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29/06/2009 | LUXEMBOURG | N°23283

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juin 2009, 23283


Tribunal administratif Numéro 23283 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er août 2007 2e chambre Audience publique du 29 juin 2009 Recours formé par l’association sans but lucratif « … », …, et par Monsieur …, Diekirch contre une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire en matière de pêche

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 1er août 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître François Geng

ler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de l’associati...

Tribunal administratif Numéro 23283 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er août 2007 2e chambre Audience publique du 29 juin 2009 Recours formé par l’association sans but lucratif « … », …, et par Monsieur …, Diekirch contre une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire en matière de pêche

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 1er août 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître François Gengler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de l’association sans but lucratif « … », représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, ayant son siège social à L-.., et au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, déclarant agir en ses qualités de propriétaire de fonds adjacents aux lots de pêche 19 et 21 de la Sûre et de membre du syndicat de pêche Heiderscheid/Goesdorf tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire du 28 juin 2007 portant refus d’une demande en annulation de l’adjudication publique du droit de pêche sur les lots 19 et 21 de la Sûre ;

Vu la requête en intervention volontaire déposée le 28 août 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Jacques Schonckert, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la … (en abrégée …) asbl, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 25 septembre 2007 par lequel ladite requête en intervention volontaire a été notifiée au mandataire des parties demanderesses ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 décembre 2007 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2008 par Maître François Gengler pour compte de l’association sans but lucratif « … » et de Monsieur …, tous préqualifiés ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 février 2008 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert Rukavina, demeurant à Diekirch, du 20 mars 2008 portant signification de la requête introductive d’instance, de la requête en intervention volontaire, des mémoires en réponse, en réplique et en duplique au Syndicat Intercommunal de Dépollution des Eaux résiduaires du Nord, dénommé « SIDEN », établi à L-9359 Bettendorf, Bleesbrück ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 18 juin 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom du Syndicat Intercommunal de Dépollution des Eaux résiduaires du Nord (SIDEN), préqualifié, représenté par son comité, sinon par son président, sinon par son bureau en fonction ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 18 juin 2008 par lequel ledit mémoire en réponse a été notifié aux mandataires des parties adverses ;

Vu la décision prise par le tribunal administratif lors de son audience publique du 30 juin 2008 par laquelle les parties ont été autorisées à déposer des mémoires supplémentaires dans les délais fixés par lui ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 15 septembre 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître François Gengler pour compte de Monsieur … et de l’association sans but lucratif « … », préqualifiés ;

Vu les actes d’avocat à avocat du 15 septembre 2008 par lesquels ledit mémoire en réplique a été notifié aux mandataires des parties adverses ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 7 octobre 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Steve Helminger pour compte du Syndicat Intercommunal de Dépollution des Eaux résiduaires du Nord (SIDEN), préqualifié ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 7 octobre 2008 par lequel ledit mémoire en duplique a été notifié aux mandataires des parties adverses ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maîtres François Gengler, Anne Denoël, en remplacement de Maître Jean-Jacques Schonckert, Steve Helminger, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives.

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Par annonces parues en date des 17 et 21 février 2007 dans deux quotidiens nationaux, le syndicat de pêche de Heiderscheid/Goesdorf annonça pour la date du 3 mars 2007 la mise en adjudication notamment de deux lots de pêche de la Haute-Sûre, à savoir le lot n° 19 portant sur une longueur d’environ 1700 mètres et allant de Jaas-

Wehr jusqu’au Furt, en aval du camping « Le Moulin », dénommé ci-après « lot 19 », ainsi que le lot n° 21, portant sur une longueur d’environ 1900 mètres et allant de Furt, en aval du camping Le Moulin jusqu’au « 4. Kompensationsstaudamm », dénommé ci-après « lot 21 », chaque fois pour une durée de 9 ans, en conformité avec la loi modifiée du 28 juin 1976 portant réglementation de la pêche dans les eaux intérieures.

Il ressort du procès-verbal de l’adjudication publique du droit d’exercer la pêche établi à une date non autrement précisée mais portant sur l’adjudication précitée du 3 mars 2007 et plus particulièrement sur le lot 19, que ledit lot a été adjugé pour un montant de 7.500.- € au Syndicat Intercommunal de Dépollution des Eaux résiduaires du Nord, dénommé ci-après « SIDEN », représenté par Messieurs …, en leurs qualités respectives de président, vice-président et secrétaire dudit syndicat intercommunal, ledit procès-verbal faisant encore ressortir qu’une seule offre avait été faite pour le lot en question.

A la suite de l’adjudication précitée, un bail de pêche fut conclu en date du 3 mars 2007 entre, d’une part, le syndicat de pêche de Heiderscheid/Goesdorf et, d’autre part, le SIDEN, portant sur le lot 19, ledit contrat ayant été conclu pour une durée de 9 ans, cette durée prenant cours le 1er avril 2007 pour se terminer le 31 mars 2016, ledit bail de pêche ayant été approuvé par le ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, ci-après dénommé le « ministre », en date du 25 juillet 2007.

Par courrier du 28 mars 2007, le mandataire de l’association sans but lucratif « … », dénommée ci-après « l’Association », et de Monsieur …, déclarant agir en ses qualités de propriétaire de fonds adjacents aux lots de pêche 19 et 21 et de membre du syndicat de pêche Heiderscheid/Goesdorf, fit parvenir au ministre « un recours » contre l’adjudication publique précitée du 3 mars 2007, dans la mesure où celle-ci porte sur l’adjudication des lots 19 et 21. Dans ledit courrier, ledit mandataire fit valoir des vices de forme et de fond qui auraient été commis lors de l’adjudication litigieuse.

A la suite d’une enquête effectuée par le commissaire de district de Diekirch, sur instruction du ministre, ce dernier informa le mandataire de l’Association et de Monsieur …, par courrier du 28 juin 2007, de ce qui suit :

« Par votre lettre du 28 mars 2007, vous me demandez d'annuler l'adjudication visée sous rubrique pour un certain nombre de motifs, plus amplement développés dans votre recours gracieux.

Votre courrier soulève de ma part les observations suivantes :

1. Quant à la publication de la date de l'adjudication :

Si l'article 34 de la loi modifiée du 28 juin 1976 portant réglementation de la pêche dans les eaux intérieures pose l'exigence de la publication de la date de l'adjudication dans un intervalle de quinze jours, il n'a pas pour but d'imposer un écart de quinze jours entre la première et la deuxième publication mais qu'elles se fassent à l'intérieur de cet intervalle pour éviter des écarts trop importants.

Une circulaire du Ministre de l'Intérieur de décembre 2000 recommande aux syndicats de pêche d'utiliser l'intervalle de quinze jours au maximum et de faire la publication de l'annonce le 1er et le 15ème jour. Cependant les collèges des syndics restent libres de choisir les dates de publication à l'intérieur de l'intervalle.

Il résulte en l'espèce du procès-verbal d'adjudication publique et des extraits de journaux que la publication de la date de l'adjudication est conforme à la loi.

2) Quant aux conditions de l'adjudication:

L'article 35, alinéa 1, de la loi du 28 juin 1976 portant réglementation de la pêche dans les eaux intérieures attribue au collège des syndics la compétence de fixer les charges, conditions et clauses auxquelles se fait l'adjudication et d'en faire l'annonce avant le commencement des opérations d'adjudication.

Par conséquent le collège des syndics dispose de la faculté d'une part de prévoir une mise en dessous de laquelle les offres seront jugées insuffisantes et d'autre part de déterminer le mode de garantie qui lui paraît le plus adapté.

3) Quant à la participation du syndicat intercommunal SIDEN à l'adjudication d'un droit de pêche:

Les syndicats intercommunaux sont des établissements publics dotés de la personnalité juridique, créés par leurs communes membres en vue de la réalisation d'œuvres ou de services d'intérêt communal dont ils sont chargés suivant l'objet défini par les statuts. Ils sont régis par le principe de spécialité qui veut qu'ils n'aient de compétences autres que celles que leurs membres leur ont attribuées.

Suivant les statuts du SIDEN, celui-ci « a pour objet l'évacuation et la dépollution des eaux résiduaires de ses communes membres, en entretenant, exploitant et faisant fonctionner les stations d'épuration, les collecteurs et les ouvrages annexes, et en faisant exécuter tous autres travaux qui seront rendus nécessaires par l'accomplissement de l'objet ci-dessus défini, le tout dans le respect du principe du pollueur-payeur ». Toujours d'après les statuts du SIDEN, « le syndicat peut accomplir tous les actes qui concourent à la réalisation de son objet social ».

En l'espèce, il s'avère que le SIDEN s'est porté adjudicateur des lots de pêche dans le but de ne pas s'exposer, pendant la durée des travaux de construction de la nouvelle station d'épuration du Heiderscheidergrund, à des recours que pourraient intenter d'autres adjudicataires qui se sentiraient perturbés dans l'exercice de la pêche suite aux inconvénients résultant de ce chantier. Le SIDEN n'a donc pas adjugé les lots en question pour pratiquer la pêche — occupation effectivement non prévue par ses statuts — mais pour éviter des demandes d'indemnisation, donc des charges financières importantes pour le budget syndical. Il s'ensuit que le SIDEN ne saurait se porter adjudicataire de lots de pêche ad eternam, mais uniquement pendant la durée des travaux de construction de la station d'épuration.

Aucun élément du dossier ne me permet par ailleurs d'admettre que le SIDEN se serait porté adjudicataire des lots de pêche par « rancune » envers vos clients.

En conclusion de ce qui précède, j'estime que votre recours gracieux n'est pas fondé et que l'adjudication du droit de pêche du 3 mars 2007 n'est pas viciée, ni quant à la forme, ni quant au fond ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er août 2007, l’Association et Monsieur … ont fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision précitée du ministre du 28 juin 2007 portant refus d’une demande en annulation de l’adjudication publique du droit de pêche sur les lots 19 et 21 ayant eu lieu le 3 mars 2007.

Dans son mémoire en réponse, l’Etat conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation introduit à titre subsidiaire. Le SIDEN quant à lui s’est rallié de manière générale aux développements de l’Etat quant à la recevabilité du recours introductif d’instance.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision1.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours en réformation en matière de décision à prendre par le ministre ayant dans ses attributions l’Administration de la gestion de l’eau, à savoir, au jour de la décision litigieuse, le ministre, à prendre par celui-ci sur base de l’article 35, paragraphe 9) de la loi précitée du 28 juin 1976, c’est à bon droit que l’Etat conclut à l’incompétence du tribunal administratif pour connaître du recours subsidiaire en réformation.

Quant à la recevabilité du recours en annulation, le délégué du gouvernement estime que l’Association ne disposerait pas de la capacité à agir du fait de ne pas avoir déposé ses comptes annuels depuis l’année 1999, en signalant encore que la dernière liste des membres de l’Association aurait été déposée en date du 29 novembre 2004, alors que cette liste serait à compléter annuellement, tel que prévu par la loi. Le SIDEN se rallie expressément à cette argumentation développée par l’Etat.

Les parties demanderesses font rétorquer que le fait pour l’Association de ne pas avoir procédé au dépôt de ses comptes annuels et de la liste de ses membres dans les délais légaux n’enlèverait pas sa personnalité juridique et ne serait pas de nature à l’empêcher à ester en justice. Elles font ajouter que l’Association aurait entretemps rempli les « formalités légales » en déposant les documents « requis » au registre de commerce et des sociétés.

Conformément à l’article 26 de la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et les fondations sans but lucratif « en cas d’omission des publications et formalités prescrites par les articles 2, 3 alinéa 1er et 9, l’association ne pourra se prévaloir de la personnalité juridique à l’égard des tiers, lesquels auront néanmoins la faculté d’en faire état contre elle.

L’omission des publications et formalités prescrites par les articles 3 alinéa 2, 10 et 11 aura pour effet de rendre inopposables aux tiers les faits qu’elles devaient constater, si l’omission leur a causé préjudice ».

1 cf. trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Recours en réformation, n° 3 et autres références y citées Il échet de constater que c’est l’article 10 de la loi précitée du 21 avril 1928 qui prévoit l’obligation pour une association sans but lucratif de publier une liste de ses membres qui doit être complétée annuellement.

Il se dégage partant d’une lecture combinée des articles 26 et 10 de la loi précitée du 21 avril 1928 que même à supposer que l’Association n’ait pas respecté les obligations lui imposées par l’article 10 de la même loi, une telle situation de fait ne serait pas de nature à lui enlever la personnalité juridique, la seule conséquence pouvant être celle envisagée par l’alinéa 2 de l’article 26 précité, question non litigieuse en l’espèce.

Par ailleurs, il échet de constater qu’il n’existe aucune obligation imposée aux associations sans but lucratif de déposer leurs comptes annuels au registre de commerce et des sociétés.

Il suit partant de ce qui précède que même à supposer que les reproches dirigés par l’Etat contre l’Association devaient s’avérer exacts, une telle situation de fait ne serait pas de nature à entraîner un défaut de personnalité juridique dans le chef de l’Association, voire un défaut de capacité juridique l’autorisant notamment à introduire un recours contentieux devant les juridictions. Partant, le moyen d’irrecevabilité ainsi soulevé par l’Etat est à rejeter pour ne pas être fondé.

Le SIDEN conclut de son côté à l’irrecevabilité du recours en annulation, en soutenant que dans la mesure où les parties demanderesses n’auraient dirigé leur recours que contre la décision ministérielle précitée du 28 juin 2007, et non pas contre l’adjudication elle-même du 3 mars 2007, une éventuelle annulation de la décision ministérielle ne saurait avoir le moindre effet utile dans leur chef, puisque cette annulation ne pourrait avoir un quelconque effet sur la décision d’adjudication elle-

même. En soulevant ce moyen d’irrecevabilité, le SIDEN conclut partant à un défaut d’intérêt à agir dans le chef des parties demanderesses.

C’est toutefois à bon droit que les parties demanderesses concluent au rejet de ce moyen d’irrecevabilité pour être non fondé, en se référant à l’article 35, paragraphe 7) de la loi précitée du 28 juin 1976 qui dispose que « le procès-verbal de l’adjudication ne sort ses effets qu’après avoir reçu l’approbation du ministre qui a dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts ». En effet, à supposer que le tribunal administratif soit amené à annuler la décision ministérielle sous examen, en retenant que celle-ci aurait à tort déclaré le recours gracieux des parties demanderesses du 28 mars 2007 non fondé en décidant encore « que l’adjudication du droit de pêche du 3 mars 2007 n’est pas viciée, ni quant à la forme, ni quant au fond », la conséquence juridique en serait que l’adjudication litigieuse du 3 mars 2007 ne pourrait pas sortir ses effets, ce qui constitue justement l’objectif poursuivi par les parties demanderesses dans le cadre du présent recours. Celles-ci disposent partant d’un intérêt à agir contre la décision ministérielle sous examen sous ce rapport.

Le délégué du gouvernement conclut encore à l’irrecevabilité du recours, en soutenant que dans la mesure où l’une des parties demanderesses, à savoir Monsieur …, n’aurait pas participé à l’adjudication portant sur le lot 19, ce qui ressortirait d’ailleurs des informations contenues dans son recours gracieux précité du 28 mars 2007, il ne disposerait d’aucun intérêt à agir contre la décision ministérielle sous examen, aucune lésion à caractère individualisé ne pouvant être retenue dans son chef.

Le représentant étatique soutient encore que Monsieur … n’aurait pas démontré en quoi l’adjudication du lot 19 par une autre personne serait de nature à lui causer un préjudice.

Quant à l’Association, le délégué du gouvernement relève que cette association n’a participé en aucune manière à l’adjudication publique du 3 mars 2007 et qu’elle n’aurait formulé aucune offre à cette occasion, de sorte que cette adjudication ne serait pas de nature à lui causer un préjudice, étant entendu, d’après le représentant étatique, que le simple fait de se référer à son objet social ne saurait lui attribuer un intérêt suffisant à agir contre la décision actuellement litigieuse, au motif que ni la sauvegarde des intérêts des pêcheurs en ligne, ni la prise à bail d’un ou de plusieurs lots de pêche n’aurait été demandée par son conseil d’administration, voire par un de ses membres actifs.

Dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses n’ont pas pris position par rapport à ce moyen d’irrecevabilité soulevé par l’Etat.

Toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit pouvoir se prévaloir d’une lésion à caractère individuel dérivant directement de l’acte attaqué et distinct de l’intérêt général. Il est partant nécessaire qu’il existe un lien suffisamment direct entre la décision qui fait l’objet du recours et la situation personnelle de la partie demanderesse. Ainsi, un intérêt à agir ne pourra être retenu qu’à partir du moment où il existe dans le chef de la partie demanderesse une lésion individuelle causée par l’acte attaqué. Il s’ensuit que le recours ne sera déclaré recevable qu’à partir du moment où la décision attaquée est susceptible de causer un préjudice au demandeur, respectivement si ce dernier peut justifier d’une lésion à caractère individualisé et retirer de l’annulation de la décision une satisfaction certaine et personnelle2.

Il se dégage du procès-verbal de l’adjudication publique du droit d’exercer la pêche et portant sur le lot 19 qu’une seule offre avait été déposée au sujet du lot de pêche en question, à savoir celle du SIDEN, de sorte qu’aucune autre personne physique ou morale n’a participé à l’adjudication portant sur ledit lot.

Dans la mesure où partant aucun des demandeurs n’a participé à l’adjudication litigieuse du lot 19, il y a lieu de constater qu’ils n’avaient aucune volonté de se porter adjudicataire du lot en question, la décision d’adjudication contre laquelle ils ont porté un recours devant le ministre ne peut pas leur porter préjudice, étant donné qu’il n’existe de ce fait aucun lien personnel avec l’acte attaqué, à savoir la décision du ministre par laquelle a été rejeté leur prédit recours gracieux et que cette dernière n’est pas susceptible d’avoir une influence, voire de porter un préjudice quant à leur situation individuelle. Il y a lieu de relever dans ce contexte que le seul fait par Monsieur … d’avoir été présent dans la salle au moment de l’adjudication litigieuse -

non contesté en cause - n’est pas suffisant pour établir dans son chef l’existence d’un intérêt suffisant à agir contre la décision attaquée.

2 cf. trib. adm. 22 octobre 2007, n° 22714 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Procédure contentieuse, n° 26 Dans la requête introductive d’instance, Monsieur … déclare encore être propriétaire de fonds adjacents notamment au lot 19, sans toutefois établir une telle situation de fait, de sorte que, abstraction faite de toute autre considération, une telle allégation non établie en cause est manifestement insuffisante à établir son intérêt à agir contre la décision attaquée.

Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent que les parties demanderesses, à savoir tant l’Association que Monsieur …, ne disposent d’aucun intérêt à agir contre la décision ministérielle litigieuse dans la mesure où celle-ci rejette leur réclamation dirigée notamment contre la décision d’adjudication portant sur le lot 19.

Au-delà de cette conclusion, il échet encore de relever que le recours sous examen ne vise, suivant l’agencement général de la requête introductive d’instance, que la décision ministérielle dans la mesure où celle-ci rejette la réclamation des parties demanderesses dirigée contre la décision d’adjudication du lot 19.

Il est vrai que dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses soulèvent des moyens nouveaux qui sont notamment soulevés à l’encontre de la décision ministérielle dans la mesure où celle-ci porte également sur le lot 21 et le lot portant sur le cours d’eau Schlierbach.

D’après l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, les moyens invoqués par une partie demanderesse doivent figurer dans la requête introductive d’instance. Il s’ensuit qu’à l’exception des moyens que le tribunal peut soulever d’office pour avoir trait à l’ordre public et qui peuvent être soulevés en tout état de cause, une partie demanderesse n’est pas autorisée à soulever des moyens nouveaux après le dépôt de sa requête introductive d’instance3. En effet, la requête délimite définitivement le débat, en ce sens que le demandeur ne peut plus faire valoir d’autres moyens ou prendre d’autres conclusions dès que le délai du recours contentieux est expiré4.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours est à déclarer irrecevable, étant entendu pour le surplus que les parties demanderesses ne sauraient invoquer des considérations ayant trait à l’intérêt général pour justifier leur intérêt à agir.

En ce qui concerne la recevabilité de la requête en intervention formulée par la …, il échet de relever qu’une telle intervention volontaire faite sur base de l’article 20 de la loi précitée du 21 juin 1999 ne constitue qu’une procédure accessoire à la procédure principale introduite par les demandeurs à une instance contentieuse, de sorte à ce qu’à partir du moment où le recours principal est déclaré irrecevable, la requête en intervention doit nécessairement suivre le même sort.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure de 5.000.- € formulée par les parties demanderesses sur base de l’article 33 de la loi précitée du 21 juin 1999 est à rejeter pour ne pas être fondée, au vu des conclusions ci-avant retenues.

3 cf. trib. adm. 4 mars 1998, n° 9670 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Procédure contentieuse, n° 562 4 cf. trib. adm. 1er mars 1999, n° 10938 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Procédure contentieuse, n° 568 et autre référence y citée Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

déclare irrecevable la requête en intervention volontaire ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par les parties demanderesses ;

condamne les parties demanderesses aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 29 juin 2009 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.

s. Claude Legille s. Carlo Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 23283
Date de la décision : 29/06/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-06-29;23283 ?

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