Tribunal administratif Numéro 25885 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juillet 2009 3e chambre Audience publique du 15 juillet 2009 Recours formé par Monsieur …, contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative (article 120, L. 29 août 2008)
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25885 du rôle et déposée le 10 juillet 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, prétendant être né le … à Gaza et être de nationalité israélienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 25 juin 2009 prononçant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de cette décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2009 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Fahime-Ayadi Bouchra, en remplacement de Maître Nicky Stoffel, et Madame le délégué du gouvernement Betty Sandt en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 15 juillet 2009.
___________________________________________________________________________
Le 18 mai 2004, Monsieur … déposa une demande d’asile au Luxembourg, laquelle fut rejetée par décision ministérielle du 15 juin 2004. Le recours introduit à l’encontre de cette décision fut déclaré non fondé par un jugement du tribunal administratif du 17 novembre 2004.
Par un jugement du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 3 mai 2007, Monsieur … fut condamné à 30 mois de prison pour infraction aux dispositions de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.
Le 26 février 2008, le Consulat Général du Royaume du Maroc, répondit à une demande d’identification introduite par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministre » au sujet de Monsieur …, que celui-ci a été reconnu au fichier central des services compétents de la Direction générale de la Sûreté nationale comme citoyen marocain aux coordonnées suivantes : …, né le … à Casablanca.
Le 25 juin 2009, le ministre prit une décision refusant le séjour à Monsieur …, alias … sur le fondement des articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes, ci-après « la loi du 29 août 2008 ».
Par une décision du même jour, notifiée à Monsieur …, le 26 juin 2009, il fut placé en rétention au Centre de séjour pour personnes en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision.
La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :
« Vu les articles 120 à 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;
Vu la décision de refus de séjour du 25 juin 2009 ;
Considérant que l'intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;
Considérant qu’un laissez-passer sera délivré dans les meilleurs délais par les autorités marocaines ;
Considérant qu'en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé est impossible en raison des circonstances de fait ».
Par requête déposée le 10 juillet 2009 au greffe du tribunal administratif, Monsieur …, alias … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision ministérielle de placement du 25 juin 2009.
Au vu de l’article 123 de la loi du 29 août 2008, un recours contre une décision de placement est ouvert devant le tribunal administratif qui statue comme juge du fond, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Ledit recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.
A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que le centre de séjour serait inadéquat pour héberger des étrangers en situation irrégulière, au motif que le régime de détention serait identique a celui applicable aux détenus de droit commun, à l’exception du droit limité à la correspondance et la dispense de l’obligation de travail. Il ajoute qu’il serait autorisé à téléphoner seulement une fois par semaine.
Quant au moyen basé plus particulièrement sur les conditions de rétention de l’intéressé, il échet tout d’abord de relever qu’il est constant en cause que le demandeur est placé non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Il convient de rappeler que les conditions de rétention résultent en leurs grandes lignes du régime spécifique tel qu’instauré par le règlement grand-
ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, règlement qui renvoie en son article 5 directement pour toutes les questions qu’il ne règle pas lui-même au règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires.
Il convient dès lors de souligner que l’assimilation dans ses grandes lignes, excepté les dispositions spécifiques figurant à l’article 4, du régime de rétention à celui des détenus de droit commun, si elle peut prêter à discussion, résulte cependant explicitement du prédit article 5 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, dont la légalité n’est pas contestée en l’espèce et ne saurait par voie de conséquence être utilement remise en question par le tribunal dans la présente instance.
Conformément à l’article 18 du prédit règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989, l’autorité chargée de l’application de ces règlements grand-ducaux n’est pas le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, mais le ministre de la Justice, dont dépend l’administration des établissements pénitentiaires, ainsi qu’en application de l’article 19 du même règlement grand-ducal, le procureur général d’Etat, chargé de la direction générale et de la surveillance des établissements pénitentiaires. En ce qui concerne les modalités pratiques de la rétention, ces modalités, en ce qu’elles concernent la gestion journalière du centre de rétention intégré au centre pénitentiaire, relèvent dès lors, conformément à l’article 68 du prédit règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989, des compétences du directeur de l’établissement qui, aux termes de cet article, assure, sous l’autorité du procureur général d’Etat, la direction et l’administration de l’établissement et qui est responsable du bon fonctionnement de l’établissement en question.
Le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 instaure par ailleurs une voie de recours spécifique auprès du procureur général d’Etat au profit des détenus et, en application de l’article 5 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, également au profit des retenus, qui s’estiment lésés par une décision du directeur1, de sorte qu’un grief relatif aux modalités concrètes et matérielles de placement est étranger à la décision de rétention du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration et au cadre légal dans lequel la décision de rétention a été prise, à savoir la loi du 29 août 2008.
Le demandeur fait valoir ensuite que le ministre resterait en défaut de justifier l’accomplissement de démarches suffisantes afin d’écourter son séjour au Centre de séjour pour personnes en situation irrégulière et de permettre son éloignement du pays dans les meilleurs délais. Il précise que malgré les démarches entreprises auprès des autorités marocaines, aucun document de voyage n’aurait pu être fourni afin de lui permettre de retourner dans son pays d’origine. Il conclut qu’il serait peu probable qu’un mois plus tard les autorités luxembourgeoises réussiront à obtenir par l’ambassade du Maroc un laissez-
passer, alors que des doutes subsisteraient quant à son pays d’origine, étant donné qu’il a déclaré être de nationalité israélienne.
Etant relevé qu’une mesure de rétention est indissociable de l’attente de l’exécution d’un éloignement d’un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois, il incombe à la partie défenderesse de faire état et de documenter les démarches qu’elle estime requises et qu’elle est entrain d’exécuter, afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier si un éloignement valable est possible et est en voie d’organisation, d’une part, et que les autorités luxembourgeoises entreprennent des démarches suffisantes en vue d’un éloignement ou transfert rapide du demandeur, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté, d’autre part.
1 Cf. TA 13 juin 2007, n° 23011 du rôle et TA 18 juillet 2007, n° 23199 du rôle.
Il ressort des pièces déposées que le ministre a contacté, le 23 avril 2009, le Consulat Général du Royaume du Maroc, en prenant appui sur la communication du 26 février 2008, afin de demander si leurs services sont disposés à délivrer un laissez-passer au demandeur, tout en précisant que celui-ci est détenu au centre pénitentiaire de Luxembourg jusqu’au 27 juin 2009. Le 14 mai 2009, le Consulat a confirmé que ses services sont disposés, si toutes les conditions nécessaires sont réunies, à délivrer un laissez-passer au demandeur en vue de son rapatriement vers le Maroc. Le 6 juillet 2009, le ministre a fait parvenir deux photos d’identité nécessaires à l’établissement du laissez-passer audit Consulat.
Au vu de l’identification du demandeur par le Consulat Général du Royaume du Maroc, en date du 26 février 2008, comme citoyen marocain au nom de …, né le 20 septembre 1969 à Casablanca et de l’accord dudit Consulat à lui délivrer un laissez-passer, il n’existe plus aucun doute sur la nationalité du demandeur et l’émission d’un laissez-passer s’annonce imminente.
Au vu des diligences ainsi déployées, le tribunal retient que des démarches suffisantes ont été entreprises, de sorte que le moyen soutenant l’absence de démarches en vue d’un éloignement rapide du demandeur vers son pays d’origine laisse d’être fondé.
Aucun autre moyen n’ayant été soulevé en cause, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le dit non justifié et en déboute ;
déclare le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire irrecevable ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 15 juillet 2009 par le premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Catherine Thomé Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15.7.2009 Le Greffier du Tribunal administratif 5