Tribunal administratif N° 25021 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 novembre 2008 1re chambre Audience publique du 24 juin 2009 Recours formé par les époux …et …, … contre une décision du bourgmestre de la Ville de Remich en matière d’autorisation de construire en présence de Madame …, Remich
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25021 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2008 par Maître François Turk, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, , et de son épouse, Madame …, …, demeurant tous les deux ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la Ville de Remich du 24 juillet 2007 accordant à Madame …, demeurant à L-…, l’autorisation de construire une maison suivant plan annexé sur la propriété aux abords de la rue du Château, inscrite au cadastre de la commune de Remich, section A des Bois, sous le n° 233/2068 ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou Thill, demeurant à Luxembourg du 19 novembre 2008 portant signification de cette requête à l’administration communale de la Ville de Remich ainsi qu’à Madame … ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 18 février 2009 par Maître Pierre Metzler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg pour compte de l’administration communale de Remich ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2009 par Maître François Turk au nom des époux …-… ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2009 par Maître Pierre Metzler pour compte de l’administration communale de Remich ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Martine Lamesch, en remplacement de Maître François Turk et Anne-Laure Jabin, en remplacement de Maître Pierre Metzler en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 juin 2009.
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Suivant autorisation de construire du 24 juillet 2007 référencée sous le numéro 2007/15, le bourgmestre de la Ville de Remich a accordé à Madame … l’autorisation de réaliser les travaux suivants : « La construction d’une maison, suivant plans annexés entrés le 11 juin 2007, sur la propriété aux abords de la rue du Château inscrite au cadastre de la commune de Remich, section A des Bois, sous le n° 233/2068 ». La démolition de la maison se trouvant sur le terrain en question ayant été entamée en février 2008 et les travaux de construction ayant démarré au courant du mois de mars 2008, les époux …et …, voisins directs de la parcelle devant recevoir cette construction, se sont adressés par courrier de leur mandataire du 17 avril 2008 à l’administration communale de Remich afin de solliciter une copie de l’autorisation de bâtir délivrée à Madame ….
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2008, les époux …-… ont fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de l’autorisation de construire ci-avant visée du 24 juillet 2007.
Encore que ce recours fut dûment signifié par exploit d’huissier à Madame …, celle-ci n’a pas comparu dans les délais légaux. Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives le tribunal statue néanmoins contradictoirement à son encontre.
L’administration communale de Remich conclut à titre principal à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté en faisant valoir que le certificat dit « point rouge » délivré par le bourgmestre aurait été affiché sur place par le constructeur en date du 14 janvier 2008 en prenant appui sur une déclaration afférente de Monsieur … , gérant de la société Entreprise … sàrl . Elle signale en outre que par courrier du 23 avril 2008, les époux …-… ont reconnu, par l’intermédiaire de leur mandataire, avoir reçu une copie de l’autorisation de bâtir délivrée à Madame …, de même que par courrier du 7 mai 2008 adressé au bourgmestre ils auraient encore reconnu, par l’intermédiaire de leur mandataire, avoir consulté les plans de l’autorisation de bâtir dans les bureaux de la commune. Elle en déduit que le point de départ du délai de recours contentieux aurait commencé à courir en l’espèce à compter de l’affichage du certificat « point rouge » au abords du chantier, à savoir le 14 janvier 2008, sinon au plus tard à partir de la connaissance effective de cette autorisation par les époux …-… qui serait établie à suffisance au 7 mai 2008 au plus tard.
Les demandeurs rencontrent ce moyen en faisant valoir que l’affichage du point rouge ne ferait pas automatiquement courir le délai de recours contentieux mais qu’il appartiendrait à celui qui s’en prévaut de le prouver. En l’espèce il y aurait lieu de constater que le certificat « point rouge » délivré par l’administration communale de la Ville de Remich ne porterait aucune date et que la simple affirmation de la part de l’entrepreneur chargé des travaux de construction relative à l’affichage de ce point rouge en date du 14 janvier 2008 ne saurait valoir preuve. Les demandeurs contestent de leur côté formellement que le point rouge ait été affiché à cette date et soutiennent que cet affichage n’aurait eu lieu qu’en date du 27 août 2008, soit bien après le commencement des travaux. Quant à l’argumentation leur opposée que le délai du recours contentieux aurait commencé à courir à partir du jour où la décision a été portée à la connaissance du tiers intéressé d’une façon à lui permettre d’en vérifier les éléments essentiels concernant son contenu, les demandeurs font valoir qu’ils auraient tenté de s’informer d’une façon complète auprès des autorités communales afin de pouvoir agir utilement sur le plan contentieux, mais qu’ils auraient été induits en erreur par la commune qui, d’une part, ne leur aurait transmis les informations sollicitées qu’au compte-gouttes et que d’autre part elle leur aurait communiqué des informations incomplètes, voire erronées, de sorte qu’ils auraient dû avoir recours à l’Ombudsman sans cependant réussir à obtenir toutes les informations requises. Dans la mesure où ils n’auraient dès lors pas disposé d’informations complètes concernant notamment la base légale de l’autorisation de construire litigieuse, les demandeurs estiment que l’irrecevabilité pour cause de tardiveté ne saurait leur être utilement opposée en l’espèce par la commune qui, de par sa propre attitude, les aurait mis dans l’impossibilité de disposer des éléments essentiels liés à l’octroi de cette autorisation de construire.
Afin de toiser la question de la recevabilité ratione temporis du recours contentieux sous examen, il y a lieu de se référer aux dispositions combinées des articles 13 (1) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ainsi que de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain qui sont à lire conjointement et qui sont libellés comme suit :
« Art. 13. (1) Sauf dans les cas où les lois ou règlement fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance.
Art. 37 Autorisations de construire (…) Un certificat délivré par le bourgmestre attestant que la construction projetée a fait l’objet de son autorisation est affiché aux abords du chantier par le maître de l’ouvrage. Ce certificat mentionne notamment qu’à la maison communale le public peut prendre inspection des plans afférents pour autant qu’ils portent sur l’implantation de la construction ses parties extérieures et l’affectation de l’immeuble.
Un certificat délivré par le bourgmestre attestant le cas échéant que l’autorisation de construire a été prorogée est affiché avec une copie du certificat prévu à l’alinéa précédent aux abords du chantier par le maître de l’ouvrage.
Les autorisations accordées en vertu de la présente loi ne préjudicient pas aux droits des tiers.
Le délai de recours devant les juridictions administratives commence à courir trois jours à compter de la date d’affichage des prédits certificats ».
Ainsi, l’article 13 (1) de la loi du 21 juin 1999 prévoit deux hypothèses alternatives dans lesquelles un recours peut être déclaré irrecevable faute d’avoir été introduit dans les délais, à savoir 1) celle où le demandeur a déposé son recours plus de trois mois après s’être vu formellement notifier la décision litigieuse et 2) celle où il a introduit un recours plus de trois mois après avoir pu prendre connaissance de l’acte faisant grief.
Si l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 a certes retenu pour des raisons pratiques que la prise de connaissance d’une autorisation de construire par les tiers intéressés est réputée avoir eu lieu trois jours après l’affichage d’un certificat attestant de l’octroi de l’autorisation de construire et que dans cette hypothèse le délai de recours contre l’autorisation court à compter de la date d’affichage de l’autorisation, cette disposition spéciale aménageant une forme de notification alléguée en la matière n’est pas pour autant de nature à tenir en échec la deuxième hypothèse consacrée par l’article 13 (1) consacrant d’une manière plus générale le principe que le délai court en tout état de cause aussi à compter de la prise de connaissance de la décision litigieuse. En effet, si le législateur partant du constat, d’une part, qu’une notification individuelle aux personnes intéressées par une autorisation de construire n’est pas toujours possible pour des raisons pratiques, liées notamment à l’impossibilité d’identifier toutes les personnes susceptibles d’être intéressées et, d’autre part, que l’affichage in extenso des autorisations de construire avec les plans afférents est impraticable, a estimé nécessaire d’alléguer la formalité d’une notification par un mode de notification plus général tel que retenu à l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004, à savoir l’affichage d’un certificat aux abords du chantier, et ceci afin de faire courir le délai du recours contentieux, cette formalité, qui a été prévue pour des raisons de sécurité juridique ne s’impose cependant pas dans l’hypothèse où les intéressés ont eu une connaissance effective de l’autorisation de construire, étant entendu que la preuve de pareille connaissance appartient à la partie qui l’invoque1.
Indépendamment de la question de la date exacte d’affichage du point rouge aux abords du chantier litigieux, la Ville de Remich entend en l’espèce établir la connaissance par les époux …-… de l’autorisation de construire litigieuse en prenant appui sur différents courriers versés en cause par les parties demanderesses.
Les demandeurs ont en effet versé au dossier copie d’un courrier adressé pour leur compte à l’administration communale de Remich par leur mandataire en date du 17 avril 2008 pour solliciter une copie de l’autorisation de bâtir litigieuse, de même qu’un courrier du même mandataire du 23 avril 2008 qui témoigne de la réception d’une copie de cette autorisation de construire, ainsi que de la volonté dudit mandataire de consulter les plans de la construction en question, en ce qu’il a annoncé sa volonté de prendre rendez-vous avec le service technique de la commune afin de pouvoir prendre inspection du dossier complet. Il se dégage encore des pièces versées au dossier que cette prise de connaissance a effectivement eu lieu, étant donné que suivant courrier du 7 mai 2008 adressé à l’administration communale de Remich, le mandataire des demandeurs s’est référé à l’entrevue qu’il a eue avec le technicien de la commune dans les termes suivants :
« Suite à l’entrevue que j’ai eue avec votre technicien, je demande :
1) de pouvoir prendre inspection du PAP, respectivement du règlement sur les bâtisses concernant les terrains à bâtir (Buschland) édité par le conseil communal de la Ville de Remich en sa séance du 25 avril 1952, approuvé par arrêté ministériel du 11 juillet 1952 no. 612/52 ;
2) de contrôler la construction … pour voir si les plans autorisés sont respectés ;
3) de m’expliquer pourquoi vous avez autorisé un recul latéral, selon le plan autorisé de 2,5 mètres, alors que le règlement des bâtisses sub5.5 : marge de reculement par rapport aux limites séparatives prescrit une distance de 3,50 mètres ».
Ces différents courriers témoignent clairement et sans équivoque du fait que les demandeurs, par l’intermédiaire de leur mandataire, ont pu prendre connaissance tant de l’autorisation de construire que des plans de construction à sa base lors de l’entrevue avec le technicien, ainsi que du fait que cette entrevue a eu lieu en tout état de cause avant le 7 mai 2008. La conclusion s’impose que le délai de recours contentieux a commencé à courir en l’espèce au plus tard à partir de cette entrevue, de sorte à avoir expiré en tout état de cause bien avant l’introduction du recours sous examen le 14 novembre 2008. Pour des raisons de sécurité juridique dans le chef plus particulièrement du bénéficiaire de l’autorisation litigieuse, les demandeurs étaient partant forclos à agir le 14 novembre 2008.
1 cf. trib. adm. 31 janvier 2008, n° 22929 du rôle et trib. adm. 14 avril 2008, n° 23297 du rôle, Pas. adm. 2008, Urbanisme, n° 485, p. 581 Cette conclusion ne saurait être énervée par les développements des demandeurs consistant à soutenir que l’ensemble de la réglementation communale applicable au cas d’espèce ne leur aurait pas été communiquée en bonne et due forme, voire en temps utile pour préparer leur recours contentieux dans le délai légal, étant donné que le point de départ du délai de recours contentieux est entrevu tant par l’article 13 (1) que par l’article 37 prérelatés à partir de la connaissance de l’autorisation faisant l’objet du recours et non de la connaissance d’autres pièces ou éléments, fussent-ils utiles dans le cadre de la répartition d’un recours contentieux. Concernant plus particulièrement la réglementation applicable, il s’agit d’éléments susceptibles d’être complétés dans le cadre du recours contentieux introduit, étant entendu qu’en cas de communication imparfaite de ces éléments relevant du domaine public, il est toujours possible d’en ordonner la production en cours d’instance contentieuse s’ils n’ont pas été dûment publiés, ainsi que d’accorder aux parties la possibilité de fournir une prise de position complémentaire si l’instruction de l’affaire le requiert.
Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours est irrecevable.
Compte tenu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’une indemnité formulée par les demandeurs ; quant à la demande tendant aux mêmes fins formulée par la Ville de Remich, le tribunal arrive à la conclusion que la condition d’iniquité n’est pas remplie à suffisance, de sorte qu’il y a également lieu de rejeter cette demande comme étant non fondée.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours irrecevable ;
rejette les demandes respectives en obtention d’une indemnité de procédure comme étant non fondées ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 juin 2009 par :
Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, premier juge Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Schmit s. Lenert 5