Tribunal administratif Numéro 25510 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mars 2009 1re chambre Audience publique du 13 juillet 2009 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25510 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2009 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Serbie), et de son épouse, Madame …, née le … (Kosovo), agissant en leur propre nom et au nom de leurs enfants mineurs, … , demeurant actuellement ensemble à L- … , tendant, d’une part, principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 février 2009 portant refus de leur demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2009 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nuria Zurita-Peralta en remplacement de Maître Olivier Lang et Madame le délégué du gouvernement Betty Sand en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 juin 2009.
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Le 7 avril 2008, Monsieur … et son épouse, Madame …, accompagnés de leur enfant mineur …, introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».
Les époux … furent entendus séparément les 18 et 21 avril 2008 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.
Par décision du 6 février 2009, notifiée le 13 février 2009, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa les époux … que leur demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée. Cette décision est libellée comme suit :
«J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 7 avril 2008.
En application de la loi précitée, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains le rapport de la Police judicaire du 7 avril 2008 et les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration des 18 et 21 avril 2008.
Il résulte de vos déclarations auprès de la Police judicaire qu'en date du 5 avril 2008 vous auriez quitté le Kosovo à partir de Pec et que vous auriez payé la somme de € 5.000.-aux passeurs.
Avant tout autre développement, il convient de relever que vous aviez déposé une première demande d'asile en date du 7 novembre 2006 auprès les autorités luxembourgeoises. En date du 13 mars 2007, le Luxembourg déclare son incompétence en ce qui concerne l'évaluation de votre demande d'asile, étant donné que la Belgique était compétente pour connaître de votre demande d'asile. Un transfert en Belgique, prévu pour le 30 mars 2007, fut organisé, cependant les autorités luxembourgeoises étaient dans l'impossibilité de vous reconduire en Belgique, vu le fait, Madame, Monsieur, que vous aviez disparu de votre domicile élu. Finalement, en date du 29 mars 2007, vous renoncez à votre demande d'asile et vous acceptez un retour volontaire au Kosovo en date du 3 mai 2007.
Il convient également de relever que vous avez déposé le 4 avril 2005, ainsi que le 22 février 2006 une demande d'asile en Belgique et en date du 30 juin 2005 vous aviez également déposé une demande d'asile en France.
Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous auriez vécu à Pec jusqu'au conflit et qu'à partir de 1999, vous auriez vécu au Monténégro jusqu'à votre départ en Belgique. Après que les autorités belges vous auraient rapatrié, en novembre 2005, vous auriez vécu à Subotica en Serbie pendant cinq ou six mois, avant de partir en direction du Luxembourg, où vous déposez une première demande d'asile en date du 7 novembre 2006. Lorsque l'agent du Ministère vous confronte avec le fait que selon vos déclarations il vous aurait fallu sept mois pour le voyage de la Serbie au Luxembourg, vous dites que vous ne vous rappelleriez plus de la date exacte de votre départ de la Serbie. Vous ajoutez que vos parents vivraient à tour de rôle en Serbie, au Monténégro et au Kosovo (Pec) et que votre frère traînerait partout au Monténégro. Selon vos dires, après avoir été rapatrié du Luxembourg au Kosovo en date du 3 mai 2007, vous auriez vécu à Pec, ensemble avec votre épouse et votre petite fille.
Selon vos dires, vous auriez depuis toujours eu des problèmes au Kosovo parce que votre mère serait d'origine serbe. Vous indiquez que vers la fin de l'année 1999 ou bien vers le début de l'année 2000, vous auriez été battu par des albanais et qu'il y aurait eu un jugement par le tribunal dans cette affaire et les deux coupables auraient subi une peine de 30 jours de prison.
Vous dites que depuis lors, vous ne les auriez plus jamais revu, comme vous auriez vécu au Monténégro entre 2000 et 2005. Cependant, au cours du mois de mars 2005, votre patron vous aurait averti que ces deux albanais seraient à votre recherche. Selon vos dires, il les aurait rencontré à Pec et ils l'auraient informé que vous seriez un serbe et qu'ils viendraient au Monténégro pour vous éliminer. Par peur, vous auriez cessé de travailler et vous précisez que ces albanais seraient venus à l'atelier de votre patron, deux jours plus tard. Vous auriez porté plainte auprès de la Police monténégrine, mais cette dernière vous aurait donné un document, indiquant qu'elle ne pourrait pas vous protéger contre ces deux albanais, comme ces derniers seraient « extrêmement dangereux dans ces histoires-là ». Par conséquent, vous auriez quitté le Monténégro en direction de la Belgique.
Par la suite, vous dites qu'après votre retour du Luxembourg, vous auriez vécu entre le 3 mai 2007 et le 5 avril 2008 au Kosovo dans votre maison familiale à Pec, ensemble avec votre épouse et votre enfant. Il ressort de vos propos que vos parents seraient également venus de temps en temps et vous expliquez que votre mère séjournerait la majorité du temps en Serbie, tandis que votre père préférerait habiter au Monténégro. Vous dites que vos parents vivraient de temps en temps séparés parce que votre mère aurait peur de vivre à Pec.
Selon vos indications, vous auriez, dès votre retour du Luxembourg, reçu des menaces par téléphone. Après quelques mois, vous auriez porté plainte et la police aurait mis votre téléphone sous écoute et ainsi, tous les appels et menaces auraient pu être enregistrés. Vous dites que la Police vous aurait dit que ce serait à 100% des albanais qui vous menaceraient, cependant le numéro de téléphone des coupables n'aurait pas été déterminé. Selon vos indications, la Police serait en train de faire une instruction et l'affaire devrait passer devant le Tribunal. Vous expliquez que même après six mois d'écoute, la Police n'aurait pas pu déterminer le numéro de téléphone, comme tous ces appels viendraient de la Telecom de la Serbie, en passant par Belgrade, et à chaque fois que vous auriez été appelé, le numéro n'aurait pas été affiché. Vous dites que le dossier complet de toutes vos plaintes, incluant les procès-verbaux et les photos que vous avez mentionnées lors de l'entretien, se trouverait chez la Police à Pec.
Il ressort également de vos propos qu'en date de 23 janvier 2008, un groupe de trois personnes vous aurait battu, au moment où vous seriez revenu de la ville. Vous dites que vous n'auriez reconnu personne, mais vous auriez entendu quelqu'un dire tue-le, c'est lui le serbe ».
Vous ajoutez que vous croyiez que ce seraient les mêmes personnes qui vous menaceraient et avec lesquelles vous auriez aussi eu des problèmes en 1999. Cependant, vous dites que vous n'en seriez pas sûr et vous ajoutez qu'ils viendraient parfois à 4 heures du matin klaxonner devant votre maison.
Selon vos dires, vers la fin du mois de janvier 2008, deux personnes, habitant dans votre rue, auraient été kidnappées. L'une des deux aurait été tuée et l'autre aurait survécu. De plus, une bombe aurait été placée dans une maison abandonnée et l'UNMIK et la KFOR seraient venus la faire exploser.
Vous dites que vous ne pourriez retourner ni au Kosovo, ni au Monténégro et ni en Serbie, comme ces albanais vous retrouveraient partout. Vous expliquez que même à Subotica en Serbie vous auriez eu des problèmes, comme les gens vous reprocheraient d'avoir tué des serbes.
Vous dites que vous auriez même été battu une fois.
Après la relecture de votre entretien, vous ajoutez que vous auriez également été agressé en date du 8 janvier 2008. Des inconnus seraient venus avec une vingtaine de voitures et vous auriez été traité de tous les noms et ils vous auraient prévenu qu'ils jetteraient une bombe sur votre maison. Vous dites que vous n'auriez pas été agressé physiquement et que ces personnes auraient demandé de faire sortir votre mère de la maison qu'ils considéreraient comme pute serbe ».
Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune autre persécution, ni mauvais traitement et vous dites que vous seriez membre du parti des bosniaques (BSDAK) et de l'organisation internationale des verts bosniaques (IBOZ), mais vous que vos problèmes au Kosovo ne seraient pas liés à ces adhésions.
Madame, vous dites que vous auriez également de la famille au Monténégro, à Rozaje, et que vous y auriez vécu avant votre mariage en 2005 et parfois après votre mariage. Après votre retour du Luxembourg, le 3 mai 2007, vous auriez vécu la plupart du temps à Pec au Kosovo. Vous indiquez que vos problèmes au Kosovo seraient liés au fait que votre belle-mère serait une serbe. Il résulte de vos déclarations que vous auriez reçu des menaces par téléphone.
De plus, ils » auraient commencé à plusieurs reprises de rôder avec leurs voitures autour de votre maison. Vous dites que vous auriez porté plainte et qu'au moment où vous auriez été au commissariat de la Police, vous auriez également reçu un appel de ces inconnus. La Police vous aurait alors dit qu'il s'agirait d'un numéro privé. Vous dites ignorer les coupables de toutes ces menaces et que vous vous seriez adressée à la Police pour qu'elle puisse les identifier. Selon vos dires, la Police aurait dressé quelques procès-verbaux et elle aurait pris des photos, notamment des blessures de votre mari, suite à une agression en date du 23 janvier 2008.
Il ressort de vos propos que vous ne pourriez ni rester au Kosovo, ni au Monténégro et ni en Serbie. Selon vos dires, les albanais retrouveraient votre époux partout au Kosovo et au Monténégro et vous ajoutez que l'entreprise pour laquelle votre mari aurait travaillé en Serbie aurait également reçu des reproches en relation avec votre époux. Ainsi, vous auriez décidé de quitter la Serbie et de vous rendre au Luxembourg.
Vous dites que vous auriez également eu des problèmes parce que vous ne maîtrisiez pas l'albanais.
Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune autre persécution, ni mauvais traitement et vous dites que vous seriez membre du parti des bosniaques (BSDAK) et de l'organisation internationale des verts bosniaques (IBOZ). Vous ajoutez que ce serait possible que vos problèmes seraient liés à ces adhésions.
Concernant la situation particulière des musulmans slaves au Kosovo, il convient de souligner que la reconnaissance du statut de réfugié politique n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur, qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006.
En effet, en l'espèce, Madame, Monsieur, force est de constater que vous restiez tout au long de votre récit assez vagues, sinon confus, en ce qui concerne les problèmes qui vous auraient poussés à quitter le Kosovo à nouveau. Ainsi, Monsieur, vous dites qu'entre 1999 et l'année 2000 vous auriez été battu par des albanais, non autrement identifiés. Or, nonobstant le fait que vous dites vous-même que l'affaire aurait été jugée au tribunal, vous ajoutez également que vous n'auriez jamais revu les coupables, comme vous auriez vécu au Monténégro entre 2000 et 2005. Cependant, votre patron de travail monténégrin vous aurait averti en 2005 que ces deux albanais, toujours non autrement identifiés, seraient à votre recherche et vous ajoutez que la Police monténégrine vous aurait averti qu'elle ne pouvait pas vous protéger. Or, il convient non seulement de constater qu'il est peu crédible que ces deux individus seraient à votre recherche au Monténégro, cinq ans après qu'ils vous auraient agressé au Kosovo, mais pour le surplus il convient de souligner qu'il est fort douteux que la Police monténégrine vous aurait donné un document qui expliquait qu'elle ne pouvait pas vous protéger de ces deux individus kosovares.
Pour expliquer vos problèmes actuels, lesquels vous auriez eus après votre retour du Luxembourg à Pec en 2007, Madame, Monsieur, vous dites que vous recevriez des menaces par téléphone par des inconnus et vous précisez que la Police serait incapable de détecter les coupables de ces menaces. Or, il est peu crédible que la Police aurait des problèmes à déceler un « numéro masqué » après six mois d'écoute, même si les appels viendraient, comme vous l'indiquez, via la Telecom serbe. Toutefois, vous dites que la Police serait en train de faire une instruction et l'affaire devrait passer devant le Tribunal, ce qui est surprenant, comme vous dites que les coupables ne pourraient pas être trouvés. Revenons quand même à la traduction du Service de traduction de la Caritas de deux « rapports » de la KPS (Kosovo Police Service) que vous avez remis à la Direction de l'Immigration. En premier lieu, il convient de souligner que vous n'avez, jusqu'au jour présent, pas remis les originaux des rapports en question, mais que nous disposons uniquement de deux photocopies d'un fax qui sont partiellement illisibles et qui ne peuvent, par voie de conséquence, ne pas être acceptées comme preuve pour souligner vos déclarations. De plus, il convient de constater que selon vos déclarations, la Police n'aurait pas pu identifier les numéros de téléphone des appels que vous auriez reçus. Cependant, dans la traduction des soi-disant rapports de la KPS, plusieurs numéros d'appel sont notés. En deuxième lieu, il convient également de revenir sur les deux autres rapports de la KPS que vous avez déposé auprès du Service des réfugiés. D'abord il convient de constater qu'il s'agit de deux rapports qui ne contiennent aucune signature ou tampon de la Police kosovare, ce qui est assez étrange. Mais, ce qui est encore plus étonnant est qu'à chaque rapport un petit « bout de papier » est attaché à la première page, mentionnant qu'il s'agit d'un rapport de la Police de Pec. Or, il est fort douteux que la Police kosovare attacherait des petits morceaux de papiers à leurs documents, au lieu de les tamponner et signer. Or, force est de constater que l'authenticité des rapports en question ne peut pas être établie.
Quoi qu'il en soit, en regroupant les déclarations sur vos soi-disant problèmes, il convient de constater que vous dites, Madame, Monsieur, être recherchés par des inconnus albanais au Kosovo, au Monténégro et en Serbie et que vous seriez incapable de recevoir une protection par les autorités de ces trois pays. Pour le surplus, il ressort de vos propos que vous ne pourriez pas vous installer dans une autre région des pays cités ci-dessus, comme ces inconnus vous retrouveraient partout. Or, Madame, Monsieur, pour conclure, il convient de constater que vos déclarations vagues et confuses sont complètement invraisemblables, d'autant plus que vous indiquez que les origines de vos problèmes proviennent du fait que votre mère serait d'origine serbe. Pour le surplus, Monsieur, vous indiquez que votre frère habiterait au Monténégro, sans connaître un problème quelconque, ce qui est surprenant, comme vous êtes de la même descendance. Finalement, les agissements dont vous dites avoir été victime ne revêtent pas un caractère de gravité tel qu'ils puissent être assimilés à une persécution au sens de dispositions précitées de la convention de Genève. Il en est de même en ce qui concerne les menaces par téléphone par des inconnus.
Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.
Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
Il faut également souligner qu'en ce qui concerne la situation plus précise des bosniaques il ressort qu'actuellement ceux-ci ont, non seulement le droit à la participation et à la représentation politique, mais encore accès à la l'enseignement, aux soins de santé et aux avantages sociaux, ce qui fait qu'une discrimination à leur égard ne saurait pas être retenue pour fonder une persécution au sens de la Convention de Genève. De plus, le rapport de l'UNHCR de juin 2006 intitulé « UNHCR's Position on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo » ne mentionne plus la situation des bosniaques et par conséquent on peut en conclure que l'UNCHR ne les considère plus comme courant de risque particulier.
D'ailleurs, l'UNHCR ne s'oppose pas à un retour de bosniaques au Kosovo. En outre, il ressort clairement du « UK Operationai Guidance Note Republic of Serbia » du 22 juillet 2008 que « although Bosniaks may be subject to discrimination and/or harassment in Kosovo this does not generally reach the level of persecution. Considering the sufficiency of protection available and the option of internat relocation, in the majority of cases it is unlikely that a claim based solely on the feat of persecution because of Bosniak ethnicity will qualify for a grant of asyium or Humanitarian Protection and cases from this category of daim are likely to be clearly unfounded ».
Au vu de ce qui précède, force est de constater que vos récits ne contiennent pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de vos demandes ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2009, les consorts …-… ont fait introduire un recours tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du 6 février 2009, par laquelle ils se sont vu refuser avec leurs enfants la reconnaissance de la protection internationale, ainsi qu’un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, incluse dans le même document, portant à leur égard ordre de quitter le territoire.
1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision de refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, un recours en réformation a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée, lequel recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent en détail les faits et rétroactes de leur demande en obtention d’une protection internationale et reprochent au ministre de ne pas avoir instruit leur demande avec la diligence requise en omettant notamment de prendre en considération l’ensemble des pièces par eux remises aux différentes autorités successivement en charge de leur dossier, ainsi qu’en omettant de poser, lors de leur entretien, des questions suffisamment utiles et pertinentes pour évaluer le bien-fondé de leur demande. De ce fait le ministre aurait violé, dans le cadre de l’instruction de leur demande, l’article 18 a) de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection qui impose un examen objectif et impartial de toute demande de protection internationale, ainsi que l’article 26 (3) a), b) et c) de la même loi imposant au ministre de tenir compte, lors de l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale, de tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, des informations et documents présentés par le demandeur ainsi que de sa situation personnelle, pour déterminer si, compte tenu de la situation personnelle du demandeur, des actes auxquels il a été exposé ou risque d’être exposé pourraient être considérés comme des actes de persécution ou des atteintes graves au sens de la loi. Compte tenu de la façon dont leur dossier a été instruit, les demandeurs estiment que le ministre n’aurait pas valablement pu qualifier leurs déclarations de vagues et de confuses, voire de complètement invraisemblables. Il aurait au contraire, avant toute prise de décision au fond, dû procéder à des mesures d’instruction complémentaires afin de disposer de l’ensemble des pièces remises aux autorités luxembourgeoises en original à l’appui de leur demande initiale de novembre 2006.
Dans la mesure où la décision déférée se base exclusivement, sinon principalement sur un défaut de crédibilité, les demandeurs insistent sur le besoin d’un complément d’instruction et, au cas où le tribunal ne s’estimait pas en mesure de contrôler la décision qui lui est déférée conformément à la loi, demandent de voir prononcer, dans le cadre du recours en réformation, l’annulation de la décision déférée pour violation de la loi et des formes destinées à protéger les intérêts privés. Ils signalent que cette annulation se justifierait d’autant plus que les articles 9, 18 et 26 (3) de la loi précitée du 5 mai 2006 désignent formellement le ministre pour instruire la demande et qu’il serait dès lors contraire à l’esprit de la loi de mener cette instruction pour la première fois en phase contentieuse seulement même si le tribunal est légalement investi du pouvoir de réformer en la matière.
Dans l’hypothèse où le tribunal ne devait pas suivre cette voie, les demandeurs font valoir que les faits à l’origine de leur demande de protection internationale justifieraient l’octroi du statut de réfugié dans leur chef, étant donné qu’en tant que musulmans slaves du Kosovo, ils parlent le serbo-croate et seraient de ce fait assimilés à l’ennemi serbe par leurs persécuteurs, des extrémistes albanais qui ne tolèrent aucune langue autre que l’albanais au Kosovo. Ils attirent l’attention à cet égard sur l’article 31 (2) de la loi précitée du 5 mai 2006 qui prévoit qu’il est suffisant qu’une caractéristique soit attribuée à un demandeur par l’agent de persécution et qu’il est indifférent qu’il possède effectivement cette caractéristique. Quant à la gravité des mauvais traitements par eux subis, ils font valoir qu’elle dépendrait de l’ensemble des données de la cause et notamment de la nature et du contexte du traitement, de ses modalités d’exécution, de sa durée, de ses effets physiques ou mentaux ainsi que du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime.
Ils insistent encore dans ce contexte sur la notion de traitement dégradant comme étant celui qui humilie l’individu grossièrement devant autrui ou le pousse à agir contre sa volonté ou sa conscience. Par rapport à leur situation personnelle, ils estiment que le fait d’avoir vécu pendant de longues années dans la peur et dans l’angoisse constantes de faire l’objet d’agressions serait constitutifs d’une atteinte grave à leur dignité qui aurait été de nature à briser leur résistance morale puisqu’ils ont fini, poussés à bout, par quitter une nouvelle fois leur pays afin de fuir leurs persécuteurs. Ils insistent sur l’accumulation des divers actes sur différentes périodes ainsi que sur la gravité des violations relatées de leur droit fondamental à leur liberté de circulation et leur droit fondamental au travail.
Dans la mesure où la fuite de leur pays se serait avérée être la seule solution pour protéger leur intégrité physique et psychique, les demandeurs estiment qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire qu’ils courraient un risque réel de subir des traitements inhumains, sinon des traitements dégradants s’ils venaient à y être renvoyés à nouveau dans leur pays d’origine. Les précédents de persécution dont ils ont été victimes et qui ont provoqué leur fuite seraient en effet de nature à laisser légalement présumer leur crainte avec raison d’être à nouveau persécutés en cas de retour.
Les demandeurs relèvent encore dans ce contexte que le simple écoulement du temps depuis les persécutions subies, en dehors de toute considération particulière concernant leur situation individuelle, ne pourrait en aucun cas constituer une bonne raison de penser que les persécutions ne se renouvelleront pas.
Les demandeurs estiment enfin remplir également les conditions pour se voir accorder une protection subsidiaire, étant donné que leur retour serait considéré comme une véritable provocation et que même si les menaces dont ils ont fait l’objet ne devaient pas se réaliser, le fait de vivre dans la crainte constante que ces menaces se réalisent constituerait un véritable traitement inhumain, sinon dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et précise qu’ils étaient assistés à chaque fois d’un avocat lors de leurs entretiens respectifs mais que celui-ci n’aurait pas jugé utile d’intervenir ou de demander à voir rajouter des éléments à la suite de la relecture des rapports d’audition. Il souligne dans ce contexte que dans le cadre du présent recours le mandataire des demandeurs ferait état d’éléments qui n’auraient pas été invoqué par son client tout en signalant que les pièces que les demandeurs lui reprochent de ne pas avoir pris en considération, auraient été versées, certes en copie, à l’appui de leur seconde demande, de sorte que le ministre en aurait bel et bien tenu compte.
Quant au fond il insiste sur le fait qu’aucun défaut de protection de la part des autorités en place ne pourrait être mis en exergue dans ce dossier, étant donné que les demandeurs reconnaissent avoir pu porter plainte à la police, que leur téléphone a été mis sous écoute et que différents procès-verbaux ont été dressés. Quant au sort qu’ont connu des voisins des demandeurs, le représentant étatique estime qu’il s’agit d’éléments qui peuvent tout au plus servir d’argument à un sentiment d’insécurité général, mais qui ne sont pas de nature à établir une persécution dans le chef des demandeurs eux-mêmes. Il relève enfin que le ministre s’est prononcé dans le cadre du présent dossier sans équivoque quant au fond, de sorte qu’il n’y aurait pas lieu de procéder à un complément d’instruction au niveau ministériel, alors que l’affaire serait en état d’être vidée quant au fond. Il souligne en outre que la situation générale actuelle au Kosovo ne serait pas telle que les personnes qui y résident, y compris celles appartenant à des minorités ethniques, devraient craindre des traitements inhumains et dégradants de même que les demandeurs ne seraient pas fondés à admettre que les autorités en place ne seraient ni disposées ni capables de les protéger contre des violations éventuelles de leurs droits de la part de groupes de la population ou d’individus non étatiques. Sur base des éléments du présent dossier, le délégué du gouvernement estime que les demandeurs, en cas de retour dans leur pays d’origine, ne seraient en tout état de cause pas exposés à des traitements inhumains au sens de l’article 3 de la CEDH, étant entendu qu’il y aurait lieu d’entendre par là la provocation volontaire de souffrances mentales ou physiques d’une intensité particulière, non vérifiée en l’espèce. Enfin, il ne ressortirait pas du dossier qu’il aurait été impossible aux demandeurs de s’installer ailleurs au Kosovo.
Tel que relevé à juste titre par le délégué du gouvernement la décision déférée repose non pas exclusivement sur un défaut de crédibilité des déclarations des demandeurs mais se prononce également sur le bien-fondé de la demande, au-delà du caractère vague et confus relevé des déclarations, en ce que le ministre a retenu que les agissements dont les demandeurs se disent être victimes ne revêtent pas un caractère de gravité tel qu’ils puissent être assimilés à des actes de persécution au sens de la Convention de Genève et qu’il en serait de même des menaces par téléphone émanant d’inconnus. Le ministre a retenu en outre que les récits présentés ne contiendraient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que les demandeurs courent un risque réel de subir des atteintes graves telles que définies à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 précitée.
Dans ces conditions le tribunal ne saurait faire droit à ce stade à la demande formulée par les requérants à voir annuler, dans le cadre du recours en réformation, la décision litigieuse et de renvoyer le dossier devant le ministre afin qu’il évalue, au-delà de la question de la crédibilité des déclarations des demandeurs, également le bien-fondé du dossier. Il appartient en effet au tribunal de poursuivre l’examen quant au fond sur base des différentes pièces versées en cause et des arguments échangés de par et d’autre.
En ce qui concerne le bien-fondé de la décision déférée, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, tout en prenant en considération la situation, telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des demandeurs.
En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs entretiens respectifs, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.
Force est de constater que les demandeurs font état de craintes de persécution émanant de personnes d’origine albanaise, en raison de leur appartenance à une minorité serbe du Kosovo.
Il y a lieu de retenir de prime abord que le simple fait d’appartenir à une minorité ethnique ne suffit pas à lui seul pour établir à suffisance de droit une crainte de persécution personnelle.
Le ministre a retenu dans la décision litigieuse que s’il est exact que la situation sécuritaire actuelle au Kosovo des minorités ethniques, et en particulier de celle des Serbes, demeure difficile, l’on ne saurait en conclure que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006. Le ministre a encore retenu que la situation sécuritaire des minorités se serait améliorée au Kosovo et que la déclaration d’indépendance n’aurait pas changé cette situation.
A l’appui de ces constats le délégué du gouvernement verse notamment un rapport du UK Home Office du 22 juillet 2008, soit postérieur à la déclaration d’indépendance du Kosovo, arrivant à la conclusion que : « Incidences of harassment and intimidation against Serbs do still occur in Kosovo however these do not generally meet the threshold to qualify for asylum. Those subject to abuses who are resident in enclaves can seek protection from UNMIK / the KPS which ensure that there is a legal mechanism for the detection, prosecution and punishment of persecutory acts for all ethnic groups, including Serbs. (…) ». D’autre part, pour soutenir qu’il serait possible pour les requérants de tenter de s’installer par exemple à Prizren, le délégué du gouvernement se réfère à un document de l’OSCE consulté en date du 2 mars 2009 pour retenir ce qui suit au sujet de cette ville :
“Approximately 240,000 people live in the Prizren municipality, in both the town and the 76 villages scattered around it. In addition to the majority Kosovo Albanian population, it is home to large communities of Kosovo Bosniaks (22,000), Kosovo Turks and Roma, Ashkali and Egyptian communities (5,300). (…) Prizren is known for its ethnic diversity and enjoys a long tradition of tolerance and inter-ethnic cooperation. It is considered as the most culturally and ethnically heterogeneous municipality in Kosovo. The threat of ethnically motivated violence still exists, but contrary to other parts of Kosovo, the Serbian/Bosnian language is spoken freely in Prizren town and in the areas where Kosovo Serbs reside.” Le constat du ministre sur la situation sécuritaire générale au Kosovo n’est pas infirmé par les rapports dont font état les demandeurs, et plus particulièrement par le rapport de l’UNHCR de juin 2006 et le rapport du secrétaire général de l’UNMIK au Kosovo du 25 janvier 2006, alors que le tribunal, statuant en matière de réformation, doit apprécier la situation telle qu’elle se présente actuellement, et ne saurait ainsi baser ses conclusions exclusivement sur des rapports remontant à 2006, qui de plus sont contredits par des rapports plus récents soumis au tribunal. Le rapport de Human Rights Watch de janvier 2008 sur la Serbie, antérieur à la déclaration d’indépendance du Kosovo, fait certes état d’incidents interethniques, notamment à l’égard des Serbes. Il convient cependant de relever que celui-ci se rapporte essentiellement à des incidents ayant eu lieu en 2007, de sorte que ce rapport ne permet ni d’invalider les rapports dont fait état le ministre ni de conclure que la situation actuelle serait telle que tout membre de la minorité serbe serait du seul fait de l’appartenance à cette minorité exposé à des persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006. Le rapport de Human Rights Watch de février 2008, établi juste avant la déclaration d’indépendance du Kosovo, ne permet pas non plus de conclure que tout membre de la minorité serbe serait exposé à des persécutions, alors que ce rapport essaie essentiellement d’analyser les défis des nouvelles autorités au Kosovo dans le contexte de la déclaration d’indépendance. Quant au rapport du Secrétaire général sur la mission de l’UNMIK de juillet 2008, celui-ci décrit essentiellement les mesures législatives et institutionnelles prises suite à la déclaration d’indépendance par les nouvelles autorités au Kosovo et il met principalement en évidence l’opposition de la part des Serbes face à l’indépendance du Kosovo, ainsi que les manifestions, accompagnées en partie de violences, de la part de la population d’origine serbe.
Force est dès lors de constater que les demandeurs restent en défaut de fournir des éléments de preuve permettant de conclure que la situation actuelle au Kosovo serait telle que tout membre de la minorité serbe serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006, et permettant ainsi d’invalider le constat du ministre.
Néanmoins, malgré ce constat général, il convient d’examiner si, en l’espèce, compte tenu de la situation particulière des demandeurs, les menaces dont ils font état, sont susceptibles de justifier une crainte fondée de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006.
A ce sujet il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des doits fondamentaux de l’homme, (…) ».
Les demandeurs déclarent en premier lieu avoir quitté leur pays d’origine en raison du caractère répété des intimidations, discriminations et violences psychologiques et morales ainsi que des menaces de mort proférées à leur égard tant dans un passé plus lointain que plus récemment au cours de leur dernier séjour à Pec de mai 2007 à avril 2008. Ils font valoir plus particulièrement que l’accumulation des actes qui auraient été commis à leur égard, dans une atmosphère de tension généralisée, permettrait de les considérer comme actes de persécution au sens de l’article 31 (1) a) et b) de la loi du 5 mai 2006, en faisant plus particulièrement valoir que ces actes constitueraient des atteintes à leur droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ou encore à la liberté de circulation.
Aux termes de l’article 31 (1) b) précité : « les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent : (…) b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ( …) » A la lecture des rapports d’audition et surtout au regard des explications complémentaires fournies en cause dans le cadre de la requête introductive d’instance, le tribunal arrive à la conclusion que les demandeurs se prévalent en l’espèce utilement d’une accumulation d’actes qui leur confère une certaine gravité et s’analyse du fait de cette accumulation en une violation grave de leurs droits fondamentaux, de sorte à justifier d’indices suffisants permettant de rendre plausible qu’en cas de retour dans leur pays d’origine ils soient exposés à un risque réel pour leur personne, sinon pour le moins à un climat de tension intense marqué par une crainte permanente de faire l’objet d’atteintes à leur intégrité physique.
Il ne saurait plus particulièrement être reproché aux demandeurs de ne pas avoir invoqué, de leur propre initiative, les différents événements au cours de leur entretien, voire à leur mandataire de ne pas avoir pris l’initiative de poser des questions afférentes, étant donné qu’il appartient à l’agent qui mène l’entretien et qui est censé disposer des connaissances requises pour mener à bien l’entretien et, plus particulièrement, pour poser les questions dont les réponses permettront de situer la demande introduite quant à son bien-fondé par rapport au différents critères légaux applicables en la matière. Les demandeurs ne sauraient encore se voir reprocher d’avoir apporté des précisions à leur récit en cours d’instance contentieuse, étant donné que ce n’est qu’à travers la décision litigieuse qu’ils ont été confrontés à différents reproches élevés par le ministre à leur encontre et qu’ils ont partant valablement pu se défendre de ces reproches en apportant les précisions qui permettent le cas échéant de relativiser ces différents reproches.
Face au constat ci-avant dégagé que les demandeurs font en l’espèce état d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève en cas de retour dans leur pays d’origine, il reste dès lors à examiner plus en avant si les autorités au Kosovo sont à considérer comme étant capables ou disposées à fournir une protection suffisante aux demandeurs face à des actes provenant d’acteurs non étatiques au sens de l’article 28 c) de la loi du 5 mai 2006.
A cet égard, l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 précitée reconnaît la possibilité pour des personnes persécutées par des acteurs non étatiques d’obtenir une protection internationale si l’Etat ne veut ou ne peut lui accorder une protection, tandis que l’article 29 (2) de la même loi définit la protection comme étant « généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autre lorsqu’il dispose d’un système judiciaire permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection ».
Une protection est dès lors à considérer comme suffisante lorsque les autorités étatiques ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, poursuivre et sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection.
En l’espèce, force est de constater que les demandeurs ont pu utilement s’adresser aux autorités policières du Kosovo et qu’ils ne font pas état d’une quelconque attitude de ces derniers qui serait susceptible d’établir un défaut de volonté de leur accorder une protection ; les raisons avancées dans le contexte des écoutes téléphoniques pour conclure au caractère infructueux des démarches entreprises sont en effet de nature technique et partant indépendantes d’un quelconque motif de persécution au sens de la Convention de Genève. Or l’existence d’une protection effective n’étant pas synonyme d’une garantie de protection absolue, le délégué du gouvernement a en l’espèce valablement pu conclure que les demandeurs restent en défaut de mettre en exergue un défaut de protection caractérisé dans leur chef face au risque auquel ils s’estiment exposés.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé aux demandeurs le statut de réfugié.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef des demandeurs d’un statut de protection subsidiaire, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Le tribunal constate qu’à l’appui de leur demande de protection subsidiaire, les demandeurs invoquent en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de leur demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande en reconnaissance du statut de réfugié, force est de constater que si les risques invoqués par les demandeurs de subir des traitements inhumains ou dégradants de la part de membres de la communauté albanaise du Kosovo paraissent certes réels et avérés, ils ne justifient pas pour autant l’octroi d’un statut de protection subsidiaire, alors que le récit des demandeurs permet d’établir que les autorités policières en place ont été disposées à leur accorder une protection, même si celle-ci, pour des raisons d’ordre essentiellement technique, n’a pas encore pu aboutir à un résultat entièrement satisfaisant. Dans ces conditions les actes invoqués par les demandeurs ne sont dès lors pas à considérer comme des atteintes graves au sens de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006. Plus particulièrement, les demandeurs restent en défaut d’établir qu’en cas de retour au Kosovo, ils risqueraient la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
En l’absence d’autres éléments, que c’est partant à juste titre que le ministre a retenu que les demandeurs n’ont pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courraient le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il leur a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a, au terme de l’analyse de la situation des demandeurs, déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée.
Le recours en réformation est partant à rejeter comme étant non fondé. L’examen de ce recours en réformation ayant été épuisé, il n’y a pas lieu de se prononcer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire par les demandeurs.
2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans une décision statuant sur une demande de protection internationale, le recours en annulation introduit contre pareil ordre contenu dans la décision déférée du 21 octobre 2008 est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.
Les demandeurs soutiennent en premier lieu que si la décision de refus d’octroi du statut de protection internationale encourt la réformation, il faudrait forcément annuler l’ordre de quitter contenu dans cette même décision.
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le tribunal ne ferait pas droit au recours en réformation, ils font valoir que l’ordre de quitter serait quand même à annuler, au motif qu’il violerait l’article 129 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.
Ils soutiennent que l’ordre de quitter le territoire aurait encore été pris en violation de l’article 3 de la CEDH, au regard des mêmes considérations que celles ayant été développées sous l’aspect du volet du recours ayant trait à la réformation de la décision de refus de la protection internationale. Les demandeurs soulignent à cet égard, que ce ne serait pas parce qu’ils seraient déboutés de leur demande de protection internationale qu’ils ne seraient pas exposés à un risque de traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Kosovo. Ils soulignent que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme prendrait en compte des risques de mauvais traitements résultant de facteurs purement objectifs, indépendants des autorités ou des droits internes de l’Etat de destination, en matière d’éloignement des étrangers. Ils concluent que le degré du risque de faire l’objet de mauvais traitements exigé pour obtenir la reconnaissance d’une protection internationale, serait beaucoup plus élevé que celui requis pour interdire l’éloignement de l’étranger vers le pays dans lequel ce risque existe, de sorte que le champ d’application de l’article 3 CEDH serait beaucoup plus large que celui des articles 2 c) et 2 e) de la loi du 5 mai 2006, et que l’on ne saurait automatiquement conclure qu’un demandeur de protection internationale débouté ne puisse pas faire valablement état d’un risque de traitements inhumains et dégradants dans son pays d’origine, qui interdirait son éloignement vers ce pays. Ils font valoir qu’ils auraient établi la réalité de ce risque grâce à un faisceau d’indices constitué par les exactions dont ils auraient déjà été victimes, par les menaces de mort dirigées contre eux et par la situation d’insécurité totale et de très vives tensions politico-ethniques qui règneraient actuellement au Kosovo. Enfin, ils soulignent que l’article 3 CEDH, combiné à l’article 129 de la loi du 29 août 2008 poseraient un principe absolu d’interdiction de refoulement vers un pays où la personne concernée risque de faire l’objet de traitements contraires à l’article 3 CEDH.
La Cour européenne des droits de l’Homme a posé, dans sa décision du 18 janvier 1978 Irlande c/ Royaume-Uni, le principe selon lequel seul un mauvais traitement revêtant un minimum de gravité est à considérer comme acte de torture ou de traitement inhumain et dégradant.
En l’espèce, les demandeurs n’avancent aucun autre élément permettant au tribunal de retenir qu’ils seraient exposés sans protection adéquate à des actes de torture ou des traitements inhumains ou dégradants. Dès lors, la décision contestée ne peut pas être considérée comme étant contraire aux dispositions de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 6 février 2009 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, déclare le recours en réformation non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre la décision ministérielle du 6 février 2009 portant refus d’une protection internationale ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 juillet 2009 par :
Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Arny Schmit s. Paulette Lenert 16