Numéro 25141 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 décembre 2008 2e ch ambre Audience publique du 6 juillet 2009 Recours formé par Monsieur …, … (France) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25141 du rôle et déposée le 3 décembre 2008 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, demeurant à F-…, ayant élu domicile au Luxembourg à L-…, portant recours, non autrement qualifié, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 29 octobre 2008 ayant rejeté comme non fondée sa réclamation dirigée contre une décision de refus d’une imposition par voie d’assiette pour l’année 2006, émise le 30 juillet 2008 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 décembre 2008 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en sa plaidoirie.
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Par lettre du 30 juillet 2008, le préposé du bureau d’imposition Luxembourg Y de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, informa Monsieur Michael … que sa demande en remboursement d’impôt pour l’année 2006, introduite en date du 19 mars 2008, allait rester sans suites en raison de son introduction tardive, par application du paragraphe 153 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO ».
Contre cette décision, Monsieur … adressa, par lettre du 6 août 2008, une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».
Cette demande fut rejetée comme non fondée par le directeur par une décision du 29 octobre 2008, référencée sous le numéro C 14601du rôle, libellée comme suit :
« Vu la requête introduite le 11 août 2008 par le sieur Michael … demeurant à F-
54190 Villerupt, ayant élu domicile au Luxembourg, pour réclamer contre la décision de refus d'une imposition par voie d'assiette pour l'année 2006, émise le 30 juillet 2008 et notifiée le même jour conformément au § 89 de la loi générale des impôts (AO) ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 228 et 301 AO ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit dans les forme et délai de la loi, qu'elle est partant recevable ;
Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition de ne pas avoir procédé à l'imposition au motif d'une remise tardive de la déclaration d'impôt ;
Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, la loi d'impôt étant d'ordre public;
Qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-
fondé ; qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;
Considérant qu'il ressort du dossier fiscal que pour l'année litigieuse le réclamant n'a pas demandé d'être imposé d'après les dispositions de l'article 157ter de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.), mais qu'il a cependant déclaré des intérêts débiteurs en relation avec une maison sise en France ; que la déclaration d'intérêts débiteurs en relation économique avec un immeuble est à assimiler à une demande d'imposition selon l'article 157ter L.I.R. ;
Considérant que d'après la législation en vigueur pour l'année litigieuse une telle demande entraîne une imposition par assiette du contribuable ; qu'une imposition par voie d'assiette d'après l'article 157ter L.I.R. ne peut être effectuée en défaveur du contribuable et que, par conséquent, une imposition selon l'article 157ter L.I.R. ne peut engendrer qu'une restitution d'impôt ;
Considérant qu'en vertu du § 153 AO, les droits à restitution permis en dehors des cas visés aux §§ 151 et 152 AO s'éteignent si la demande en restitution n'a pas été introduite avant la fin de l'année qui suit celle de la survenance des faits à l'origine du droit ;
Considérant qu'en l'espèce la demande en restitution et notamment celle d'être imposée selon l'article 157ter L.I.R. pour l'année 2006 aurait due être introduite jusqu'au 31 décembre 2007 ;
Considérant que la déclaration d'impôt sur le revenu de l'année 2006 a été déposée le 19 mars 2008 ; que la demande en restitution doit dès lors être considérée comme tardive ;
(…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 décembre 2008, Monsieur … a introduit un recours contentieux contre la décision directoriale précitée du 29 octobre 2008.
Il convient tout d’abord de relever que la requête ne spécifie pas si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision déférée.
Cette circonstance en elle-même n’est cependant pas de nature à entraîner l’irrecevabilité ou la nullité du recours, étant donné qu’il est admis que si la requête introductive d’instance omet d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, il y a lieu d’admettre que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi (cf. trib. adm. 18 janvier 1999, n°10760 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Impôts, n° 536).
La décision directoriale litigieuse s’inscrit dans le cadre d’une demande d’un contribuable non résident tendant à être imposé par voie d’assiette au Luxembourg sur la base de l’article 157ter (1) de la loi modifiée du 4 novembre 1967 sur l’impôt sur le revenu (LIR), demande qui en l’espèce tendait à obtenir, le cas échéant, le remboursement d’impôts payés par la voie de la retenue à la source des traitements et salaires, compte tenu de certaines dépenses dont le demandeur fait état.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO, auquel renvoie le paragraphe 235 (5) AO mentionnant les bulletins concernant des demandes de restitution d’impôts (« Bescheide über Erstattungsansprüche aus Rechtsgründen »), et de l’article 8 (3) 1.
de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin du bureau d’imposition.
Le tribunal est partant compétent pour connaître d’un recours en réformation dirigé contre la décision directoriale précitée du 29 octobre 2008.
Le tribunal est encore appelé à vérifier la recevabilité du recours au regard de la pure forme de la requête introductive d'instance au vu des contestations élevées à cet égard par le délégué du gouvernement qui soutient que les faits et moyens à l’appui du recours ne seraient pas clairement invoqués et que le relevé des pièces dont le demandeur entendait se servir ferait défaut.
Par rapport à ce moyen d’irrecevabilité, le demandeur n’a pris position ni par écrit, ni même oralement, étant donné qu’il n’a pas été présent lors des plaidoiries à l’audience.
Aux termes de l’article 1er, alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la requête introductive doit contenir notamment l’exposé sommaire des faits et des moyens invoqués, ainsi que l’objet de la demande.
Il appartient au tribunal saisi d’apprécier in concreto si l’exposé sommaire des faits et des moyens, ensemble les conclusions s’en dégageant, est suffisamment explicite ou non.
L’exceptio obscuri libelli, qui est d’application en matière de contentieux administratif, sanctionne d’une nullité l’acte y contrevenant, étant entendu que son but est de permettre au défendeur de savoir quelle est la décision critiquée et quels sont les moyens à la base de la demande, afin de lui permettre d’organiser utilement sa défense (cf. trib. adm. 4 avril 2000, n° 11554 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Procédure contentieuse, n° 336).
Il convient également de rappeler que même si le tribunal est, comme dans la présente matière, investi d’un pouvoir de statuer en tant que juge du fond, l’examen auquel il doit se livrer s’effectue en principe dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer les points spécifiques de l’acte déféré faisant grief, sous réserve des moyens d’ordre public qui doivent être soulevés d’office, sans que son contrôle ne consiste à procéder à un réexamen général et global de la situation fiscale des demandeurs (cf. trib. adm. 31 mai 2006, n° 20705 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Impôts, n° 550).
En l’espèce, il ressort des termes de la requête introductive d’instance que le demandeur reproche à l’administration des Contributions directes de lui avoir refusé, par application de l’article 157ter LIR, le remboursement de sa retenue d’impôt sur salaire de l’année 2006 au motif qu’il aurait introduit sa déclaration d’impôt après le 31 décembre 2007, en soutenant que cette décision du directeur serait discriminatoire dans la mesure où les contribuables résidents seraient autorisés à remettre leurs déclarations rétroactivement pour les cinq dernières années.
Force est de constater qu’au-delà du fait que le demandeur reste en défaut d’exposer les faits à l’appui de son recours, la simple affirmation que la décision du directeur serait discriminatoire en se prévalant d’une possibilité non autrement étayée pour les contribuables résidents de pouvoir demander rétroactivement le remboursement des impôts pendant cinq années, sans spécifier en quoi et pour quelles raisons la décision déférée contreviendrait à une disposition légale spécifique et en quoi elle serait discriminatoire, ne permet pas au tribunal de saisir concrètement le moyen ainsi invoqué par le demandeur.
Le tribunal est ainsi amené à constater une insuffisance au niveau de la requête introductive d’instance au regard des exigences légales pré-indiquées devant entraîner l’irrecevabilité du recours, sans que cette conclusion soit énervée par le fait que le demandeur a comparu sans l’assistance d’un professionnel de la postulation, la possibilité accordée aux justiciables de défendre eux-mêmes leur cause devant le tribunal administratif en la présente matière n’emportant pas pour autant dispense du respect des exigences procédurales en la matière telles que prescrites par l’article 1er de la loi précitée du 21 juin 1999.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
déclare le recours irrecevable ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 6 juillet 2009 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.
Claude Legille Carlo Schockweiler 4