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13/07/2009 | LUXEMBOURG | N°25167

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juillet 2009, 25167


Tribunal administratif N° 25167 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 décembre 2008 1re chambre Audience publique du 13 juillet 2009 Recours formé par Monsieur …, … , et le syndicat des copropriétaires …, contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière d’urbanisme en présence de la société anonyme … S.A., …

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25167 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2008 par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avo

cats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, ainsi que du syndicat des copropri...

Tribunal administratif N° 25167 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 décembre 2008 1re chambre Audience publique du 13 juillet 2009 Recours formé par Monsieur …, … , et le syndicat des copropriétaires …, contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière d’urbanisme en présence de la société anonyme … S.A., …

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25167 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2008 par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, ainsi que du syndicat des copropriétaires …, établi à L-…, représenté par son syndic en fonctions, Monsieur …, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 25 août 2008, accordant à la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-1621 Luxembourg, 3, rue des Genêts, une autorisation de construire un immeuble résidentiel sur un terrain sis à Luxembourg, ..;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 17 décembre 2008 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ainsi qu’à la société anonyme … S.A. ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2008 par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mars 2009 par Maître Christian POINT pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, notifié le même jour à Maître Marc THEWES ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 avril 2009 par Maître Marc THEWES au nom des demandeurs, notifié le même jour à Maître Christian POINT ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mai 2009 par Maître Christian POINT pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, notifié le même jour à Maître Marc THEWES ;

Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pierre GOERENS, en remplacement de Maître Marc THEWES, et Maître Christian POINT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 juillet 2009.

___________________________________________________________________________

Il résulte des explications des parties et des pièces versées en cause que les demandeurs, propriétaires des immeubles sis respectivement au 54 et 50, rue Louis XIV à Luxembourg, sont les voisins immédiats du terrain situé au 52, rue Louis XIV, lequel, classé d'après le plan d'aménagement général (ci-après le «PAG ») de la Ville de Luxembourg en zone d'habitation 3, est destiné à accueillir un immeuble résidentiel.

Il résulte encore des explications des parties qu’un projet initial fut modifié suite à l’intervention des époux … d'une part et de Monsieur … d'autre part et présenté en date du 14 décembre 2007 par le cabinet d'architectes … au nom et pour compte de la société anonyme … S.A. en vue de l’obtention d’une autorisation de bâtir.

Par courrier du 20 juin 2008, la Ville de Luxembourg informa les époux … et Monsieur … qu'elle se proposait de délivrer une autorisation de bâtir.

Par courrier du 5 juillet 2008, ceux-ci présentèrent leurs remarques et objections, auxquelles la Ville de Luxembourg répondit par courrier du 11 septembre 2008 pour également informer les réclamants qu'elle avait délivré le 25 août 2008 une autorisation de bâtir pour le projet en question.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2008, Monsieur … et le syndicat des copropriétaires …, représenté par Monsieur … en sa qualité de syndic, ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la prédite autorisation de construire telle que délivrée par le bourgmestre de la Ville de Luxembourg en date du 25 août 2008.

Quant à la recevabilité :

La société anonyme … S.A., quoique valablement informée de l’introduction du prédit recours par exploit d’huissier du 17 décembre 2008, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse. Nonobstant ce fait, le tribunal statue néanmoins contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

En tout état de cause, aucune disposition légale n’instaure de recours au fond en la matière des autorisations de construire, de sorte que seul un recours en annulation a pu être déposé contre la décision déférée.

Le recours en annulation, à défaut de toute contestation circonstanciée, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond :

Le tribunal, saisi d’un recours en annulation, vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés. Dans ce cadre, il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer au contrôle de sa légalité intrinsèque.

En ce qui concerne la légalité externe de la décision déférée, les demandeurs relèvent que les plans ne seraient pas contresignés par le ou les propriétaires, de sorte à violer l’article 58.2 alinéa 4 du Règlement sur les Bâtisses, ci-après « Rb ».

Ils précisent à ce sujet que le terrain en question n'appartiendrait pas à la société … S.A., qui pourtant aurait signé les plans en qualité de propriétaire, mais à une société …, qui aurait acquis le terrain devant accueillir le projet litigieux des propriétaires initiaux par compromis de vente et qui aurait ensuite cédé ledit compromis à la société … S.A, cette cession étant, aux yeux des demandeurs, ni valable, ni en tout état de cause opposable à la Ville de Luxembourg.

La Ville de Luxembourg, de son côté, expose que la société … S.A. aurait acquis la propriété du terrain aux termes d'un compromis de vente conclu le 24 mai 2007 et qu’un deuxième compromis de vente aurait été signé le 12 juillet 2007 entre cette même société et la société anonyme … S.A. qui a contresigné les plans, cette même société ayant finalement signé l'acte de vente le 8 décembre 2008 par-devant notaire.

Le tribunal est de prime abord amené de constater qu’en l’état actuel du dossier, la qualité de propriétaire de la société anonyme … S.A. semble incontestable ; par ailleurs, si, à la date de la prise de la décision litigieuse, son titre de propriété, consistant en un compromis de vente, pouvait éventuellement donner lieu à discussion, il n’en demeure pas moins que la société anonyme … S.A. disposait à cette date à tout le moins d’une apparence de propriétaire.

Quoiqu’il en soit, il convient de souligner que les dispositions réglementaires régissant la nature et le contenu des plans à déposer à l’appui d’une demande d’autorisation constituent des dispositions qui sont non pas destinées à protéger les intérêts privés et partant susceptibles, aux termes de l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, de justifier en cas de non-

respect, l’annulation d’un acte administratif, mais de simples prescriptions de bonne administration prises dans l’intérêt de la commune appelée à instruire le dossier de demande -

l’obligation de contresigner les plans de construction en particulier répondant à un but de transparence, jouant tant en faveur du propriétaire concerné que de la commune, et dans un but d'efficacité des travaux des autorités communales appelées à statuer1 -, de sorte que ces dernières sont certes en droit d’insister sur le dépôt des pièces en question, au cas où celles-ci feraient défaut, quod non, et, le cas échéant, de suspendre l’instruction du dossier en attendant que le demandeur complète celui-ci, mais que ces manquements ne sauraient justifier un refus définitif du permis de bâtir par le bourgmestre, ni l’annulation de l’acte déféré par les juridictions administratives.

Il convient en effet à ce sujet de rappeler que lors de la délivrance d'une autorisation de construire, le bourgmestre doit se limiter à vérifier la conformité du projet par rapport au plan d'aménagement général et d'autre part par rapport au règlement sur les bâtisses, de sorte qu’une éventuelle non-conformité formelle du dossier de demande par rapport aux 1 Voir trib.adm. 9 décembre 1998, n° 9833 et 10188, Pas. adm. 2008, V° Urbanisme, n° 383, et autres références y citées.

prescriptions du règlement sur les bâtisses ne saurait remettre en cause la légalité du projet de construction, mais tout au plus suspendre l’instruction de la demande2.

Il s’ensuit que ce moyen est à rejeter.

En ce qui concerne la légalité au fond de la décision déférée, les demandeurs font plaider que l’autorisation de construire déférée serait contraire à l'article A.3.4. PAG, étant donné que le projet litigieux comporterait plus de 3 niveaux pleins, alors pourtant qu’aux termes du prédit article, les constructions comprises dans une zone d'habitation 3 ne pourraient comporter plus de trois niveaux pleins.

Les demandeurs relèvent que selon les découpes des plans d'architecte de l'immeuble projeté, la construction aurait quatre niveaux pleins, à savoir un rez-de-chaussée, suivi de trois autres niveaux pleins, nonobstant le fait que sur les plans d'architecte le rez-de-chaussée serait parfois appelé « sous-sol », cet étage constituant en réalité un rez-de-chaussée, étant entendu que le plan d'architecte montrerait que du côté de la voirie publique son niveau correspond à la côte de l'axe de la voie desservante, qu'il accueille l'entrée principale de l'immeuble et qu'il a une hauteur supérieure à 2,50 mètres.

Les demandeurs estiment par ailleurs qu’aucune dérogation ne serait applicable en l'espèce, ni l’article A.3.4.a) alinéa 2 PAG, ni l'article A.0.14 a) PAG ne pouvant être appliqués au projet litigieux.

La Ville fait rétorquer qu’au contraire l’immeuble projeté ne comporterait que trois étages pleins au regard des textes, mais qu’il aurait été fait usage de la possibilité de dérogation prévue à l'alinéa 2) de l'article A.3.4.a) PAG, de sorte que l'accès à l'immeuble ne serait pas considéré comme premier niveau plein, la justification du recours à la possibilité de dérogation résidant dans l’impossibilité d’aménager les emplacements de stationnement en sous-sol pour des raisons topographiques, ces dernières consistant en, d’une part, le recul accusé sur la voie desservante de seulement 5,90 mètres et, d’autre part, la contrainte de déclivité de 15 % imposée aux pentes d'accès au garage. En d’autres termes, comme les garages ne pourraient pas se situer en-dessous du niveau de l'axe de la voie desservante, l'accès à l'immeuble ne désignerait alors pas le premier niveau plein.

En effet, la Ville, en application de ces dispositions combinées, en déduit que le premier niveau plein serait donc le niveau désigné comme étage 1) en coupe A figurant sur les plans désignés sous l'intitulé « Etage 3, combles, greniers, façade et coupes », tout en relevant que le niveau où se ferait l'accès à l'immeuble serait destiné à accueillir les emplacements de stationnement et un espace destiné au fitness et au jacuzzi, de sorte à devoir être appréhendé comme une cave et non comme un espace principal de logement.

Les demandeurs s’opposent cependant à cette argumentation en relevant qu’à aucun moment de la procédure d'autorisation, la Ville n’aurait fait mention de raisons topographiques dûment constatées permettant une dérogation, de sorte que la Ville ne saurait, postérieurement à l'octroi de l'autorisation de bâtir, se baser sur des considérations qui n'auraient ni été retenues dans la phase antérieure à l'octroi de l'autorisation, ni indiquées dans 2 Trib. adm. 10 juillet 2006, n° 20977, Pas. adm. 2008, V° Urbanisme, n° 384 et 385, ainsi que tout récemment trib. adm .11 mai 2009, n° 24323, www.ja.etat.lu.

l'autorisation même. Ils estiment que la simple explication après l'octroi de l'autorisation selon laquelle la déclivité maximale ne permettait pas l'accès au sous-sol, ne pourrait pas constituer une telle constatation justifiant une dérogation.

Les parties demanderesses considèrent par ailleurs que les conditions permettant une telle dérogation ne seraient matériellement pas remplies, la dérogation ne pouvant pas être accordée si la réalisation des garages au rez-de-chaussée est simplement une préférence de l'architecte ou du constructeur. Or, à cet égard, il ne résulterait d'aucun élément concret du dossier, tel que par exemple une étude technique, qu'une construction accusant un recul de 5,90 mètres ne puisse avoir un accès au sous-sol en ayant une pente d'accès d'une déclivité de 15%.

Les demandeurs soulignent encore que la société … aurait, en tout état de cause, trouvé, par le biais du système de « parklift », un moyen permettant néanmoins d'accéder aux garages du sous-sol, de sorte que les prétendues raisons topographiques et techniques censées justifier la dérogation ne seraient manifestement pas insurmontables. Ils en concluent que si le promoteur … S.A. entendait faire usage de la dérogation de l'article A.3.4. a) PAG, il devrait renoncer à son projet de réaliser un garage souterrain en-dessous du niveau de la rue et accessible par un système mécanique ; en revanche, s’il entendait maintenir cette solution, il devrait réduire la hauteur de l’immeuble d'un étage.

Il est constant en cause que l’immeuble projeté est situé en zone d’habitation 3, régie notamment par l'article A.3.4.a) PAG aux termes duquel « les constructions comprises dans une zone d'habitation 3 ne peuvent comporter plus de 3 niveaux pleins », les niveaux pleins étant définis à l'article A.0.3. a), alinéa 2 PAG comme suit : « Seront considérés comme niveaux pleins, les étages situés entre le niveau de la voie desservante et la ligne située à l'intersection du plan du toit et du plan de la façade donnant sur rue et ayant une hauteur libre sous plafond d'au moins deux mètres et demi. » En l’espèce, le tribunal constate à l’étude des plans versés en cause que le projet litigieux consiste en un immeuble comportant un sous-sol, un rez-de-chaussée, trois étages, un étage en retrait intitulé « combles » ainsi qu’un grenier, ainsi qualifié.

En application de l'article A.0.3. a), alinéa 2 PAG, l’étage intitulé « sous-sol » de l’immeuble donnant rue Louis XIV n’est pas à considérer comme « niveau plein », puisqu’il est situé en-dessous de la voie desservante qu’est la rue Louis XIV. Quant à l’étage en retrait qualifié de « combles », il y a lieu de renvoyer à l'article A.0.4 g) PAG qui opère une distinction entre « niveau plein » et « étage en retrait », un étage en retrait devant par définition se situer au-dessus du dernier niveau plein, de sorte à exclure qu’un étage en retrait puisse constituer un tel niveau plein. D’ailleurs l’adjonction du terme « plein » à « étage » indique que celui-ci porte sur toute la surface de l’immeuble, tandis que l’étage « en retrait » indique que celui-ci accuse un « retrait » par rapport à cette même surface.

La même conclusion s’impose en ce qui concerne le niveau qualifié de « grenier », situé au-dessus de la ligne formée par l'intersection du plan du toit et du plan de la façade donnant sur rue hauteur libre.

En application des ces dispositions, l’immeuble projeté comporterait par conséquent 4 niveaux pleins, en ce compris l’étage qualifié de « rez-de-chaussée ».

La Ville entend cependant se prévaloir à cet égard de la possibilité de dérogation inscrite à l'alinéa 2 de l'article A.3.4 a) PAG, aux termes duquel « Dans le cas où pour des raisons topographiques ou techniques dûment constatées, les garages ne peuvent se situer en-dessous du niveau de l'axe de la voie desservante, l'accès à l'immeuble n'est pas considéré comme premier niveau plein », les raisons topographiques ou techniques résidant dans le fait qu’à cause de la distance de 5,90 mètres entre la rue desservante et la façade et l’obligation de ne pas dépasser une pente de 15 % en ce qui concerne la rampe d’accès du garage, il serait impossible d’aménager un garage en sous-sol.

Il convient de prime abord de relever que du point de la recevabilité, respectivement de l’opposabilité de cette justification en cours de procédure contentieuse, les arguments afférents des parties demanderesses, basés sur le constat que ni l’autorisation de bâtir déférée ni les documents de la procédure ayant mené à l’octroi de cette autorisation n’indiqueraient ces motifs, ne seraient, à les supposer fondés, en tout état de cause qu’applicables aux cas de figure où une motivation formelle de la décision serait obligatoire.

Force est cependant de constater qu’aucune disposition légale ne contient de prescription relative à la forme que doit revêtir une autorisation de bâtir, la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain notamment, et son article 37 en particulier, étant muets quant la forme à respecter par les autorisations de bâtir. Cependant, l’absence de prescription spécifique au droit de l’urbanisme ne disculpe pas une autorisation de bâtir, décision administrative, de respecter le formalisme de droit commun auquel est soumis l’édiction des actes administratifs en général. Or à cet égard, la seule condition de forme à laquelle est soumise un acte administratif écrit est celle d’être signé par son auteur3 4 ou, le cas échéant, par celui qui a régulièrement reçu une délégation de signature, cette obligation constituant une formalité substantielle puisque la signature atteste l’exercice d’une compétence, formalité dont le respect n’est en l’espèce ni contesté, ni, au vu de la signature figurant sur la décision, contestable.

Quant à l’obligation de motivation mise ainsi indirectement en avant par les parties demanderesses, en ce sens qu’une telle obligation empêcherait la production ultérieure, en cours de procédure contentieuse, des motifs gisant à la base d’une décision si celle-ci ne les avait pas indiqué ab initio, il y a lieu de rappeler qu’une telle obligation, inscrite à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, n’a pas une portée générale, mais s’impose seulement aux décisions qui refusent de faire droit à la demande de l´intéressé, révoquent ou modifient une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l´intéressé et qu´elle y fait droit, interviennent sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle ou encore interviennent après procédure consultative, lorsqu´elle diffère de l´avis émis par l´organisme consultatif ou lorsqu´elles accordent une dérogation à une règle générale.

Or il n’appert ni des éléments du dossier, ni des moyens des parties demanderesses que la décision déférée s’inscrirait dans ce cadre déterminé, l’autorisation de bâtir litigieuse constituant au contraire une décision faisant droit à la demande de son destinataire, pour laquelle l'indication formelle des motifs n'est pas requise, obligation à ne pas confondre avec celle relative à l’existence de motifs légaux, cette question-là ne relevant pas de la régularité formelle d’une décision, mais de sa légalité intrinsèque.

3 TA, Marseille, 27 avril 1966, Choux, AJDA, 1966, 517, note Guérin.

4 Voir R. Chapus, Droit administratif général, T.1, 12 éd., 1998, n° 1317.

En ce qui concerne cette légalité intrinsèque, le tribunal reconnaît, sur base des calculs présentés par la Ville5, l’impossibilité alléguée, la pente maximale imposée ne permettant pas, compte tenu du recul limité par rapport à la voie desservante, la réalisation en sous-sol d’un garage normalement accessible, de sorte à pouvoir admettre les raisons topographiques ou techniques mises en avant par la Ville.

Il y a cependant lieu de rappeler que les règles de preuve en matière administrative font porter l’essentiel du fardeau de la preuve au demandeur, lorsqu’il reproche à l’autorité administrative d’avoir détourné ou abusé de ses pouvoirs6 : en l’espèce, il s’avère non seulement que les demandeurs, hormis de maintenir leurs contestations afférentes, n’énervent pas d’une quelconque manière les explications chiffrées produites par la Ville, mais encore qu’ils restent en défaut d’établir que le sous-sol ait néanmoins été directement accessible par la voie publique à des véhicules, le tribunal n’étant, pour sa part, pas à même d’étudier de sa propre initiative la faisabilité d’aménager un tel accès pour véhicules par d’autres moyens.

Il convient à ce sujet encore de constater que contrairement aux affirmations des demandeurs, aucun garage souterrain n’a été aménagé en sous-sol ou encore « enfoui à quelque 3 mètres en-dessous du niveau de la rue », le « park-lift » ne constituant pas, d’après les renseignements techniques versés en cause, un ascenseur permettant aux véhicules d’accéder au sous-sol, mais un système de stationnement indépendant comportant quatre emplacements de stationnement repartis sur deux plate-formes s’abaissant ou montant en fonction des besoins, de sorte à permettre alternativement à chaque plate-forme de se positionner face à la porte de garage, ledit système exigeant pour son installation une hauteur totale de 5,45 mètres, de sorte à empiéter tant sur une partie du sous-sol que sur une partie du rez-de-chaussée.

Il aurait certes été concevable d’aménager l’intégralité des emplacements de parking au rez-de-chaussée, de sorte à se passer du système de stationnement : une telle solution, si elle a pour mérite de s’inscrire à l’exclusion de toute discussion dans le cadre de l'alinéa 2 de l'article A.3.4 a) PAG - les garages étant entièrement installés au-dessus du niveau de la voie desservante - ne changerait cependant rien à la configuration actuelle du projet, en ce sens qu’elle permettrait toujours de ne pas considérer l'accès à l'immeuble comme premier niveau plein, tout en laissant subsister le sous-sol, de sorte que cette solution, préconisée par les demandeurs7, ne changerait rien au nombre d’étages, à la hauteur de l’immeuble et finalement à leur situation de voisins.

Il s’agit dès lors d’un choix architectural entre deux solutions comportant, en ce qui concerne l’immeuble, un même nombre d’étages et une même hauteur ainsi qu’un nombre identique d’emplacements de stationnement, la différence entre les deux solutions résidant au niveau de la seule configuration des deux étages concernés, la solution préconisée par les demandeurs (cave, rez-de-chaussée avec garages, surmonté de trois étages d’habitation) libérant entièrement la cave au détriment du rez-de-chaussée qui serait a priori presque entièrement accaparé par les 4 emplacements de parking, tandis que celle retenue par le 5 Voir page 2 du mémoire en duplique : « La différence de niveau entre la rue et le sous-sol se calcule ainsi :

(Recul sur la voie desservante : 5,90 m) x 15/100 =0,885 mètres. Il est manifeste qu’une hauteur de 0,885 mètres ne permet pas d’y réaliser des garages en sous-sol) » 6 Trib. Adm. 20 juin 2005, n° 18790, Pas. adm. 2008, V° Procédure contentieuse, n° 518, et autres références y citées.

7 Voir page 6, premier alinéa de leur mémoire en réplique.

promoteur répartit les emplacements de parking et l’installation technique afférente sur deux étages, de sorte à libérer une partie du rez-de-chaussée pour d’autres fins, tout en disposant encore d’une partie du sous-sol.

Il y a lieu de souligner qu’un tel choix architectural, à défaut de toute manifeste disproportion, échappe cependant au contrôle du tribunal ; le fait que ce choix ait également pour conséquence de permettre au promoteur d’installer encore au rez-de-chaussée un espace-détente comportant un jacuzzi et un sauna, de sorte à profiter de l’espace disponible, n’est à cet égard ni pertinent, ni déterminant, étant souligné par ailleurs que la réglementation urbanistique consistant, pour le propriétaire des terrains, en une limitation de l’usage de son droit de propriété, lequel droit non seulement se trouve constitutionnellement garanti (article 16), mais encore jouit de la protection conférée par l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales fait à Paris le 20 mars 1952 approuvé par la loi du 29 août 1953, de sorte que dans la mesure où les dispositions d’une réglementation d’urbanisme limitent l’usage du droit de propriété, elles sont d’interprétation stricte8 : en d’autres termes, il appartient en tout état de cause au bourgmestre de veiller, dans le cadre de l’application des règles urbanistiques, à ce que leur application engendre le moins d’atteintes possibles au droit de propriété de la personne concernée.

Il s’ensuit que ce moyen est à rejeter en son intégralité.

Les demandeurs s’emparent ensuite de l’article 17 Rb qui subordonne l'octroi d'une autorisation de bâtir pour une construction nouvelle à la condition qu'un nombre déterminé d'emplacements de stationnement pour véhicules soit aménagé sur la propriété même pour affirmer que le projet litigieux ne disposerait pas d'emplacements d'accès permanent et facile.

Ils estiment en effet à ce sujet que l’installation de parking projetée, consistant en un « parking ascenseur » accessible par une petite rampe à partir de la voie desservante ne saurait être qualifiée d'emplacements dont l'accès est permanent, l’accès prévu ne permettant en effet que d'accéder de façon discontinue aux emplacements, en raison de l'emplacement de l'ascenseur, qui devrait changer de position pour permettre l'accès aux autres utilisateurs du parking., de sorte qu’il serait impossible de sortir ou de rentrer toutes les voitures en même temps dans le parking, mais uniquement à tour de rôle.

Si l’article 17 Rb qui subordonne l'octroi d'une autorisation de bâtir pour une construction nouvelle à la condition qu'un nombre déterminé d'emplacements de stationnement pour véhicules soit aménagé sur la propriété même précise, en fonction de divers critères, le nombre d’emplacements à aménager - question qui n’est en l’espèce pas litigieuse - il ne fournit aucune définition de la notion d’ « emplacement de stationnement », de sorte que tout endroit susceptible d’accueillir matériellement un véhicule doit être considéré comme répondant à cette notion, à condition, en conformité avec l’article 17.3 Rb, d’avoir une dimension de 2,30 sur 5 mètres et que l’accès à la voie publique soit « facile et permanent (…) tenant compte des impératifs de sécurité de la circulation ».

Or en l’espèce, le tribunal constate que le système de stationnement prévu, comportant, comme relevé ci-avant deux plate-formes accueillant chacune deux voitures, permet à l’accès simultané de deux véhicules aux places de stationnement, les deux autres véhicules devant attendre l’abaissement, respectivement la remontée de leur plate-forme pour 8 Cour adm., 26 janvier 2006, n° 20285C, Pas. adm. 2008, V° Droits de l’homme, n° 27.

pouvoir accéder à leur emplacement de stationnement respectif : dès lors, si l’accès n’est pas immédiat, il n’en demeure pas moins qu’il est permanent, le seul fait qu’il y ait un temps d’attente ne compromettant pas la permanence de l’accès, au même titre qu’une porte de garage manuelle ou encore une rampe d’accès ne permettant que l’entrée ou la sortie d’une voiture à la fois et impliquant pour les usagers d’un garage un temps d’attente, ne sauraient se voir dénier la qualité d’accès permanent, la notion de « permanent » devant dans ce contexte s’interpréter comme l’opposé de « provisoire ».

Il s’ensuit que le moyen afférent est rejeter.

Les demandeurs affirment finalement que l'immeuble projeté tel qu'autorisé par la Ville risquerait de causer des dommages importants aux immeubles dont ils sont propriétaires, et notamment à cause de la consistance du sol et à l’importance des travaux d’excavation.

Ils s’emparent en conséquence de l’article 53 Rb et, affirmant avoir exigé le recours à des bureaux spécialisés dans leur courrier du 5 juillet 2008, considèrent que la Ville aurait dû inclure une telle obligation dans l'autorisation de bâtir, de sorte qu’à défaut de s’être conformée à leur demande, l’autorisation devrait encourir l’annulation.

Les demandeurs exposent encore avoir demandé à la Ville de Luxembourg qu'un bureau d'ingénieur soit saisi de la question et que par exemple des études géotechniques, telles que prévues par l'article 58.4 Rb soient ordonnées. La Ville n’ayant pas donné de suites à cette demande, l’autorisation déférée devrait encourir l’annulation.

L'article 53 Rb impose au propriétaire et à l'entrepreneur une obligation « de prendre toutes les dispositions nécessaires pour protéger les personnes et les biens, aussi bien sur les terrains ou immeubles concernés que sur les terrains voisins, contre tout dégâts pouvant résulter de l'exécution des travaux », le même article imposant au propriétaire et à l'entrepreneur d’avoir recours, « si la situation, le caractère ou la configuration des terrains ou immeubles concernés ou voisins l'exigent au concours de bureaux spécialisés ».

Force est de constater, outre que ladite disposition ne prévoit pas le droit des voisins d’exiger le concours de bureaux spécialisés, que le terme « voisin » ne visant en tant qu’adjectif que la configuration des immeubles voisins, que l’article 53 Rb invoqué ne concerne pas l’autorisation d’un projet, mais sa réalisation, de sorte à ne pas rentrer dans le cadre du présent litige. Par ailleurs, encore que l’autorisation déférée n’ait pas explicitement imposé au promoteur le respect de la disposition en question, celle-ci, conformément à son dernier alinéa « s’applique même lorsque cette nécessité n’a pas été identifiée au stade de l’autorisation de construire ».

Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.

Quant à l’article 58.4 Rb celui-ci prévoit que « pour toutes les constructions (….) sur des terrains ou sur des immeubles dont la situation, le caractère ou la configuration exigent que des mesures spéciales soient prises par le maître de l'ouvrage afin de prévenir le risque de dommages pour les personnes, l'immeuble ou même les immeubles voisins, des documents supplémentaires, tels que études géotechniques, hydrogéologiques, de prévention d'incendie ou autres, à élaborer par des bureaux spécialisés, peuvent être exigés ».

Il ne s’agit dès lors pas d’une obligation à charge du bourgmestre, mais d’une possibilité lui offerte de demander des études supplémentaires, lorsque la situation, le caractère et la configuration de la parcelle l’imposent : il s’agit par conséquent d’une question d’opportunité technique qui échappe en principe au contrôle du juge de l’annulation qui, toutefois, garde un droit et un devoir de contrôle portant sur l’existence du motif de refus concernerait-il même une décision discrétionnaire, ainsi que par rapport au caractère proportionnel de la décision par rapport aux faits établis, ce pouvoir de contrôle étant toutefois limité aux cas exceptionnels où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par cette autorité, le pouvoir de contrôle du juge de l’annulation ne pouvant avoir pour but de priver l’autorité, qui doit assumer la responsabilité politique - et le cas échéant civile, voire pénale - de la décision, de son pouvoir d’appréciation sur la nature et la gravité de la mesure qu’il lui incombe de prendre, si celle-ci est par ailleurs légale et n’est pas sujette à un recours en réformation.

Or en l’espèce, il convient de relever, à l’instar de la Ville, que la seule affirmation faite par les demandeurs de craintes vagues et générales, affirmation de surcroît non étayée matériellement, ne suffit pas à démontrer l’impérieuse nécessité de devoir recourir à de telles études et n’est dès lors pas de nature à mettre en cause l’exercice du pouvoir discrétionnaire du bourgmestre.

Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours formé par les demandeurs est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Il n’y a pas non plus lieu de faire droit à la demande en déclaration de jugement commun à la société … S.A., une telle demande, propre à la procédure civile, étant inutile en contentieux administratif, où l’opposabilité d’un jugement résulte de la seule mise en intervention de la partie tierce-intéressée visée par le biais de la signification de la requête.

Les demandeurs réclament encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000.- €, demande qui, au vu de l’issue du litige, est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation recevable en la forme ;

le déclare cependant non fondé et en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par les parties demanderesses comme étant non fondée ;

condamne les parties demanderesses aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 juillet 2009 par :

Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, premier juge, Thessy Kuborn, juge en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Paulette Lenert 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 25167
Date de la décision : 13/07/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-07-13;25167 ?

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