Tribunal administratif N° 24347 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mai 2008 2e chambre Audience publique du 25 mai 2009 Recours formé par Madame …, … (France) contre quatre décisions du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 24347 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2008 par Maître Benoît Arnauné-Guillot, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à F-…, tendant à l’annulation de quatre décisions du directeur de l’administration des Contributions directes du 29 janvier 2008 portant rejet de ses requêtes introduites en date du 28 mars 2006 tendant à l’annulation 1) d’une décision du 24 janvier 2006 du bureau d’imposition Luxembourg 2 portant fixation d’une astreinte de 1000 euros pour non-dépôt de la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2001, 2) d’une décision du 24 janvier 2006 du bureau d’imposition Luxembourg 2 portant fixation d’une astreinte de 1000 euros pour non-dépôt de la déclaration pour l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2001, 3) d’une décision du 15 mars 2005 du bureau d’imposition Luxembourg 2 portant fixation d’une astreinte de 1000 euros pour non-dépôt de la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2002, 4) d’une décision du 15 mars 2005 du bureau d’imposition Luxembourg 2 portant fixation d’une astreinte de 1000 euros pour non-dépôt de la déclaration pour l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2002 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 septembre 2008 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis Tinti, en remplacement de Maître Benoît Arnauné-Guillot, et Madame le délégué du gouvernement Monique Adams en leurs plaidoiries respectives.
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En date du 6 septembre 2004, le bureau d’imposition Luxembourg 2 de la section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Madame … deux sommations-astreintes lui enjoignant de déposer jusqu’au 7 octobre 2004 la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2002, respectivement celle pour l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2002, sous peine de se voir infliger une astreinte de 1.000 euros.
Par deux décisions liquidant l’astreinte du 15 mars 2005, le bureau d'imposition constata le non-dépôt par Madame … de la déclaration de l’impôt sur le revenu de l’année 2002, respectivement de la déclaration pour l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2002 et lui infligea une astreinte de chaque fois 1.000 euros à verser avant le 18 avril 2005 au receveur des Contributions de Luxembourg.
En date du 20 décembre 2005, le bureau d’imposition émit à l’égard de l’intéressée deux sommations-astreintes lui enjoignant de déposer jusqu’au 23 janvier 2006 la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2001, respectivement celle pour l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2001, sous peine de se voir infliger une astreinte de 1.000 euros.
Par deux décisions liquidant l’astreinte du 24 janvier 2006, le bureau d'imposition constata le non-dépôt par Madame … de la déclaration de l’impôt sur le revenu de l’année 2001 respectivement de la déclaration pour l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2001 et lui infligea une astreinte de chaque fois 1000 euros à verser avant le 23 février 2006 au receveur des Contributions de Luxembourg.
Contre ces quatre décisions liquidant l’astreinte, Madame … introduisit, par quatre lettres datées du 24 mars 2006, des demandes en annulation des astreintes auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-après « le directeur ».
Par lettre du 6 août 2007, Madame … fut invitée par le secrétaire de la division du contentieux de l’administration des Contributions directes à élire domicile au Grand-Duché en vue de la notification de la décision directoriale.
Par une décision du 29 janvier 2008, inscrite sous le numéro C 13276 du rôle, le recours hiérarchique formel introduit par Madame … contre la décision du 24 janvier 2006 portant fixation d’une astreinte de 1.000 euros pour non-dépôt de la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2001 fut rejeté comme non fondé par le directeur au motif que « les moyens invoqués par la recourante, s’ils étaient recevables dans le cadre d’un recours dirigé contre une sommation-astreinte, ne sauraient cependant servir de fondement à une action dirigée contre la liquidation de l’astreinte, alors que ce dernier acte ne revient pas sur les conditions d’application du § 202 AO qui faisaient l’objet de la sommation-
astreinte ».
Par une décision du même jour, inscrite sous le numéro C 13279 du rôle, le recours hiérarchique formel de Madame … introduit contre la décision du 24 janvier 2006 portant fixation d’une astreinte de 1.000 euros pour non-dépôt de la déclaration pour l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2001 fut rejeté comme non fondé par le directeur pour les mêmes motifs.
Par deux décisions séparées du 29 janvier 2008, inscrites sous le numéro C 13277 du rôle, respectivement sous le numéro C 13280 du rôle, les recours hiérarchiques formels introduits par Madame … contre les décisions du 15 mars 2005 portant fixation d’une astreinte de 1.000 euros pour non-dépôt de la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2002, respectivement pour non-dépôt de la déclaration pour l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2002 furent déclarés irrecevables par le directeur pour cause de tardiveté.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2008, Madame … a introduit un recours tendant à l’annulation des quatre décisions précitées du directeur du 29 janvier 2008.
Au vœu des dispositions combinées du § 237 AO de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 2. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est appelé à statuer comme juge de l’annulation sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision liquidant une astreinte.
Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité dudit recours pour cause de tardiveté. En se prévalant plus particulièrement des dispositions du § 89 AO, il soutient que les décisions directoriales déférées auraient été notifiées à la demanderesse le 29 janvier 2008 par la remise de la lettre à la poste, de sorte que le délai pour introduire un recours aurait expiré le 29 avril 2008 au plus tard. Le recours introduit en date du 5 mai 2008 serait donc manifestement tardif.
La demanderesse n’a pas pris position par rapport à ce moyen d’irrecevabilité dans un mémoire en réplique. Pour conclure à la recevabilité de son recours, la demanderesse se prévaut, dans sa requête introductive d’instance, de l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996, pour soutenir qu’elle aurait respecté le délai de recours de trois mois à compter de la réception de la décision, tel que prévu pour l’introduction d’un recours en annulation.
Etant donné que le tribunal est saisi d’un recours en matière fiscale, il y a lieu de se référer aux dispositions légales pertinentes en la matière. La disposition de l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996, invoquée par la demanderesse n’est pas applicable en l’espèce, étant donné qu’elle a trait aux recours en annulation contre les actes administratifs à caractère règlementaire.
Aux termes de l’article 8 (3) 4. de la loi précitée du 7 novembre 1996, le délai pour introduire le recours en annulation prévu au point 2 du paragraphe 3 de l’article 8 est de trois mois.
Comme le point de départ du délai de recours varie en fonction du mode de notification de la décision attaquée, il y a d’abord lieu d’examiner les modes de notification applicables en l’espèce.
D’après le paragraphe 258 (2) AO, applicable également en matière de décisions directoriales prises sur recours hiérarchique, « die Entscheidungen sind dem Steuerpflichtigen verschlossen zuzustellen. Der Minister der Finanzen kann statt der Zustellung eine einfachere Form der Bekanntgabe zulassen ».
La notion de « Zustellung » se trouve explicitée par le paragraphe 88 AO qui dispose dans ses alinéas (1) à (3) :
« (1) Für Zustellungen gelten die Vorschriften der Zivilprozessordnung über Zustellungen von Amts wegen.
(2) Zustellen können auch Beamte der Steuer-, der Polizei- oder der Gemeindeverwaltung.
(3) Die Behörde kann durch eingeschriebenen Brief zustellen. Die Zustellung gilt mit dem dritten Tag nach der Aufgabe zur Post als bewirkt, es sei denn, dass der Zustellungsempfänger nachweist, dass ihm das zuzustellende Schriftstück nicht innerhalb dieser Zeit zugegangen ist ».
Il se dégage du paragraphe 88 que si la « Zustellung » doit, au vœu de son alinéa (1), en principe être opérée en conformité avec les dispositions de la « Zivilprozessordnung », renvoi qui doit être compris au Luxembourg comme visant le Nouveau Code de procédure civile, il autorise en son alinéa (3) toute « Behörde » visée par ses dispositions, donc également le directeur, à utiliser un mode simplifié de « Zustellung » par le biais de la notification par voie de « eingeschriebener Brief » dans tous les cas où la « Zustellung » est prescrite (Jean Olinger, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, ETUDES FISCALES n° 81-85, n° 87, p. 66), partant notamment pour une décision directoriale sur réclamation, laquelle est à « geschlossen zuzustellen » au prescrit du paragraphe 258 (2) AO.
Quant au point de départ du délai de recours, s’il est vrai qu’en application du paragraphe 88 (3) AO, la notification d’une décision directoriale est censée accomplie le troisième jour qui suit la mise à la poste de l’envoi, cette règle connaît, dans certaines hypothèses, une exception en ce qui concerne les contribuables demeurant à l’étranger.
En effet, aux termes du paragraphe 89 AO, « Steuerpflichtige, die ihren Wohnsitz oder Sitz im Ausland, aber Inlandsvermögen oder im Inland eine Niederlassung oder Geschäftstelle haben, oder steuer-oder sicherheitspflichtig sind, haben dem Finanzamt auf Verlangen einen Vertreter im Inland zu bestellen, der ermächtigt ist, Schriftstücke zu empfangen die für sie bestimmt sind. Unterlassen sie dies, so gilt ein Schriftstück mit der Aufgabe zur Post als zugestellt, selbst wenn es als unbestellbar zurückkommt (…) ».
Le paragraphe 89 AO, obligeant en substance les contribuables demeurant à l’étranger à désigner un mandataire dans le pays chargé de recevoir les notifications de l’administration fiscale sur demande de celle-ci, constitue à cet égard une mesure de simplification à la disposition de l’administration qui ne saurait être appliquée que sur invitation préalable de la part de l’administration (Tipke-Kruse, Reichsabgabenordnung, 1961, § 89, A 1-2).
Or, force est de constater qu’en l’espèce, la demanderesse, qui affirme être domiciliée en France depuis 2003, conteste avoir été invitée par l’administration fiscale, par voie de lettre recommandée, à désigner un représentant dans le pays, conformément aux termes du paragraphe 89 AO.
A cet égard, il convient de relever que le paragraphe 89 AO ne prévoit pas que cette invitation à nommer un représentant dans le pays chargé de recevoir les notifications de l’administration fiscale doit être faite par lettre recommandée.
Or, dans la mesure où il ressort des pièces des dossiers directoriaux versés en cause que la demanderesse a été invitée, par lettre simple du 27 janvier 2004, à désigner un représentant dans le pays chargé de recevoir les notifications et dans la mesure où il n’est pas établi, ni même allégué qu’un tel représentant ait été désigné, la notification des décisions directoriales litigieuses a valablement été faite par la remise de la lettre à la poste.
En l’espèce, les dossiers directoriaux relatifs aux décisions attaquées comportent chacun un récépissé de dépôt d’un envoi recommandé portant le tampon postal daté au 29 janvier 2008. Ce récépissé indique comme expéditeur la direction des Contributions, division Contentieux de l’Impôt, et comme destinataire la demanderesse à l’adresse à F-13007 Marseille 8, rue Arnaud.
Il s’ensuit que les décisions directoriales litigieuses ont été valablement notifiées à la demanderesse à la date du 29 janvier 2008. Le délai pour introduire un recours, ayant commencé à courir le 29 janvier 2008, a expiré le 29 avril 2008. Le recours, introduit par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2008, a partant été introduit tardivement.
Quant à la demande formulée oralement par le mandataire de la demanderesse à l’audience des plaidoiries tendant à soumettre une question préjudicielle quant à une prétendue discrimination existant entre les contribuables résidents et non résidents en ce qui concerne la notification des décisions fiscales, cette demande est à rejeter, étant donné qu’elle n’a pas été formulée par écrit.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen encourt l’irrecevabilité pour cause de tardiveté.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
déclare le recours irrecevable ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par:
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 25 mai 2009 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.
s. Claude Legille s. Carlo Schockweiler 5