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13/05/2009 | LUXEMBOURG | N°23914

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 mai 2009, 23914


Tribunal administratif N° 23914 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 avril 2008 1e chambre Audience publique du 13 mai 2009 Recours formé par Madame …, … contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière d’urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23914 du rôle et déposée le 3 janvier 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain Rukavina, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision

du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 30 avril 2007, portant refus d’accorder une aut...

Tribunal administratif N° 23914 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 avril 2008 1e chambre Audience publique du 13 mai 2009 Recours formé par Madame …, … contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière d’urbanisme

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23914 du rôle et déposée le 3 janvier 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain Rukavina, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 30 avril 2007, portant refus d’accorder une autorisation pour l’aménagement d’une aire de stationnement-

client sur un fonds sis à L-2540 Luxembourg-Kirchberg, …, ainsi que d’une décision confirmative du même bourgmestre du 4 octobre 2007, intervenue sur recours gracieux ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou Thill, demeurant à Luxembourg, du 30 janvier 2008, portant signification de ladite requête à l’administration communale de la ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, ayant sa maison communale à L-1648 Luxembourg, 42, place Guillaume II, ainsi qu’à l’établissement public Fonds d’Urbanisation et d’Aménagement du Plateau de Kirchberg, créé par la loi modifiée du 7 août 1961, représenté par ses organes statutaires actuellement en fonctions, établi à L-1499 Luxembourg, 4, rue du Fort Thüngen, ainsi qu’à la société anonyme Landmark s.a., inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B107905, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, établie et ayant son siège social à L-…;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2008 par Maître André Marc, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société Landmark s.a. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 29 avril 2008 par Maître Christian Point, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, lequel mémoire a été notifié en date du même jour par acte d’avocat à avocat aux mandataires de Madame … et de la société anonyme Landmark s.a. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 19 mai 2008 par Maître André Marc, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme Landmark s.a., lequel mémoire a été notifié le 30 avril 2008 par acte d’avocat à avocat aux mandataires de l’administration communale de la Ville de Luxembourg et de Madame … ;

Vu le courrier déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 mai 2008 par Maître Arsène Kronshagen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, informant le tribunal administratif qu’il a été mandaté par Madame … en remplacement de Maître Alain Rukavina ;

Vu la lettre déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er juillet 2008 par Maître Arsène Kronshagen préqualifié, informant le tribunal administratif du dépôt de son mandat ;

Vu la constitution de nouvel avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 août 2008 par Maître Marc Walch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … ;

Vu la lettre du 19 septembre 2008 de Maître Marc Walch préqualifié, informant le tribunal administratif que l’affaire pouvait être prise en délibéré, déposée lors de l’audience des plaidoiries au tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, Maître Gilles Dauphin, en remplacement de Maître Christian Point et Maître Dominique Bornert en remplacement de Maître André Marc, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 septembre 2008 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 24 octobre 2008 prononçant la rupture du délibéré pour permettre à Maître Christian Point d’étayer pièces à l’appui, jusqu’au 10 novembre 2008 l’affirmation selon laquelle l’implantation des immeubles pour les terrains classés en zone mixte du plateau du Kirchberg serait établie sur base du CMU prévu par le PAG et selon laquelle les espaces libres entre l’alignement de façade et les limites cadastrales seraient à considérer comme marges de reculement imposées et permettant à Maître Marc Walch de prendre un mémoire supplémentaire jusqu’au 21 novembre 2008 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2008 par Maître Christian Point au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif, le 1er décembre 2008 par Maître Marc Walch au nom de Madame … ;

Vu les pièces supplémentaires versées en cause ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, Maître Gilles Dauphin, en remplacement de Maître Christian Point, Maître Marc Walch ainsi que Maître Philippe Ney en remplacement de Maître André Marc à l’audience publique du 8 décembre 2008.

Suivant autorisation de bâtir no 313.2A.2006, du 27 avril 2006, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg autorisa la société de droit belge C.I.P. à construire « un immeuble administratif sur le terrain sis … à Luxembourg ».

Suivant contrat de bail du 25 janvier 2007, la pharmacie … prit en location des locaux dans l’immeuble construit à …, appartenant à la société Landmark s.a.

Par courrier du 19 octobre 2006, l’architecte du propriétaire de l’immeuble sis … adressa une demande de modification de l’autorisation de bâtir précitée, tant au bourgmestre de la Ville de Luxembourg, qu’au Fonds d’urbanisation et d’aménagement du plateau du Kirchberg, désigné ci-après par « le Fonds ».

Par courrier du 5 décembre 2006, le Fonds transmit ladite demande de modification de l’autorisation de construire au bourgmestre de la Ville de Luxembourg.

Par courrier du 30 avril 2007, adressé au Fonds, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg refusa de faire droit à la demande de modification de l’autorisation de bâtir, dans les termes suivants :

« J’ai bien reçu votre courrier du 5 décembre 2006 par lequel vous avez bien voulu me soumettre une demande de modification de l’autorisation de bâtir no 313.2A.2006 du 27 avril 2006, relative au bâtiment administratif projeté … (lot 1) par la société C.I.P.

La modification proposée prévoit l’aménagement d’emplacements de stationnement dans le recul latéral, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 14.2 du règlement des bâtisses.

Au vu de ce texte réglementaire, qui dispose d’une manière claire et sans équivoque que « dans les marges de reculement imposées antérieure et latérale l’aménagement de places de stationnement pour véhicules est interdit », il ne m’est pas possible de réserver une suite favorable à la requête soumise. (…) ».

Par courrier de son mandataire du 27 juin 2007, Madame … introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision de refus précitée du 30 avril 2007.

En date du 4 octobre 2007, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg confirma son refus initial dans les termes suivants :

« Je me permets par la présente de revenir à vos divers courriers par lesquels vous avez introduit, en votre qualité de conseil juridique de Madame …, un recours gracieux contre ma décision de refus du 30 avril 2007 en relation avec une demande en modification de l’autorisation de bâtir no 313.2A.2006, du 27 avril 2006, accordée à la société C.I.P. pour la réalisation d’un bâtiment administratif aux abords de la … (lot 1).

La modification, qui a été refusée, prévoit l’aménagement d’emplacements de stationnement dans le recul latéral et ma décision de refus se base sur les dispositions de l’article 14.2 du règlement sur les bâtisses, qui dispose d’une manière claire et sans équivoque que « dans les marges de reculement imposées antérieure et latérale l’aménagement de places de stationnement pour véhicules est interdit ».

Vous estimez que cet article 14.2 ne s’applique pas aux zones mixtes du plateau du Kirchberg.

Je ne puis partager votre raisonnement alors que le règlement sur les bâtisses s’applique à toutes les constructions situées sur le territoire de la commune et qu’il n’y a aucune disposition faisant ressortir que les constructions situées sur un terrain classé « terrain réservé » par le plan d’aménagement général seraient exclues de la portée du règlement. La lecture de l’article F.1. fait même ressortir clairement que les dispositions du règlement sur les bâtisses sont d’application (« Le règlement sur les bâtisses déterminera le nombre des emplacements de stationnement ») Pour ce qui est des emplacements de stationnement se trouvant dans les alentours et cités à l’appui de votre recours gracieux, je vous prie de noter que les autorisations pour ces emplacements étaient délivrées sous un autre régime ou que les terrains sont classés autrement suivant le PAG de la Ville.

La règlementation actuellement en vigueur ne permet pas de dérogation si le parking ne touche pas un terrain voisin.

Je me dois dès lors de maintenir mon refus exprimé dans mon courrier du 30 avril 2007, adressé au Fonds d’Urbanisation et d’Aménagement du Plateau de Kirchberg (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 janvier 2008, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions précitées du bourgmestre de la Ville de Luxembourg des 30 avril et 4 octobre 2007.

Avant même de procéder à l’analyse de la recevabilité du recours, le tribunal est amené à analyser le moyen tiré de la tardivité du mémoire en réponse déposé au nom de la société Landmark s.a., tel que soulevé par le mandataire de la Ville de Luxembourg lors de l’audience des plaidoiries, au motif que ledit mémoire n’aurait pas été déposé dans le délai légal.

Aux termes de l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives : « (…) le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive ». L’article 3 de la même loi dispose qu’« au regard des délais de procédure, seule la date du dépôt au greffe est prise en considération ».

Il ressort de la lecture conjointe de ces articles que la fourniture d’un mémoire en réponse dans le délai de trois mois de la signification de la requête inclut l’obligation de communiquer ledit mémoire à la partie demanderesse, voire aux parties tierces intéressées, mais également de déposer ledit mémoire au greffe du tribunal administratif dans le délai de trois mois de la signification de la requête1.

En l’espèce, la requête introductive d’instance fut introduite en date du 3 janvier 2008 et signifiée par exploit d’huissier du 30 janvier 2008 à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, au Fonds et à la société Landmark s.a. En vertu de l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 le mémoire en réponse aurait donc dû être communiqué aux autres parties au litige et déposé au greffe du tribunal administratif dans un délai de trois mois à compter du 30 janvier 2008, soit au plus tard le 30 avril 2008. Or, bien que le mémoire en réponse de la société Landmark s.a fut communiqué en date du 30 avril 2008 aux mandataires 1 cf. trib. adm. 23 février 2005, no 18555 du rôle, Pas.adm. 2008, Vo Procédure contentieuse, no 573 de la demanderesse et de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ledit mémoire ne fut déposé au greffe du tribunal administratif qu’en date du 19 mai 2008, de sorte qu’il est à écarter des débats.

Quant à la recevabilité du recours il y a lieu de rappeler qu’étant donné que la loi ne prévoit aucun recours de pleine juridiction en matière de permis de construire, seul un recours en annulation a pu être dirigé contre les décisions litigieuses des 30 avril et 4 octobre 2007.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg conclut à l’irrecevabilité du recours, d’une part, pour défaut d’intérêt dans le chef de la demanderesse, au motif qu’elle ne serait que le locataire du terrain sur lequel les emplacements de parking litigieux seraient prévus et d’autre part, pour défaut de qualité, au motif que le contrat de bail des locaux de la pharmacie serait conclu par la pharmacie … et non pas par Madame ….

Pour être recevable à exercer un recours en matière administrative, le demandeur doit pouvoir se prévaloir d'une lésion à caractère individuel dérivant directement de l'acte attaqué et distinct de l'intérêt général2. Dans la mesure où en l’espèce, la demanderesse a signé un contrat de bail concernant des locaux commerciaux pour la durée considérable de neuf ans et dans la mesure où le refus de la demande d’autorisation de construire une aire de stationnement près de la pharmacie se répercute directement sur le bon fonctionnement de la pharmacie et ainsi sur la situation personnelle de la demanderesse, elle dispose d’un intérêt à agir en l’espèce.

Par ailleurs, toute partie intéressée peut attaquer une décision administrative devant le juge administratif. Cette qualité n’appartient pas seulement aux destinataires directs de l’acte, mais encore à toutes les personnes dont les droits et mêmes les simples intérêts peuvent être affectés par les effets de cet acte3.

En l’espèce, si d’un côté, il ressort des pièces versées au dossier que le contrat de bail concernant les locaux de la pharmacie a été signé d’une part par la société Landmark s.a. et d’autre part par la pharmacie …, représentée par Madame …, il est de l’autre côté constant en cause que la pharmacie qui sera installée dans les locaux pris en location, sera exploitée par Madame … en personne, en sa qualité de pharmacienne. Indépendamment de toute question sur la personnalité juridique et la qualité, voire la capacité d’agir d’une pharmacie, force est donc de constater que Madame … dispose de la qualité à agir en l’espèce.

Partant, le tribunal est amené à constater que tant l’intérêt que la qualité à agir se trouvent vérifiés à suffisance de droit dans le chef de la demanderesse. Le moyen d’irrecevabilité tiré tant d’un défaut d’intérêt que d’un défaut de qualité à agir est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

A titre subsidiaire l’administration communale de la Ville de Luxembourg se rapporte à prudence de justice quant au respect du délai légal pour agir en justice.

L’article 13 de la loi précitée du 21 juin 1999 dispose : « (1) Sauf dans les cas où les lois ou les règlements fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois 2 cf. trib. adm. 24 mars 1997, no 9577 du rôle, Pas.adm. 2008, Vo Autorisation d’établissement, no 180 3 cf. trib. adm. 26 janvier 1998, n° 10190 et 10352 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Procédure contentieuse, n° 5 mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance.

(2) Toutefois si la partie intéressée a adressé un recours gracieux à l’autorité compétente avant l’expiration du délai de recours fixé par la disposition qui précède ou d’autres dispositions législatives ou réglementaires, le délai du recours contentieux est suspendu et un nouveau délai commence à courir à partir de la notification de la nouvelle décision qui intervient à la suite de ce recours gracieux. » En l’espèce le bourgmestre de la Ville de Luxembourg a refusé par décision du 30 avril 2007 d’accorder une autorisation de construire pour l’aménagement d’une aire de stationnement sur un fonds sis … à Luxembourg. Par courrier de son mandataire du 27 juin 2007, Madame … a fait introduire un recours gracieux contre ladite décision de refus du 30 avril 2007. Suite à ce recours gracieux, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg a confirmé par décision du 4 octobre 2007 son refus initial. En application de l’article 13 de la loi précitée du 21 juin 1999 un nouveau délai pour introduire un recours contentieux a donc commencé à courir à partir de la notification de la décision intervenue à la suite du recours gracieux.

Dans la mesure où Madame … a fait introduire le recours en annulation contre les décisions des 30 avril et 4 octobre 2007 en date du 3 janvier 2008, force est de constater que ledit recours a été introduit endéans le délai légal de trois mois à compter de la décision intervenue suite au recours gracieux.

Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse soutient en ordre principal que l’immeuble pour lequel la modification de l’autorisation de construire fut demandée se situerait au plateau du Kirchberg, dans une zone définie dans la partie écrite du plan d’aménagement général, désigné ci-après par le « PAG », en zone F1 « terrains réservés » h) « zone mixte du plateau de Kirchberg ». Les décisions de refus seraient basées sur l’article 14.2 du règlement des bâtisses qui serait inapplicable aux zones mixtes du plateau du Kirchberg, étant donné qu’aucune disposition de la partie écrite du PAG ne ferait mention de l’article 14.2 du règlement des bâtissent ou définirait des marges de reculement. Aucune disposition du règlement des bâtisses ou de la partie écrite du PAG n’interdirait donc la construction des huit emplacements projetés.

En ordre subsidiaire, la demanderesse estime que si l’article 14.2 du règlement des bâtisses devait néanmoins s’appliquer aux zones mixtes du Kirchberg, aucun texte ne définirait la marge de reculement à respecter en l’espèce. Du moment qu’aucun texte du règlement des bâtisses ou de la partie écrite du PAG ne définirait de marge de recul antérieure et latérale pour le terrain en question, l’interdiction d’aménager des places de parking ne s’appliquerait pas.

En ordre plus subsidiaire, la demanderesse estime que l’article 14.2 du règlement des bâtisses ne prévoirait aucune interdiction d’aménager des places de stationnement à l’arrière d’un bâtiment.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg estime en premier lieu qu’à moins qu’une exception ne soit expressément prévue, le règlement des bâtisses serait applicable sur tout le territoire de la Ville de Luxembourg, c’est-à-dire dans toutes les zones prévues par le PAG, y compris dans les zones mixtes du plateau du Kirchberg. Elle soutient encore que l’implantation pour les terrains classés en zone mixte du plateau de Kirchberg serait établie sur base du coefficient maximal d’utilisation du sol, prévu par le PAG. Les espaces libres entre l’alignement de façade et les limites cadastrales seraient donc à considérer comme marges de reculement imposées. Enfin, elle estime que l’immeuble derrière lequel les places de stationnement seraient projetées présenterait des accès sur les quatre côtés. En raison de l’implantation de l’immeuble entre les rues Steichen, Hackin et Clasen, la marge de reculement qui serait postérieure par rapport à la rue Steichen, serait en même temps latérale par rapport aux rues Hackin et Clasen. Or, étant donné que l’aménagement d’emplacements de stationnement serait interdit dans la marge de recul latéral, la décision de refus serait justifiée.

Par avis du 24 octobre 2008, le tribunal administratif a prononcé la rupture du délibéré pour permettre à l’administration communale de la Ville de Luxembourg d’étayer pièces à l’appui, l’affirmation selon laquelle l’implantation des immeubles pour les terrains classés en zone mixte du plateau du Kirchberg serait établie sur base du coefficient maximal d’utilisation du sol, désigné ci-après par le CMU, prévu par le PAG et selon laquelle les espaces libres entre l’alignement de façade et les limites cadastrales seraient à considérer comme marges de reculement imposées.

Dans son mémoire supplémentaire du 10 novembre 2008, l’administration communale de la Ville de Luxembourg énumère d’abord trois types de règles qui seraient à respecter lors de la délivrance d’une autorisation de construire sollicitée pour la zone en cause. Il s’agirait premièrement du PAG, deuxièmement des directives du Fonds que le Fonds aurait établies dans le cadre de sa mission et qui devraient valoir à tout le moins à titre de règles « patere legem quam fecisti » et troisièmement d’éventuelles prescriptions particulières adoptées par le Fonds.

D’après l’administration communale de la Ville de Luxembourg, le PAG établirait pour chaque ensemble de terrains situé au Kirchberg un CMU. Les directives du Fonds prévoiraient que la densité moyenne pour un ensemble de terrains serait indiquée par un chiffre représentant le CMU. L’implantation des constructions se ferait ensuite sur base des emprises à bâtir et emprises souterraines prévues par le Fonds. Selon les directives du Fonds, les emprises à bâtir seraient les surfaces au sol à l’intérieur desquelles les constructions seraient autorisées. Elles seraient indiquées soit par des reculs sur les limites de propriété, soit par les alignements, ou bien elles seraient représentées par des surfaces indiquées dans les documents graphiques. Les reculs latéraux et postérieurs à observer ainsi que le stationnement dans les marges de reculement antérieures latérales et postérieures ne serait autorisé qu’à condition qu’un plan d’aménagement détaillé approuvé par le Fonds le permette. Les prescriptions particulières pour le terrain en l’espèce, prévues par le Fonds fixeraient un recul à observer entre les limites de propriété et les différentes façades de la construction. Il existerait dès lors un recul imposé au sens de l’article 14.2 du règlement des bâtisses.

La demanderesse répond dans son mémoire supplémentaire déposé le 1er décembre 2008 qu’en vertu des dispositions introductives des directives du Fonds, l’intervention du bourgmestre devrait se limiter au strict minimum en ce qui concerne certains terrains, dont notamment le terrain en cause, afin de ne pas gêner la poursuite des études en cours, tandis que le Fonds jouirait de pouvoirs étendus. Il n’appartiendrait pas au bourgmestre de contrôler le respect de la procédure d’approbation des organes du Fonds. Or, l’approbation du Fonds serait acquise et la procédure d’approbation irrémédiablement clôturée.

La demanderesse estime encore qu’en vertu des directives du Fonds ce dernier disposerait d’un large pouvoir d’appréciation concernant l’approbation d’emplacements de stationnement pour les activités considérées comme « autres fonctions » par opposition à « l’habitat » et aux « administrations ». L’activité de la demanderesse consisterait en une profession de santé et ne pourrait pas être considérée comme « habitat », ni comme « administration ». Le Fonds aurait donc à juste titre approuvé l’aménagement d’emplacements de parking sollicité par Madame ….

La nécessité d’emplacements de parking sur le terrain concerné serait manifeste et aurait été dûment reconnue, alors que d’après les prescriptions particulières du Fonds, l’espace public au sud du lot 1 avait temporairement été occupé « par un bâtiment provisoire pour une pharmacie et des places de stationnement destinées à la clientèle de celle-ci ».

La demanderesse ajoute que l’article 14.2 du règlement des bâtisses, qu’elle estime inapplicable en l’espèce, ferait référence à un recul imposé, respectivement une marge de reculement imposée en « zone d’habitation » et en zone « mixte », mais non en zone de « terrains réservés et terrains à l’étude » et par conséquent non plus en zone de « terrains réservés à destination particulière : zone mixte du Plateau de Kirchberg », pour laquelle il ne serait que prescrit que « les constructions y admises doivent s’intégrer de façon harmonieuse dans le tissu urbain qui les environne ».

La demanderesse fait encore valoir que le Fonds aurait approuvé les plans lui soumis relatifs aux emplacements de parking supplémentaires et des considérations analogues auraient certainement dû guider l’approbation de demandes d’autorisation d’emplacements extérieurs en situation semblable dans les proches environs.

Il ressort des pièces versées au dossier et il n’est d’ailleurs pas contesté par les parties en cause que les emplacements de stationnement concernés par la décision déférée se situent au Kirchberg sur des terrains figurant au PAG de la Ville de Luxembourg sous le chapitre :

F.1 « terrains réservés » et plus précisément sous le point h) « terrains réservés à destination particulière « zone mixte du plateau du Kirchberg », (…) ». De même, il est constant en cause qu’aux termes de l’article 14.2 du règlement des bâtisses de la Ville de Luxembourg : « Dans les marges de reculement imposées antérieure et latérale l’aménagement de places de stationnement pour véhicules est interdit. Dans les zones mixtes des emplacements de stationnement peuvent être prévus dans la marge de reculement antérieure, sous condition d’être séparés de l’alignement des rues par un écran de verdure d’une profondeur d’au moins 3,00 mètres. » Le tribunal n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent4.

4 cf. trib. adm. 21 novembre 2001, no 12921 du rôle, Pas. adm. 2008, Vo Procédure contentieuse, no 342 et autres références y citées.

Ainsi, concernant en premier lieu le moyen selon lequel l’article 14.2 du règlement des bâtisses ne serait pas applicable en l’espèce, le tribunal est amené à constater que selon l’article 38 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain : « Chaque commune est tenue d’édicter, dans le cadre de son projet ou plan d’aménagement général, un règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites ». Le règlement sur les bâtisses constitue donc un complément naturel et nécessaire des plans d’aménagement, destiné à prévoir les détails qui ne sauraient être inscrits dans les plans5. Dès lors il s’agit d’un complément au plan d’aménagement général prévu par la loi qui s’applique indépendamment de ce plan d’aménagement général. Partant, l’applicabilité du règlement des bâtisses ne dépend pas, tel que le soutient la partie demanderesse, d’un renvoi exprès contenu dans le PAG.

Dans le même contexte, force est de constater qu’à défaut d’exceptions expressément prévues, le PAG et le règlement des bâtisses s’appliquent sur tout le territoire d’une commune. Dès lors qu’en l’espèce, la demanderesse se limite à soutenir que l’article 14.2 du règlement des bâtisses ne serait pas applicable aux zones mixtes du plateau du Kirchberg, sans indiquer la moindre disposition prévoyant une telle exception, le règlement des bâtisses s’applique sur tout le territoire de la Ville de Luxembourg. Son moyen tiré de l’inapplicabilité de l’article 14.2 du règlement des bâtisses de la Ville de Luxembourg est à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant au moyen de la demanderesse suivant lequel aucun texte ne définirait les marges de reculement imposées antérieures et latérales, force est au tribunal de constater que c’est à juste titre que l’administration communale de la Ville de Luxembourg soutient que les espaces libres entre l’alignement de façade et les limites cadastrales seraient à considérer comme marges de reculement imposées, étant donné que l’implantation des immeubles pour les terrains classés en zone mixte du plateau du Kirchberg serait établie sur base du CMU prévu par le PAG.

En effet, aux termes de l’article 9 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, le PAG d’une commune se compose d’une partie écrite et d’une partie graphique contenant notamment le degré d’utilisation du sol. Le règlement grand-ducal pris en exécution de ladite loi, à savoir le règlement grand-

ducal du 25 octobre 2004 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune précise à son tour en son article 21 que « le degré d’utilisation du sol pour une parcelle donnée est exprimé par le coefficient maximum d’utilisation du sol (CMU) et par le coefficient d’occupation du sol (COS) », en ajoutant qu’ « on entend par coefficient maximum d’utilisation du sol le rapport entre la surface construite brute de la construction projetée ou la somme des surfaces brutes projetées et la surface totale du terrain à bâtir net ».

Les emprises sur le sol à l’intérieur desquelles les constructions sont autorisées, ainsi que l’implantation concrète des constructions, à l’intérieur des limites fixées par le CMU sont ensuite déterminées par les directives du Fonds du Kirchberg agissant en tant qu’organe spécial constitué en personne juridique distincte de l’Etat, chargé de réaliser pour le compte de l’Etat l’urbanisation et l’aménagement du plateau de Kirchberg6.

5 cf. trib.adm. 20 octobre 1997, no 9796 du rôle, Pas. adm. 2008, Vo Urbanisme, no 7 et autres références y citées.

6 Articles 1er et 2 de la loi modifiée du 7 août 1961 relative à la création d’un fonds d’urbanisation et d’aménagement du plateau de Kirchberg.

La délimitation concrète des marges de recul se dégage partant de la différence entre la surface utilisable du sol d’un terrain, telle que fixée par le CMU, et l’emprise concrète sur le sol à l’intérieur desquelles les constructions sont érigées.

Dès lors que les marges de reculement imposées par l’article 14.2 du règlement des bâtisses, résultent de la combinaison du CMU et des emprises sur le sol, le moyen de la demanderesse suivant lequel aucun texte ne définirait les marges de reculement imposées antérieures et latérales, est à rejeter pour ne pas être fondé.

La demanderesse estime encore que l’article 14.2 du règlement des bâtisses ne prévoirait aucune interdiction d’aménager des places de stationnement dans les marges de reculement postérieures. En effet, ledit article limite son interdiction aux « marges de reculement imposées antérieure et latérale ».

Face à la réponse de l’administration communale de la Ville de Luxembourg suivant laquelle l’immeuble concerné présenterait des accès sur les quatre côtés et qu’en raison de son implantation entre les rues Steichen, Hackin et Clasen, la marge de reculement qui serait postérieure par rapport à la rue Steichen, serait en même temps latérale par rapport aux rues Hackin et Clasen, il y a lieu de déterminer de prime abord quels côtés de l’immeuble sont à considérer comme latéraux respectivement comme antérieur et postérieur.

A ce sujet, force est au tribunal de constater qu’il ressort des pièces versées en cause et notamment du plan appartenant à l’autorisation de bâtir n°313.2A.2006 que l’entrée principale de l’immeuble se situe du côté de la …. En effet, ledit plan ne porte que du côté de la … la mention « entrée bureaux ». Par ailleurs, il échet de constater qu’il ressort tant de l’autorisation de bâtir elle-même du 27 avril 2006 que du plan y appartenant que l’adresse de l’immeuble concerné se situe …. Dès lors, le tribunal est amené à constater que le côté de l’immeuble donnant sur la … est à considérer comme côté antérieur de l’immeuble. Par conséquent, les cotés donnant sur la rue Dr Nicolas Clasen, respectivement la rue Joseph Hackin sont à considérer comme côtés latéraux de l’immeuble. Logiquement le quatrième côté de l’immeuble, ne donnant d’ailleurs sur aucune rue mais sur le terrain voisin, est à considérer comme côté postérieur de l’immeuble.

Il ressort encore des plans versés en cause que la demanderesse projette d’aménager les places de parking litigieuses dans la marge de reculement postérieure de l’immeuble.

Etant donné que l’article 14.2 du règlement des bâtisse n’interdit pas l’aménagement de places de stationnement dans la marge de reculement postérieure d’un immeuble, force est au tribunal de constater que le bourgmestre de la Ville de Luxembourg n’a pas valablement pu refuser l’autorisation de construire à la demanderesse au motif que son projet ne respectait pas les marges de reculement imposées par l’article 14. 2 du règlement des bâtisses, de sorte que les décisions déférées des 30 avril et 4 octobre 2007 encourent l’annulation.

Enfin, s’il est vrai que, tel que la demanderesse le soulève elle-même, l’article 14.3 du règlement des bâtisses dispose :« les marges de reculement postérieures seront à aménager sous forme d’espace vert », et que l’aménagement de places de parking dans les marges de reculement postérieures paraît à première vue interdit, il n’en demeure pas moins que le bourgmestre a fondé sa décision de refus exclusivement sur l’article 14.2 du règlement des bâtisses qui ne prévoit aucune interdiction d’aménager des places de stationnement dans le recul arrière d’un immeuble, de sorte qu’il n’a pas valablement pu refuser l’autorisation de construire sollicitée par la demanderesse sur le fondement de cet article.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

écarte des débats le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif au nom de la société Landmark s.a. en date du 19 mai 2008 ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare justifié ;

partant annule les décisions du bourgmestre de la Ville de Luxembourg des 30 avril 2007 et 4 octobre 2007 ;

condamne l’administration communale de la Ville de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé par:

Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 13 mai 2009, par le vice-président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Schmit s. Lenert 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23914
Date de la décision : 13/05/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-05-13;23914 ?

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