Tribunal administratif N° 24718 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 août 2008 1re chambre Audience publique du 4 mai 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié et de protection subsidiaire
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 24718 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif 11 août 2008 par Maître Olivier Lang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Nigéria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires Etrangères et de l'Immigration datée du 20 mai 2008 lui refusant le statut de réfugié sinon la protection subsidiaire ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 10 juillet 2008, intervenue suite à un recours gracieux ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2008 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Olivier Lang et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 janvier 2009.
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Le 2 décembre 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-
après dénommé « la Convention de Genève ».
Il fut entendu en date du 1re avril 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.
Par décision du 20 mai 2008, notifiée en mains propres le 30 mai 2008, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, entre-temps en charge du dossier, informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants :
« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère de la Justice en date du 2 décembre 2003.
En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 12 décembre 2003 et le rapport d'audition de l'agent du Ministère de la Justice du 1er avril 2004.
Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté le Nigéria le 9 novembre 2003 en vous cachant dans un bateau. Le 21 novembre vous seriez arrivé dans un pays inconnu. Un homme blanc vous aurait ensuite conduit à Luxembourg. Vous n'apportez pas plus d'indications. Vous ne présentez aucun document d'identité.
Vous ne vous êtes plus présenté auprès de nos services afin de renouveler votre attestation de demandeur d'asile depuis le 8 novembre 2004. Vous avez disparu jusqu'au moment où les autorités néerlandaises nous ont adressé une demande de reprise en charge selon le règlement dit Dublin II en date du 24 avril 2008.
Il résulte de vos déclarations que vous auriez été chauffeur de profession pour le compte du président de la communauté ijaw. Un jour en 2003, sans plus de précision au sujet de la date, vous auriez conduit le prédit président à un meeting au cours duquel des itsékiris (ethnie adverse) l'auraient battu. Vous seriez directement allé chercher du renfort et seriez revenu avec de nombreux ijaws. Vous auriez découvert le président mort et une bagarre générale s'en serait suivie. Vous n'y auriez cependant pas participé, vous auriez préféré vous enfuir. Après être rentré expliquer les faits à votre famille, vous auriez quitté le Nigéria.
Vous précisez que vous seriez recherché par les itsékiris en raison de votre fonction de chauffeur du président ijaw. Vous expliquez que ces deux ethnies s'affronteraient en raison d'un problème de terres.
Enfin, vous admettez n'être membre d'aucun parti politique.
Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d'asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Force est de constater en premier lieu qu'il ressort de votre dossier que vous n'avez subi aucune persécution ni mauvais traitements, et que selon la fiche de données personnelles remplie à votre arrivée vos problèmes seraient d'ordre familial. Vous avez en effet écrit à la question « reasons for leaving the country of origin » : « family problems ». Or, non seulement ceci est absolument contraire aux problèmes racontés en audition, mais de plus à la question de l'agent en charge de l'audition afin de savoir si vous aviez rencontré des problèmes familiaux, vous avez répondu par la négative (p.12). Cette constatation, en dehors de toutes celles qui vont suivre, jette déjà de très sérieux doutes quant à la crédibilité de votre récit.
D'autre part, au sujet de votre identité, il est étonnant de constater que vous avez été arrêté le 18 octobre 2004 en possession d'un document concernant la procédure d'asile aux Pays-Bas d'un dénommé « John MUSA », né le 24 novembre 1984 au Sierra Léone. Vous étiez également muni d'une bible avec le même nom inscrit dessus. En outre, soulignons que vous avez quitté le territoire luxembourgeois de façon totalement illégale en vous rendant aux Pays-Bas où vous avez d'ailleurs déclaré un autre nom à savoir « … ». A cela s'ajoute que vous avez menti auprès des autorités néerlandaises en expliquant que vous étiez venu à Luxembourg trois ans auparavant et que vous auriez reçu l'asile politique. Il y a lieu d'émettre de sérieux doutes quant à votre réelle identité et votre comportement est à qualifier d'abusif et de frauduleux.
Concernant votre voyage, notons que vous affirmez ne pas savoir où vous êtes arrivé en Europe, ceci n'est pourtant pas convaincant. De plus, vous avez mentionné auprès de la Police Judicaire être venu à Luxembourg conduit par un homme blanc en voiture, or en audition vous prétendez être venu en train.
Quant à votre récit, une certaine confusion est à relever au niveau de vos domiciles successifs. En effet, vous prétendez d'un côté avoir toujours vécu à Benin City (p.3), or plus loin vous dites avoir vécu chez votre patron dans la ville de Ijaw, et ce durant trois mois (p.7), et pour finir vous expliquez avoir vécu dans la ville de ljaw depuis 2000 (p.10).
A cela s'ajoute qu'il est curieux de constater que votre femme serait d'ethnie itsékiri alors que vous seriez en faveur des ijaws, l'ethnie opposée, et sans prétendre l'être vous-même.
Par ailleurs, il convient de noter que vous déclarez avoir deux enfants nés en 1997, un né en avril et un né en novembre, ceci semble très étonnant, ce n'est qu'à la toute fin de l'audition que vous précisez pour justifier cette originalité que ces enfants sont nés de deux femmes différentes. Or, à aucun moment vous n'avez fait part d'une deuxième femme au cours de l'audition. A la question de l'épouse à la page 2, vous ne donnez qu'un seul nom et prénom.
Il s'ensuit de toutes ces remarques que vos déclarations ne sont pas crédibles et ne sauraient par conséquent fonder une demande de statut de réfugié.
De toutes façons, force est de constater que vous ne faites pas état de persécutions ou de mauvais traitements au sens de la Convention de Genève du fait de votre race, votre religion, votre nationalité, votre appartenance à un groupe social ou de vos opinions politiques. En effet, le fait qu'un groupe d'individus soit à votre recherche en raison de votre qualité de chauffeur d'un président de communauté ne constitue pas un acte de persécution au sens de la Convention de Genève étant donné que ce genre de problème relève du droit commun. De plus, les membres de l'ethnie itsikeri sont des agents privés non étatiques et il ressort de votre récit que vous n'avez à aucun moment requis la protection des autorités, de ce fait il n'est pas démontré que l'Etat ne veut pas ou ne peut pas accorder une protection.
En outre, s'ajoute le fait que vous expliquez vouloir être scolarisé au Luxembourg et pouvoir y travailler, or de tels motifs ne correspondent à aucun des critères de fond de la Convention de Genève.
Enfin, vous n'apportez en l'espèce aucune raison valable justifiant une impossibilité de vous installer dans une autre région de votre pays d'origine et ainsi de bénéficier d'une fuite interne. En effet, le conflit dont il est question se concentre uniquement dans le Delta State, par conséquent vous auriez pu tenter de vous installer dans une autre partie du Nigéria avant de partir si loin. Rappelons que le Nigéria est un pays très vaste comprenant 130 millions d'habitants, il est donc peu probable qu'un groupe d'individus puissent vous retrouver.
Ainsi, une crainte fondée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est par conséquent pas établie.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
En effet, vous n'avez subi aucun mauvais traitement et il n'existe aucun motif sérieux et avéré qui nous permet de penser que vous risquiez réellement en cas de retour de subir des traitements inhumains ou dégradants. En outre, notons que vous n'avez été condamné à aucune peine et que le Nigéria ne connaît à l'heure actuelle pas de conflit armé. Par conséquent, vous ne remplissez pas les critères prévus à l'article 37 de la loi précitée.
Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile ; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. Le bénéfice de la protection subsidiaire tel que prévu par la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection doit également vous être refusé.
La présente décision est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente. » Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 30 juin 2008 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre prit une décision confirmative le 7 juillet 2008.
Le 11 août 2008, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions ministérielles précitées lui refusant le statut de réfugié sinon la protection subsidiaire.
A l’appui de son recours, le demandeur expose être de nationalité nigériane et avoir travaillé comme chauffeur du chef de l’ethnie des Ijaws, à Ijaw où il aurait vécu de 2000 à 2003.
Il relate qu’à la fin de l’année 2003, son patron et lui-même seraient tombés dans une embuscade au cours de laquelle son patron aurait été lynché par des membres de l’ethnie des Itsekiris avec lesquels les membres de son ethnie s’affronteraient depuis quelques siècles. Monsieur … serait allé chercher du renfort chez les partisans de son patron et de violents combats se seraient déclenchés auxquels il n’aurait cependant pas participé, préférant prendre la fuite. Il prétend que depuis cet épisode, il serait une des personnes les plus recherchées par les assassins de son patron, de sorte qu’il aurait décidé de prendre la fuite qui s’acheva au Luxembourg où il déposa en décembre 2003 une demande d’asile. Après une année d’attente d’une réponse de la part des autorités luxembourgeoises, il aurait décidé de se diriger vers les Pays-Bas où il savait une communauté nigériane importante. Fin avril 2008 il aurait été contrôlé par la police néerlandaise, et renvoyé au Luxembourg en application de la Convention de Dublin.
Le demandeur fait valoir qu’il serait persécuté en tant que membre d’un groupe social aux termes de la Convention de Genève, sinon, s’il était renvoyé dans son pays d’origine, qu’il risquerait d’être assassiné par les Itsekiris ou du moins qu’il devrait vivre dans la crainte quotidienne, de sorte qu’il devrait bénéficier de la protection subsidiaire.
Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur.
1.
Quant au refus ministériel d’accorder au demandeur le bénéfice du statut de réfugié Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu valablement être dirigée contre la décision ministérielle déférée.
Le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes de la loi, est recevable dans la mesure où il porte sur la décision ministérielle refusant au demandeur le bénéfice du statut de réfugié.
L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».
La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
1.1. Quand à la crédibilité du récit du demandeur Le demandeur conteste le motif de la décision ministérielle initiale selon lequel son récit contiendrait des contradictions et estime que le ministre aurait motivé le manque de crédibilité par un certain nombre de considérations qui ne seraient pas de nature à justifier ses doutes et oppose au ministre un examen de sa demande non respectueux de l’obligation inscrite à l’article 18 a) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, qui impose au ministre un examen approprié, objectif et impartial de la demande.
Quant à la contradiction entre les raisons de son départ de son pays d’origine telles que déclarées lors du remplissage de la fiche de données personnelles, à savoir des problèmes d’ordre familiaux, et celles présentées lors de l’entretien avec l’agent ministériel, le demandeur fait valoir que d’un côté il aurait clairement répondu à la question s’il était persécuté dans son pays d’origine par l’affirmative, et, que de l’autre côté, les conditions et garanties offertes aux demandeurs d’asile ne seraient pas les mêmes à ces deux stades de la procédure, de sorte qu’il ne serait pas possible de leurs accorder la même valeur. Il fait encore valoir qu’il n’aurait pas été capable de remplir lui-même ce formulaire étant donné qu’il serait analphabète, et qu’une autre personne l’aurait fait à sa place, de sorte qu’il aurait été dès lors incapable de contrôler ce que cette personne aurait noté.
Quant au reproche qu’il se serait vraisemblablement présenté aux autorités néerlandaises sous une autre identité, le demandeur fait valoir que les autorités néerlandaises auraient confirmé que les empreintes digitales de John Musa ne correspondraient pas aux siennes et que la différence entre les orthographes utilisés aux Pays-Bas et au Luxembourg s’expliquerait par le fait qu’il ne sait pas lire, de sorte que les doutes émis à l’égard de son identité ne seraient pas fondés.
En ce qui concerne les incohérences relatives à son voyage, le demandeur relève les conditions traumatisantes de son départ, de sorte qu’il serait compréhensible qu’il ne se serait pas soucié du nom de la ville européenne dans laquelle il est arrivé. Par ailleurs, il conteste formellement qu’il aurait indiqué à la police être venu au Luxembourg en voiture.
Quant à la confusion au niveau des domiciles successifs, le demandeur fait valoir qu’en répondant qu’il aurait toujours vécu avec sa femme et ses enfants dans la maison de ses parents, il aurait répondu à la question de l’agent s’il avait vécu seul, de sorte que le ministre aurait dénaturé ses déclarations. D’autre part, il aurait confirmé qu’il aurait vécu depuis 2000 à Ijaw et l’information à la page 7 du rapport d’audition selon laquelle il y aurait vécu depuis trois mois serait le fruit d’une simple erreur matérielle alors qu’il y aurait effectivement vécu depuis trois ans.
Concernant le reproche qu’il supporterait l’ethnie des Ijaws sans prétendre appartenir lui-
même à cette ethnie et avoir épousé une femme appartenant à l’ethnie des Itsékiri, le demandeur fait valoir que le ministre ne lui aurait jamais posé la question à quelle ethnie il appartenait et s’il supportait la cause des Ijaws, il le ferait sans plonger dans l’aveuglement et rien ne l’empêcherait de choisir une Itsékiri comme femme.
Quant aux dates rapprochées de la naissance de ses deux enfants, il relève qu’il aurait clairement fait état lors de l’audition qu’il était lié à une petite amie mais qu’il n’aurait qu’une seule femme.
Il échet de relever que le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande d'asile, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d'asile, tout en prenant en considération la situation, telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur s’asile.
Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, et spécialement, comme en l’espèce, lorsque des éléments de preuve matériels font défaut, la crédibilité du récit du demandeur d’asile constitue un élément fondamental dans l’appréciation de la justification d’une demande d’asile (cf. Cour adm. 27 septembre 2007 n° 22974C du rôle).
Si le demandeur présente certes des explications pour chaque élément sur lequel le ministre a basé sa conclusion que le récit du demandeur n’est pas crédible, force est néanmoins de constater que ces explications, ensemble avec les éléments du rapport d’audition, n’emportent pas la conviction du tribunal.
En effet, même si en raison des contestations relatives au rapport de police du 12 décembre 2003 et à défaut de moyens et de demandes afférents de la part de la partie étatique, il n’est pas prouvé en cause que le demandeur ait déclaré à la police qu’il serait venu en voiture au Luxembourg et que d’autre part, le fait que le demandeur n’ait pas pu indiquer le nom de la ville où il est arrivé en Europe est insuffisant pour ébranler la crédibilité de l’ensemble de son récit, et que par ailleurs le tribunal est encore amené à conclure qu’à défaut d’explications afférentes de la part de l’Etat, l’erreur de date à la page 7 du rapport d’audition constitue une erreur matérielle, le récit considéré dans sa globalité reste incrédible.
Ainsi, en ce qui concerne l’allégation du demandeur qu’il n’aurait pas rempli lui-même la fiche personnelle alors qu’il serait analphabète, force est de constater que l’affirmation du délégué du gouvernement que toute fiche personnelle non remplie personnellement par le demandeur d’asile lui-même comporterait un tampon et une mention selon laquelle le document a été rempli par un agent, n’est pas contestée par le demandeur, de sorte que la contradiction flagrante entre les raisons ayant motivé son départ notées dans la fiche personnelle et celles déclarées lors de l’audition est vérifiée en cause.
Le tribunal rejoint encore le délégué dans son analyse qu’il existe une différence notoire entre l’identité que le demandeur a présenté aux autorités luxembourgeoises, à savoir « Forstine Osariemen … », et celle présentée aux autorités néerlandaises, à savoir « Ferstine Efanyl », qui ne saurait être expliquée utilement par la seule allégation qu’il est analphabète, de sorte qu’il y a lieu de conclure que le demandeur a fait preuve de mauvaise foi à l’égard soit des autorités néerlandaises soit à l’égard des autorités luxembourgeoises ce qui ébranle également la crédibilité de son récit.
D’autre part, force est de constater à la lecture du rapport d’audition que le demandeur a déclaré à la police judiciaire qu’il aurait embarqué sur le porte-conteneurs à Lagos au Nigéria le 9 novembre 2003 alors qu’il a déclaré lors de l’audition (page 5) qu’il serait venu avec un navire de Cotonou au Bénin le 6 novembre et qu’il aurait pris une voiture de Lagos à Cotonou. A défaut d’explications et de contestations afférentes de la part du demandeur la contradiction prérelatée est vérifiée en cause.
Finalement, il y a lieu de relever d’autres incohérences et imprécisions dans le récit du demandeur. Ainsi, le demandeur est très hésitant quand l’agent demande s’il possède un passeport. En effet, dans un premier temps il affirme qu’il a un passeport qui se trouverait dans la maison de ses parents, pour affirmer quelques instants plus tard qu’en fait il n’en a aucun. Par ailleurs, il relate dans un premier temps que lors du combat il se serait enfui dans la maison de son patron pour affirmer après qu’il se serait rendu chez sa petite amie et qu’il n’aurait jamais affirmé s’être rendu dans la maison de son patron. Finalement, force est de constater que le demandeur situe l’assassinat de son patron en juin 2003 et relate être arrivé quelques jours après l’assassinat à Lagos. Cependant il situe son départ seulement en début novembre, sans expliquer ce qu’il a fait entretemps et comment il a vécu à Lagos.
A partir des éléments ci-avant relatés, à savoir du caractère incohérent et douteux du récit du demandeur, il y a lieu de retenir que celui-ci n’a pas fait état de manière crédible d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.
Le tribunal est dès lors amené à constater que les déclarations et le récit du demandeur n’emportent pas sa conviction quant aux persécutions ou craintes de persécution alléguées, de sorte que le ministre a valablement pu retenir que le demandeur n’a pas fait état de façon crédible de persécutions vécues ou de craintes au sens de la Convention de Genève susceptibles de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.
En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi précitée du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de ladite loi, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Selon l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, sont considérées comme atteintes graves la peine de mort ou l’exécution, la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine et les menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Au vu du défaut de crédibilité du récit du demandeur retenu ci-avant par le tribunal, il échet de retenir que le demandeur n’invoque aucun élément ou circonstance indiquant qu’il existe de sérieux motifs de croire qu’il serait exposée, en cas de retour au Nigéria, à un risque réel d’y subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006.
Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision litigieuse dans la mesure où celle-ci est motivée par un défaut de crédibilité et de cohérence au niveau du récit présenté par le requérant.
Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état de manière crédible d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef ou une protection subsidiaire aux termes de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs ;
le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit en la forme le recours en réformation contre les décisions ministérielles portant refus d’un statut de réfugié et d’une protection subsidiaire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 mai 2009 par :
Paulette Lenert, vice-président, Marc Sünnen, premier juge, Claude Fellens, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
Arny Schmit Paulette Lenert 9