Tribunal administratif N° 23836 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 décembre 2007 2e chambre Audience publique du 13 juillet 2009 Recours formé par Madame …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
_____________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 23836 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2007 par Maître Arsène Kronshagen, avocat à la Cour, assisté de Maître Dominique Devillers, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, pensionnée, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 19 septembre 2007 (no C 13980 du rôle) ayant rejeté comme non fondée sa réclamation introduite contre le bulletin de l'impôt sur le revenu pour l’année 2005, émis en date du 28 mars 2007 par le bureau d'imposition Capellen ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2008 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 avril 2008 par Maître Arsène Kronshagen, assisté de Maître Dominique Devillers, pour compte de la demanderesse ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Dominique Devillers et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 juin 2008 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 15 octobre 2008 prononçant la rupture du délibéré afin de permettre aux parties de prendre position, dans les délais fixés par lui, par un mémoire supplémentaire, sur une question soulevée d’office par le tribunal ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2008 par Maître Arsène Kronshagen, assisté de Maître Dominique Devillers, pour compte de la demanderesse ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 17 décembre 2008 par le délégué du gouvernement ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Dominique Devillers et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 janvier 2009.
_____________________________________________________________________
En date du 28 mars 2007, le bureau d'imposition Capellen de la section personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé le « bureau d’imposition », émit à l’encontre de Madame … un bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques pour l’année 2005 qui retient un revenu imposable de 502.695,66 euros et qui fixe à son égard une cote d’impôt de 83.054 euros. Ledit bulletin renseigne notamment des revenus extraordinaires imposables à un taux spécial de 442.565,90 euros et un impôt sur revenus extraordinaires de 76.535 euros.
Contre ledit bulletin, Madame … introduisit, par lettre du 28 juin 2007, auprès du directeur de l’administration des Contributions, ci-après dénommé « le directeur », une réclamation par laquelle elle critiquait l’imposition d’une partie de la pension complémentaire de survie, soit le montant de 445.062,58 euros, qui lui avait été versée en 2005 par l’ancien employeur de son époux après le décès de son époux survenu en 2004.
Par une décision du 19 septembre 2007 (n° C 13980 du rôle), le directeur rejeta cette réclamation comme non fondée au terme de la motivation suivante :
« Vu la requête introduite le 29 juin 2007 par la dame …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l'impôt sur le revenu des personnes physiques de l'année 2005, émis le 28 mars 2007 ;
Vu le dossier fiscal, Vu les § 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit dans les forme et délai de la loi ; qu’elle est partant recevable ;
Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition d'avoir imposé une partie de la pension complémentaire de survie versée par l'ancien employeur de son époux ;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, la loi d'impôt étant d'ordre public;
qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-fondé, qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique;
Considérant que le principe fondamental introduit par la loi du 8 juin 1999 relative aux régimes complémentaires de pension (ci-après L.C.R.P.) repose sur l'imposition des avantages de pension complémentaire à l'entrée du plan, et que ce n'est que sous cette condition que les prestations de pension complémentaire sont susceptibles de bénéficier de l'exemption fiscale à la sortie ;
Considérant, d'une part, que les employeurs ayant pris des engagements dans un régime interne de pension complémentaire avant l'entrée en vigueur de la L.C.R.P., engagements qui n'étaient pas passibles d'impôt à l'époque, ne sont pas obligés à imposer ceux-ci ;
Considérant toutefois, d'autre part, que l'exemption de l'article 115, no 17a de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu (ci-après L.I.R.) n'établit pas une exemption générale de fait, mais conditionnelle, sous la réserve donc d'une imposition des droits constitutifs des prestations ;
qu'il en découle sans équivoque que les prestations versées par un régime interne ne sont pas exemptées fiscalement si les dotations auxquelles elles se rapportent n'ont pas été passibles de l'impôt ;
Considérant que, le cas échéant, la prestation doit être ventilée suivant la nature du financement en une partie exemptée, qui se rattache aux contributions ayant fait l'objet d'une imposition à l'entrée du plan, et une partie imposable, se rattachant à la partie constitutive de la pension n'ayant pas été soumise à l'impôt ;
qu'il échet à ce titre de rappeler que c'est l'Inspection générale de la Sécurité Sociale qui procède à ladite ventilation pour établir un certificat liant le bureau d'imposition compétent ;
Considérant que le cas de l'imposition d'une partie des prestations, comme en l'espèce, voire de la totalité de celles-ci, se présente en pratique en fonction des seules modalités d'après lesquelles les différents régimes de pension complémentaire antérieurs à l'année 2000 se sont mis en conformité, ou non, avec les prescrits de la L.C.R.P ;
qu'il en résulte que le cas de figure de l'imposition litigieuse de la réclamante n'est, contrairement à ses incriminations, ni unique ou vexatoire, ni contraire aux lois, car prévue par celles-ci ;
Considérant à titre accessoire qu'il incombe au Directeur des Contributions de statuer, en tant qu'administrateur, sur la base du droit, sans qu'il ne lui appartienne de se prononcer sur le bien-fondé des lois voire sur leur conformité à la Constitution ;
Considérant cependant que la réclamante invoque l'iniquité de son imposition par voie d'assiette, alors qu'une retenue d'impôt, notamment de l’ordre de 20 pour cent, des droits à l'entrée du plan lui aurait paru plus juste, nonobstant la conséquence de la prestation d'autant réduite ;
Considérant que l'argument laisse d'être fondé, car par une application correcte des dispositions y prévues des articles 131 et 132 L.I.R., le taux d'imposition réel des prestations non exemptes de la réclamante est de 17,71 pour cent, y compris la contribution au fonds pour l'emploi ;
Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas contestée;
Par ces motifs reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée ».
Par requête déposée le 18 décembre 2007 au greffe du tribunal administratif, Madame … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale précitée du 19 septembre 2007.
Il résulte de la lecture combinée des dispositions du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif que le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable.
A l’appui de son recours, la demanderesse fait exposer que son défunt mari, Monsieur Dirk …, aurait été employé par la société HSBC Republic Bank (Luxembourg) S.A., ci-après dénommée la « banque HSBC », laquelle aurait mis en place en 1988 un régime complémentaire de pension prévoyant des prestations en cas de retraite, d’invalidité et de décès au profit de ses salariés, régime qui, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 8 juin 1999 relative aux régimes complémentaires de pension, ci-après dénommée « LRCP », aurait été mis en conformité avec les dispositions de ladite loi. Comme la LRCP exigerait de l’employeur, en matière de prestations de décès et d’invalidité, de souscrire une assurance de groupe, la banque HSBC aurait confié l’assurance obligatoire des risques décès et invalidité à la compagnie d’assurance Zurich. Au vu du résultat des formalités médicales auxquelles son défunt époux aurait dû se soumettre, la compagnie d’assurance Zurich n’aurait toutefois accepté de l’assurer qu’à concurrence de la moitié de l’engagement de pension pris par la banque HSBC et moyennant une surprime de 200 %, l’autre partie de l’engagement étant restée non assurée. La demanderesse explique que, conformément à l’article 40 de la LRCP, la partie assurée du risque aurait fait l’objet d’émissions par la compagnie d’assurance Zurich de primes d’assurance, lesquelles auraient fait l’objet d’une imposition liquidée directement par l’employeur, imposition dite « à l’entrée », de sorte qu’elle n’aurait plus eu à payer d’impôt « à la sortie » sur la partie de la prestation qui lui a été versée vers la fin de l’année 2004 après le décès de son mari survenu la même année. Cependant, au cours du mois de janvier 2005, elle se serait vu verser la somme de 445.062,58 euros au titre de la partie non assurée de la pension complémentaire de survie de son époux. Or, l’absence de paiement de primes d’assurance pour cette partie du risque aurait entraîné l’absence d’impôt sur ces primes, de sorte que l’administration des Contributions aurait cru pouvoir imposer cette partie de la prestation à la sortie.
En droit, la demanderesse expose tout d’abord que le législateur aurait opté pour une imposition à l’entrée des contributions à un régime complémentaire de pension, en raison de la présence de nombreux salariés non résidents au Grand-Duché de Luxembourg, afin d’éviter que des recettes fiscales soient perdues à la sortie, c’est-
à -dire lors du paiement des prestations de pension à l’affilié ou à ses ayants droit.
Comme corollaire de l’imposition à l’entrée, les prestations à la sortie seraient exemptées d’impôt, conformément aux termes de l’article 115 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (LIR), tel que modifié par l’article 39 de la LRCP. La demanderesse estime toutefois que cette « vue étriquée et simpliste des choses » ne permettrait pas de tenir compte de certaines situations particulières, comme notamment celle de son défunt mari.
Elle soutient en premier lieu qu’une telle interprétation restrictive de la LRCP ne serait pas conforme à la Constitution, en ce qu’elle aboutirait à une violation des principes d’égalité devant la loi et devant l’impôt, tels que consacrés par les articles 10bis et 101 de la Constitution, dans la mesure où les prestations de survie perçues lors du décès d’un affilié à un régime complémentaire de pension qui, en raison de son état de santé satisfaisant, a pu être assuré, seraient exonérées d’impôt, tandis que les mêmes prestations de survie, dès lors qu’elles seraient perçues par un affilié inassurable en raison de son état de santé déficient, seraient imposables dans le chef du bénéficiaire. Elle estime qu’une telle discrimination fondée sur la maladie serait contraire à l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La demanderesse soutient ensuite que l’administration fiscale, en procédant dans son chef à une imposition à la sortie, aurait procédé à une lecture erronée de la LRCP, contraire à son esprit, alors qu’il ressortirait des travaux parlementaires à la base de ladite loi que le législateur aurait voulu créer un cadre légal et fiscal favorable aux régimes complémentaires de pension. Elle reproche également au directeur de ne pas avoir répondu à sa proposition de limiter sa dette d’impôt à un prélèvement de 20% sur les primes théoriques, lesquelles auraient dû assurer la partie de la prestation qui fait l’objet de l’imposition litigieuse. Elle critique encore le fait que l’Etat s’enrichisse au-delà des attentes déterminées par le législateur dans la mesure où, si son époux avait été en bonne santé, l’Etat aurait dû se contenter de l’impôt de 20 % sur les primes d’assurance, soit un impôt de 2.278 euros, au lieu de l’impôt de 80.000 euros lui actuellement réclamé.
Elle soulève ensuite le moyen tiré d’une violation du principe de la légalité de l’impôt, au motif que la loi ne prévoirait pas que la prestation devrait être imposée dans les cas où il n’y a pas eu de versements constitutifs. En outre, elle reproche à l’administration d’avoir fait application en l’espèce des articles 131 et 132 LIR, alors que le régime mis en place par la banque HSBC serait régi par la LRCP, laquelle serait incompatible avec l’application de ces articles. En la soumettant à l’application des articles 131 et 132 LIR, l’administration ajouterait au mode d’imposition voulu par la LRCP un mode d’imposition concurrent non voulu par le législateur. Or, pareille démarche serait contraire au principe constitutionnel de la sécurité juridique et au principe de la légalité de l’impôt.
La demanderesse reproche également au directeur d’avoir retenu dans sa décision litigieuse que les dotations payées par l’employeur à l’assureur seraient amputées d’une retenue d’impôt de 20 %, alors qu’en réalité, l’impôt de 20 % serait payé en plus de la prime par l’employeur directement à l’Etat, de sorte que, et ce contrairement à ce qui serait soutenu par le directeur, l’impôt ne réduirait pas la prestation. Elle fait valoir que l’impôt lui réclamé serait d’autant plus injuste que la prestation versée aurait déjà été réduite une première fois lors de la mise en conformité du régime complémentaire de pension avec les dispositions de la LRCP, précisément afin de tenir compte du fait qu’elle serait versée nette d’impôts.
Par ailleurs, et contrairement à ce qui serait affirmé par le directeur, le certificat émis par l’Inspection générale de la Sécurité sociale, ci-après dénommée « IGSS », ne distinguerait pas entre une partie exemptée et une partie imposable de la prestation et qu’il ne lierait pas l’administration fiscale. Elle explique qu’avant l’entrée en vigueur de la LRCP, les pensions complémentaires auraient été versées brutes aux bénéficiaires et qu’elles auraient été passibles d’impôt dans leur chef.
Depuis le 1er janvier 2000, en matière de prestations de décès et d’invalidité, la LRCP imposerait à l’employeur, dont le régime est agréé par l’IGSS, de souscrire à une assurance de groupe ou à une assurance dite « spécifique ». Les primes d’assurance versées à l’assureur seraient passibles d’un impôt, de sorte que la prestation serait versée au bénéficiaire nette d’impôt. Dans le cas d’un employeur qui poursuit après le 1er janvier 2000 un engagement dans le cadre d’un régime complémentaire de pension à l’égard de ses employés mis en place avant le 1er janvier 2000, l’IGSS procèderait à une ventilation entre, d’une part, la partie de la prestation qui a été financée avant le 1er janvier 2000 sans qu’un impôt ait été payé sur les primes et, d’autre part, la partie de la prestation qui a été financée après le 1er janvier 2000 moyennant des primes d’assurance soumises à l’impôt libératoire pour le bénéficiaire de la prestation.
Toutefois, la ventilation ainsi opérée par l’IGSS porterait uniquement sur le volet retraite et non pas sur le volet décès.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement expose que la partie du capital décès non assurée par la compagnie d’assurance Zurich en raison des problèmes de santé de Monsieur … aurait été réglée à la demanderesse directement par la banque HSBC en vertu d’une promesse individuelle et personnelle faite envers Monsieur …, laquelle tiendrait compte du refus de la compagnie d’assurance Zurich de prendre en charge l’intégralité du risque décès. Il s’ensuivrait que la prestation litigieuse versée par la banque HSBC ne serait pas conforme à l’article 3 (2) de la LRCP et ne constituerait pas une prestation versée dans le cadre d’un régime complémentaire de pension au sens de la LRCP, de sorte que les règles fiscales de droit commun devraient trouver application en l’espèce et notamment l’article 96 LIR.
Il précise encore que la société Esofac, l’actuaire-conseil de la banque HSBC, dans son courrier du 20 octobre 2006, serait parvenue à la même conclusion.
En ordre subsidiaire, et pour le cas où le tribunal devrait retenir que la prestation de pension litigieuse tombe dans les prévisions de la LRCP, le délégué du gouvernement fait valoir que le principe fondamental introduit par la LRCP reposerait sur l’imposition des avantages de pension complémentaire à l’entrée du plan et que ce ne serait que sous cette condition que les prestations de pension complémentaire seraient susceptibles de bénéficier de l’exemption fiscale à la sortie du plan. Ainsi, l’article 115, numéro 17a LIR établirait une exemption conditionnelle, c’est-à -dire sous la réserve d’une imposition des droits constitutifs des prestations de pension complémentaire. L’IGSS procéderait à la ventilation des prestations suivant la nature du financement en une partie exemptée et une partie imposable et établirait un certificat qui lierait le bureau d’imposition. En l’absence de toute imposition « à l’entrée », notamment au moment de la constitution du droit à l’obtention de la deuxième moitié du capital par la banque HSBC au profit de Monsieur …, le bureau d’imposition aurait fait une application correcte des dispositions de la LRCP en imposant la prestation litigieuse.
Le délégué du gouvernement entend encore réfuter le moyen tiré d’une violation de l’article 10bis de la Constitution en faisant valoir, d’une part, que Monsieur … et son ayant droit ne se trouveraient pas dans la même situation de droit et de fait que d’autres employés de la banque HSBC dont les risques décès et invalidité ont été assurés de façon intégrale par la compagnie d’assurance Zurich et, d’autre part, que tous les employés de la banque HSBC se trouvant dans la même situation que Monsieur … connaîtraient le même traitement fiscal. Il estime ainsi que s’il y avait eu un traitement inégalitaire et discriminatoire en l’espèce, il serait entièrement imputable à la compagnie d’assurance Zurich qui déterminerait l’assurabilité des affiliés à un régime complémentaire de pension en fonction de leur état de santé. En conclusion, il souligne que le législateur aurait choisi le principe de l’imposition des pensions complémentaires à l’entrée, sans vouloir exclure pour autant la possibilité de leur imposition à la sortie. L’imposition litigieuse serait donc correcte et conforme à la législation en vigueur.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse insiste sur ses moyens et arguments déjà développés dans la requête introductive d’instance, tout en répondant aux arguments soulevés par le délégué du gouvernement.
Elle conteste ainsi l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle la prestation litigieuse de la banque HSBC serait intervenue sur la base d’une promesse individuelle et personnelle que cette dernière aurait faite à Monsieur … à côté du régime collectif externe. En effet, la seule promesse que la banque HSBC aurait faite à son défunt époux serait celle contenue dans le règlement de pension, qui serait un document de nature collective s’adressant à tous les affiliés au régime complémentaire de pension et qui serait un régime exclusivement externe en matière de risques décès et invalidité. Aucune autre promesse n’aurait été faite à son époux et le versement de la partie du capital correspondant à la partie non assurée du risque décès de son époux ne constituerait pas l’exécution d’une promesse individuelle, mais celle d’une promesse collective faite par la banque HSBC à tous ses employés. En raison des problèmes de santé de son époux, l’exécution complète de l’engagement de pension pris par la banque HSBC n’aurait pu être réalisée que par le versement direct à la veuve de Monsieur … de la partie du capital non financée par le biais de primes d’assurances. Ce serait donc bien les règles fiscales spécifiques de la LRCP qui seraient applicables. Elle précise encore que, contrairement à ce qui serait soutenu par le délégué du gouvernement, la société Esofac ne partagerait pas la position de l’Etat et renvoie à cet égard au contenu de la lettre de la société Esofac du 7 avril 2008, produite en annexe à son mémoire en réplique.
En réponse à l’argumentation développée en ordre subsidiaire par l’Etat, la demanderesse donne à considérer que la banque HSBC n’aurait pas pu verser les primes nécessaires à garantir la totalité du risque décès, de sorte que l’absence de paiement de primes d’assurance pour la partie non assurée du risque de son défunt époux aurait entraîné par voie de conséquence une absence d’impôt sur les primes.
L’administration fiscale, en appliquant à la lettre l’article 115 LIR, aboutirait à une solution qui, outre d’être amorale en ce que l’Etat s’enrichirait sur le dos des affiliés malades, serait également contraire à la LRCP.
Elle insiste ensuite sur le fait que la décision directoriale déférée méconnaîtrait les principes constitutionnels d’égalité devant la loi et devant l’impôt. Elle conteste ainsi l’affirmation de l’Etat, selon laquelle le traitement inégal serait imputable à la compagnie d’assurance Zurich, en soutenant au contraire que seule l’administration fiscale serait responsable de l’application erronée de la loi, l’acceptation médicale pratiquée par la compagnie d’assurance Zurich faisant partie des pratiques professionnelles d’usage en matière d’assurance-vie. Contrairement à ce qui serait encore soutenu par le délégué du gouvernement, son époux se serait trouvé dans la même situation de droit que les autres affiliés au régime complémentaire de pension mis en place par la banque HSBC. Quant à la situation de fait de Monsieur …, s’il était vrai qu’à l’opposé des autres affiliés, son risque décès n’aurait pas pu être assuré à 100 %, cette circonstance ne saurait toutefois justifier une réduction des droits de Monsieur … et de ses ayants droit.
La demanderesse soutient en outre que suivre la thèse de l’administration fiscale reviendrait à admettre que l’Etat aurait un intérêt pécuniaire à ce que les contribuables affiliés à un régime de pension complémentaire soient en mauvaise santé. En effet, si son époux avait été en bonne santé, l’Etat aurait dû se satisfaire de l’impôt de 20 % sur les primes d’assurance, soit un impôt de 2.278 euros, au lieu de l’impôt actuellement réclamé d’un montant de 80.000 euros.
La demanderesse insiste par ailleurs sur le fait que la deuxième phrase de l’article 115, numéro 17a LIR ne serait pas applicable en l’espèce, au motif qu’elle ne viserait que les prestations relatives à la retraite, découlant des régimes internes et non pas les prestations en cas de décès. Elle conclut que le législateur n’aurait pas prévu le cas d’un régime qui serait à la fois conforme à la LRCP, agréé par l’IGSS, mais où un affilié ne serait pas assuré. Elle estime que la solution au présent litige ne pourrait se trouver que dans la LRCP, dont aucune disposition ne prévoirait l’imposition de la prestation versée dans le cadre d’un régime agréé par l’IGSS lorsque l’affilié n’a pas été assuré, de sorte qu’aucun impôt ne pourrait en principe lui être réclamé. En guise de conclusion, elle soutient que la manière de procéder de l’administration fiscale, en lui appliquant les articles 131 et 132 LIR, serait contraire à la loi.
La demanderesse critique en l’espèce l’imposition d’une partie des prestations de décès, qui lui a été versée dans le cadre d’un régime complémentaire de pension par l’ancien employeur de son défunt époux et qui n’a pas fait l’objet d’un contrat d’assurance souscrit par l’employeur auprès d’une compagnie d’assurance.
Par avis du 15 octobre 2008, le tribunal a prononcé la rupture du délibéré afin de permettre aux parties de prendre position, par un mémoire supplémentaire, sur l’éventuel problème de la conformité de la LRCP aux articles 10bis (1) et 101 de la Constitution, en ce que ladite loi, en obligeant les entreprises à assurer spécifiquement les risques invalidité et décès auprès d’une compagnie d’assurance et en ne prévoyant pas l’hypothèse des salariés qui ne peuvent pas être assurés auprès d’une telle compagnie d’assurance, notamment pour des motifs de santé, est susceptible de créer une différence de traitement sur le plan fiscal.
Dans son mémoire supplémentaire déposé le 21 novembre 2008 au greffe du tribunal administratif, la demanderesse rappelle tout d’abord que la loi devrait être interprétée d’une manière conforme à la Constitution et notamment à ses articles 10bis et 101 qui consacrent le principe d’égalité devant la loi respectivement le principe d’égalité devant l’impôt, étant donné qu’il ne pourrait pas être présumé que le législateur ait voulu violer la Constitution.
Elle soutient ensuite que le régime de pension complémentaire mis en place par la banque HSBC s’inscrirait entièrement dans le cadre de la LRCP, y compris en ce qui concerne le volet fiscal. Elle explique qu’en matière de prestations de décès et d’invalidité, une assurance de groupe est souscrite, que sur les versements constitutifs est payé un impôt de 20 % et que la prestation est exempte d’impôts à la sortie.
Toutefois, le législateur n’aurait pas prévu l’hypothèse d’un régime qui serait conforme à la LRCP, mais où un affilié ne serait pas assuré en raison de son état de santé.
La demanderesse critique en outre la thèse de l’administration fiscale, selon laquelle le mécanisme fiscal de la LRCP prévoirait de manière binaire que soit l’impôt est payé à l’entrée du plan et la prestation est exonérée à la sortie conformément à la LRCP, soit l’impôt n’a pas été payé à l’entrée et la prestation est imposée à la sortie selon le droit commun. Elle estime toutefois que le législateur n’aurait pas voulu instituer deux régimes fiscaux différents.
Elle soutient ensuite que l’impôt réclamé aux ayants droit des affiliés en mauvaise santé sur la base du droit fiscal commun serait discriminatoire. S’il était vrai que le législateur pouvait soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents à la condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but, la LRCP ne prévoirait cependant pas de catégories différentes d’affiliés à un régime de pension complémentaire qui s’inscrit dans le cadre de la LRCP. Elle estime que la manière dont l’administration fiscale interprète et applique le dispositif fiscal de la LRCP créerait de facto une différence entre les affiliés à un régime de pension complémentaire. Cette distinction trouverait sa cause dans une disparité liée à l’état de santé de l’affilié respectivement à son assurabilité, alors qu’un tel critère ne figurerait pas dans la LRCP. Il s’y ajouterait que l’assurabilité d’un affilié dépendrait de l’assureur. Or, il n’aurait pas été dans l’intention du législateur de faire peser sur les assureurs le bon fonctionnement du dispositif fiscal de la LRCP.
La demanderesse conclut que le dispositif fiscal de la LRCP, tel qu’interprété par l’administration fiscale, dès lors qu’il accorde un avantage fiscal aux ayants droit de l’affilié assurable car en bonne santé, mais en prive les ayants droit de l’affilié inassurable car en mauvaise santé, créerait une discrimination fondée sur la maladie ou le handicap, distinction qui n’aurait pas été voulue par le législateur, qui aurait simplement oublié de prévoir la manière selon laquelle il y a lieu de calculer l’impôt dans les cas où l’affilié est inassurable.
Elle expose encore que les ayants droit d’une pension complémentaire de survie proméritée par un affilié en mauvaise santé se trouveraient dans la même situation de droit que l’ayant droit d’un affilié en bonne santé, étant donné que les deux affiliés auraient exactement les mêmes droits découlant de l’engagement de pension souscrit par l’employeur, en l’occurrence la banque HSBC, à l’égard du personnel affilié.
Elle ajoute que si la situation factuelle de Monsieur … se distinguait nécessairement de celle des autres employés de la banque HSBC, le seul fait qu’il souffrait du cœur tout en étant apte au travail, ne permettrait pas de considérer qu’il ne se trouvait pas dans une situation comparable à celle de ses collègues affiliés au même régime de pension complémentaire que lui.
La demanderesse réfute ensuite l’argumentation de l’administration fiscale selon laquelle la responsabilité de tout traitement inégalitaire voire discriminatoire reviendrait à l’assureur, en faisant valoir que l’assureur n’aurait fait qu’exercer son métier selon les règles en vigueur dans ce métier.
Elle donne encore à considérer que si l’impôt réclamé aux ayants droit d’affiliés malades serait illégal pour non-conformité avec l’article 99 de la Constitution, cela aurait pour conséquence de créer une discrimination en défaveur des ayants droit d’affiliés en bonne santé. Elle affirme par ailleurs que le mécanisme fiscal de la LRCP serait susceptible d’induire d’autres inégalités, qui seraient notamment fonction du moment auquel intervient le décès de l’affilié et du moment de l’affiliation à un régime de pension complémentaire.
La demanderesse soutient qu’une discrimination fondée sur la santé d’une personne ne serait admise ni au regard de la loi du 28 novembre 2006 sur l’égalité de traitement, ni au regard de l’article 13 du traité CE, ni au regard de l’article 454 du Code pénal et ni au regard de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle conclut, en se référant à la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle en la matière, que la discrimination incriminée ne serait ni justifiée par un objectif rationnel et légitime, ni adéquate, ni proportionnée. Elle relève dans ce contexte en ce qui concerne l’absence d’adéquation de la mesure discriminatoire par rapport au but recherché qu’au lieu de la solution choisie par l’administration fiscale, il aurait été parfaitement possible en l’absence de primes, de calculer l’impôt prévu par le législateur sur la base d’une prime théorique dont le montant aurait aisément pu être reconstitué par le gestionnaire du régime de pension.
En conclusion, la demanderesse fait valoir que la prestation litigieuse lui aurait été versée, en application de l’engagement de pension pris par l’employeur envers son défunt mari, et dont le régime s’inscrirait dans le cadre de la LRCP. En aucun cas, le législateur aurait voulu que cette prestation de pension complémentaire soit imposée selon le droit fiscal commun. La thèse défendue par l’administration fiscale créerait ainsi une discrimination défavorable aux affiliés malades ou handicapés respectivement leurs ayants droit. Elle donne encore à considérer que ni elle, ni son époux ne serait responsable et ne devrait partant supporter les conséquences de ce que le législateur a oublié de préciser la manière dont il y avait lieu de procéder, en matière de prestations de décès et d’invalidité, pour calculer l’impôt dans les cas où un affilié est inassurable.
Elle en déduit que la décision directoriale devrait être réformée dans le sens que la prestation complémentaire lui versée en 2005 par la banque HSBC n’est pas imposable. En ordre subsidiaire, la demanderesse demande au tribunal administratif de poser une question préjudicielle à la Cour Constitutionnelle qui a la teneur suivante :
« Interprété en ce sens que le dispositif fiscal favorable établi par la loi du 8 juin 1999 sur les régimes complémentaires de pension, qui prévoit que l'impôt est calculé sur les primes d'assurance et non sur la prestation Décès ou sur la prestation Invalidité, ne s'applique pas lorsque la prestation Décès ou la prestation Invalidité a été proméritée par un affilié en mauvaise santé ou handicapé dont les risques Décès et Invalidité n'ont pas pu être assurés, ce dispositif viole-t-il les articles 10bis (1) et/ou 101 de la Constitution en ce qu'il aboutit in concreto à ce que la prestation Décès versée aux ayants-droit d'affiliés en mauvaise santé ou handicapés, dont les risques Décès et Invalidité n'ont pas pu être assurés, ainsi que la prestation Invalidité versée aux affiliés en mauvaise santé ou handicapés, dont les risques Décès et Invalidité n'ont pas pu être assurés, sont soumises à l'impôt sur le revenu conformément au droit fiscal commun (moitié du taux global lorsqu'il s'agit d'un capital), alors que (1) la prestation Décès versée aux ayants-droit d'affiliés en bonne santé, dont les risques Décès et Invalidité ont pu être assurés, ainsi que la prestation Invalidité versée aux affiliés en bonne santé, dont les risques Décès et Invalidité ont pu être assurés, sont exonérées d'impôt et alors que (2) les personnes précitées jouissent toutes de droits strictement égaux dans le cadre des régimes complémentaires de pension mis en place par les employeurs et alors que (3) l'inassurabilité des risques Décès et Invalidité des affiliés malades ou handicapés n'empêche pas en soi d'établir un calcul de l'impôt sur la base de primes d'assurances théoriques ».
Le délégué du gouvernement soutient, dans son mémoire supplémentaire, déposé le 17 décembre 2008 au greffe du tribunal administratif, que la LRCP, et notamment les dispositions fiscales y contenues, ne seraient pas contraires aux articles 10bis et 101 de la Constitution. Il fait valoir que les contribuables recevant des prestations de pension complémentaire visées par la LRCP ne seraient pas favorisés par rapport aux contribuables dont les prestations provenant d’un régime de pension complémentaire non visé par la LRCP sont imposées d’après le droit commun. Il affirme que tant le conjoint de la demanderesse et les autres employés se trouvant dans sa situation, que les autres employés de la banque HSBC dont les risques décès et invalidité sont assurés intégralement, seraient et resteraient soumis à l’impôt, le seul élément qui les différencierait serait le mécanisme et la technique par lesquels l’imposition est mise en œuvre. Ainsi, pour les premiers, l’imposition aurait lieu à la sortie du plan voire lors du versement de la prestation, tandis que pour les derniers l’imposition serait réalisée à l’entrée du plan moyennant une retenue à la source prélevée sur la prime versée par l’employeur. Il estime que la demanderesse n’est pas fondée à conclure à l’inconstitutionnalité de la LRCP, en faisant valoir que l’argumentation de la demanderesse reposerait sur la conviction erronée que tous les contribuables visés par la LRCP seraient exonérés de l’impôt, tant à l’entrée qu’à la sortie du plan, alors que la demanderesse serait la seule à être imposée.
Le délégué du gouvernement soutient ensuite, pour le cas où le tribunal arriverait à la conclusion que la prestation de pension complémentaire litigieuse serait visée par la LRCP, que cette loi ne serait pas incompatible avec la Constitution. En effet, s’il y avait discrimination entre les contribuables se trouvant dans la même 11situation que Monsieur … et les contribuables dont les risques invalidité et décès sont assurés de façon intégrale, cette différence de traitement sur le plan fiscal ne serait pas imputable à la LRCP, mais à d’autres acteurs impliqués dans le régime des pensions complémentaires. En effet, ce ne serait pas la LRCP qui interdirait d’assurer un employé en mauvaise santé. La décision d’assurer ou non un employé relèverait de la seule compagnie d’assurance. Or, cette décision et le choix de la compagnie d’assurance seraient les seuls facteurs qui détermineraient le traitement fiscal de la prestation de pension complémentaire et qui décideraient ainsi si l’imposition se fait à l’entrée ou à la sortie du plan. Il serait ainsi incontestable que si la banque HSBC avait fait appel à un assureur autre que la compagnie d’assurance Zurich, le risque de maladie de Monsieur … aurait certainement été assuré, et les primes auraient été versées par l’employeur et imposées à l’entrée par la perception d’une retenue d’impôt, telle que prévue par la LRCP, entraînant l’exemption des prestations de pension complémentaires versées à la sortie à la veuve de Monsieur …. Il relève ensuite que l’employeur jouerait également un rôle dans le cadre de la décision à prendre par la compagnie d’assurance quant à la prise en charge du risque de maladie, laquelle serait aussi fonction de la prime que l’employeur serait prêt à payer. Il y aurait ainsi lieu d’admettre que la compagnie d’assurance Zurich aurait certainement assuré Monsieur …, si l’employeur avait accepté de payer une prime plus élevée. Il en déduit que la raison d’une éventuelle discrimination sur le plan fiscal entre les employés assurés et ceux non assurés ne résiderait pas dans les dispositions de la LRCP, mais dans le choix des assureurs et l’acceptation de ceux-ci de payer des primes supérieures à la moyenne.
Il convient de prime abord d’analyser la question de la conformité des dispositions de la LRCP avec les articles 10bis et 101 de la Constitution.
L’article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution dispose que « les Luxembourgeois sont égaux devant la loi ».
Aux termes de l’article 101 de la Constitution « il ne peut être établi de privilège en matière d’impôts. Nulle exemption ou modération ne peut être établie que par une loi ».
L’article 115 LIR, tel qu’il a été modifié par la LRCP, dispose que « sont exempts de l’impôt sur le revenu : … 17 a. les prestations versées par un régime complémentaire de pension visé par la loi du 8 juin 1999 relative aux régimes complémentaires de pension. Les prestations versées par un régime interne ne sont toutefois pas exemptées, si les dotations auxquelles elles se rapportent n’ont pas été passibles de l’impôt au titre de revenu provenant d’une occupation salariée. » Il résulte de cette disposition que seules les prestations versées par un régime complémentaire de pension visé par la LRCP sont susceptibles de bénéficier de l’exemption fiscale. En outre, cette disposition n’énonce pas une exemption fiscale générale, mais elle soumet, en ce qui concerne les prestations versées par un régime interne, l’exemption fiscale à la condition que les dotations auxquelles elles se rapportent ont été passibles de l’impôt au titre de revenu provenant d’une occupation salariée.
Aux termes de l’article 3 (2) de la LRCP « les régimes complémentaires de pension peuvent servir des prestations de retraite ainsi que, en cas de décès du bénéficiaire, des prestations de décès et de réversion. Les régimes complémentaires de pension peuvent servir des prestations d’invalidité et, en cas de décès du bénéficiaire, des prestations de décès ou de réversion ainsi que des prestations de décès et de survie en cas de décès d’un affilié actif, à condition d’assurer spécifiquement ces risques auprès d’une entreprise d’assurance. (…) » Cette disposition oblige ainsi l’employeur dont le régime complémentaire de pension prévoit des prestations d’invalidité et de décès, de souscrire une assurance spécifique auprès d’une compagnie d’assurance pour couvrir ces risques.
En l’espèce, il est constant que déjà en 1988, la banque HSBC avait mis en place un régime complémentaire de pension en faveur de son personnel. D’après les affirmations de la demanderesse, non contredites par le délégué du gouvernement, ledit plan a été mis en conformité avec les dispositions de la LRCP lors de l’entrée en vigueur de ladite loi. A cet effet, la banque HSBC, conformément à l’article 3 (2) de la LRCP précité, a souscrit un contrat d’assurance auprès de la compagnie d’assurance Zurich pour couvrir les prestations en matière d’invalidité et de décès en faveur de son personnel.
D’après les termes du règlement du plan « Retraite et décès » en faveur des membres du personnel de la banque HSBC versé en cause, ce plan prévoit une pension de survie en faveur du conjoint survivant de l’affilié décédé (articles 7 et 8 du règlement de plan), une pension d’orphelin en faveur de chacun des enfants (articles 9 et 10) et un capital-décès au décès de l’affilié survenant avant sa retraite en faveur du conjoint (articles 13 et 14).
Il est également constant que la compagnie d’assurance Zurich, après avoir soumis Monsieur … à un examen médical, a refusé d’assurer à 100 % le risque décès de ce dernier, n’acceptant finalement de couvrir qu’environ la moitié du risque décès et ce moyennant une surprime. Après le décès de Monsieur … survenu en 2004, la banque HSBC, ayant versé en 2004 la partie assurée de la pension complémentaire de survie à la demanderesse en exemption fiscale, alors que l’impôt avait été versé sur les primes d’assurance, elle a versé en janvier 2005 à la demanderesse les prestations prévues en cas de décès suivant le règlement de pension précité et non assurées par la compagnie d’assurance Zurich, qui ont fait l’objet de l’imposition actuellement litigieuse.
Etant donné que cette prestation a trait à des droits qui n’ont pas été imposés à l’entrée, en raison du refus de la compagnie d’assurance Zurich d’assurer le risque décès de Monsieur … à 100 % du fait de ses problèmes de santé, le traitement fiscal de cette partie de la prestation a eu lieu selon les dispositions de droit commun.
Il n’est pas contesté en cause que si Monsieur … avait été en bonne santé, le risque décès aurait été assuré à 100 % et, sur les primes d’assurance versées à la compagnie d’assurance, l’imposition aurait eu lieu par voie de retenue d’impôt à l’entrée et à charge de l’employeur, de sorte que lors de la perception des prestations de décès et survie après le décès de son époux, la demanderesse n’aurait plus eu d’impôts à payer.
S’il ne peut pas être exclu, comme l’a relevé le délégué du gouvernement, qu’une autre compagnie d’assurance aurait accepté d’assurer, le cas échéant, le risque décès de Monsieur … à 100 %, contre paiement d’une prime plus élevée par l’employeur, cet argument ne saurait cependant valoir, étant donné qu’il est de nature à induire des discriminations, fondées sur l’âge ou l’état de santé d’une personne candidate à l’embauche.
Le tribunal se trouve dès lors devant la question soulevée de savoir si l’article 3 (2) de la LRCP, en ce qu’il oblige l’entreprise à souscrire spécifiquement les risques invalidité et décès auprès d’une compagnie d’assurance, institue une différence de traitement discriminatoire sur le plan fiscal entre les personnes assurables et les personnes inassurables en fonction de leur état de santé.
Par conséquent, il y a lieu d’analyser si pareille disparité est rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but, afin de justifier une différence de traitement des salariés, se trouvant – en apparence - dans une situation comparable, étant donné qu’ils sont tous affiliés à un même régime de pension complémentaire.
Le tribunal ne pouvant cependant pas apporter de réponse à cette question sans empiéter sur la compétence d’attribution de la Cour Constitutionnelle, mais, conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, est tenu de saisir la Cour Constitutionnelle, étant entendu qu’une décision sur la question soulevée est nécessaire pour rendre son jugement, que la question n’est pas dénuée de tout fondement et que la Cour Constitutionnelle n’a pas déjà statué sur une question ayant le même objet, il y a dès lors lieu de surseoir à statuer et de demander à la Cour Constitutionnelle de statuer à titre préjudiciel sur la question suivante, telle que se dégageant de la demande de la demanderesse et telle qu’élargie sur rupture du délibéré dûment discutée par les parties, à savoir :
« L’article 3 (2) de la loi du 8 juin 1999 relative aux régimes complémentaires de pension, en ce qu’il oblige les entreprises à assurer spécifiquement les risques invalidité et décès auprès d’une entreprise d’assurance, sans prévoir l’hypothèse des salariés qui ne peuvent pas être assurés auprès d’une telle compagnie d’assurance, notamment pour des motifs de santé, est-il conforme aux articles 10 bis (1) et/ou 101 de la Constitution, dans la mesure où il aboutit in concreto à ce que les prestations d’invalidité ou de décès versées aux affiliés en mauvaise santé ou handicapés respectivement à leurs ayants droit, dont les risques décès et invalidité n'ont pas pu être assurés, sont soumises à l'impôt sur le revenu conformément au droit fiscal commun, alors que les prestations d’invalidité et de décès versées aux affiliés en bonne santé respectivement à leurs ayants droit, dont les risques décès et invalidité ont pu être assurés, sont exonérées d'impôt, et alors que les personnes précitées jouissent toutes de droits strictement égaux dans le cadre des régimes complémentaires de pension mis en place par les employeurs ? » ;
Conformément aux articles 7 et suivants de la loi du 27 juillet 1997 précitée, il convient dès lors de surseoir à statuer jusqu’à ce que la Cour Constitutionnelle se soit prononcée par rapport à la question préjudicielle lui soumise.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
déclare le recours en annulation irrecevable ;
au fond, avant tout autre progrès en cause, tous autres droits des parties étant réservés, soumet à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle suivante :
« L’article 3 (2) de la loi du 8 juin 1999 relative aux régimes complémentaires de pension, en ce qu’il oblige les entreprises à assurer spécifiquement les risques invalidité et décès auprès d’une entreprise d’assurance, sans prévoir l’hypothèse des salariés qui ne peuvent pas être assurés auprès d’une telle compagnie d’assurance, notamment pour des motifs de santé, est-il conforme aux articles 10 bis (1) et/ou 101 de la Constitution, dans la mesure où il aboutit in concreto à ce que les prestations d’invalidité ou de décès versées aux affiliés en mauvaise santé ou handicapés respectivement à leurs ayants droit, dont les risques décès et invalidité n'ont pas pu être assurés, sont soumises à l'impôt sur le revenu conformément au droit fiscal commun, alors que les prestations d’invalidité et de décès versées aux affiliés en bonne santé respectivement à leurs ayants droit, dont les risques décès et invalidité ont pu être assurés, sont exonérées d'impôt, et alors que les personnes précitées jouissent toutes de droits strictement égaux dans le cadre des régimes complémentaires de pension mis en place par les employeurs ? » ;
surseoit à statuer pour le surplus ;
réserve les frais ;
fixe l’affaire au rôle général.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 13 juillet 2009 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.
Claude Legille Carlo Schockweiler 15