôle 25257C), la Cour administrative a constaté que la requête introduite par les mêmes demandeurs à l’encontre de la même décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines est devenue sans objet et en a ordonné la radiation du rôle.

L’obligation primaire d’une juridiction saisie consiste à vérifier sa compétence d’attribution.

Par arrêt du 15 janvier 2009 (N° 24599C) dans lequel la Cour administrative a analysé sa compétence pour connaître du recours introduit à l’encontre d’une décision du directeur de l’ITM en matière de comité mixte d’entreprise, celle-ci a retenu ce qui suit :

« Force est de rappeler à ce stade qu’initialement, d’après les termes de l’article 37 (2) de la loi modifiée du 6 mai 1974 instituant des comités mixtes d’entreprise dans les entreprises du secteur privé et organisant la représentation des salariés dans les sociétés anonymes, abrogée à travers la loi précitée du 31 juillet 2006, « les contestations résultant de l’application des dispositions de la présente loi sont soumises à la décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines. Cette décision peut faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat, statuant comme juge d’appel et au fond. » La loi précitée du 7 novembre 1996, entrée en vigueur le 1er janvier 1997, est venue préciser à travers son article 100 (1) que la référence au Conseil d’Etat « si la fonction juridictionnelle du Conseil d’Etat est visée, s’entend comme référence au tribunal administratif », de sorte que les décisions en matière de comités mixtes d’entreprise étaient soumises à partir de ladite date du 1er janvier 1997 et jusqu’au 1er septembre 2006 à un double degré de juridiction, à savoir un recours en première instance devant le tribunal administratif avec appel possible devant la Cour administrative (voir en ce sens, après consolidation de la jurisprudence, Cour adm. 12 février 2004, n° 17467C du rôle, Pas.

adm. 2008, V° Compétence , n° 77 et autres références y citées).

En vertu de l’article L.427-2 (2) du code du travail, tel que mis en place par la loi du 31 juillet 2006 portant introduction d’un code du travail, entrée en vigueur le 1er septembre 2006, et libellé comme suit « les contestations résultant de l’application des dispositions du présent titre sont soumises à la décision du directeur de l’Inspection du travail et des mines. Cette décision peut faire l’objet d’un recours devant la Cour administrative, statuant comme juge d’appel et au fond », le contentieux visant les décisions du directeur en matière de comités mixtes d’entreprise a de nouveau été soumis à un seul degré de juridiction, précisément devant la Cour administrative.

Finalement, d’après l’article L.614-14 du code du travail, tel que mis en place par la loi du 21 décembre 2007 portant réforme de l’Inspection du travail et des mines, « toutes les décisions administratives prises sur base des dispositions de la présente loi sont soumises au recours en réformation visé à l’article 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif », l’article 3 de la loi précitée du 7 novembre 1996 énonçant que « (1) le tribunal administratif connaît en outre comme juge du fond des recours en réformation contre les lois spéciales attribuant connaissance au tribunal administratif. (2) Sauf disposition contraire de la loi, appel peut être interjeté devant la Cour administrative contre les décisions visées au paragraphe 1er ».

En l’espèce, s’il est exact que la contestation litigeuse des demandeurs a été introduite sur base de l’article L.427-2 (2) du code du travail, la problématique soulevée, visant les attributions du comité mixte d’entreprise de la société …, tombe également sous le champ d’application et les attributions de l’Inspection du travail et des mines énoncés à l’article L.612-1 (1) du Code de travail, tel qu’introduit par la loi précitée du 21 décembre 2007, prévoyant que l’Inspection du travail et des mines est chargée notamment :

« a) de veiller et de faire veiller à l’application de la législation dont notamment les conditions de travail et la protection des salariés ;

(…) c) de mettre fin aux situations en contradiction avec les dispositions légales, réglementaires, administratives et conventionnelles en matière de travail et de sécurité et santé au travail (…) ».

Or, en présence de ce dédoublement de compétences du directeur, d’une part, et de l’Inspection du travail et des mines, d’autre part, dont le directeur, en tant que chef d’administration, assume l’autorité ainsi que la responsabilité administrative et hiérarchique (article L.613-4 (2) du code du travail), et devant l’incompatibilité entre les dispositions de l’article L.427-2 du code du travail par rapport à celles de l’article L.614-

14 dudit code, la Cour retient, à l’instar de sa jurisprudence du 20 mars 2008, que ledit article L.427-2 est à considérer comme ayant été implicitement mais nécessairement abrogé à travers la loi postérieure du 21 décembre 2007, précitée.

En effet, en présence de cette dualité de régimes au niveau des recours contentieux en la présente matière et mue par un souci d’harmonisation, la Cour, constatant que le régime à double degré de juridiction, tel que prévu par l’article L.614-14 du code du travail, correspond au régime de droit commun en matière de recours contentieux administratifs, tout comme il s’applique à la quasi-totalité des décisions prises au niveau de l’Inspection du travail et de mines, juge inopportun que les domaines hautement sensibles des décisions prises en matières de comités mixtes d’entreprise et de délégations du personnel restent soumis à un régime avec une seule instance juridictionnelle présentant a priori moins de garanties pour les parties en cause, et ceci d’autant plus qu’il est actuellement admis de façon générale que le directeur ne fait pas fonction de juridiction administrative de premier degré mais qu’il agit en tant qu’autorité administrative disposant d’un simple pouvoir de décision administrative (voir Doc. parl. n° 5346, p.467 et Cour adm. 12 février 2004 précitée).

La solution retenue ci-avant a partant encore l’avantage de consacrer en la matière le principe du double degré de juridiction, tel que mis en avant par la recommandation n° R (95) 5 du 7 février 1995 adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur l’instauration de systèmes de procédures de recours en matière civile et commerciale et sur l’amélioration de leur fonctionnement, ledit comité se déclarant convaincu que des procédures de recours efficaces à double degré sont dans l’intérêt à la fois de tous les justiciables et de l’administration de la justice.

Au vu de ce qui précède, la Cour est amenée à se déclarer incompétente eu égard au contenu de l’article L.614-14 du code du travail. » Au vu de cette solution dégagée et par analogie à la présente affaire, le tribunal administratif est compétent pour connaître en tant que juge du fond du recours actuellement déféré en application de l’article L. 614-14 du code du travail tel qu’introduit à travers la loi du 21 décembre 2007.

Quant à la recevabilité du recours Le délégué du gouvernement fait valoir que le recours serait irrecevable dans le chef de Monsieur … alors qu’il agirait pour compte du comité mixte sans établir son intérêt personnel et direct. Il ajoute que le recours serait également irrecevable dans le chef du groupe des représentants du personnel du comité mixte d’entreprise de l’… au motif que ce groupe n’aurait pas de personnalité juridique l’habilitant à agir en justice et qu’il ne serait par ailleurs pas investi en vertu d’une disposition légale à ester en justice.

L’… se rallie aux moyens d’irrecevabilité du recours soulevés par le délégué du gouvernement.

Force est au tribunal de constater que le recours est introduit principalement au nom de « Monsieur …, en sa qualité de secrétaire du groupe des représentants du personnel du comité mixte de l’… », de sorte qu’il y a lieu de retenir que Monsieur … agit en tant que personne physique en sa qualité de membre du comité mixte et non pas pour le compte du comité mixte en tant que représentant ou mandataire. En effet, en vertu de l’article L. 422-1 du code du travail le comité mixte est composé paritairement par des représentants de l’employeur et des représentants du personnel et en vertu de l’article L. 424-1 (2), le secrétaire du comité mixte est désigné parmi les représentants du personnel au comité mixte. Le secrétaire du comité mixte est dès lors membre, représentant du personnel, dudit comité.

L’intérêt à agir conditionnant la recevabilité d’un recours administratif ne doit pas seulement être né et actuel, effectif et légitime, mais encore personnel et direct1.

En l’espèce, dans la mesure où la décision litigieuse a trait aux compétences d’attribution du comité mixte de l’…, Monsieur … en tant que membre dudit comité et faisant partie du personnel de l’… a un intérêt suffisant pour agir en justice, de sorte que le moyen soulevé mettant en cause son intérêt à agir est à écarter.

1 Cf. TA 22 octobre 2007, Pas. adm. 2008, V° Procédure contentieuse, n° 9.

Le recours en réformation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Etant donné que le recours est recevable dans le chef de Monsieur … et que le recours introduit au nom du groupe des représentants du personnel du comité mixte d’entreprise de l’…, représenté par son secrétaire actuellement en fonctions, n’a été introduit qu’en ordre subsidiaire, il n’y a pas lieu d’analyser la question de savoir si le groupe des représentants du personnel a pu valablement introduire un recours.

Quant au fond 1) Le PRN 6.0 L’article L. 422-1.1. du code du travail Le demandeur fait valoir qu’il ignore les différences existant entre le PRN 87 et le PRN 6.0 et estime que la décision litigieuse violerait l’article L. 423-1.1. du code du travail en ce que le comité mixte aurait dû être saisi, pour décision, sur l’implantation de la nouvelle version de l’instrument de mesure de la charge de travail des professionnels de la santé, à savoir le PRN 6.0 dans la mesure où cet instrument de mesure serait destiné à contrôler le comportement et les performances du salarié.

A ce titre il se réfère au site Internet de la société anonyme … , ci-après « … », et notamment aux rubriques « Bénéfices de l’informatisation de la méthode PRN de mesure des charges en soins intensifs » et « Utilité de la mesure des charges en soins » sous lesquelles figurerait clairement au point 2.7. « Benchmarking : évaluation relative de la performance ». En effet, le but poursuivi du PRN 6.0 serait, à côté de la détermination de la charge de travail du personnel soignant, aussi celui d’évaluer les performances du personnel.

Le délégué du gouvernement fait valoir que le PRN 6.0, tout comme la version antérieure à savoir le PRN 87, ne servirait pas à évaluer ni à contrôler les performances individuelles du personnel de l’établissement hospitalier, mais servirait à déterminer la charge de travail qui serait requise, tant en nature qu’en durée, par l’état du patient. S’il est exact que ledit programme permettrait d’effectuer des analyses plus détaillées, la licence acquise ne permettrait cependant pas d’accéder à ces analyses, de sorte que la documentation et la description du programme fournies en tant que preuve par le demandeur ne pourraient être prises à la lettre. Il estime que dans la mesure où le catalogue des actes de soins n’aurait été modifié qu’en faveur du personnel, aucune consultation du personnel n’aurait été nécessaire, d’autant plus que le PRN 6.0 aurait été discuté au sein des groupes de travail de l’UCM dans lesquels siègeraient également des représentants du personnel. Il donne encore à considérer que les établissements hospitaliers auraient été en quelque sorte poussés à mettre en place la nouvelle version dudit instrument de mesure en vue de satisfaire aux exigences de leur organe de contrôle, à savoir l’UCM, respectivement la Caisse nationale de santé (CNS).

L’établissement hospitalier se livre d’abord à un historique en la matière, pour expliquer ensuite l’utilité de l’outil de mesure mis en place et les différentes fonctionnalités.

Pour le surplus, elle conteste que l’article L. 423-1.1. du code du travail serait applicable, en l’espèce, aux motifs que la mise en place du PRN 6.0 ne répondrait ni à la condition de « l’introduction ou l’application d’installations techniques » ni à celle que cette introduction ou application soient destinées à contrôler le comportement et les performances du salarié à son poste de travail.

L’article L. 423-1.1 du code du travail est libellé comme suit :

« Le comité mixte d’entreprise a compétence de décision en ce qui concerne :

1.

l’introduction ou l’application d’installations techniques destinées à contrôler le comportement et les performances du salarié à son poste de travail ».

Ainsi, l’article L. 423-1.1. du code du travail relatif au pouvoir de décision du comité mixte prévoit deux conditions cumulatives, à savoir il faut qu’il s’agisse de l’introduction ou de l’application d’installations techniques lesquelles sont destinées à contrôler le comportement et les performances du salarié à son poste de travail.

Il y a d’abord lieu de définir brièvement le concept du PRN.

Le PRN (Projet de Recherche Nursing) est un outil de mesure de la charge en soins requis par un patient, en milieu hospitalier, sur 24 heures.

Il ressort de la documentation de la société … que le PRN est un outil qui a été développé au Canada et plus précisément au Centre hospitalier universitaire de pédiatrie de l’Université de Montréal en 1974. Le premier système prototype était limité à la pédiatrie et la gynéco-

obstétrique. Le système fut constamment adapté et en 1976 une collaboration entre l’Université de Montréal, le ministère de la Santé au Canada et la société … a permis la mise en place du premier système opérationnel dans 5 hôpitaux universitaires. Le PRN couvrait à ce moment la pédiatrie, la médecine et la chirurgie. Dans la suite le PRN a encore connu différentes révisions, et en 1995, ledit système a été appliqué, dans sa version 87, au sein du secteur hospitalier luxembourgeois.

La version 6.0 du PRN constitue une version actualisée de la version 87 laquelle a été soumise à une adaptation en profondeur résultant de l’expérience acquise depuis la première utilisation du PRN dans les années soixante-dix, de l’évolution des technologies de soins, des nouvelles approches soignantes et de l’évolution pédagogique dans l’enseignement du patient.

Il y a ensuite lieu de vérifier, s’il s’agit, en l’espèce, de l’introduction ou de l’application d’une installation technique.

Il est constant que la version PRN 87 est déjà utilisée au sein de l’établissement en cause.

La « convention visant l’octroi d’une licence non exclusive et non transférable d’utilisation du système PRN 87 et du système PRN 6.0 pour l’année 2008, fixant les modalités pour la formation des acteurs hospitaliers, du CRP-Santé et de l’EHL à l’utilisation du PRN 6.0, ainsi que la validation en 2009 de l’audit réalisé en 2008 », ci-après « la convention PRN » conclue entre la société anonyme …, l’Entente des hôpitaux luxembourgeois, ci-après « EHL » et le Centre de Recherche public-Santé, fait état de l’utilisation de la méthodologie PRN 6.0 pour un audit d’un semestre au cours de la période allant du 1er juillet 2008 au 31 décembre 2008 au sein des établissements hospitaliers, membres de l’EHL.

L’… ne conteste d’ailleurs pas que le PRN 6.0 a été utilisé au sein de son établissement selon les modalités telles que décrites à l’article 6 de la convention PRN.

Au vu de ces considérations, il y a lieu de conclure que l’utilisation du PRN 6.0 au sein de l’établissement hospitalier en cause constitue une introduction, respectivement une application d’une installation technique.

Il y a dès lors lieu de vérifier, en deuxième lieu, si le PRN 6.0 est destiné à contrôler le comportement et les performances des salariés.

Selon les explications de l’établissement hospitalier non autrement contestées par la partie demanderesse lesquelles se recoupent d’ailleurs avec les informations recueillies à travers la documentation provenant de la société … et en grande partie avec les explications propres de la partie demanderesse et du délégué du gouvernement, le PRN repose sur un catalogue de 249 actes de soins requis pour un malade hospitalisé où chaque acte ou « facteur » (p. ex. préparer une injection, faire une injection, faire un pansement) possède un code, un but ou objectif, une description, une situation clinique, des règles d'utilisation et une valeur en points où un point vaut à un facteur temps. Ce facteur temps exprimé en minutes correspond au temps moyen établi de manière empirique par rapport à un personnel soignant moyen dans des conditions moyennes pour donner un soin de qualité et requis pour effectuer tel acte de soins.

En effet, le PRN permet d'obtenir trois composantes de la charge de travail du personnel soignant :

-

les soins directs et indirects (en fonction des besoins du patient : respiration, alimentation, élimination, hygiène, mobilisation, communication, traitements et méthodes diagnostiques), -

la communication au sujet du patient, -

les activités administratives, entretien et déplacements.

Il y a encore lieu de retenir que le PRN n'est pas mis en œuvre quotidiennement mais n'est utilisé que par périodes d'audit qui sont normalement de 7 jours par semestre. Ceci ressort d'ailleurs expressément de l’article 6 de la convention PRN libellée comme suit : « Cette licence [licence non exclusive et non transférable d’utilisation du système PRN 87 et du système PRN 6.0 pour l’année 2008] vaut seulement pour l’utilisation du système PRN 87 et pour l’utilisation du PRN 6.0 pour les besoins des établissements hospitaliers cités à l’article 4 dans le cadre d’un audit étalé sur l’année 2008 des charges de soins pendant quatorze (14) jours. Pour cette utilisation, l’EHL payera les « royalties » suivantes :

Royalties pour l’utilisation de PRN 87 (1 semaine sur 1400 lits lors du 1er semestre) : …€.

Royalties pour l’utilisation de PRN 6.0 (1 semaine sur 1400 lits lors du 2ième semestre) :

…€. ».

Il ressort encore des explications de l’établissement hospitalier non autrement contestées par le demandeur que pour les unités supérieures à 15 lits (hors unités de pédiatrie et unités de soins intensifs), seuls les actes relatifs à environ 50 % des patients sont répertoriés. Chaque acte de soins posé est enregistré et l'ensemble de ces actes enregistrés est ensuite validé et exploité par les auditeurs. Ainsi, sur les dernières années un échantillon représentatif au plan national de quelques 25.000 patients par an a pu être établi. Sur base de toutes ces données, il est possible d’établir par chaque établissement hospitalier la charge de travail. Sur base de cette charge de travail, les effectifs temps plein (ETP) en personnel normalement requis pour assurer le fonctionnement normal de l'établissement hospitalier peuvent être déterminés. La détermination des effectifs temps plein théoriques se fait ensuite sur base d'extrapolations qui, dans le cadre d'un budget prévisionnel, combinent la moyenne des 3 dernières années de mesure de charge de travail par le PRN, la prévision d'activité en nombre de journées d'hospitalisation et le nombre de patients pour l'année budgétaire suivante.

Les points nouveaux de la version PRN 6.0 en comparaison avec la version PRN 87 sont constitués par les éléments suivants, éléments qui ne sont pas contestés par la partie demanderesse :

La version PRN 6.0. permet de mieux représenter l'actualité des soins de la profession soignante. Ainsi de nouveaux facteurs comme par exemple « la ventilation mécanique non invasive des poumons » ont été introduits au sein du PRN 6.0.

Dans la version PRN 87 certains facteurs qui étaient uniques (à considérer seulement 1 fois par tranche de 24 heures) ont été scindés en facteurs avec des intervalles d'administration des soins. Ce mécanisme permet d'être au plus près des besoins du patient et de la charge des soignants par rapport au nombre réel de soins effectués pour ce patient. A titre d'exemple on peut citer la mesure de la saturation du sang en oxygène. Dans le PRN 87 il s'agissait d'un seul facteur sans distinction suivant le nombre de fois que le personnel soignant procédait à cette mesure.

Dans la version PRN 6.0 les différents intervalles (1 à 4 fois, 5 à 12 fois, 13 fois et plus) peuvent être choisis.

La version PRN 6.0 apporte des développements et précisions notamment au niveau de la communication avec le patient en permettant en particulier de mieux identifier les différentes approches de prise en charge des patients en fonction de leurs problèmes éventuels liés à leur personne, à leur état psychiatrique ou social. Les nouvelles approches soignantes dans le cadre de la prise en charge de ce type de patient ont été définies au niveau du PRN 6.0. et permettent ainsi un inventaire plus approprié des soins réalisés par le personnel.

La version PRN 6.0. prend également en compte l'évolution des approches pédagogiques dans l'enseignement au patient depuis les 20 dernières années. Cette évolution se traduit par la création de nouveaux facteurs comme par exemple l'information du patient sur le plan de prise en charge.

La version PRN 6.0 ne met plus à disposition du personnel soignant et/ou des auditeurs les minutes de soins par acte. Cette non-communication des minutes de soins est liée au copyright de la société … sur le PRN 6.0 qui veut éviter que le PRN 6.0 soit utilisé respectivement transformé, sans son accord, en un instrument quotidien de mesure du temps dans le but d'en faire un outil de gestion interne (mesurages quotidiens, hebdomadaires, heures supplémentaires…) du personnel.

Au vu niveau de l’inventaire des différents actes de soins, il y a lieu de retenir que cet inventaire se fait sur base de données objectives et exclusivement relatives au patient et à son traitement en ce que le soignant indique la nature de l'acte posé parmi le catalogue des 249 actes prédéfinis. Ensuite le PRN affecte à l'acte des unités de temps. La comptabilisation de ces différentes unités de temps détermine ensuite la charge de travail engendrée par l'hospitalisation du patient.

Il ne s'agit donc pas d'un système basé sur des données subjectives inhérentes à la prestation des actes par le soignant, celui-ci n’indique en effet pas le temps nécessité pour prester tel acte - temps qui pourrait effectivement permettre de vérifier le comportement et la performance de celui-ci, mais d'un outil appliquant un facteur temps prédéfini selon des méthodes scientifiques à la nature de l'acte posé par le soignant.

Ces données objectives relatives à la nature de l'acte et au temps mis en compte ne sont pas influencées par des éléments subjectifs liés à la performance du soignant.

La partie demanderesse tire argument d'un passage de la documentation de la société … pour affirmer que le système PRN 6.0. servirait à contrôler les performances du personnel. Elle se réfère au titre « Utilité de la mesure des charges en soins » et plus particulièrement au point 2.7.

« Benchmarking: évaluation relative de la performance ».

Force est de constater que l’élément invoqué par la partie demanderesse est tiré de son contexte. En effet, ladite conclusion figure à la page 16 de la dite documentation, sous le point 2.7. « Comparaison avec des hôpitaux ou des unités de soins ayant une mission similaire au niveau national ou international », de sorte qu’il y a lieu de retenir qu’il s’agit d'une évaluation relative de la performance des établissements hospitaliers entre eux, d'où l’utilisation de l’expression « évaluation relative » et non pas d’une évaluation individuelle du personnel soignant au sein d’un établissement hospitalier en particulier.

Enfin, il y a encore lieu de se référer aux articles pertinents de la convention PRN qui permettent également d’affirmer les conclusions retenues ci-avant. En effet, l’article 4 précise que l’EHL s’engage à n’utiliser les systèmes PRN 87 et PRN 6.0 que dans le cadre du financement des établissements membres de l’EHL, tandis que l’article 8 souligne que l’utilisation du PRN 87 ou du PRN 6.0 informatisé n’est autorisée que dans le but décrit à l’article 4, à savoir seulement dans le cadre du financement des établissements membres de l’EHL et en aucun cas, individuellement ou en groupe, par les établissements à leurs propres fins de gestion du personnel ou de leur clientèle, ou à toute autre fin.

Au vu des développements qui précèdent, il y a lieu de retenir que le PRN est un outil destiné uniquement à mesurer la charge de travail en soins requise par l'état de santé du patient et qu’il n’est pas destiné à contrôler, sous quelque forme que ce soit, ni le comportement du salarié, ni ses performances à son poste de travail.

Il s’ensuit que l’introduction de la nouvelle version du PRN 6.0 n’a pas été prise en violation de l’article L. 423.1.1. du code du travail, de sorte que c’est à bon droit que le directeur de l’ITM a retenu que la compétence de décision du comité mixte n’a pas été enfreinte. Le moyen afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

L’article L. 423-3 du code du travail Le demandeur soulève ensuite que la décision litigieuse violerait l’article L. 423-3 du code du travail en ce que le comité mixte aurait dû être obligatoirement informé et consulté au sujet de l’implantation de la nouvelle version PRN 6.0 au motif que le PRN 6.0 aurait une incidence déterminante sur le niveau de l’emploi.

Il estime que dans la mesure où la charge de travail totale de l’établissement hospitalier serait prise en considération pour déterminer le nombre des soignants attribués à celui-ci et qui seraient financés par la CNS, il serait indéniable que le PRN aurait une incidence déterminante sur le niveau de l’emploi.

Il ajoute que les résultats obtenus par la version PRN 87 n’auraient pas donné satisfaction aux comités mixtes dans la mesure où pour une charge de travail mesurée à 100 % dans les services de soins normaux, seulement 82 % d’effectifs temps plein auraient été financés par l’Union des caisses de maladie. Cela signifierait qu’en moyenne, il manquerait en permanence 18 % de personnel pour assurer la totalité des actes auxquels le patient a droit.

Le délégué du gouvernement n’a pas pris position sur ce moyen, tandis que l’établissement hospitalier estime qu’au stade actuel aucune décision d’ordre économique ou financier pouvant avoir une incidence déterminante sur la structure de l’entreprise ou sur le niveau de l’emploi n’aurait été prise, de sorte que le moyen mettant en cause une violation de l’article L. 423-3 du code du travail ne serait pas fondé.

L’article L. 423-3 du code du travail est libellé comme suit :

« Le comité mixte d’entreprise est obligatoirement informé et consulté au sujet de toute décision d’ordre économique ou financier pouvant avoir une incidence déterminante sur la structure de l’entreprise ou sur le niveau de l’emploi… ».

L’article L. 423-3 du code du travail prévoit deux conditions cumulatives d’application, à savoir que la décision au sujet de laquelle le comité mixte d’entreprise doit être informé et consulté, en principe, au préalable soit une décision d’ordre économique ou financier et que cette décision soit susceptible d’avoir une incidence déterminante sur la structure de l’entreprise ou sur le niveau de l’emploi.

Tel qu’il a été retenu ci-avant le PRN est un outil destiné à mesurer la charge de travail en soins engendrée par le traitement du patient en milieu hospitalier. Au cours de l’année 2008 la charge des soins a été mesurée pendant 14 jours suivant les modalités telles que précisées ci-

avant à l’article 6 de la convention PRN.

Il ressort des explications de l’établissement hospitalier non autrement contestées par la partie demanderesse qu’après l’exploitation et la validation des données obtenues, celles-ci sont prises en compte pour déterminer les dotations financières de la CNS. Le seuil PRN financé par la CNS est fixé annuellement au sein de la commission des normes, se composant de représentants de l’EHL et de la CNS, pour être ensuite avalisé par le Conseil d'administration de I'EHL et le comité directeur de la CNS.

Force est au tribunal de constater que l’établissement hospitalier fait souligner que les résultats issus de la validation des mesurages effectués au courant de 2008 ne sont pas encore connus et qu’a fortiori aucune décision relative aux dotations financières accordées n’a pu être prise sur base des nouvelles données résultant de l’utilisation du PRN 6.0, de sorte qu’il y a lieu de retenir qu’on se trouve actuellement encore à un stade préalable précédant la prise éventuelle d’une décision d’ordre économique ou financière pouvant avoir une incidence déterminante sur la structure de l’entreprise ou le niveau de l’emploi.

En effet ce n’est qu’après l’exploitation et la validation des données du PRN et après la prise de la décision relative aux dotations financières accordées que la direction de l’établissement hospitalier en cause peut prendre sa décision interne de politique de gestion budgétaire en fonction de différents critères et dont la décision relative aux dotations financières accordées ne constitue qu’un élément parmi d’autres. A ce titre il y a lieu de souligner que l’article 8 de la convention PRN interdit d’ailleurs l’utilisation du PRN par les établissements hospitaliers à leurs propres fins de gestion du personnel, ou à toute autre fin.

Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure de concert avec l’établissement hospitalier, que l’utilisation de la nouvelle version PRN 6.0 est à qualifier de simple acte préparatoire prise dans le cadre d’une politique globale et uniforme de financement de l’ensemble des établissements hospitaliers par la sécurité sociale, de sorte que les conditions cumulatives telles qu’exigées par l’article L. 423- 3 (1) ne sont pas remplies en l’espèce.

Il s’ensuit que l’introduction de la nouvelle version du PRN 6.0 n’a pas été prise en violation de l’article L. 423- 3 (1) du code du travail, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

2) Le lancement d’une enquête de satisfaction nationale des patients Le demandeur soulève que la décision litigieuse violerait les articles L.423-1.1. et L.423-

1.4. du code du travail en ce que le comité mixte aurait dû être saisi, pour décision, sur le lancement à partir du 29 septembre 2008 d’une enquête de satisfaction nationale des patients au motif que cette enquête viserait à apprécier les travailleurs. Il ajoute, en se basant sur une circulaire générale émise à ce sujet, que l’enquête aurait été décidée par les établissements hospitaliers et que le questionnaire se serait présenté différemment si le comité mixte avait été saisi préalablement. Il donne à considérer que la façon dont les questions sont posées serait perçue négativement par le personnel soignant, que différentes questions viseraient incontestablement le contrôle du comportement et des performances des membres du personnel à leur poste de travail et que certaines questions risqueraient de jeter une image négative sur le personnel soignant. Les questions posées ne tiendraient pas compte du contexte général et des conditions dans lesquelles le personnel devrait exécuter son travail. Enfin il renvoie encore à l’article 31 de la convention collective EHL aux termes duquel le comité mixte aurait dû prendre la décision relative au lancement d’une enquête de satisfaction nationale des patients.

Le délégué du gouvernement fait valoir que cette enquête nationale aurait été mise en place sur le fondement d’une décision gouvernementale au sein de tous les établissements hospitaliers établis au Luxembourg. Cette enquête n’aurait pas été établie en vue d’évaluer le personnel des établissements hospitaliers mais serait destinée à mesurer le niveau de satisfaction des patients quant à la prestation de services obtenue, de sorte que l’article L. 423-1.4. du code du travail qui transfère les décisions relatives à l’établissement ou la modification de critères généraux d’appréciation des travailleurs au comité mixte d’entreprise ne serait pas applicable.

L’établissement hospitalier fait valoir que ni l’article 423-1.1., ni l’article 423-1.4. du code du travail, à supposer que cet article soit visé par le demandeur, ne seraient applicables en l’espèce, de sorte que la décision litigieuse aurait retenu à bon droit que la compétence de décision du comité-directeur ne serait pas donnée en l’espèce.

Au niveau du moyen soulevé selon lequel l’article 31 de la convention collective EHL serait violé, il fait valoir qu’il appartiendrait aux juridictions du travail de trancher les contestations nées de l’exécution d’une convention collective, de sorte que le tribunal administratif devrait se déclarer incompétent pour connaître dudit moyen.

Il y a d’abord lieu de trancher la question de savoir si la partie demanderesse a visé seulement l’article L.423.1.1 du code du travail ou également l’article L. 423.1.4 du code du travail.

S’il est certes exact, tel que soulevé par l’établissement hospitalier, que la partie demanderesse reprend dans le dispositif du recours introductif d’instance seulement l’article L.423.1.1 du code du travail, il n’en reste pas moins qu’elle s’est référée dans le corps même du recours en réformation à l’article 423.1.4. pour reprocher à l'établissement et le lancement de l'enquête de satisfaction sans avoir soumis cette enquête à la décision du comité mixte d'entreprise, de sorte qu’il y a lieu d’examiner la décision litigieuse en prenant en considération l’article L. 423-1 en ses points 1. et 4., d’autant plus que la décision litigieuse se limite à l’examen de l’article L. 423-1.4 du code du travail.

L’article L. 423-1. points 1. et 4. du code du travail est libellé comme suit :

« Le comité mixte d’entreprise a compétence de décision en ce qui concerne :

1. l’introduction ou l’application d’installations techniques destinées à contrôler le comportement et les performances du salarié à son poste de travail ;

4. l’établissement ou la modification de critères généraux d’appréciation des salariés ».

Il ressort de la circulaire générale de la commission d’évaluation EHL-UCM du 29 septembre 2008 au sujet de l’enquête nationale de satisfaction des patients ce qui suit :

« Concerne : Enquête nationale de satisfaction des patients Cher collaborateur, chère collaboratrice, Chers membres du corps médical, Afin de mieux prendre en compte les souhaits de nos patients, les Directions des établissements hospitaliers, avec le support du Ministre de la Santé et de l'Union des Caisses de Maladie, ont décidé de procéder à une évaluation nationale et commune de la satisfaction des patients usagers des services hospitaliers.

C'est la Commission d'Evaluation EHL-UCM qui a été chargée de l'accompagnement de l'enquête.

L'enquête nationale de la satisfaction des patients sera réalisée entre le 29 septembre et le 28 décembre 2008 avec le support de l'institut …, spécialisé dans le domaine des enquêtes de satisfaction du secteur de la santé.

Cette enquête anonymisée - sur base de questionnaires standards (adultes et enfants) de l'Institut … concernera tous les patients stationnaires ayant passé au moins une nuit a l'hôpital.

Ne sont pas repris dans l'enquête les patients de psychiatrie aiguë, de rééducation gériatrique, de rééducation fonctionnelle et de réhabilitation psychiatrique Le questionnaire sera envoyé par l'hôpital par voie postale aux patients concernés trois semaines après leur sortie d'hôpital. Un seul courrier de rappel est prévu pour les non-

répondants.

La satisfaction des patients est observée comme un des indicateurs de qualité et de performance de l'organisation et des processus. Ainsi l'évaluation de la satisfaction des patients est un élément majeur de la démarche qualité mise en place individuellement par les hôpitaux en relation avec leur mission de santé publique. Une enquête commune – sur une base scientifiquement validée - permettra à chacun des établissements hospitaliers de mieux se situer dans le contexte national et international.

Les dimensions enquêtées lors de cette enquête de satisfaction des patients seront les suivantes :

 Support émotionnel et diminution de la peur  Information et explication  Intégration de la famille ou des proches  Continuité de soins et sortie de l'hôpital  Impression générale  Infrastructures de l'hôpital en général  Respect des besoins individuels  Informations spécifiques à la prise en charge  Bien-être physique  Coordination de la prise en charge  Hôtellerie: chambre, repas, cafétéria, sanitaire  Gestion des plaintes Le projet est géré au niveau national par la Commission d'Evaluation EHL-UCIVI, et au niveau local par une équipe de projet interne au CHEM (Cellule Qualité) et avec le support permanent de l'Institut ….

Merci d'avance pour votre collaboration et meilleures salutations.

La Commission d’Evaluation EHL-UCM ».

Il ressort de ladite circulaire que le lancement d’une enquête nationale de satisfaction des patients a été mis en œuvre avec l’accord conjoint de tous les acteurs concernés, à savoir le ministère de la Santé, l’Union des caisses de maladie et l’ensemble des établissements hospitaliers.

Au vu des précisions telles que ressortant de la circulaire générale du 29 septembre 2008, le fait de faire envoyer par l’hôpital, entre le 29 septembre 2008 et le 28 décembre 2008, aux patients concernés trois semaines après leur départ de l’établissement hospitalier, un questionnaire anonymisé, élaboré et évalué à des fins de statistiques, par un institut suisse spécialisé dans le domaine des enquêtes de satisfaction du secteur de la santé, ne saurait être qualifié comme tendant à l’introduction ou l’application d’installations techniques, respectivement comme l’établissement ou la modification de critères généraux d’appréciation des salariés.

A cela s’ajoute que, même à admettre que le fait de procéder, en collaboration avec d’autres acteurs, a une enquête nationale de satisfaction des patients puisse être considéré comme visant l’introduction ou l’application d’installation techniques, respectivement l’établissement de critères généraux, il y a lieu de retenir que ladite enquête ne sert pas à contrôler le comportement et les performances du personnel, respectivement à l’apprécier.

En effet, il ressort des explications de l’établissement hospitalier non autrement contestées par la partie demanderesse et de la circulaire reprise ci-avant, que l'enquête a été menée sur le fondement de questionnaires anonymisés, de sorte qu'il est impossible de faire un lien entre un patient et le salarié qui l'a traité au sein de l’établissement hospitalier.

S'y ajoute que l'enquête menée entre octobre 2008 et décembre 2008 concernait 18353 patients dont 8396 ont répondu au questionnaire, de sorte que chaque réponse individuelle donnée par un patient s’est noyée dans le résultat global obtenu pour l’établissement hospitalier rendant dès lors impossible toute tentative de retracer le comportement d’un salarié en particulier.

L’exploitation des données recueillies à l’aide des questionnaires permet dès lors seulement d’obtenir une image sur le niveau de satisfaction des patients quant à la prestation de services reçue au moment de leur hospitalisation, de sorte que les données recueillies ne permettent pas d’en dégager une conclusion sur la qualité, l'expéditivité ou la pertinence du travail accompli par le salarié en question, ni sur les qualités humaines, intellectuelles ou autres de son comportement2.

2 Cf. TA 22 octobre 1997, n° 9665, Pas.adm. 2008, V° Travail, n° 133.

Au vu de la conclusion ci-avant dégagée, il devient surabondant d’analyser plus en détail les considérations du demandeur sur la formulation de certaines questions de l’enquête.

C’est dès lors à juste titre que la décision déférée a retenu que la compétence de décision du comité mixte d’entreprise n’était pas donnée au regard de l’article L. 423-1.4. du code du travail.

Au niveau du moyen tiré de la violation de l’article 31 de la convention collective EHL, c’est à bon droit que l’établissement hospitalier fait valoir qu’en application de l'article L.162-13 (1) du code du travail les contestations nées de l’exécution d’une convention collective du travail relèvent de la compétence des juridictions du travail, de sorte que le tribunal n’est pas compétent pour analyser le moyen soulevé.

Il résulte des considérations qui précèdent que le recours n’est fondé en aucun de ses moyens et qu’il est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 22 juillet 2009 par le premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Catherine Thomé Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22.7.2009 Le Greffier du Tribunal administratif 17


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 25250
Date de la décision : 22/07/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-07-22;25250 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award