Tribunal administratif N° 25357 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 février 2009 3e chambre Audience publique du 14 juillet 2009 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25357 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 février 2009 par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité congolaise, ayant élu domicile en l’étude de Maître Nicky Stoffel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 19 janvier 2009 lui refusant le séjour au Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2009 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Bouchra Fahime-Ayadi, en remplacement de Maître Nicky Stoffel et Madame le délégué du gouvernement Betty Sandt en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 juin 2009.
Le recours introduit par Monsieur … à l’encontre des décisions ministérielles lui refusant le statut de réfugié et la protection subsidiaire fut déclaré non fondé par arrêt de la Cour administrative du 21 juin 2007 (n° 22858C du rôle).
Par une décision du 19 janvier 2009, notifiée le 20 janvier à l’intéressé, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministre », refusa le séjour à Monsieur … sur le fondement des articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration, ci-après « la loi du 29 août 2008 ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 février 2009, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de ladite décision de refus.
A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre de s’être basé exclusivement sur le fait qu’il ne dispose pas de passeport, ni de visa et qu’il serait susceptible de compromettre l’ordre public. Il estime que cette motivation serait à considérer comme étant insuffisante, étant donné qu’il existerait de sérieuses circonstances empêchant son éloignement vers son pays d’origine, à savoir le Congo.
Il fait valoir qu’au moment de son arrivée au Luxembourg, son état d’anxiété et de stress l’auraient amené à des fréquentations douteuses qui lui auraient valu son incarcération actuelle. Il donne à considérer qu’il regretterait profondément cet épisode et qu’il ne saurait constituer un trouble à l’ordre public.
Il ajoute qu’il ne pourrait retourner dans son pays au motif que son état de santé ne lui permettrait pas d’accéder à des soins adéquats. De même il estime que son état de santé devrait justifier l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.
En prenant appui sur la situation actuelle existant au Congo et compte tenu du fait que l’exécution matérielle de l’éloignement serait impossible, faute de documents valables, il y aurait lieu d’annuler l’arrêté ministériel en cause.
Il conclut qu’en l’état actuel des choses, il existerait des circonstances réelles qui justifieraient sa tolérance sur le sol luxembourgeois.
Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.
Dans la mesure où ni la loi du 29 août 2008, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de refus de séjour, seul un recours en annulation a pu être valablement introduit, de sorte que le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître du recours principal en réformation.
En ce qui concerne le recours subsidiaire en annulation introduit dans les formes et délai de la loi, celui-ci est recevable.
L’article 100 de la loi du 29 août 2008 dispose :
« Le séjour est refusé au ressortissant de pays tiers :
a) qui ne remplit pas ou plus les conditions fixées à l’article 34 ;
b) qui se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;
c) qui n’est pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une autorisation de travail si cette dernière est requise ;
d) qui relève de l’article 117 ».
La décision est fondée sur les considérations que l’intéressé n’est pas en possession d’un passeport et d’un visa en cours de validité et que l’intéressé est susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre public.
Le demandeur ne conteste pas qu’il n’est pas en possession d’un passeport et d’un visa en cours de validité, de sorte que la décision est valablement motivée par la prise en considération de ces deux motifs de refus tombant sous les hypothèses visées sous les points a), b) et c) de l’article 100 de la loi du 29 août 2008.
Au vu de la conclusion retenue ci-avant, l’analyse du moyen soulevé en ce que le demandeur ne constituerait pas une menace pour l’ordre public devient surabondante.
Au niveau des circonstances de fait soulevés, force est de constater, de concert avec la partie étatique, que d’éventuelles circonstances de fait qui empêcheraient l’éloignement du demandeur, si elles peuvent être susceptibles d’être invoquées dans le cadre de la question de l’octroi ou du refus d’une tolérance telle que prévue par l’article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, constituent cependant des moyens étrangers à la question du refus de séjour faisant l’objet du présent recours1.
Au niveau des considérations avancées selon lesquelles l’état de santé du demandeur justifierait une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, force est encore de constater que l’objet du présent recours est un refus de séjour octroyé par le ministre sur le fondement des articles 100 et 109 à 115 et non pas un refus d’autorisation de séjour pour des raisons privées octroyé dans le cadre de l’article 78 de la loi du 29 août 2008 et visant le ressortissant de pays tiers qui fait valoir des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité.
Il n’en reste pas moins que le ministre est tenu, en vertu de l’article 103 de la loi du 29 août 2008 de tenir compte, entre autre, de l’état de santé de l’intéressé, avant de prendre une décision de refus de séjour, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public ou la sécurité publique.
Il y a lieu de préciser que le demandeur n’a versé aucune pièce à ce sujet, de sorte que les affirmations que plusieurs certificats médicaux témoigneraient de l’état de santé précaire de Monsieur … ne peuvent être vérifiées.
En effet les seules pièces en relation avec l’état de santé du demandeur sont celles figurant dans le dossier administratif, à savoir 2 comptes-rendus du même médecin sur la colonne cervicale du demandeur, des 19 avril 2007 et 5 mars 2008 et trois avis de l’administration du Contrôle médical de la Sécurité sociale.
Il ressort du dernier compte-rendu d’examen d’un scan de la colonne cervicale du 5 mars 2008 qu’il existe, hormis les traces d’intervention chirurgicale au niveau C3/C4 de multiples anomalies tant antérieures que postérieures nécessitant une étroite corrélation avec les données cliniques, à éventuellement compléter par d’autres modalités d’imagerie, à savoir : matériel prothétique placé au sein de l’espace intervertébral C3/C4 avec fusion complète des corps vertébraux C3 et C4, glissement antérieur d’un bloc de C1 par rapport à C2, pincement discal affectant les espaces intervertébraux C2/C3, C6/C7 et C7/D1, un carthose gauche C2/C3, C5/C6 et C6/C/, un carthrose droite C2/C3 et C78/D1, arthrose interapophysaire postérieure gauche C2/C3 et C4/C5.
Il ressort encore des pièces du dossier administratif que l’administration du Contrôle médical de la Sécurité sociale, en possession dudit compte-rendu, a attesté à trois reprises, à savoir les 13 juin, 15 septembre et 23 septembre 2008, que Monsieur … ne présente pas de pathologie médicale empêchant le rapatriement dans son pays d’origine.
1 Voir notamment TA 2 mars 2009, n° 24998, disponible sous www.ja.etat.lu Au vu de ces constatations et à défaut d’autres pièces ou précisions apportées par le demandeur lui-même sur son état de santé, il y a lieu de retenir que l’état de santé du demandeur a été suffisamment pris en compte par le ministre dans le cadre de l’examen de la décision déférée, de sorte qu’une violation de l’article 103 de la loi du 29 août 2008 ne peut être retenue en l’espèce.
Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée, de sorte que le recours est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître le recours principal en réformation ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 14 juillet 2009 par le premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Catherine Thomé Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14.7.2009 Le Greffier du Tribunal administratif 4