Tribunal administratif Numéro 25227 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 décembre 2008 2e chambre Audience publique du 4 mai 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale
______________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 25227 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2008 par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Nekoc (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 24 novembre 2008 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 février 2009 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Frank Wies et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives.
______________________________________________________________________________
Le 25 août 2008, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « loi du 5 mai 2006 ».
Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et sur l’itinéraire de voyage suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.
Il fut encore entendu en date des 10 septembre et 16 octobre 2008 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 24 novembre 2008, notifiée par lettre recommandée le 26 novembre 2008, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa l’intéressé que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :
« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 25 août 2008.
En application de la loi précitée, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
En mains le rapport de la Police judiciaire du 25 août 2008 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 10 septembre 2008.
Il résulte de vos déclarations auprès de la Police judiciaire que vous auriez été demandeur d'asile en Allemagne entre 2002 et 2003. Vous indiquez que votre demande aurait été refusée et que vous seriez retourné au Kosovo. Selon vos dires, vous auriez à nouveau quitté votre pays d'origine en date du 19 août 2008 et vous auriez payé la somme de 2.350.- EUR au passeur.
Selon nos informations, vous aviez déposé une demande d'asile en Allemagne en date du 31 mai 2002, laquelle fut refusée le 27 décembre 2002. Depuis le 1er septembre 2005, vous êtes recherché par les autorités allemandes pour être rapatrié au Kosovo.
Il ressort de vos déclarations auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration que vous seriez albanais du Kosovo et que vous auriez vécu, ensemble avec vos parents et votre frère, depuis toujours à Nekoc, dans la commune de Gllogovc. Vous dites que vous auriez travaillé au noir dans la construction jusqu'au mois de février 2008. Vous dites que vous auriez été soldat de l'UCK en 1998 ou 1999, mais que vous auriez été licencié après deux mois. Vous ajoutez que vous ne pourriez plus vous souvenir du nom de votre commandant. Selon vos dires, les membres de l'UCK vous auraient soupçonné d'être un espion. Par après, des personnes, dont vous ignorez l'identité, vous auraient menacé de vous tuer. Vous indiquez que vous auriez été prévenu par une note que les inconnus auraient laissée devant votre maison familiale. En raison de cette note, vous auriez quitté le Kosovo en direction de l'Allemagne.
Après votre retour de l'Allemagne, vers la mi-septembre 2005, des inconnus vous auraient menacé dans la rue et ils vous auraient dit que vous devriez partir du Kosovo, sinon vous seriez éliminé. Vous dites qu'au mois de juin 2008, des inconnus vous auraient poignardé et ils auraient prononcé les mêmes menaces. Vous dites que vous soupçonnez que vous seriez traité comme espion, comme votre mère serait Ashkali. Cependant, vous dites que vous n'auriez pas de preuves et que vous ne pourriez pas porter plainte, comme vous ignoreriez l'identité de ces personnes. Vous ajoutez que ces individus ne pourraient être originaires de votre région, sinon vous les auriez reconnus. Après l'incident du mois de juin 2008, vous n'auriez plus eu de problèmes, cependant vous ne seriez plus sorti de la maison le soir. Toutefois, vous auriez décidé de quitter votre pays d'origine au mois d'août 2008.
Vous précisez que vous n'auriez pas pu vous installer dans une autre région du Kosovo, comme il faudrait avoir un travail et de l'argent pour s'installer ailleurs.
Vous présentez une carte d'identité délivrée par l'UNMIK.
Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune autre persécution ni mauvais traitement, et ne pas être membre d'un parti politique.
Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006.
En effet, en l'espèce, force est de constater que toutes vos déclarations sont assez vagues. Ainsi, vous dites que vous auriez été attaqué à une seule occasion par des inconnus et que vous auriez été menacé à quelques reprises par des individus, dont vous ignorez l'identité. De plus, vous dites que des inconnus vous auraient laissé une note que vous devriez quitter le Kosovo. A cela s'ajoute que vous n'êtes pas capable d'établir un lien entre votre appartenance à l'UCK pendant seulement deux mois, de l'appartenance ethnique de votre mère et de votre personne. Ajoutons encore que votre appartenance de très courte durée à l'UCK est trop éloignée dans le temps pour être prise en compte dans l'examen de votre demande de protection internationale.
Par ailleurs, vous dites que vous n'auriez pas pu porter plainte contre ces inconnus, ce qui est peu crédible. En application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il n'est par conséquent pas établi que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l'encontre des personnes non autrement identifiées qui vous menaceraient.
Nonobstant le fait que vous n'apportez aucun élément de preuve pouvant corroborer vos allégations et même à supposer les faits que vous alléguez établis, aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays (sic !). Une crainte fondée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est par conséquent pas établie. Force est de constater que les craintes que vous exprimez s'analysent en l'expression d'un simple sentiment général d'insécurité, plutôt qu'en une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
En outre, ajoutons encore que vous avez été demandé à deux reprises par l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration de fournir un certificat de résidence de l'UNMIK, afin de démontrer que vous avez vraiment habité au Kosovo entre 2005 et 2008 et que vous n'avez pas séjourné, de manière illégale, en Allemagne pendant ce temps précis. Or, force est de constater que vous avez omis jusqu'au jour présent de fournir les documents requis.
Finalement, notons qu'il ne ressort pas de votre dossier qu'il vous aurait été impossible de vous installer ailleurs au Kosovo pour ainsi profiter d'une possibilité de fuite interne. Votre explication que vous ne pourriez pas vous installer ailleurs au Kosovo comme vous n'auriez pas de travail et de l'argent n'est pas pertinent.
Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible d'établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.
Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Ainsi, les faits que vous alléguez ne justifient pas non plus la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
La présente décision vaut ordre de quitter le territoire. (…) » Par requête déposée le 29 décembre 2008 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 24 novembre 2008 par laquelle il s’est vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, inscrite dans le même document, portant à son encontre l’ordre de quitter le territoire.
1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’il serait un Albanais du Kosovo, qu’il parlerait la langue albanaise et qu’il serait de confession musulmane. Il soutient qu’il aurait quitté le Kosovo en raison des mauvais traitements et des menaces dont il y aurait été victime de la part de personnes inconnues. Il expose plus particulièrement qu’au mois de septembre 2005, il aurait été menacé par des inconnus dans la rue qui lui auraient fait comprendre qu’il ne serait pas le bienvenu au Kosovo et qu’en juin 2008, il aurait été agressé et battu dans la rue par des inconnus qui lui auraient répété qu’il allait être éliminé s’il ne quittait pas le Kosovo. Craignant pour sa sécurité et sa vie, il se serait résolu à quitter son pays d’origine.
Il explique qu’il serait persécuté en raison de son ancienne appartenance à l’UCK, dans la mesure où ses persécuteurs lui auraient reproché d’avoir « fait l’espion », probablement en raison de l’origine ethnique ashkali de sa mère, puisque les Ashkali auraient été du côté des Serbes durant la guerre. Pour la même raison, il aurait déjà dû quitter l’UCK en 1999. Ignorant l’identité de ses agresseurs, il n’aurait pas pu porter plainte.
Le demandeur souligne encore qu’il n’aurait fait qu’émettre une hypothèse quant au motif à la base des persécutions dont il aurait été victime, tout en relevant que le ministre ne pourrait pas valablement lui reprocher de ne pas avoir établi le lien entre son appartenance à l’UCK et l’origine ethnique de sa mère et lesdites agressions. Il estime par ailleurs avoir pleinement collaboré avec les agents du ministère des Affaires étrangères en répondant à toutes les questions.
Il reproche encore au ministre d’avoir retenu qu’il ne ferait valoir qu’un sentiment général d’insécurité, alors que ces craintes ne seraient pas hypothétiques, mais fondées sur des faits réels.
Il conclut que ce serait à tort que le ministre lui aurait refusé la reconnaissance du statut de refugié.
En ce qui concerne le refus d’un statut de protection subsidiaire, le demandeur soutient que ce serait à tort que le ministre aurait retenu que les faits mis en avant par lui ne permettraient pas d’établir qu’il risquerait, en cas de retour dans son pays d’origine, d’être victime de traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 au vu des atteintes qu’il aurait d’ores et déjà subies. A cet égard, il se prévaut de la présomption prévue à l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006.
Le délégué du gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.
Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire, tandis que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de la même loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Cette notion de réfugié est encore précisée par les articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006.
La reconnaissance de la protection internationale n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur de protection internationale qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de ses auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit de raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, ainsi que le prévoit l’article 2 c) précité de la loi du 5 mai 2006.
En effet, force est de constater que le demandeur fait essentiellement état de sa crainte d’être persécuté par des individus non identifiés qui lui reprocheraient d’avoir été un espion des Serbes. Ces soupçons seraient, d’après le demandeur, basés sur les origines ashkali de sa mère, étant donné que les Ashkali auraient collaboré avec les Serbes durant la guerre. Pour le même motif, il aurait déjà été chassé de l’UCK en 1999, après deux mois d’enrôlement.
Ainsi, un soir du mois de juin 2008, il aurait été agressé et battu dans la rue par deux inconnus armés qui l’auraient traité d’espion et l’auraient menacé de le tuer. Avant cette agression, il aurait reçu des menaces de la part de ces mêmes personnes qui lui auraient demandé de quitter le Kosovo.
Cette agression et ces menaces, à les supposer établies, sont certes condamnables, mais elles ne revêtent pas une gravité telle qu’elles justifieraient dans le chef du demandeur une crainte actuelle de persécution, telle que sa vie lui serait à raison intolérable dans son pays d’origine d’origine. A cet égard, il convient de relever que le demandeur a déclaré lui-même lors de son audition du 10 septembre 2008 qu’il n’aurait pas quitté le Kosovo, s’il avait eu un travail fixe (p.
6/13 du rapport d’audition). A défaut d’autres faits ou éléments, il y a lieu de retenir que ces faits ne sont pas suffisamment graves pour retenir dans le chef du demandeur l’existence d’une crainte fondée et personnelle de persécution au sens de la Convention de Genève justifiant la reconnaissance du statut de réfugié.
Le tribunal est partant amené à conclure que les craintes éprouvées par le demandeur constituent en substance l’expression d’un sentiment général d’insécurité, sans que le demandeur ait établi un état de persécution personnelle vécu dans un passé récent ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.
C’est partant à juste titre que le ministre a refusé au demandeur la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006.
En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire, telle que prévue par la loi du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 e) de cette loi, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Force est de constater qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque les mêmes faits que ceux déjà exposés dans le cadre de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié en les qualifiant encore de traitements inhumains ou dégradants, auxquels il risquerait de devoir s’exposer en cas de retour au Kosovo.
Le tribunal vient toutefois de constater que les craintes invoquées par le demandeur s’analysent essentiellement en un sentiment général d’insécurité. En outre, il ne ressort pas des faits soumis par le demandeur que celui-ci serait exposé, en cas de retour au Kosovo, à un risque réel de subir des atteintes graves, telles que visées à l’article 37 précité.
Dans la mesure où les atteintes graves mises en avant par le demandeur se résument en des menaces et une agression physique, le caractère grave tel que prévu par l’article 37 ne se trouve pas vérifié, de sorte encore que la présomption de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 ne saurait opérer de façon pertinente.
C’est partant à juste titre que le ministre a retenu que le demandeur n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il courrait, en cas de retour dans son pays d’origine, le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2 e) de la même loi.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
2. Quant au recours tendant à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être introduite.
Le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
A l’appui de ce recours, le demandeur soutient que l’ordre de quitter le territoire serait contraire à l’article 14 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, au motif qu’un retour au Kosovo impliquerait des traitements cruels, inhumains ou dégradants dans son chef.
Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire.
Il se dégage de cette disposition que l’ordre de quitter le territoire constitue une conséquence automatique de la décision de refus de protection internationale. Il s’ensuit que dans le cadre d’un refus d'une protection internationale, l'ordre de quitter le territoire y contenu peut être attaqué en raison d'un vice propre à cet ordre, mais non pas pour tenir indirectement en échec le refus de la protection internationale.
Au-delà du fait que la loi précitée du 28 mars 1972 a été abrogée par la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2008, il convient de relever que le tribunal vient de retenir ci-dessus que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre à une protection internationale.
Le demandeur n'ayant pas soulevé de moyen relatif à la légalité intrinsèque de l'ordre de quitter le territoire, le tribunal ne saurait, compte tenu du fait que l’ordre de quitter le territoire ne constitue qu’une conséquence légale et automatique de la décision de refus de protection internationale et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, mettre en cause la légalité de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.
Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle déférée portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
donne acte au demandeur de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 4 mai 2009 par le premier vice-président, en présence du greffier Claude Legille.
Claude Legille Carlo Schockweiler 9