Tribunal administratif Numéro 25332 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2009 3e chambre Audience publique du 7 juillet 2009 Recours formé par Madame …, contre deux décisions en matière de fonctionnaire d’Etat
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25332 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2009 par Maître Monique Watgen, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du 30 octobre 2008 prise par le directeur du Lycée Michel Rodange refusant de la décharger de la prestation d’heures supplémentaires et d’une décision confirmative du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 3 décembre 2008 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mars 2009 par le délégué du gouvernement ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 avril 2009 par Maître Monique Watgen au nom de Madame … ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2009 par le délégué du gouvernement ;
Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions critiquées ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Monique Watgen et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 juin 2009.
Depuis le 15 septembre 2008, Madame … fut affectée comme professeur de mathématiques au Lycée Michel Rodange à Luxembourg.
La tâche de Madame … comporta, outre sa tâche normale, la prestation de 2,67 leçons supplémentaires.
Madame … s’adressa par un courrier du 26 octobre 2008 au directeur de son établissement scolaire en le priant de se voir décharger de toutes les leçons supplémentaires en se basant sur l’article 19 de la loi modifiée du 16 avril 1979 sur le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après « la loi du 16 avril 1979 ».
Le directeur du Lycée Michel Rodange refusa de faire droit à sa demande à travers une décision du 30 octobre 2008 libellée comme suit :
« Suite à votre demande, j'ai le regret de porter à votre connaissance que je ne saurai réduire votre tâche d'enseignement. L'article 13, paragraphe 1 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 portant fixation de la tâche des enseignants des lycées et lycées techniques stipule en effet « qu'en principe, aucun membre du personnel enseignant n'est à charger de leçons supplémentaires ». Néanmoins, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que le même article comporte la précision « à moins d'une nécessité bien établie ».
Dans cet ordre d'idées j'aimerais attirer votre, attention sur le fait que - tous les professeurs de mathématiques nommés au Lycée Michel-Rodange effectuent des heures supplémentaires, - un nombre important de leçons de mathématiques est assuré par des professeurs d'autres spécialités, des stagiaires et charges d'éducation.
Par conséquent, j'estime que nous sommes confrontés à une situation de nécessité bien établie respectivement à un cas d’urgence ou de surcroît exceptionnel de travail.
Néanmoins, j'aimerais vous rappeler d'une part que cette situation risque de ne pas être passagère et d'autre part, qu'en posant votre candidature au poste de professeur de mathématiques au Lycée Michel-Rodange, les membres de la direction vous ont expliqué sans équivoque - l'état d'urgence existant dans le département des professeurs de mathématiques, - l'obligation de participer à cet effort collectif nécessaire pour dispenser un enseignement de qualité par des enseignants qualifiés et nommés.
Le fait que vous avez, en pleine connaissance de cause, postulé pour le poste de professeur de mathématiques au Lycée Michel-Rodange, vaut acceptation tacite de la tâche signalée.
En signe de bonne volonté et afin de réduire votre tâche, je confierai votre tâche de régent à un autre enseignant de la classe. Tout en espérant avoir pu répondre du moins partiellement à votre demande, je vous prie d'agréer, Madame le professeur, l’expression de mes sentiments les meilleurs ».
Le 7 novembre 2008, Madame … s’adressa, en application de l’article 33 de la loi du 16 avril 1979, au ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, ci-
après « le ministre », afin de lui soumettre sa demande de se voir décharger de la prestation d’heures supplémentaires.
Par une décision du 3 décembre 2008, le ministre prit position comme suit :
« Je me permets par la présente de revenir à l'affaire émargée, afin de vous informer que je n'entends pas donner une suite favorable à votre requête et ce pour les motifs suivants :
Tout en estimant que le directeur a, à juste titre, évoqué dans son courrier du 30 octobre 2008 une nécessité pour accomplir des heures supplémentaires à cause du manque de personnel bien établi, vous estimez que ces heures supplémentaires ne peuvent en aucun cas être imposées, mais uniquement être prestées par des volontaires puisqu'il ne s'agirait ni d'un cas d'urgence, ni d'un surcroît exceptionnel de travail, uniques exceptions qui permettent selon l'article 19 de la loi modifiée du 16 avril 1979 précitée d'imposer temporairement la prestation d'heures supplémentaires à un fonctionnaire.
Dans ce contexte, il convient tout d'abord de préciser que l'article 1er de la loi modifiée du 16 avril 1979 précitée précise en son point 2, alinéa 3 que " (le statut) s'applique encore au personnel enseignant de l'enseignement postprimaire, (…) et sous réserve des dispositions législatives et réglementaires spéciales concernant notamment le recrutement, les incompatibilités, les congés et les heures de service".
Il ressort donc clairement de cette disposition que toutes les dispositions du statut ne s'appliquent pas aux enseignants. En effet, en ce qui concerne les heures de service et par conséquent les heures supplémentaires, le texte applicable en l'espèce est le règlement grand-
ducal du 24 juillet 2007 portant fixation de la tâche des enseignants des lycées et lycées techniques. Selon l'article 13, paragraphe 1er dudit règlement, "En principe, aucun membre du personnel enseignant n'est à charger de leçons supplémentaires, à moins d'une nécessité bien établie".
Or, vu les informations données par le directeur dans son courrier du 30 octobre 2008, l'état de nécessité prévu par le règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 précité pour la prestation d'heures supplémentaires est bien établi.
De même, suivant courrier du directeur du Lycée Michel-Rodange, il ressort que vous avez été avertie dès le départ, lors de votre demande de mutation à ce lycée, de la nécessité de prester des heures supplémentaires en raison de l'état d'urgence existant dans le département des professeurs de mathématiques et de l'obligation de participer à cet effort collectif nécessaire pour dispenser un enseignement de qualité par des enseignants qualifiés et nommés. C'est donc en pleine connaissance de cause que vous avez accepté votre mutation à ce lycée.
Finalement, je tiens à relever que le directeur a tenu compte de vos doléances, dans la mesure où les besoins de service le permettent, en vous déchargeant de votre tâche de régent qu'il a pu confier à un professeur d'une autre spécialité.
La présente décision est susceptible d'un recours en annulation à introduire par ministère d'avocat à la Cour dans le délai de trois mois à partir de la notification de la présente devant le Tribunal administratif de et à Luxembourg.
Veuillez agréer, Madame, l'expression de mes salutations distinguées ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2009, Madame … a fait introduite un recours en annulation, sinon en réformation à l’encontre de la décision du directeur du Lycée Michel Rodange du 30 octobre 2008 et de la décision ministérielle du 3 décembre 2008.
Aucun recours en réformation n’étant prévu en matière de prestation d’heures supplémentaires, le recours en annulation introduit en ordre principal est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.
Madame … soulève que la prestation des heures supplémentaires par les fonctionnaires-enseignants tomberait sous le champ d’application de l’article 19 de la loi du 16 avril 1979 et qu’en l’occurrence cet article serait violé en ce qu’il contiendrait le principe de non-obligation des fonctionnaires à prester des heures supplémentaires. Cette violation serait d’autant plus grave dans la mesure où aucune des exceptions énoncées par ledit article, à savoir le cas d’urgence ou le surcroît exceptionnel de travail, ne se rencontreraient en l’espèce.
Le délégué du gouvernement, en se référant aux articles pertinents de la loi du 16 avril 1979 fait valoir que cet article ne serait pas applicable en l’espèce et souligne que la prestation des heures supplémentaires du personnel enseignant serait régie par des dispositions spécifiques, à savoir la loi modifiée du 10 juin 1980 portant planification des besoins en personnel enseignant de l’enseignement postprimaire, des tâches d’enseignement, ci-après la « loi du 10 juin 1980 », et le règlement grand-ducal du 24 juin 2007 portant fixation de la tâche des enseignants des lycées et lycées techniques, ci-après « le règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 ».
Quant aux textes applicables en l’espèce, Madame … estime que l’article 19, paragraphe 1, alinéa 1 de la loi du 16 avril 1979 et les dispositions spécifiques du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 seraient cumulativement applicables.
Il y a dès lors lieu de trancher la question de savoir quelles dispositions législatives et réglementaires s’appliquent à la prestation des leçons supplémentaires des enseignants.
L’article 1er, paragraphe 2, alinéa 2 et 3 de la loi du 16 avril 1979 est libellée comme suit :
« Il [le présent statut] s’applique encore au personnel enseignant de l’enseignement postprimaire, à l’exception des dispositions prévues aux articles 5 paragraphe 2, 7 paragraphe 2 alinéa 4 et 19 paragraphe 3, et sous réserve des dispositions législatives et réglementaires spéciales concernant notamment le recrutement, les incompatibilités, les congés et les heures de service ».
S’il est certes exact, tel que souligné par la demanderesse, que l’article en question exclut expressément l’application au personnel enseignant de l’article 19, paragraphe, il n’en reste pas moins que ce même article dispose que le statut du fonctionnaire s’applique au personnel enseignant sous réserve des dispositions législatives et réglementaires spéciales concernant notamment les heures de service.
La loi du 10 juin 1980 précise en son article 4 que les éléments de la tâche des enseignants ne peuvent donner lieu à une tâche supplémentaire et à une indemnité spéciale que si les besoins du service le justifient et avec l’accord préalable du ministre de l’Education nationale. L’article 13 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 énonce le principe qu’aucun membre du personnel enseignant n’est à charger de leçons supplémentaires, à moins d’une nécessité bien établie et fixe dans la suite le régime d’indemnisation des leçons supplémentaires.
Au vu de l’existence de dispositions spéciales relatives à la prestation de leçons supplémentaires par les enseignants, il y a lieu de retenir que les dispositions générales de la loi du 16 avril 1979, relatives à la prestation d’heures supplémentaires par le fonctionnaire ne sont pas applicables au personnel enseignant.
L’analyse de l’article 19 de la loi du 16 avril 1979 conforte encore la conclusion dégagée ci-avant. En effet le mécanisme mis en place pour l’indemnisation des heures supplémentaires moyennant l’octroi d’un congé de compensation ne saurait être appliqué aux enseignants pour lesquels la période de congé correspond aux périodes de vacances scolaires et qui ne peut dès lors pas être augmentée.
A ce niveau c’est encore à bon droit que le délégué du gouvernement se réfère au règlement grand-ducal modifié du 25 octobre 1990 concernant la prestation d’heures de travail supplémentaires par des fonctionnaires ainsi que leur astreinte à domicile pris en application de l’article 19, paragraphe 1 de la loi du 16 avril 1979. En effet l’article 1er dudit règlement grand-ducal définit le champ d’application en visant seulement les fonctionnaires d’Etat énumérés aux rubriques administration générale, magistrature et force publique, de sorte à exclure les fonctionnaires de la rubrique enseignement. De même, la définition d’heure supplémentaire telle qu’elle résulte de l’article 2 du règlement grand-ducal du 25 octobre 1990 en ce qu’il y a lieu d’entendre toute prestation de travail effectuée au-delà de la limite de la durée normale de travail qui est fixée à 8 heures par jour ne saurait s’appliquer à l’enseignant qui ne travaille pas selon les horaires applicables, en principe, au sein de la fonction publique en général.
Au vu de ce qui précède, le régime des leçons supplémentaires prestées par le personnel enseignant tombe sous les dispositions spéciales telles que résultant de la loi du 10 juin 1980 et du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 et non pas sous les dispositions générales telles que résultant notamment de l’article 19 de la loi du 16 avril 1979 et de son règlement d’exécution du 25 octobre 1990, de sorte que le moyen soulevant une violation de l’article 19 de la loi du 16 avril 1979 est à écarter pour ne pas être fondé.
Madame … fait encore valoir que les deux décisions litigieuses lui imposant la prestation d’heures supplémentaires violeraient l’article 13, paragraphe 1er du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007.
Elle estime qu’il se dégagerait de la législation régissant les heures supplémentaires que les circonstances particulières justifiant le recours à des heures supplémentaires ne pourraient être que des circonstances cumulativement exceptionnelles et temporaires. Elle ajoute que les conditions tenant au caractère exceptionnel et temporaire du recours aux heures supplémentaires se retrouveraient implicitement tant dans l’article 4 de la loi du 10 juin 1980 que dans l’article 13 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007. La notion de « nécessité de service bien établie » laisserait sous-entendre qu’elle revêtirait elle-même un caractère exceptionnel et temporaire. La demanderesse expose ensuite ses arguments tendant à établir que les conditions relatives au caractère exceptionnel et temporaire ne seraient pas remplies en l’espèce.
Elle fait encore valoir que la réglementation spécifique concernant la fonction publique ne dérogerait pas aux principes stipulés par la réglementation gouvernant les heures supplémentaires dans le secteur privé.
Le délégué du gouvernement souligne que les dispositions applicables n’imposeraient aucunement des circonstances cumulativement exceptionnelles et temporaires et que la demanderesse ne saurait se prévaloir des dispositions du droit privé concernant la prestation de ses heures de travail.
Tel que retenu ci-avant, le tribunal tient à souligner que le régime des leçons supplémentaires prestées par le personnel enseignant tombe sous les dispositions spéciales telles que résultant de la loi du 10 juin 1980 et du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007.
En effet, la demanderesse en tant que professeur exerçant une tâche dans le cadre du personnel des administrations de l’Etat à la suite d’une nomination, revêt la qualité de fonctionnaire de l’Etat, de sorte que les dispositions régissant les relations de travail du secteur privé ne lui sont pas applicables. Il s’en suit que la demanderesse ne saurait revendiquer l’application desdites dispositions.
Au niveau des textes applicables, l’article 4 de la loi du 10 juin 1980 est libellé comme suit :
« Les éléments de la tâche définis à l’article 3 ci-dessus ne peuvent donner lieu à une tâche supplémentaire et à une indemnisation spéciale que si les besoins du service le justifient et avec l’accord préalable du Ministre de l’Education nationale… ».
L’article 13 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 est libellé comme suit :
« Art. 13. (1) En principe, aucun membre du personnel enseignant n'est à charger de leçons supplémentaires, à moins d'une nécessité bien établie.
(2) Aucune indemnité pour leçons supplémentaires n'est due pour une tâche supplémentaire inférieure à une demi-leçon normale hebdomadaire.
L'indemnité due pour leçons supplémentaires se base sur le nombre de leçons supplémentaires effectivement assurées.
Les leçons supplémentaires assurées uniquement pendant une partie seulement du mois sont converties en leçons supplémentaires mensuelles.
Seul le surplus de travail assuré dans le cadre de la tâche d'enseignement et des tâches connexes donne lieu à une rémunération particulière (3) La formule générale de l’indemnité pour une leçon supplémentaire annuelle est fixée comme suit : traitement de base x nombre indice x valeur du point indiciaire applicable aux éléments de rémunération x 36/52 ».
Avant toute interprétation le juge est amené à appliquer les dispositions légales suivant le sens premier qu’elles revêtent dans la mesure où elles sont claires et précises et il n’appartient pas au tribunal, devant des textes clair et précis, d’insérer des conditions supplémentaires qui n’y figurent point.
De l’application combinée des textes applicables en l’espèce, il ressort qu’il est possible de charger le personnel enseignant de leçons supplémentaires si les besoins du service le justifient et s’il y a nécessité bien établie.
C’est dès lors à bon droit que le délégué du gouvernement souligne que la prestation de leçons supplémentaires par le personnel enseignant n’est pas soumise à la vérification de deux conditions cumulatives tenant au caractère exceptionnel et temporaire des leçons prestées dans la mesure où les textes pertinents applicables ne contiennent aucune disposition en ce sens.
Le moyen selon lequel les conditions tenant au caractère exceptionnel et temporaire du recours aux heures supplémentaires se retrouveraient implicitement tant dans l’article 4 de la loi du 10 juin 1980 que dans l’article 13 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 n’est pas non plus fondé étant donné que les notions de « besoins du service » et de « nécessité bien établie » ne sauraient être interprétées de façon à inclure ces deux conditions.
Il y a encore lieu de vérifier si les décisions litigieuses sont conformes aux textes applicables.
En l’espèce, il ressort des décisions soumises au tribunal que Madame … a été chargée de leçons supplémentaires en raison d’un manque de personnel enseignant dans la branche des mathématiques, manque qui n’est d’ailleurs pas contesté par la demanderesse. Les observations faites par la demanderesse relatives aux démarches faites par les autorités étatiques pour résorber cette pénurie en ce que l’Etat, au lieu de recruter des professeurs de mathématiques en nombre suffisant, se bornerait à avoir recours à des leçons supplémentaires relèvent de considérations politiques non soumises au contrôle du tribunal.
Au vu du manque incontesté de personnel enseignant dans la branche des mathématiques la décision d’attribuer des leçons supplémentaires en mathématiques à un professeur-fonctionnaire en mathématiques, respectivement de ne pas décharger celui-ci de la prestation d’heures supplémentaires respecte les critères du besoin du service et de la nécessité, et cela d’autant plus que le service public de l’Education nationale est tenu de dispenser un enseignement de qualité aux élèves et qu’il appartient, précisément, notamment aux professeurs-fonctionnaires de participer à cet effort collectif de dispenser un enseignement de qualité.
A cela s’ajoute que le caractère de nécessité se trouve encore vérifié par les explications non contestées du délégué du gouvernement en ce que les leçons supplémentaires prestées par Madame … sont des leçons supplémentaires « techniques » résultant de l’application des coefficients tels que prévus à l’article 9 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 et d’autres décharges éventuelles prévues par ce même texte réglementaire rendant impossible le fait d’attribuer à chaque enseignant une tâche d’enseignement hebdomadaire correspondant exactement aux 21 leçons d’enseignement telles que fixées par le règlement grand-ducal du 24 juillet 2007. Etant donné que selon les explications non contestées du délégué du gouvernement toutes les classes ont des cours de mathématiques comportant au moins 3 leçons hebdomadaires, le tribunal constate, à l’instar de la partie étatique, que le fait d’enlever une classe à Madame … afin d’éviter des leçons supplémentaires, conduirait automatiquement Madame … vers une sous-tâche en matière d’enseignement laquelle devrait être compensée par des activités connexes telles que définies à l’article 6 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007.
Madame … invoque encore l’application des règlements et recommandations de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et affirme que la durée totale pendant laquelle des heures supplémentaires peuvent être exercées ne saurait dépasser la norme maximale admise de 6 mois.
Il y a lieu de souligner que les règlements et recommandations de l’Organisation internationale du Travail n’ont aucune valeur contraignante, de sorte que la disposition invoquée, à admettre qu’elle vise également les leçons supplémentaires à prester par le personnel enseignant, ne saurait mettre en échec les dispositions relatives aux leçons supplémentaires telles que contenues dans la loi du 10 juin 1980 et du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007.
Enfin, les affirmations de la part de Madame … telles qu’énoncées dans ses demandes adressées tant au directeur de son établissement scolaire qu’au ministre en ce qu’elle ne serait plus physiquement et psychiquement en mesure d’effectuer des heures supplémentaires restent en l’état de pure allégation.
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que les décisions litigieuses ne violent pas l’article 13, paragraphe 1 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.
Madame … fait encore valoir que les décisions litigieuses en ce qu’elles octroieraient la prestation de plus de leçons supplémentaires aux professeurs de mathématiques qu’aux professeurs des autres branches contreviendraient à l’article 10bis de la Constitution en ce qu’elles porteraient atteinte au principe d’égalité de traitement entre les différents enseignants.
La disparité incriminée quant à l’ampleur du travail à fournir par les professeurs de mathématiques instaurée par le ministre ne procéderait cependant pas d’une divergence du régime légal appelé à gouverner les conditions de travail des enseignants mais d’une application pratique divergente d’un même régime légal au détriment d’une catégorie d’enseignants.
Les dispositions légales et réglementaires relatives à la prestation de leçons supplémentaires s’appliquent indistinctement à l’ensemble du personnel enseignant, de sorte qu’à ce niveau aucune inégalité de traitement contraire à l’article 10bis de la Constitution en ce qu’il dispose que tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi ne saurait être retenue.
Il y a encore lieu d’analyser le moyen en ce que les décisions litigieuses violeraient le principe général d’égalité de traitement en ce que le même régime légal serait appliqué de façon divergente au détriment d’une catégorie d’enseignants.
La partie étatique admet qu’il existe depuis un certain nombre d’années un manque accru en personnel enseignant les mathématiques que le ministère compétent n’arriverait pas à résorber malgré les tentatives de recrutement intensif.
Force est au tribunal de retenir que ce manque de personnel accru dans une branche déterminée a, dès lors, pu conduire à la situation que les professeurs en mathématiques ont dû prester plus de leçons supplémentaires que leurs collègues enseignant d’autres matières.
Cette situation n’a cependant pas été créée par l’application divergente d’une même règle de droit à diverses catégories d’enseignants mais s’est créée sur le fondement des données factuelles existant sur le terrain, comme la pyramide d’âge des enseignants en mathématiques, les départs en retraite, les cessations de fonction, la disponibilité et le recrutement de nouveaux enseignants.
S’il est certes exact que la politique menée peut avoir une influence notamment en matière de recrutement de nouveaux enseignants, on ne saurait cependant valablement soutenir que l’Etat ne serait pas admis à se prévaloir du manque d’enseignants existant sur le terrain afin de justifier le recours à des leçons supplémentaires au motif que lui-même aurait engendré ce manque par les déficits de sa politique menée, déficits qui restent pour le surplus en l’état de simples allégations.
Par ailleurs en cas de manque de personnel constaté dans une autre spécialité, l’application des mêmes dispositions légale et réglementaire conduirait à la situation que les enseignants de ladite spécialité auraient davantage de leçons supplémentaires à prester que leurs collègues enseignant des matières pour lesquelles il n’y a pas de manque de personnel.
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que les dispositions en matière de prestation de leçons supplémentaires ne sont pas appliquées de façon divergente au détriment des professeurs de mathématiques, de sorte que le moyen soulevé mettant en cause une inégalité de traitement entre les différents enseignants n’est pas fondé.
Le recours n’étant fondé en aucun des moyens soulevés, il est à rejeter.
Dans la mesure où aucun recours en réformation n’est prévu en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation introduit en ordre principal en la forme ;
au fond le déclare non justifié, partant en déboute ;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidaire ;
condamne la partie demanderesse aux frais.
Ainsi jugé et prononcé par :
Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 7 juillet 2009 par le premier juge en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Catherine Thomé Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7.7.2009 Le Greffier du Tribunal administratif 10