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29/06/2009 | LUXEMBOURG | N°25828

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juin 2009, 25828


Tribunal administratif Numéro 25828 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juin 2009 1re chambre Audience publique du 29 juin 2009 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25828 du rôle et déposée le 19 juin 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahza

deh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d...

Tribunal administratif Numéro 25828 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juin 2009 1re chambre Audience publique du 29 juin 2009 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25828 du rôle et déposée le 19 juin 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Tunisie), de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation sinon à l’annulation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 4 juin 2009 ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 juin 2009 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 juin 2009.

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En date du 4 juin 2009, Monsieur … fut interpellé par la Police grand-ducale à Luxembourg-Hollerich. Le même jour, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-

après « le ministre », prit à l’encontre de Monsieur … un arrêté de refus de séjour et ordonna son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour la durée d’un mois à partir de la notification intervenue également le 4 juin 2009, aux motifs qu’il serait démuni de tout document de voyage valable et qu’en attendant le résultat des recherches quant à son identité, son éloignement immédiat du territoire serait impossible.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 juin 2009, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle de placement du 4 juin 2009.

Aux termes de l’article 123 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, ci-après « la loi du 29 août 2008 », un recours contre une décision de placement est ouvert devant le tribunal administratif qui statue comme juge du fond, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation. Ledit recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Quant au fond le demandeur reproche aux autorités luxembourgeoises de ne pas avoir entamé en temps utile des démarches auprès des autorités françaises sur base d’un accord de réadmission entre la France et le Benelux, accord qui aurait rendu possible un refoulement vers la France dans les meilleurs délais. Ainsi la condition légale d’une impossibilité d’exécuter la mesure d’expulsion ou de refoulement prise à son encontre laisserait d’être vérifiée à suffisance, de sorte que la décision déférée devrait encourir la réformation dans le sens d’une mise en liberté immédiate. Le demandeur fait valoir en outre que sa rétention au sein du Centre pénitentiaire à Schrassig s’analyserait en un traitement dégradant, constitutif d’une atteinte à sa liberté et partant en une violation des dispositions des articles 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme ; il fait valoir à cet égard que le Centre pénitentiaire de Schrassig ne répondrait pas à la définition d’une « structure fermée » telle que prévue à l’article 120 (1) de la loi précitée du 29 août 2008. Il relève à cet égard que l’intention du législateur aurait été de contraindre les autorités administratives à pourvoir à la création d’un établissement spécifique pour recueillir les étrangers faisant l’objet d’une mesure de rétention, étant donné que ces personnes se distingueraient fondamentalement, quant à leur situation, de la population incarcérée au Centre pénitentiaire de Schrassig. Il estime qu’il ne serait pas acceptable de lui faire supporter les conséquences d’une carence d’infrastructure adéquate à sa situation de rétention en lui infligeant un traitement dégradant sous forme d’un placement dans un établissement pénitentiaire avec un régime identique que celui applicable aux détenus.

Le délégué de gouvernement expose que le ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministère », aurait demandé à la police dès le 5 juin 2009, c’est-à-dire le lendemain de la décision de placement, d’enquêter sur l’identité du demandeur notamment sur le fichier EURODAC et qu’une enquête aurait également été demandée au Centre de coopération policière et douanière en date du 17 juin 2009, étant donné que le seul document en possession du demandeur aurait été un arrêté de reconduction à la frontière français. Le résultat des deux enquêtes ne serait parvenu au ministère que le 18 juin 2009. Il fait encore valoir que les conditions de l’accord de réadmission France-Benelux ne permettraient pas de reconduire le demandeur à la frontière française sans procéder à la moindre vérification préalable sur son identité, de sorte qu’en tout état de cause le ministère aurait dû attendre le résultat des enquêtes sollicitées.

Une mesure de rétention étant indissociable de l’attente de l’exécution d’un éloignement d’un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois, il y a lieu de vérifier si l’impossibilité alléguée de procéder dans l’immédiat à l’éloignement, invoquée à l’appui de la décision litigieuse, est vérifiée à suffisance. A cet égard il incombe à la partie défenderesse de faire état et de documenter les démarches qu’elle estime requises et qu’elle est en train d’exécuter, afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier, d’une part, si un éloignement valable est possible et est en voie d’organisation, et, d’autre part, que les autorités luxembourgeoises entreprennent des démarches suffisantes en vue d’un éloignement ou transfert rapide du demandeur, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté.

En l’espèce, il est constant que le demandeur était dépourvu de documents d’identité valables, de sorte que les autorités luxembourgeoises ont légitimement pu procéder à des mesures permettant d’établir l’identité de Monsieur …. Il se dégage à cet égard des pièces versées en cause par la partie étatique afin de documenter les démarches entreprises pour déterminer l’identité du demandeur, qu’un premier courrier datant du 5 juin 2009 fut adressé au service de police judiciaire – section police des étrangers – avec prière d’enquêter sur le nommé … par la consultation notamment du fichier EURODAC. Force est cependant aussi de constater, à partir notamment des informations fournies à l’audience, que bien que saisies de cette demande depuis le 5 juin 2009, les autorités policières n’ont recueilli les empreintes digitales de l’intéressé qu’en date du 18 juin 2009 et qu’un courrier électronique fut envoyé seulement le 17 juin 2009 au centre de coopération policière et douanière avec une demande d’information pour la France sous la précision que Monsieur … est en possession d’un arrêté de reconduite à la frontière établi par la préfecture des Alpes maritimes le 14 mai 2009.

Le tribunal est amené à constater, au vu des pièces lui soumises et des explications fournies lors de l’audience publique du 29 juin 2009, que les recherches sur le fichier EURODAC n’ont débuté que quinze jours après la décision de placement déférée, alors que les services de la police judiciaire ont été saisis le 5 juin 2009 déjà ; or même si ce délai inexplicablement long n’est pas directement imputable aux services du ministère, il n’en demeure pas moins qu’il est le fait d’autorités étatiques agissant dans le cadre de la procédure administrative sous examen et que ce délai ne saurait en tout état de cause préjudicier au demandeur, de sorte qu’il y a lieu de conclure que les autorités luxembourgeoises n’ont pas entrepris des démarches suffisantes en vue d’un éloignement ou transfert rapide du demandeur, de façon à écourter au maximum sa privation de liberté.

Cette conclusion n’est pas non plus énervée par la recherche supplémentaire diligentée par les services du ministère. En effet, aucun élément du dossier administratif versé ne permet au tribunal de concevoir la nécessité d’attendre 13 jours avant d’entamer la recherche par le Centre de coopération policière et douanière, étant donné que les autorités luxembourgeoises avaient connaissance de l’arrêté d’expulsion français dès l’interpellation du demandeur par la Police grand-ducale en date du 4 juin 2009.

Le tribunal est partant amené à réformer la décision déférée et à ordonner la libération immédiate du demandeur.

La décision encourant la réformation par l’analyse de ce seul moyen, l’analyse des autres moyens soulevés devient surabondante.

Etant donné que le recours principal en réformation a été déclaré fondé, il n’y a pas lieu de se prononcer sur le recours subsidiaire en annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant par réformation de la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 4 juin 2009 ordonne la mise en liberté immédiate de Monsieur … ;

dit qu’il n’y pas lieu de se prononcer sur le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 29 juin 2009 par :

Paulette Lenert, vice-président, premier juge, Marc Sünnen, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Paulette Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 25828
Date de la décision : 29/06/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-06-29;25828 ?

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