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03/06/2009 | LUXEMBOURG | N°25053

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 juin 2009, 25053


Tribunal administratif Numéro 25053 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 novembre 2008 3e chambre Audience publique du 3 juin 2009 Recours formé par Madame …, … , contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25053 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2008 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au table

au de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, déclarant être née vers … (Ce...

Tribunal administratif Numéro 25053 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 novembre 2008 3e chambre Audience publique du 3 juin 2009 Recours formé par Madame …, … , contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25053 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2008 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, déclarant être née vers … (Centrafrique), de nationalité centrafricaine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 17 octobre 2008, portant rejet de sa demande en obtention d’un statut de protection subsidiaire et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2009 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Olivier Lang et Monsieur le délégué du gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 février 2009.

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En date du 25 juin 2007, Madame …, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée la « loi du 5 mai 2006 ».

Le même jour, elle fut entendue par un agent du service de la police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et sur son itinéraire de voyage suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Les 4 juillet 2007, 20 février, 6 mars et 1er octobre 2008, Madame … fut entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et les motifs à la base de sa demande en obtention d’une protection internationale.

Par décision du 17 octobre 2008, envoyée par lettre recommandée du 21 octobre 2008, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministre », informa l’intéressée que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 25 juin 2007.

En application de la loi précitée, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains le rapport de la Police judicaire du 25 juin 2007 et les trois rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration des 4 juillet 2007, 20 février 2008 et 1 er octobre 2008.

Il ressort du rapport de la Police judiciaire que vous auriez quitté Bangui en date du 20 juin 2007 par la voie aérienne. Une famille, dont vous ignorez l'identité, vous aurait payé le vol par pitié. Le Monsieur de la famille vous aurait « fait » les papiers et ainsi vous auriez pu quitter le pays sans problème. A un grand aéroport vous auriez fait escale avant de venir au Luxembourg. Après votre arrivée au Grand-Duché, vous auriez été conduite « en ville » et vous vous seriez présentée aux bureaux du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration.

Vous ne présentez aucune pièce d'identité.

Il résulte de vos déclarations que votre époux et vos enfants seraient morts, mais que vous ne pourriez pas donner de plus amples informations quant à ce sujet. Vous dites que vous ne pouviez plus vous souvenir de leurs noms. Vous indiquez que votre mari aurait eu des problèmes en raison de son travail, cependant vous dites ne pas savoir ce qu'il aurait fait comme métier. Après la mort de votre mari, un certain Monsieur … et son épouse … , vous auraient hébergé et en contrepartie, vous auriez gardé leurs enfants.

Vous dites que les enfants s'appelleraient … . Vous ignorez pendant combien de temps vous auriez habité chez cette famille. Vous dites également que vous ne pouviez pas donner des indications quant au nom du village. Lorsque des bandits auraient envahi le village, vous auriez pris la fuite avec le couple et ses enfants. Vous vous seriez rendue à Bangui, où … aurait laissé délivrer un acte de naissance pour vous.

Vous dites que lors d'un autre séjour à Bangui, vous auriez eu une dispute avec un homme, cependant vous dites ignorer son nom et le sujet de la dispute. Vous indiquez que cet homme vous aurait menacé de vous faire du mal et vous expliquez que depuis lors vous auriez des rêves dans lesquels cet homme voudrait manger votre tête.

Selon vos dires, vous auriez pris l'avion avec la famille de Monsieur … ou …, pour venir au Luxembourg. Vous dites que vous ne pouviez plus vous souvenir ni de la date du départ et ni de l'endroit où vous auriez fait escale.

Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune persécution ni mauvais traitement, et ne pas être membre d'un parti politique.

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

A défaut de pièces, un demandeur d'asile doit au moins pouvoir présenter un récit crédible et cohérent. Or, il convient de relever la confusion de votre récit en ce sens que vous n'expliquez pas du tout vos problèmes, vous ne faites qu'état de plusieurs faits sans apporter des éléments pouvant rendre votre histoire compréhensible et probante. Force est de constater qu'il ressort des quatre entretiens, faits entre le 4 juillet 2007 et le 1er octobre 2008, que vous n'avez pas essayé d'expliquer les moindres détails quant à votre vie en Centrafrique ou quant à la mort de votre famille entière. Ainsi, vu le manque de collaboration avec les autorités ministérielles, il convient de conclure que les soi-disant craintes que vous exprimez s'analysent en l'expression d'un simple sentiment général d'insécurité, plutôt qu'en une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention.

A cela s'ajoute qu'il n'existe aucune certitude quant à votre identité, comme vous n'avez remis aux autorités luxembourgeoises aucune pièce d'identité. Concernant l'acte de naissance que vous avez présenté, force est de constater en premier lieu que votre date de naissance n'y figure pas. En deuxième lieu, il est écrit en toutes lettres que l'acte de naissance aurait été établi le « treize avril mil neuf cent quatre vingt ». Le chiffre « 99 » est ajouté à la fin. Or, force est de constater que ni le premier chiffre et ni le deuxième ne donnent un sens. Si votre acte de naissance avait vraiment été délivré en date du 13 avril 1980, il serait établi que vous avez menti lors de l'entretien, comme vous avez indiqué que ce Monsieur … ou … aurait laissé délivrer un acte de naissance avant votre départ en direction du Luxembourg, donc en se référant sur vos déclarations, pendant le premier semestre de l'année 2007. Il en est de même en ce qui concerne l'ajout du chiffre « 99 », qui ne donne pas de sens, mais qui ne correspond également pas avec vos déclarations.

Finalement, il convient de relever qu'il est marqué sur le soi-disant acte de naissance que vous seriez née à Bangui, tandis que pendant les trois entretiens, vous dites que votre lieu de naissance serait Kouango.

En tout état de cause, indépendamment de l'absence d'un quelconque élément de preuve de vos déclarations, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006.

Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Ainsi, les faits que vous alléguez ne justifient pas non plus la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. » Par requête déposée le 24 novembre 2008 au greffe du tribunal administratif, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 17 octobre 2008 par laquelle elle s’est vue refuser la reconnaissance d’un statut de protection subsidiaire et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, contenu dans la même décision.

1. Quant au recours en réformation contre la décision portant refus d’accorder une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est partant à déclarer irrecevable.

1.1 Quant au statut de réfugié La demanderesse déclare ne pas attaquer la décision du ministre en ce que le statut de réfugié politique lui a été refusé alors qu’elle ne pourrait pas faire état dans son pays d’origine d’une crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social au sens de l’article 2 c) de la loi du 5 mai 2006.

Il échet dès lors de lui donner acte de la limitation de son recours au seul volet de la décision ministérielle déférée portant refus de lui accorder le statut de la protection subsidiaire.

1.2. Quant au statut de la protection subsidiaire A l’appui de sa demande, Madame …, déclarant être née à Bangui en Centrafrique et ne parler que la langue sangho, explique qu’après le décès de son mari et de ses frères et sœurs elle aurait rencontré un homme, dénommé …, qui l’aurait emmenée dans son village pour vivre avec lui et sa femme et s’occuper de leurs enfants. Ce village aurait été envahi par des bandits pour une raison inconnue. En fuyant le village avec … et sa famille, elle aurait reçu un coup de gourdin sur la tête. Ensemble ils seraient partis vers Bangui où … se serait occupé des formalités pour pouvoir quitter le pays. Il lui aurait notamment fait établir un acte de transcription d’un jugement supplétif d’acte de naissance. … et sa famille l’aurait ensuite emmenée jusqu’au Luxembourg où ils l’auraient laissée pour partir vers une destination inconnue.

Le mandataire de la demanderesse explique que la demanderesse serait une femme traumatisée et quasi-analphabète, ayant du mal à se rappeler et à raconter avec cohérence son passé. Elle serait arrivée au Luxembourg en très mauvaise santé physique et extrêmement fatiguée. Un test linguistique effectué sur demande du ministre aurait toutefois retenu sans équivoque qu’elle serait originaire de Centrafrique et qu’elle aurait longtemps vécu à Bangui.

En droit, la demanderesse estime devoir bénéficier du statut de la protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006. L’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006 définirait la notion d’ « atteintes graves » énoncée à l’article 2 e) de la même loi, comme « la torture ou des traitements ou des sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ». Faute d’une définition précise de ces notions comprises à l’article 37 b), il faudrait se référer à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme rendue sur le fondement de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. La demanderesse estime répondre aux conditions reprises à l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006, dans la mesure où même si son récit serait rempli d’incohérences et de contradictions, sa bonne foi ne pourrait être remise en cause et elle aurait toujours fait de son mieux pour répondre aux questions.

Après la mort de son mari, de ses enfants et de ses frères et sœurs, elle n’aurait plus aucun membre de famille dans son pays d’origine. De plus, elle serait âgée et malade et si elle devrait à présent rentrer dans son pays d’origine, elle ne survivrait vraisemblablement pas longtemps. La demanderesse renvoie encore à un rapport de l’organisation Amnesty International de 2008 sur la République centrafricaine.

Concernant la motivation de la décision déférée, la demanderesse conteste l’affirmation du ministre, selon laquelle elle n’aurait subi aucune persécution ni mauvais traitement, alors que malgré son récit « quelque peu décousu » il serait constant qu’elle aurait reçu un coup de gourdin sur la tête, lorsqu’elle aurait fui une attaque du village dans lequel elle aurait vécu avec … et sa famille. Le fait de traiter ainsi une femme âgée serait incontestablement constitutif d’un mauvais traitement.

De même la demanderesse reproche au ministre d’avoir retenu qu’elle n’aurait pas collaboré et qu’elle aurait menti. Selon l’article 26 (3) c) de la loi du 5 mai 2006, le ministre devrait prendre en compte le statut individuel et la situation personnelle du demandeur, y compris des facteurs comme son passé, son sexe et son âge pour déterminer si les actes auxquels il a été exposé ou risque d’être exposé pourraient être considérés comme atteinte grave. Elle ajoute que le document qu’elle aurait remis aux autorités luxembourgeoises ne serait pas comme soutenu par le ministre, un acte de naissance, mais un acte de transcription d’un jugement supplétif d’acte de naissance. De plus, elle renvoie au test linguistique pour établir qu’elle ne pourrait être qualifiée de menteuse.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que son recours laisserait d’être fondé.

Il soutient de prime abord que la simple possibilité de subir des mauvais traitements dans son pays d’origine, puisque des violations à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) y seraient constatées, ne suffiraient pas pour se voir accorder le statut de la protection subsidiaire. Il faudrait au contraire que la personne démontre qu’il existe un véritable risque concret et sérieux au-delà de tout doute raisonnable d’être victime de tortures ou de traitements inhumains ou dégradants, en cas de renvoi dans son pays d’origine. D’ailleurs selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, l’applicabilité de l’article 3 de la CEDH serait limitée à des cas exceptionnels d’éloignement forcé d’un individu vers un pays déterminé. Or, en l’espèce on ne saurait considérer en se référant aux déclarations vagues et incohérentes de la demanderesse qu’elle serait confrontée au risque d’être soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH si un ordre d’éloignement était mis à exécution.

Le représentant étatique ajoute que le récit de la demanderesse resterait confus du début à la fin. D’ailleurs, ni l’état de santé, ni l’intervention chirurgicale subie, ni les antidépresseurs, ni les troubles psychologiques ne sauraient expliquer que l’intéressée soit incapable d’élucider les contradictions et incohérences de son récit.

Il fait encore valoir que le fait d’être âgée, seule et malade serait certes regrettable mais ne constituerait pas un critère pour pouvoir bénéficier d’une protection subsidiaire au sens de la loi du 5 mai 2006.

Quant au rapport de l’organisation Amnesty International, le délégué du gouvernement explique qu’il relaterait la fuite d’une partie de la population de la République centrafricaine, à savoir celle habitant dans le nord du pays. Or, les troubles du nord du pays ne concerneraient pas les régions du sud où la demanderesse dit avoir vécu.

Enfin, selon le délégué du gouvernement le ministre maintiendrait ses doutes quant à l’authenticité de l’acte de transcription d’un jugement supplétif d’acte de naissance.

Aux termes de l’article 2 e), peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays».

L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. » A titre liminaire, le tribunal est amené à constater que la demanderesse se limite en l’espèce à invoquer qu’elle risquerait de subir des atteintes graves au sens de l’article 37b), en cas de retour dans son pays d’origine et elle n’invoque pas les dispositions des articles 37 a) ou 37 c) à l’appui de sa demande. Il y a donc lieu d’analyser si la demanderesse court un risque réel de subir la torture ou des traitements inhumains ou dégradants, en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal constate encore de manière préalable que si le récit de la demanderesse ne paraît pas incrédible en substance, il n’en demeure pas moins qu’il est très lacunaire et présenté de manière confuse.

Quoiqu’il en soit, l’examen des déclarations faites par la demanderesse lors des auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure qu’elle n’a pas établi des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence de motifs sérieux et avérés permettant de conclure à un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour dans son pays.

En effet, quant au coup de gourdin que la demanderesse explique avoir reçu sur la tête le tribunal est d’abord amené à constater qu’il s’agit du seul incident concret qu’elle déclare avoir subi. A part des allusions vagues et imprécises, elle ne cite aucun autre élément susceptible d’être qualifié de mauvais traitement. Par ailleurs, force est au tribunal de constater qu’à la lecture, tant du rapport d’audition relatant les déclarations de la demanderesse, que de la requête introductive d’instance, les circonstances dans lesquelles la demanderesse a reçu ledit coup sur la tête restent obscures. En effet, la demanderesse se limite à expliquer que des bandits auraient attaqué le village dans lequel elle aurait vécu avec le dénommé … et sa famille. Cependant elle ne peut ni indiquer l’auteur du coup, ni les motifs ayant amené les bandits à attaquer le village. Etant donné que le coup de gourdin est un incident isolé et que les circonstances, l’auteur et les motifs en sont très vagues, voire inconnus, aucun indice du dossier ne permet d’admettre qu’un tel incident risquerait de se reproduire en cas de retour de la demanderesse dans son pays d’origine.

Il s’y ajoute que le délégué du gouvernement explique à juste titre que le rapport de l’organisation Amnesty International sur la République centrafricaine, versé en cause par la demanderesse concerne les troubles et la fuite de milliers de personnes du nord de la République centrafricaine. Dans la mesure où la demanderesse est originaire, d’après ses propres déclarations, du sud du pays, à savoir de la capitale Bangui ou du village Yaloke, les troubles du nord du pays ne concernent pas les régions où elle a vécu. Les considérations de la demanderesse relatives à la situation dans le nord du pays, s’analysent partant en l’expression d’un sentiment général d’insécurité ne constituant pas un acte de torture ou de traitements inhumains ou dégradants justifiant le bénéfice du statut de protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de la loi du 5 mai 2006.

Par ailleurs, s’il est vrai qu’aux termes de l’article 26 (3) de la loi du 5 mai 2006, le ministre procède à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte notamment du statut individuel et de la situation personnelle du demandeur, il n’en reste pas moins que c’est à juste titre que le délégué du gouvernement fait valoir que le seul fait d’être malade, âgée et seule ne constitue pas un motif sérieux et avéré permettant de conclure à un risque réel de subir des atteintes graves telles que définies à l’article 37b de la loi du 5 mai 2006.

Au vu de ce qui précède, force est de retenir qu’il n’existe aucun motif sérieux et avéré de croire que la demanderesse courrait un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 b) de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour dans son pays d’origine de sorte que le ministre a valablement pu rejeter la demande de Madame … en obtention d’un statut de protection subsidiaire.

Le recours en réformation est partant à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 17 octobre 2008 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 19 (1) in fine de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre vaut ordre de quitter le territoire.

En l’espèce, la demanderesse sollicite, en ordre principal, l’annulation de l’ordre de quitter le territoire au motif que la décision portant refus de reconnaissance d’une protection subsidiaire devrait être réformée.

En ordre subsidiaire, la demanderesse fait exposer que l’ordre de quitter le territoire serait constitutif d’une violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’Immigration, ainsi que de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, au motif qu’il y aurait des risques sérieux et avérés de croire qu’elle serait soumise à des traitements inhumains et dégradants dès son retour dans son pays d’origine et ce même en l’absence de toute action humaine.

Le tribunal vient cependant de retenir que la demanderesse n’a pas fait état d’un risque réel de subir des atteintes graves telles que définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 en cas de retour dans son pays d’origine, ne permettant pas d’admettre qu’un incident tel le coup de gourdin sur la tête risquerait de se répéter, en raison du fait que les troubles en République centrafricaine invoqués par elle ne concernent que le nord du pays et étant donné que le seul fait d’être malade, âgée et seule n’est pas suffisant. Ainsi, la décision contestée ne peut pas être regardée comme contraire aux dispositions de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, d’autant plus que la demanderesse n’avance aucun autre élément permettant au tribunal de retenir que la décision sous analyse viole l’article 3 de la CEDH.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

donne acte à la demanderesse qu’elle limite son recours au refus ministériel relatif à la protection subsidiaire ;

reçoit dans cette mesure le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare irrecevable le recours en annulation introduit à titre subsidiaire à l’encontre du refus ministériel relatif à la protection subsidiaire ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

Marc Feyereisen, président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 3 juin 2009 par le président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Arny Schmit s. Marc Feyereisen 10


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 25053
Date de la décision : 03/06/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-06-03;25053 ?

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