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12/05/2009 | LUXEMBOURG | N°25003

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mai 2009, 25003


Tribunal administratif N° 25003 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 novembre 2008 3e chambre Audience publique du 12 mai 2009 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers (art. 22, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25003 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2008 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour

, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le 9 jui...

Tribunal administratif N° 25003 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 novembre 2008 3e chambre Audience publique du 12 mai 2009 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers (art. 22, L.5.5.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 25003 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2008 par Maître Philippe Stroesser, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le 9 juin 1979 à Rumonge (Burundi), de nationalité burundaise, actuellement détenue au centre pénitentiaire de Schrassig, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 15 octobre 2008 portant rejet de sa demande en obtention d’une décision de tolérance ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2009 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en sa plaidoirie à l’audience publique du 1er avril 2009.

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En date du 5 mai 2003, Madame … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.

Cette demande fut rejetée comme non fondée par une décision du 12 avril 2006 du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministre ».

Le recours contentieux introduit par Madame … à l’encontre de cette décision ministérielle fut définitivement rejeté en instance d’appel par un arrêt de la Cour administrative du 10 mai 2007 (n° 22642C du rôle).

En date du 19 mai 2008, Madame … présenta une demande de tolérance à laquelle le ministre répondit qu’il serait prématuré de se prononcer au vu de la peine d’emprisonnement qu’elle subirait. Le mandataire de Madame … sollicita encore à deux reprises l’octroi d’une tolérance qui lui fut finalement refusée par décision du ministre du 15 octobre 2008. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) nous ne sommes pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande de tolérance étant donné qu’il n’existe pas de preuves que l’exécution matérielle de l’éloignement de votre mandante serait impossible en raison de circonstances de fait indépendantes de sa volonté conformément à l’article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, le fait qu’elle se trouve actuellement au Centre Pénitentiaire du Luxembourg où elle purge une peine d’emprisonnement ne saurait âtre considéré comme une circonstance de fait empêchement son rapatriement au Burundi.

En ce qui concerne l’état de santé de votre mandante, son dossier sera soumis à la Direction de la Santé du Ministre de Santé conformément aux articles 130 à 132 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’Immigration (…). » Par requête déposée le 7 novembre 2008, Madame … a fait introduire un recours en annulation sinon en réformation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 15 octobre 2008.

Dans la mesure où aucun texte de loi ne prévoit un recours en réformation en matière de tolérance, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en annulation qui est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en réformation.

A l’appui de son recours, la demanderesse relate qu’elle aurait été condamnée par jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 13 mars 2008 à une peine d’emprisonnement ferme de quatre années et qu’elle serait libérable le 9 mars 2010. Etant donné qu’elle aurait actuellement purgé plus de la moitié de sa peine, elle pourrait éventuellement bénéficier d’une libération anticipée, sous condition qu’elle bénéficierait d’un droit de séjour sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. Dans la mesure où elle serait porteuse du virus HIV elle devrait suivre un traitement par trithérapie qui serait inaccessible dans son pays d’origine. D’autre part, sa fille, née en 1997, bénéficierait d’un statut de tolérance au Luxembourg. Elle en conclut que sa situation personnelle, sa situation familiale et sa situation médicale constitueraient une impossibilité matérielle empêchant un rapatriement dans son pays d’origine.

Le délégué du gouvernement estime que la décision déférée ne constituerait pas un refus de tolérance en bonne et due forme étant donné que le ministre aurait souhaité examiner la demande au moment de la libération de la demanderesse et que son dossier médical serait soumis, à ce moment, à la direction de la Santé du ministère de la Santé. Ce ne serait qu’à force d’insistance de la part du mandataire de la demanderesse que le ministre aurait considéré que le fait que la demanderesse se trouve en prison ne saurait constituer une circonstance de fait empêchant son rapatriement, de sorte qu’un statut de tolérance ne saurait lui être octroyé. Il relève d’autre part qu’en vertu de l’article 11 de la loi du 26 juillet 1986 faisant référence à l’article 100 du code pénal, ce serait seulement si la demanderesse accepte de retourner dans son pays d’origine qu’elle pourrait bénéficier d’un aménagement de sa peine. Or, il paraîtrait évident qu’elle ne souhaiterait pas retourner au Burundi. Concernant l’aspect médical, il fait valoir que le ministre se serait réservé la possibilité de soumettre le dossier médical de la demanderesse au ministère de la Santé conformément à l’article 130 et suivants de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation et l’immigration.

Aux termes de l’article 22, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006, « si le statut de réfugié est refusé au titre des articles 19 et 20 qui précèdent, le demandeur d'asile sera éloigné du territoire » et aux termes du paragraphe (2) du même article « si l'exécution matérielle de l'éloignement s'avère impossible en raison de circonstances de fait, le ministre peut décider de le tolérer provisoirement sur le territoire jusqu'au moment où ces circonstances de fait auront cessé ».

Il s’ensuit que le bénéfice du statut de tolérance est réservé aux demandeurs d’asile déboutés dont l’éloignement se heurte à une impossibilité d’exécution matérielle.

Force est au tribunal de constater que la demanderesse vise par « sa situation personnelle », la circonstance qu’elle purge actuellement une peine d’emprisonnement au centre pénitentiaire de Schrassig. Or, tel que le fait valoir à juste titre le délégué du gouvernement, un emprisonnement ne saurait être considéré comme circonstance de fait rendant l’exécution matérielle de l’éloignement impossible. En effet, si un emprisonnement est certes de nature à contraindre une personne à purger sa peine sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg, il constitue cependant une impossibilité juridique liée à la personne même rendant l’éloignement de celle-ci impossible, mais non une circonstance de fait propre à l’éloignement, de sorte que la décision déférée n’encourt aucune critique quant à cet élément de motivation.

Quant à la demande d’un statut de tolérance en raison de l’état de santé de la demanderesse, force est de constater que le ministre n’a pas pris de décision de refus, mais a informé la demanderesse que son dossier sera soumis à la Direction de la Santé du ministère de la Santé conformément aux articles 130 à 132 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’Immigration. Le délégué du gouvernement explique pour sa part que le ministre a souhaité examiner la demande de tolérance au moment de la libération de la requérante en 2010. Au vu des éléments développés ci-avant, à savoir que l’emprisonnement d’une personne constitue un empêchement juridique rendant l’éloignement impossible, c’est à juste titre que le ministre a pu décider que la question de la santé du demandeur sera analysée au moment où l’éloignement devient juridiquement possible et de soumettre à ce moment-là le dossier médical de la demanderesse à la Direction de la Santé, de sorte que le décision déférée n’encourt aucune critique à cet égard. Il s’ensuit de ce qui précède que le moyen laisse d’être fondé.

Finalement, en ce qui concerne le fait que la fille de la demanderesse bénéficie actuellement d’un statut de tolérance ne saurait pas non plus être qualifié de raison de fait rendant l’exécution matérielle de l’éloignement impossible. S’il est en effet constant en cause que la fille de la demanderesse bénéficie actuellement d’un statut de tolérance au Luxembourg, ce statut est de par sa nature précaire, de sorte qu’il y a lieu d’examiner si les circonstances de fait qui rendent l’exécution matérielle de l’éloignement de la fille de la demanderesse persistent une fois que cette dernière sera libérée du centre pénitentiaire de Schrassig. Il s’en suit que le moyen n’est pas fondé.

Au vu de ce qui précède, la légalité de la décision ministérielle litigieuse n’est pas utilement énervée par les moyens présentés par la demanderesse, de sorte que son recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mai 2009 par :

Marc Feyereisen, président, Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, juge en présence du greffier Claude Legille.

s. Claude Legille s. Marc Feyereisen 4


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 25003
Date de la décision : 12/05/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-05-12;25003 ?

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