Tribunal administratif N° 24686 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 juillet 2008 3e chambre Audience publique du 17 juin 2009 Recours formé par Madame …, … contre le bulletin de l’impôt sur le revenu émis par le bureau d’imposition de Pétange, en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 24686 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2008 par Maître Patrick Weinacht, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision implicite de refus du directeur de l’administration des Contributions directes découlant de son silence observé pendant plus de six mois par rapport à sa réclamation du 15 novembre 2007 introduite contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2006 émis le 6 septembre 2007 par l’administration des Contributions directes, section des personnes physiques, bureau d’imposition de Pétange, et du bulletin de l’impôt sur le revenu précité.
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2008 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2008 par Maître Patrick Weinacht au nom de Madame … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Franck Simans, en remplacement de Maître Patrick Weinacht, et Monsieur le délégué du gouvernement Claude Lick en leurs plaidoiries respectives, à l’audience publique du 18 février 2009.
Par acte passé pardevant Maître …, notaire, de résidence à … le 24 novembre 2006, Madame … et son époux ont adopté le régime de la séparation de biens tel qu’il est établi par les articles 1536 et suivants du code civil et ils ont requis le notaire de procéder à la liquidation et au partage de la communauté de biens ayant existé entre eux, en vue d’un divorce par consentement mutuel.
A titre de partage Madame … s’est vue attribuer une maison d’habitation sise à … , évaluée à 518.000 euros, à charge de reprendre la dette auprès de la Fortis Banque Luxembourg d’un montant de 118.000 euros et de payer à son époux la somme de 200.000 euros, ce dont quittance lui a été donnée à travers l’acte de séparation des biens avec liquidation du 24 novembre 2006.
Par acte passé le même jour, soit le 24 novembre 2006, passé pardevant Maître … , la Fortis Banque Luxembourg s.a. a consenti à Madame … une ouverture de crédit de 302.500 euros, utilisable en compte courant à concurrence de 275.000 suros.
Par courrier du 21 mai 2007, Madame … a fait parvenir sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2006 au bureau d’imposition de Pétange en expliquant ce qui suit : « (…) j’ai joint les factures de Me … concernant la séparation de biens/convention de divorce/acte d’ouverture de crédit. Toutefois, ne sachant pas sous quelle rubrique déduire ces frais, j’ai reporté le tout en tant que charges extraordinaires. (…) ». Dans le cadre de sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2006, Madame … a demandé un abattement en raison de charges extraordinaires pour les frais engendrés par l’acte d’ouverture de crédit, l’acte de séparation de biens et la convention de divorce.
Le 6 septembre 2007, l’administration des Contributions directes, section des personnes physiques, bureau d’imposition de Pétange, désignée ci-après par « le bureau d’imposition », a émis un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2006 à l’égard de Madame ….
Par courrier du 15 novembre 2007, Madame … a introduit une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le directeur », contre le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2006 émis le 6 septembre 2007, en lui reprochant d’avoir refusé la déduction de tous ses frais en relation avec l’acquisition d’une part indivise dans l’immeuble sis à ….
Ladite réclamation étant restée sans réponse, Madame … a fait introduire par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2008, un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision implicite de rejet se dégageant du silence observé pendant plus de six mois par le directeur par rapport à sa réclamation précitée du 15 novembre 2007, ainsi que du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2006 émis le 6 septembre 2007.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée « AO », er des articles 8 (3) 1. et 8 (3) 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre le bulletin d’impôt ayant fait l’objet d’une réclamation auprès du directeur, si aucune décision définitive du directeur n’est intervenue dans un délai de six mois à partir de la réclamation. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation dans la mesure où il est dirigé directement contre le bulletin de l’impôt sur le revenu ayant fait l’objet d’une réclamation auprès du directeur. Cependant, le recours est irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre la décision implicite de refus du directeur. Par ailleurs, étant donné que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dans la mesure où il est dirigé directement contre le bulletin de l’impôt sur le revenu, il n’est pas compétent pour connaître du recours en annulation introduit à titre subsidiaire, qui est partant irrecevable.
A titre liminaire, le tribunal est amené à analyser le moyen d’irrecevabilité du recours tel que soulevé par le délégué du gouvernement au motif que la requête introductive d’instance cumulerait un recours en annulation et un recours en réformation.
Le délégué du gouvernement estime à cet égard que ces deux recours seraient incompatibles car ne procédant pas de la même cause, n'ayant pas le même objet et reposant sur des moyens juridiques fondamentalement différents, de sorte que le principe d'une bonne administration de la loi s'opposerait à la recevabilité d'une telle requête qu’il qualifie de « collective » Il convient cependant de relever que du fait que la demanderesse n’a articulé les deux demandes différentes qu’en ordre de subsidiarité successive, c’est-à-dire que le recours a été formulé principalement en tant que demande en réformation et seulement subsidiairement en tant que demande en annulation, il ne saurait être question de requête collective ni de cumul de deux demandes différentes, le tribunal n’étant appelé à statuer sur la recevabilité de la demande subsidiaire en annulation qu’à défaut de recevabilité de la demande principale en réformation. Le moyen d’irrecevabilité afférent du représentant étatique est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Le délégué du gouvernement soulève encore une irrecevabilité du recours au motif qu’il ne serait pas conforme à l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, alors qu’aucun relevé des pièces serait joint à la requête introductive d’instance.
Si aux termes de l’article 1er de la loi précitée du 21 juin 1999 : « La requête, qui porte date, contient : (…) le relevé des pièces dont le requérant entend se servir », il convient de lire cet article conjointement avec l’article 29 de la même loi, aux termes duquel : « L’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ».
Si en l’espèce, la demanderesse a effectivement omis d’indiquer dans sa requête introductive d’instance le relevé des pièces dont elle entend se prévaloir, il n’en demeure pas moins qu’elle a versé en cause une farde de pièces munie d’un inventaire des pièces et que le délégué du gouvernement ne s’est trompé dans son mémoire en réponse ni sur le bulletin attaqué ni sur les autres pièces versées en cause, de sorte qu’il n’a pas été porté atteinte aux droits de la défense en l’espèce et que le moyen afférent du délégué du gouvernement est à rejeter pour ne pas être fondé.
Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé, le recours en réformation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, la demanderesse estime que le refus de la part du bureau d’imposition de procéder à la déduction des frais en relation avec l’acquisition d’une part indivise de l’immeuble sis à …, ne pourrait s’expliquer que par le fait que le bureau d’imposition qualifierait ladite opération de soulte. Or, l’opération translative de propriété, consistant à acquérir, de surcroît par acte notarié, une part indivise d’un immeuble devrait nécessairement être qualifiée de vente au regard du droit civil.
D’ailleurs, ni la constitution d’une nouvelle hypothèque, ni l’acte notarié n’auraient été nécessaires dans le cadre d’une simple indemnisation de l’ex-conjoint de la demanderesse.
La demanderesse donne encore à considérer que la communauté légale entre époux serait à assimiler à une société de fait à l’intérieur de laquelle chaque associé disposerait d’une part indivise de la société. Dans ce cas la liquidation de ses avoirs par un associé au profit d’un autre associé s’analyserait en une vente.
D’ailleurs, la part indivise de l’ex-époux de la demanderesse aurait pu être transférée à un tiers acquéreur, ou alors, la demanderesse et son ex époux auraient pu procéder à la liquidation de l’immeuble et à sa vente au profit d’un tiers, permettant ainsi à la demanderesse d’acquérir un nouvel immeuble et de bénéficier sur l’achat du nouvel immeuble de tous les avantages fiscaux.
Enfin, la demanderesse conclut qu’une qualification conforme de l’opération effectuée lui aurait permis de déduire de son revenu imposable les frais notariés en relation avec l’achat de la part indivise en tant que frais d’obtention et les intérêts en relation avec le crédit contracté en tant que dépenses spéciales, conformément aux articles 105 et 109 de la loi modifiée du 4 décembre 1997 concernant l’impôt sur le revenu, désignée ci-après par « LIR ».
Le délégué du gouvernement estime que le partage des biens indivis dépendant de la communauté conjugale dissoute, constituerait une opération de droit privé à laquelle s’appliquerait l’effet déclaratif de l’article 883 du code civil. En s’appuyant sur diverses jurisprudences, il aboutit à la conclusion que l’acte de séparation des biens avec liquidation s’analyserait en une opération à caractère déclaratif et que la demanderesse serait donc censée avoir eu, seule, dès l’entrée en indivision, la propriété du bien immobilier lui attribué lors du partage, de sorte que la somme de 200.000 euros versée à son mari ne serait ni déductible, ni constitutive d’un prix d’acquisition.
La demanderesse réplique qu’au regard du droit civil l’opération consistant à acquérir, de surcroît par acte notarié, une part indivise d’un immeuble devrait nécessairement être qualifiée de vente. En vertu de l’article 1156 du code civil les conventions seraient à interpréter selon la commune intention des parties, laquelle aurait été en l’espèce celle de sortir de l’indivision. Cela n’aurait cependant pu se faire que si l’une des parties se portait acquéreur de la part de l’autre. La licitation d’un immeuble, mettant fin à l’indivision entre tous les copartageants, devrait être considérée comme acte de vente. Enfin, si la théorie de l’effet déclaratif devrait trouver application, la demanderesse n’aurait pas eu à payer des droits d’enregistrement lors de la sortie de son indivision.
Force est au tribunal de constater que la question opposant les parties en l’espèce est la détermination de la qualification juridique de la somme de 200.000 euros payée par Madame … à son ex-époux, ainsi que les effets fiscaux entrainés par cette opération.
Concrètement, les parties sont en désaccord sur la question de savoir si l’opération relative au paiement du montant de 200.000 euros, s’analyse en un acte translatif de propriété ou en un acte à effet déclaratif et plus précisément en soulte, étant entendu que la soulte se définit comme somme d’argent qu’un copartageant doit verser aux autres copartageants, lorsque les lots ou les biens échangés sont inégaux en valeur1.
Dans ce contexte, le tribunal constate que le régime fiscal applicable à l’opération relative au paiement du montant de 200.000 euros, dépend de la qualification juridique de l’opération au regard des principes de droit civil applicables.
Il y a donc lieu de déterminer la nature de l’opération relative au paiement des 200.000 euros, par rapport aux dispositions du droit civil.
En vertu de l’article 1441 du code civil : « La communauté se dissout : (…) 5° par la séparation des biens ; (…) ». C’est partant à juste titre que le délégué du gouvernement a précisé que la séparation des biens entraîne la dissolution de la communauté, telle que prévue par la loi ou le contrat de mariage.
Par la suite, conformément aux articles 1467 et suivants du code civil, la situation patrimoniale résultant de la dissolution de la communauté, sera clarifiée par un partage de la masse des biens ayant formé la communauté.
En l’espèce, il ressort des pièces soumises au tribunal et plus précisément de l’acte notarié intitulé « séparation des biens avec liquidation du 24 novembre 2006 », que la demanderesse et son époux ont adopté le 24 novembre 2006 le régime de la séparation des biens tel qu’il est établi par les articles 1536 et suivants du code civil. Il ressort encore du même acte que les époux ont requis le notaire de procéder au partage de la communauté des biens ayant existé entre eux. Le partage s’est effectué de la manière suivante : Madame … s’est vue attribuer la maison sise à …, évaluée à 518.000 euros, à charge de reprendre la dette auprès de la Fortis Banque Luxembourg d’un montant de 118.000 euros et de payer à son époux la somme de 200.000 euros, de sorte que l’attribution nette à Madame … s’est élevée au montant de 200.000 euros.
L’époux de Madame …, de son côté, s’est vu attribuer la somme de 200.000 euros, lui payée par sa femme, de sorte que son attribution nette s’est également élevée au montant de 200.000 euros.
Le tribunal est donc d’ores et déjà amené à retenir qu’au regard des dispositions du droit civil, l’opération effectuée par Madame … et par son époux en date du 24 novembre 2006, telle qu’actée par acte notarié du même jour, s’analyse en une séparation des biens, impliquant la dissolution de la communauté, suivie du partage des biens ayant formé la communauté. Dès lors, la somme de 200.000 euros payée par Madame … à son époux, dans le cadre du partage des biens ayant composé la communauté, consistant en la somme versée au coindivisiaire en raison de l’inégalité de valeur des lots échangés, s’analyse en une soulte. C’est partant à tort que la demanderesse soutient que l’opération effectuée par les deux époux le 24 novembre 2006 constituerait une opération translative de propriété devant être qualifiée de vente.
Etant donné que l’opération effectuée le 24 novembre 2006 par Madame … et son époux s’analyse en un acte de séparation des biens, impliquant la dissolution de la 1 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 12e édition, V° Soulte.
communauté et le partage des biens ayant formé la communauté, moyennant paiement d’une soulte, il reste à déterminer les effets de cette opération.
Force est de constater qu’aux termes de l’article 1476 du code civil : « Le partage de la communauté pour tout ce qui concerne ses formes, le maintien de l’indivision et l’attribution préférentielle, la licitation des biens, les effets du partage, la garantie qui en résulte et les soultes, est soumis à toutes les règles qui sont établies au titre « Des successions » pour les partages entre cohéritiers ».
Il ressort de cet article que le code civil renvoie notamment quant aux effets du partage de la communauté à ses articles 718 à 892, s’appliquant dans une large mesure, à tout partage d’une masse indivise2.
L’article 883 du code civil dispose :« Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession.
Il en est de même des biens qui lui sont advenus pour tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l’indivision. Il n’est pas distingué selon que l’acte fait cesser l’indivision en tout ou en partie, à l’égard de certains biens ou de certains héritiers seulement (…) ».
Par conséquent, en droit civil, l’application de l’effet déclaratif au partage de la communauté est incontestable3. Les biens placés dans le lot d’un époux sont censés avoir été sa propriété exclusive depuis le jour où la communauté a été réputée dissoute dans ses rapports avec son conjoint. Réciproquement, celui-ci est censé ne plus avoir eu de droits sur ces mêmes biens depuis la même date4. L’effet déclaratif du partage ainsi exprimé s’applique pour tous les effets compris dans le lot d’un copartageant ou coindivisaire et inclut ainsi également l’hypothèse d’un partage avec soulte5.
Le troisième alinéa de l’article 883 du code civil disposant que : « (…) les actes valablement accomplis soit en vertu d’un mandat des coïndivisaires, soit en vertu d’une autorisation judiciaire, conservent leur effet quelle que soit, lors du partage, l’attribution des biens qui en ont fait l’objet » ne porte pas atteinte à l’effet déclaratif du partage, mais limite seulement certaines plages de rétroactivité fictivement retenues jusque lors en consacrant la validité de certains actes accomplis avant le partage.
Si en droit civil, l’effet déclaratif du partage de la communauté ne pose donc aucun doute, il échet encore de déterminer l’effet du partage en droit fiscal.
Force est à ce sujet au tribunal de constater qu’en matière fiscale le législateur a, à travers l’article 102 (3) LIR, confirmé de façon expresse l’option prise, du moins concernant les biens du patrimoine privé, pour une application générale du principe 2 François Terré, Philippe Simler, Droit civil, Les régimes matrimoniaux, Dalloz, précis, 3e édition, 2001, n°694.
3 Philippe Malaurie, Les régimes matrimoniaux, éditions Cujas, 4e édition, 1999, n°646.
4 François Terré, Philippe Simler, op. cit., n°714.
5 cf. trib. adm. 4 février 2002, n° 13559 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Impôts, n°161 et autres références y citées.
déclaratif du partage6. Ainsi, l’article 102 (3) LIR dispose : « Lorsqu’un bien a été acquis à titre gratuit par le cédant, le prix d’acquisition à mettre en compte est celui payé par le détenteur antérieur ayant acquis le bien en dernier lieu à titre onéreux. Il en est de même lorsque le bien a été attribué au cédant comme lot à l’occasion d’un partage successoral, même en cas de paiement d’une soulte par l’alloti. Un règlement grand-ducal peut prévoir, pour des cas particuliers, des dérogations à la phrase qui précède ». A l’heure actuelle aucun règlement grand-ducal en exécution de l’article 102 (3) LIR in fine n’a été pris.
Il se dégage du commentaire des articles à la base de l’article 102 LIR que l’entérinement en matière fiscale de l’effet déclaratif du partage, du moins concernant les biens du patrimoine privé du contribuable, est à considérer de façon générale, au-
delà des questions d’imposition des plus-values en matières immobilière et mobilière y plus spécifiquement réglées et ce notamment en raison des motifs ayant guidé le choix du législateur, tels qu’ils résultent plus particulièrement in fine dudit commentaire des articles relatif à la disposition sous discussion relaté ci-après en large extrait, comme détaillant au mieux l’intention des auteurs du texte7 :
« L’alinéa 3, première phrase ne comporte également que la confirmation de la pratique administrative actuelle confirmée formellement par la jurisprudence, en ce qui concerne notamment les participations importantes.
Comme cependant, suivant le projet, la solution faisant l’objet de la jurisprudence trouvera une application beaucoup plus fréquente à l’endroit des terrains il échet néanmoins d’examiner quelles autres solutions seraient possibles et quelle solution se présente comme la plus appropriée.
Lorsqu’un bien est transmis à titre gratuit et que ce bien a déjà acquis une plus-value par rapport à son prix d’acquisition, cette plus-value peut, techniquement, être traitée de trois manières différentes.
En premier lieu elle peut être définitivement exonérée. Cette solution implique que l’acquéreur aura pour prix d’acquisition la valeur estimée de réalisation du bien au jour de la transmission.
En second lieu la plus-value peut être imposée lors de la transmission, comme si le bien était aliéné au prix de sa valeur estimée de réalisation.
La troisième solution consiste à reporter la plus-value sur l’acquéreur du bien, en prévoyant que l’acquéreur sera traité, lors de l’aliénation ultérieure du bien, comme s’il avait acquis le terrain au prix exposé par son auteur.
La première solution manquerait d’équité, puisqu’elle exonérerait définitivement les plus-values au hasard des successions. D’autre part elle nécessiterait l’évaluation de la valeur vénale des biens à la date de l’ouverture des successions, parce que la valeur vénale à cette époque tiendrait lieu de prix d’acquisition pour le calcul de la plus-value réalisée ultérieurement par l’héritier. De 6 cf. trib. adm. 4 février 2002, n° 13559 du rôle, précité.
7 doc. parl. 2078, pp. 14 et 15, ad. article 102, alinéa 3 plus cette solution ne pourrait pas être appliquée en cas de donation, parce qu’elle provoquerait des donations faites dans le seul but d’obtenir l’exonération des plus-
values.
En France la première solution est appliquée à l’endroit des successions et à l’endroit des donations pratiquées avant l’introduction de l’imposition des plus-
values. Or, en France, les successions en ligne directe sont soumises à un droit de succession très sensible et les autres successions sont soumises à un droit beaucoup plus élevé que le droit correspondant luxembourgeois. Il ne se recommande pas d’adopter la solution française du moment que le législateur n’envisage pas la modification correspondante des droits de succession.
La deuxième solution est inacceptable, parce qu’elle serait contraire au principe général que l’impôt sur le revenu ne doit frapper que des revenus réalisés.
C’est pour ces raisons que la troisième solution se recommande. Cette solution correspond par ailleurs aux principes appliqués actuellement aussi à l’endroit des transmissions à titre gratuit d’exploitations et d’entreprises.
Comme il vient d’être relevé la solution implique que le prix d’acquisition payé lors de la dernière acquisition à titre onéreux soit mis en compte lorsque le terrain a été acquis à titre gratuit.
La solution adoptée soulève un problème en rapport avec le partage successoral qui comporte à son tour deux solutions théoriquement admissibles.
Dans la première solution le partage est considéré comme translatif. Il en résulte que l’attributaire d’un bien ne doit mettre en compte le prix d’acquisition du de cujus qu’à concurrence de sa quote-part héréditaire. Pour le reste il est censé avoir acquis le terrain au prix de ses quotes-parts héréditaires auxquelles il renonce, compte tenu d’une soulte éventuelle. En contrepartie de ce principe les copartageants sont réputés avoir réalisé leurs quotes-parts dans le bien et sont immédiatement imposables du chef de la fraction correspondante de la plus-value.
Dans la deuxième solution le partage est considéré comme déclaratif.
L’attributaire du bien est réputé avoir acquis ce bien entièrement du de cujus et le prix d’acquisition entier payé par ce dernier est à mettre en compte ultérieurement par l’attributaire. Aucun des cohéritiers n’est imposé à la suite du partage.
En ce qui concerne les transmissions d’exploitations et d’entreprises, l’une ou l’autre conception du partage est actuellement applicable selon les circonstances.
L’exécution de la solution basée sur la conception translative du partage est cependant compliquée et son exécution pratique n’est possible, à l’endroit des exploitations et des entreprises, que parce que les écritures normalement tenues par les exploitants analysent et enregistrent de toute façon les modifications de valeurs comptables résultant des transferts de propriété en raison de l’effet translatif du partage.
En ce qui concerne, par contre, les biens dépendant du patrimoine privé, le calcul et l’enregistrement comptable du prix d’acquisition se dégageant du partage pour l’attributaire du bien devraient être faits par l’administration.
Eu égard à la fréquence des partages et aux circonstances compliquées dans lesquelles ils s’accomplissent souvent, cette solution ne saurait être envisagée à l’endroit des biens du patrimoine privé.
Il importe donc d’imposer par la loi la solution basée sur l’effet déclaratif du partage, parce qu’elle ne comporte pas de complications et est de ce fait préférable pour le contribuable et l’administration ».
Il se dégage de l’ensemble des motifs à la base de la législation ci-avant relatée que du moins pour les biens du patrimoine privé la règle de l’effet déclaratif du partage s’impose de manière générale au-delà des dispositions de l’article 102 (3) LIR concernant l’imposition des plus-values mobilières et immobilières.
Il ressort des considérations qui précèdent qu’en matière fiscale, à l’instar du droit civil, le partage de la communauté a un effet déclaratif. Dès lors, les biens placés dans le lot d’un époux sont censés avoir été sa propriété exclusive depuis le jour où la communauté a été réputée dissoute dans ses rapports avec son conjoint.
En l’espèce, la demanderesse estime qu’elle aurait pu déduire les frais notariés en relation avec l’achat de la part indivise en tant que frais d’obtention, en vertu de l’article 105 LIR disposant en son premier alinéa : « Sont considérés comme frais d’obtention les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes». L’article 105 poursuit en son deuxième alinéa : « (2) Constituent également des frais d’obtention (…), les intérêts débiteurs, dans la mesure où il y a un rapport économique direct avec des revenus d’une des catégories mentionnées sub 4 à 8 de l’article 10 ». Les catégories énumérées par l’article 10 LIR sont les suivantes : « 1. le bénéfice commercial, 2. le bénéfice agricole et forestier, 3.
le bénéfice provenant de l’exercice d’une profession libérale, 4. le revenu net provenant d’une occupation salariée, 5. le revenu net résultant de pensions ou de rentes, 6. le revenu net provenant de capitaux mobiliers, 7. le revenu net provenant de la location de biens, 8. les revenus nets divers spécifiés à l’article 99 ci-après ».
Force est au tribunal de constater que le délégué du gouvernement conteste cette affirmation de la demanderesse, à juste titre, étant donné que la somme de 200.000 euros payée par elle ne s’analyse pas en prix d’acquisition. En effet, l'effet déclaratif du partage concernant la transmission de biens du patrimoine privé implique nécessairement à travers l'absence de prix d'acquisition en découlant que la condition des dépenses faites dans le but de l'acquisition d'un bien et à travers elle le dessein d'acquérir, d'assurer et de conserver les recettes en découlant ne sont pas remplies à la base, en vertu de la nature même du partage opéré, et alors même que les dépenses engagées sont destinées à financer une soulte permettant de conserver un immeuble dans le patrimoine8.
8 cf. trib. adm. 4 février 2002, n° 13559 du rôle, précité.
Par conséquent, le bureau d’imposition a valablement refusé de prendre en considération les frais d’acte notarié de Madame … liés au paiement à son mari de la somme de 200.000 euros suite à la séparation des biens, la dissolution et le partage de la communauté, en tant que frais d’obtention au sens de l’article 105 LIR et de les déduire de son revenu imposable. Le moyen afférent de la demanderesse est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
En vertu de l’article 109 LIR, la demanderesse estime encore pouvoir déduire de son revenu imposable en tant que dépenses spéciales, les intérêts débiteurs en relation avec l’emprunt contracté aux fins du paiement de la soulte.
Aux termes de l’article 109 LIR : « Sont déductibles du total des revenus nets, dans la mesure où elles ne sont à considérer ni comme dépenses d’exploitation ni comme frais d’obtention, les charges et dépenses suivantes : (…) 1a. les intérêts débiteurs, dans la mesure où ces intérêts ne sont pas en rapport économique avec des revenus exemptés. (…) La limitation de la déduction des intérêts débiteurs ne s’applique cependant pas aux intérêts qui sont en relation économique avec un prêt contracté par l’alloti à des fins de financement d’une soulte à verser à des cohéritiers dans le cadre de la transmission- par voie de partage successoral – d’une entreprise visée à l’article 14 dans les conditions de l’article 37 (…) ».
En l’espèce, le tribunal vient de constater que les frais en relation avec le paiement de la soulte ne s’analysent pas en frais d’obtention au sens de l’article 105 LIR. De même, ces frais ne constituent pas des dépenses d’exploitation régies par l’article 45 LIR, étant donné que ces dépenses ont trait à la fiscalité des entreprises qui n’est pas concernée en l’espèce. Par ailleurs, les intérêts débiteurs relatifs à l’emprunt réalisé afin de financer le paiement de la soulte ne sont pas en rapport économique avec des revenus exemptés. Enfin, il échet de constater que si en l’espèce l’emprunt contracté par la demanderesse sert bien au financement d’une soulte, ladite soulte n’est toutefois pas à verser à des cohéritiers dans le cadre de la transmission d’une entreprise visée à l’article 14 LIR dans les conditions de l’article 37 LIR. En effet, en l’espèce, la soulte a été versée par la demanderesse à son mari, en raison de l’inégalité de valeur des lots échangés dans le cadre du partage de la communauté.
Eu égard aux considérations qui précèdent, le tribunal est amené à constater qu’en l’espèce les conditions de l’article 109 LIR sont remplies et que partant les intérêts débiteurs de l’emprunt contracté en vu du paiement de la soulte sont déductibles du revenu imposable de la demanderesse en tant que dépenses spéciales au sens de l’article 109 LIR, et dans les limites prévues audit article, de sorte que le bulletin de l’impôt sur le revenu déféré, est à réformer en ce sens.
Etant donné qu’il était dans l’intention du législateur de ne pas faire du tribunal un « taxateur » et de ne pas l’amener à s’immiscer dans le domaine de l’administration sous peine de compromettre son statut judiciaire, son rôle consiste à dégager les règles de droit et à opérer les qualifications nécessaires à l’application utile de la législation fiscale, sans pour autant porter sur l’intégralité de l’imposition, ni aboutir à fixer nécessairement une nouvelle cote d’impôt9.
9 cf. trib. adm. 29 mars 1999, n° 10428, confirmé par Cour adm. 11 janvier 2000, n° 11285C, Pas. adm.
2008, V° Impôts, n° 573 et autres références y citées.
En application des développements qui précèdent, il y a en conséquence lieu de renvoyer l’affaire au directeur de l’administration des Contributions directes pour permettre au bureau d’imposition compétent de procéder à l’imposition conformément au dispositif du présent jugement ensemble les motifs à sa base.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, dans la mesure où il est dirigé contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2006 émis le 6 septembre 2007 à l’égard de Madame …, ayant fait l’objet d’une réclamation auprès du directeur ;
le reçoit en la forme ;
au fond, le déclare partiellement justifié ;
partant dit qu’il y a lieu de déduire du revenu imposable de Madame … les intérêts débiteurs de l’emprunt contracté et documenté par acte notarié du 24 novembre 2006 en vue du paiement de la soulte, en tant que dépenses spéciales au sens de l’article 109 LIR, et dans les limites prévues audit article ;
déclare le recours irrecevable pour le surplus ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé par :
Marc Feyereisen, président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 17 juin 2009 par le président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Arny Schmit s. Marc Feyereisen 11