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10/06/2009 | LUXEMBOURG | N°25036

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 juin 2009, 25036


Tribunal administratif N° 25036 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 novembre 2008 3e chambre Audience publique du 10 juin 2009 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de tolérance (art. 22, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25036 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 2008 par Maître Jean Tonnar, avocat à la Cour, inscrit au table

au de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Sankuru (Républi...

Tribunal administratif N° 25036 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 novembre 2008 3e chambre Audience publique du 10 juin 2009 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de tolérance (art. 22, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25036 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 2008 par Maître Jean Tonnar, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Sankuru (République démocratique du Congo), de nationalité congolaise, déclarant être actuellement détenu au centre pénitentiaire de Luxembourg, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 30 octobre 2008 portant refus de lui attribuer une tolérance ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 janvier 2009 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean Tonnar et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 avril 2009.

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La demande introduite par Monsieur …, en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, désignée ci-après par « la loi du 5 mai 2006 », fut rejetée comme non fondée par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », en date du 26 avril 2007.

Le recours contentieux introduit par Monsieur … à l’encontre de cette décision ministérielle fut définitivement rejeté par un jugement du tribunal administratif du 22 octobre 2007 (no 23002 du rôle).

Suite à une demande introduite par le mandataire du demandeur, le ministre refusa par décision du 10 mars 2008 de lui accorder tant une autorisation de séjour qu’une attestation de tolérance.

Par courrier de son mandataire du 25 avril 2008, Monsieur … sollicita la réouverture de son dossier de demande en obtention d’une protection internationale au sens de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006. Le ministre refusa de faire droit à cette demande par décision du 28 mai 2008 et le recours contentieux introduit contre cette décision du 28 mai 2008 fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 28 juillet 2008 (n°24539 du rôle).

Par décision du ministre du 17 septembre 2008, Monsieur … fut placé au centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification, en vue de son éloignement vers son pays d’origine.

Le 10 octobre 2008, le mandataire de Monsieur … s’adressa au ministre afin de solliciter un statut de tolérance pour son mandant.

Par décision du 30 octobre 2008, le ministre refusa de faire droit à cette demande au motif « (…) qu’il n’existe pas de preuves que l’exécution matérielle de l’éloignement de votre mandant serait impossible en raison de circonstances de fait indépendantes à sa volonté conformément à l’article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection (…). » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 2008, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon l’annulation de la décision précitée du ministre du 10 octobre 2008 portant refus de lui accorder une tolérance.

Aucun recours au fond n’étant prévu en cette matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, tandis que le recours en annulation introduit à titre subsidiaire est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur déclarant être de nationalité congolaise, soutient que sa situation humanitaire serait désastreuse alors qu’il risquerait d’être arrêté dès son arrivée à l’aéroport par les autorités congolaises en cas de retour dans son pays d’origine.

En effet, le président Kabila n’hésiterait pas à arrêter un opposant à sa politique tel que le serait le demandeur.

Monsieur … demande au tribunal de réformer la décision déférée, de dire qu’il pourra bénéficier d’un droit d’asile au Grand-Duché de Luxembourg, et d’ordonner sa libération avec effet immédiat du centre pénitentiaire. A titre subsidiaire, il demande l’annulation de la décision pour violation de la loi, détournement et excès de pouvoir ou violation des formes destinées à protéger ses intérêts.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 22 (2) de la loi modifiée du 5 mai 2006 : « si l’exécution matérielle de l’éloignement s’avère impossible en raison de circonstances de fait indépendantes de la volonté du demandeur, le ministre peut décider de tolérer l’intéressé provisoirement sur le territoire jusqu’au moment où ces circonstances de fait auront cessé ».

Il s’ensuit que le bénéfice du statut de tolérance est réservé aux demandeurs d’une protection internationale déboutés dont l’éloignement se heurte à une impossibilité d’exécution matérielle.

La preuve d’une éventuelle impossibilité matérielle de procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement obéit aux règles de preuve de droit commun, ce qui implique que pour tolérer l’étranger sur le territoire – auquel cas le ministre est effectivement obligé de délivrer à l’étranger une attestation de tolérance – le ministre doit vérifier l’existence de circonstances qui empêchent l’exécution matérielle de l’éloignement. L’application du droit commun entraîne encore qu’en cas de contestation de ces circonstances, il appartient à celui qui en revendique l’existence, en l’occurrence à l’étranger qui revendique cette tolérance, d’en établir l’existence1.

En espèce, le tribunal est amené à constater que le demandeur reste en défaut de démontrer l’existence de circonstances de fait indépendantes de sa volonté, rendant impossible l’exécution matérielle de son éloignement du territoire. En effet, le demandeur, au-

delà de réitérer des arguments qui ont déjà été toisés par les juridictions administratives dans le cadre de sa demande d’asile, reste en défaut d’invoquer un quelconque élément s’analysant en une impossibilité d’exécution matérielle justifiant l’octroi du statut de tolérance dans son chef. Il se contente d’indiquer sommairement qu’il risquerait d’être arrêté dès son arrivée à l’aéroport en cas de retour dans son pays d’origine, sans cependant soumettre au tribunal des éléments concrets permettant de retenir que son retour serait matériellement impossible en raison de circonstances de fait.

Quant aux demandes de Monsieur … tendant à l’obtention d’un droit d’asile et à la libération immédiate du centre pénitentiaire, force est de constater que par courrier du 10 octobre 2008, le mandataire du demandeur avait sollicité l’obtention d’une tolérance pour son mandant. Par conséquent la décision ministérielle déférée ne porte que sur le refus d’attribuer une tolérance au demandeur et non point sur l’attribution d’un droit d’asile, procédure qui est d’ailleurs définitivement clôturée, ou sur la libération du centre pénitentiaire. Or, les pouvoirs du juge administratif sont limités à la vérification de la légalité de l’acte administratif attaqué, de sorte que les demandes tendant à l’obtention d’un droit d’asile et à la libération immédiate du centre pénitentiaire sont à déclarer irrecevables.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir l’existence de circonstances de fait empêchant l’exécution matérielle de son éloignement vers son pays d’origine, de sorte que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal ;

reçoit le recours en annulation en la forme dans la mesure où il est dirigé contre la décision du 30 octobre 2008, portant refus d’attribuer une tolérance ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

1 cf. Cour adm. 11 novembre 2008, n° 24693C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

déclare le recours irrecevable dans la mesure où il tend à l’obtention d’un droit d’asile et à la libération immédiate du centre pénitentiaire ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 juin 2009 par :

Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, juge Françoise Eberhard, juge, en présence du greffier Claude Legille.

s. Claude Legille s. Catherine Thomé 4


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 25036
Date de la décision : 10/06/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-06-10;25036 ?

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