Tribunal administratif N° 25425 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 février 2009 1ère chambre Audience publique du 6 mai 2009 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25425 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 février 2009 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … dans la commune de … (Serbie), de nationalité serbe, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 19 janvier 2009 rejetant sa demande en obtention d’une protection internationale comme n’étant pas fondée ainsi qu’à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois contenu dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2009 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Frank WIES et Madame le délégué du gouvernement Anne KAYSER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 avril 2009.
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Le 11 décembre 2008, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration une demande en protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
Il fut entendu le 13 janvier 2009 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en protection internationale.
Par décision du 19 janvier 2009, notifiée au requérant en date du 21 janvier 2009, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée pour être non fondée, décision libellée comme suit :
« J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 11 décembre 2008.
En application de la loi précitée, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d’obtention du statut de réfugié et de celles d’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains le rapport de la Police judiciaire du 11 décembre 2008 et le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration du 13 janvier 2009.
Il résulte de vos déclarations auprès de la Police judiciaire que vous seriez un ex-
footballeur de profession. En tant que musulman de confession, vous auriez décidé de quitter la Serbie en 1997 pour vous rendre en Turquie, où vous auriez « travaillé » comme footballeur. En 2001, vous vous seriez rendu de la Turquie en Allemagne, muni d’un visa dans votre passeport. A Böblingen, vous auriez conduit un chariot élévateur à fourche auprès d’une entreprise. Ce travail aurait été organisé par un club de footballeur régional. Après quatre ans, vous auriez dû quitter l’Allemagne comme votre visa aurait pris fin. Par conséquent, votre avocat vous aurait conseillé de déposer une demande d’asile. Cependant, les autorités responsables de Karlsruhe auraient refusé votre demande et vous auriez été rapatrié de force en Serbie. Selon vos dires, vous y auriez vécu jusqu’à votre départ en direction du Luxembourg. Vous ajoutez que de temps en temps, vous auriez vécu chez des amis au Kosovo et vous dites que vous auriez de la famille au Luxembourg. Il ressort de vos indications que vous auriez payé la somme de EUR 1.800,- à un passeur pour le voyage de Belgrade au Grand-Duché. Par ailleurs, vous expliquez que vous n’auriez pas d’argent et aucune demeure.
Vous ne présentez aucun document d’identité aux autorités luxembourgeoises.
Il résulte de vos déclarations auprès de l’agent du Ministère que vous auriez vécu, ensemble avec vos parents et votre frère, à Novi Pazar. Vous dites que vous auriez été footballeur de profession et que vous auriez joué en première ligue jusqu’en 1997, avant de partir en Turquie.
Vous dites que vous auriez dû quitter la Serbie parce que vous n’auriez pas voulu faire le service militaire, comme vous craindriez avoir des problèmes au sein de l’armée en raison de votre croyance musulmane. Ainsi, vous auriez ignoré plusieurs convocations et pour vous protéger, votre mère aurait raconté aux autorités militaires que vous ne seriez pas en Serbie.
Vous ajoutez qu’en cas de retour vous risqueriez d’être emprisonné en raison de votre insoumission.
De plus, vous dites que vous seriez un simple membre du parti politique SDA et vous indiquez qu’en raison de cette affiliation, deux hommes du parti de l’opposition auraient voulu vous battre. Vous expliquez qu’ils vous auraient menacé quand ils vous auraient rencontré en ville. Vous dites que vous ne pouviez pas porter plainte, sinon la Police vous aurait arrêté en raison de votre refus de faire votre service militaire.
Enfin, vous admettez n’avoir subi aucune persécution ni mauvais traitement, et être un simple membre du parti politique SDA.
Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d’être persécuté dans votre pays d’origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève, ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006. En effet, en l’espèce, force est de constater que vos déclarations concernant les soi-disant menaces de la part des deux individus, non autrement identifiés, restent très vagues. En outre, il convient de souligner que l’insoumission, la désertion et les craintes de peines de ce chef sont insuffisants pour constituer, à elles seules, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié. De plus, en l’absence de conflit, il convient d’ajouter qu’il n’est pas établi que vous risquiez de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables. De même, il n’est pas démontré que vous risquiez d’être infligé à des traitements discriminatoires en raison de votre appartenance à la communauté musulmane, en faisant votre service militaire.
Finalement, il convient également de mettre en évidence qu’il n’existe aucune preuve en ce qui concerne votre identité et votre origine, vu le fait que vous n’avez présenté aucune pièce d’identité.
Finalement, en application de l’article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l’espèce, il ne ressort pas du rapport d’audition que l’Etat ou d’autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l’encontre des personnes non autrement identifiées qui vous menaceraient. Vous n’avez par ailleurs pas requis la protection des autorités de votre pays. Il n’est ainsi pas démontré que les autorités de votre pays d’origine seraient dans l’incapacité de fournir une protection.
Ainsi, vous n’alléguez aucun fait susceptible d’établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.
Les conditions permettant l’octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l’appui de votre demande ne nous permettent pas d’établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Ainsi, les faits que vous alléguez ne justifient pas non plus la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.
Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.
La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.
La décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d’un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d’un avocat à la Cour dans un délai d’un mois à partir de la notification de la présente.
Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l’ordre de quitter le territoire, simultanément et dans les mêmes délais que le recours contre la décision de rejet de votre demande de protection internationale. Tout recours séparé sera entaché d’irrecevabilité.
Je vous informe par ailleurs que le recours gracieux n’interrompt pas les délais de la procédure. » Par requête déposée le 23 février 2009, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 19 janvier 2009 précitée en ce qu’elle porte rejet de sa demande en obtention d’une protection internationale comme étant non fondée, ainsi qu’à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois inclus dans la même décision.
Le demandeur fait exposer qu’il serait d’origine bosniaque, de nationalité serbe et de confession musulmane.
Il explique qu’il aurait fait une carrière de footballeur professionnel en Serbie et aurait déménagé par la suite en Turquie en 1988, où il aurait continué sa carrière, avant de se rendre en 2001/2002 en Allemagne où il aurait joué pour les clubs de Schönei et Holzgerlingen jusqu’en 2005, tout en travaillant dans une usine. Monsieur … affirme qu’après l’expiration de son visa en 2005 et après s’être vu refuser l’octroi d’une autorisation de séjour en Allemagne, il aurait dû retourner en Serbie, où il serait resté jusqu’à son départ pour le Grand-Duché de Luxembourg en date du 11 décembre 2008.
Il précise qu’il aurait été contraint de quitter la Serbie par crainte d’être emprisonné à cause de son refus d’intégrer l’armée serbe, dont les autorités seraient actuellement à sa recherche, ainsi que par crainte des menaces qu’il aurait reçues de la part de membres du parti politique SDP, actuellement au pouvoir dans la région du Sandjak, à cause de son appartenance au parti d’opposition SDA.
Le requérant estime que les faits à la base de sa demande seraient constitutifs d’une crainte fondée de persécution, alors que suivant de la doctrine (Jean-Yves CARLIER, Qu’est-
ce qu’un réfugié ?), il suffirait qu’il soit considéré par ses persécuteurs comme personne à éliminer, du fait notamment de sa religion musulmane et de son appartenance au parti politique SDA, pour pouvoir conclure à une réelle persécution remplissant les critères de la protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 précitée.
Il précise encore que ses craintes concerneraient principalement les persécutions qu’il risquerait de subir au sein même de l’armée serbe et non pas les conséquences ou peines de son insoumission, qu’il n’invoquerait qu’à titre subsidiaire.
Finalement, le demandeur affirme que le ministre aurait omis de se prononcer sur les menaces et tentatives d’atteinte à l’intégrité physique qu’il aurait reçues, du fait de son appartenance au parti politique SDA. Il précise que les persécuteurs en question seraient deux hommes, armés de couteaux, et appartenant au service de sécurité du président du parti SDP Rasmin JAHIC.
Monsieur … explique ne pas avoir pu s’adresser à la police, alors qu’il risquerait une peine de prison pour insoumission. Il estime encore qu’en tout état de cause, la police ne saurait lui assurer une protection efficace, alors que ses persécuteurs appartiendraient aux administrations du parti politique au pouvoir et ne seraient de ce fait jamais poursuivi.
Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.
1. Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale a) Statut de réfugié Etant donné que l’article 19 (3) de la loi modifiée du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi modifiée du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire, tandis que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de la même loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».
La reconnaissance de la protection internationale n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur de protection internationale qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble avec les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2 a) de la loi modifiée du 5 mai 2006.
Il convient en effet de prime abord de relever que l’insoumission ne constitue pas, à elle seule, un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur de protection une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinons politiques, ainsi que le prévoit le prédit article 1er § 2, de la section A de la Convention de Genève. La loi modifiée du 5 mai 2006 précise à ce sujet d’ailleurs en son article 31 (2), point e) que peuvent être considérées comme persécution au sens de la Convention de Genève « les poursuites ou sanctions pour refus d’effectuer le service militaire en cas de conflit lorsque le service militaire supposerait de commettre des crimes ou d’accomplir des actes relevant des clauses d’exclusion visées à l’article 34 paragraphe (2) ».
Force est cependant de constater que la Serbie n’est actuellement engagée dans aucun conflit militaire, extérieur ou intérieur, et qu’aucun conflit n’est actuellement raisonnablement prévisible, de sorte que l’insoumission à elle seule ne saurait être retenue en tant que raison justifiant l’octroi de l’asile sollicité.
Le demandeur arguant cependant de risques spécifiques de persécutions en raison de sa religion, il convient d’examiner la situation particulière du demandeur d’asile et de vérifier, concrètement, si sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait effectivement supposer un danger sérieux pour sa personne.
En l’espèce, il échet d’abord de constater que le requérant ne prouve aucun fait précis et concret de persécution personnelle d’un des chefs prévus par ledit article premier de la Convention, mais se contente d’affirmer que plusieurs personnes et plus particulièrement des personnes d’origine bosniaque auraient été battues par des soldats chrétiens orthodoxes au sein de l’armée serbe et certains d’entre eux auraient même été tués par lesdits soldats.
Il y a encore lieu de constater que le demandeur ne verse aucun document d’identité, de sorte que ni son origine, ni sa nationalité, ni sa religion ne sauraient être vérifiées.
Force est dès lors de constater que le demandeur ne fait pas état d’éléments spécifiques et personnels de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, mais que l’exposé du demandeur traduit sinon une crainte qui, en l’état actuel du dossier, doit être considérée comme purement hypothétique, sinon un sentiment général d’insécurité, caractérisé par la perception d’une hostilité latente des Serbes orthodoxes à l’égard des Serbes musulmans.
En outre et au vu du résultat des élections serbes, la crainte du demandeur n’a plus raison d’être, alors que lesdites élections ont permis au parti pro-européen d’accéder au pouvoir et ceci au détriment des nationalistes.
C’est dès lors à juste titre que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a retenu qu’il n’est pas démontré en l’espèce que Monsieur …, en faisant son service militaire, risque d’être exposé à des traitements discriminatoires en raison de son appartenance à la communauté musulmane.
En ce qui concerne la crainte du demandeur de faire l’objet de persécutions suite à son appartenance au parti politique SDA, il convient de prime abord de rappeler que la simple qualité de membre d’un parti politique d’opposition ne constitue pas à elle-seule un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié (CA 22 mars 2001 n° 12743C du rôle, Pas. adm.
2008 V°Etrangers n°92).
Or, en l’espèce le demandeur a clairement souligné lors de son audition qu’il est membre de la SDA mais qu’il n’a jamais été actif au sein dudit parti politique.
En ce qui concerne les menaces qu’il aurait subies de la part de deux membres du parti politique SDP, à les supposer établies, il y a lieu de souligner qu’il s’agit ici de menaces purement verbales se limitant à un incident isolé qui n’était d’ailleurs pas dirigé contre le requérant personnellement, mais qui d’après ses propres affirmations concernait toute la ville.
Il résulte en effet du procès-verbal de l’entretien du demandeur, que les deux individus avaient adressé les mêmes menaces à l’ensemble de la population de la ville de Novi Pazar.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef, de sorte que c’est à juste titre que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a refusé de lui accorder le statut de réfugié politique.
b) Statut conféré par la protection subsidiaire Comme le demandeur ne remplit pas les critères nécessaires au statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève, respectivement de réfugié au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, il y a lieu d’examiner s’il peut se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire au sens de la loi précité.
Il fait en effet valoir que dans l’hypothèse où ses craintes ne rentreraient pas dans les prévisions de la Convention de Genève, il devrait au moins être éligible au bénéfice de la protection subsidiaire, alors qu’un retour dans son pays d’origine l’exposerait à des traitements inhumains et dégradants de la part des soldats chrétiens orthodoxes, lesquels représentent la grande majorité des forces armées.
Aux termes de l’article 2. e) de la loi précitée du 5 mai 2006 est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la même loi énumère comme atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque en substance les mêmes motifs que ceux à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié Or, au vu des conclusions dégagées ci-avant au sujet de la demande de reconnaissance du statut de réfugié, force est de constater que les risques invoqués par le demandeur de subir des traitements inhumains ou dégradants de la part des soldats chrétiens orthodoxes ne sont pas suffisamment sérieux et avérés pour justifier l’octroi d’un statut de protection subsidiaire, alors que son récit ne fait que traduire une crainte purement hypothétique, sinon un sentiment général d’insécurité. Le tribunal vient encore de retenir que les faits invoqués par le demandeur ne sont pas d’une gravité telle qu’ils rendent sa vie intolérable dans son pays d’origine. Ils ne sont pas non plus à considérer comme des atteintes graves au sens de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006. Plus particulièrement, les demandeur reste en défaut d’établir qu’en cas de retour au Serbie, il risquerait la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Il se dégage de tout ce qui précède et en l’absence d’autres éléments, que c’est à juste titre que le ministre a retenu que le requérant n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il courrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de ladite loi.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a, au terme de l’analyse de la situation de Monsieur …, déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée.
Le recours en réformation est partant à rejeter comme étant non fondé.
2. Quant au recours en annulation visant la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi modifiée du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision ministérielle déférée a valablement pu être introduite.
Le recours en annulation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi modifiée du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire. Il en découle partant que l’ordre quitter le territoire constitue une conséquence automatique de la décision de refus de protection internationale.
Il s’en suit que dans le cadre d’un refus de protection internationale, l’ordre de quitter le territoire y contenu peut être attaqué en raison d’un vice propre à cet ordre, mais non pas pour tenir indirectement en échec le refus de la protection internationale.
Comme le tribunal vient de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale et à défaut par le demandeur d’invoquer un autre moyen susceptible d’énerver la légalité intrinsèque de l’ordre de quitter le territoire, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Partant, le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs ;
le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle du 19 janvier 2009 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision déférée portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 mai 2009 par :
Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, premier juge, Thessy Kuborn, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Schmit s. Lenert 10