Tribunal administratif N° 24721 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 août 2008 3e chambre Audience publique du 29 avril 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire à points
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 24721 du rôle et déposée le 12 août 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis Tinti, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Transports du 18 juillet 2008 l’informant que le nombre de points restant du capital dont est doté son permis de conduire est de zéro (0) ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 octobre 2008 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, Maître Ardavan Fatholahzadeh et Monsieur le délégué du gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 janvier 2009.
Monsieur … fut condamné par jugement du tribunal d’arrondissement siégeant en matière correctionnelle du 7 mai 2008 (n°1480/2008) pour avoir circulé en présentant des signes manifestes d’ivresse et pour avoir présenté un indice grave faisant présumer l’existence d’un état alcoolique prohibé par la loi et avoir refusé de se prêter à l’examen sommaire de l’haleine.
Suite à une requête en rectification d’une erreur matérielle introduite par le mandataire de Monsieur …, le tribunal d’arrondissement siégeant en matière correctionnelle prononça le 9 juillet 2008 un jugement de rectification (n°2466/2008), ordonnant qu’il y avait lieu « de remplacer [dans le jugement précité du 7 mai 2008] le nom de « … » par le nom « … » ».
En exécution du prédit jugement du 7 mai 2008, le ministre des Transports informa par la suite Monsieur … par courrier recommandé du 18 juillet 2008 que le nombre de points restant au capital de points dont est doté son permis de conduire était de zéro (0).
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 août 2008, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre des Transports du 18 juillet 2008.
Etant donné que la décision du ministre des Transports de retirer le nombre de points prévu par la loi s’analyse en une décision administrative, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours introduit.
Aucun texte de loi ne prévoyant un recours au fond dans la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce, qui est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai de la loi.
A l’appui de son recours, Monsieur … fait d’abord valoir que le courrier déféré du ministre des Transports devrait être annulé pour erreur manifeste d’appréciation des faits. Le ministre des Transports ne saurait procéder à un retrait de huit points du capital dont est doté son permis de conduire en exécution du seul jugement intervenu en date du 7 mai 2008, alors que ce dernier emporterait la condamnation d’une autre personne. Il aurait par contre appartenu au ministre des Transports de baser le retrait de points sur le « jugement du 07.05.2008 sous le numéro 1480/2008, tel que rectifié par celui rendu en date du 09 juillet 2008 sous le numéro 2466/2008 ».
En second lieu le demandeur estime que le courrier déféré contreviendrait au principe de sécurité juridique et serait insuffisamment motivé puisqu’il ne ferait pas état de la récupération de trois points par le demandeur, suite à un stage effectué le 8 avril 2005.
Le délégué du gouvernement fait de prime abord valoir que l’identification des infractions à la base du retrait des points serait claire pour le demandeur. En vertu de l’article 2 bis, paragraphe 2, de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, toute condamnation judiciaire qui serait devenue irrévocable et tout avertissement taxé dont le contrevenant se serait acquitté dans les 45 jours entrainerait de plein droit une réduction du nombre des points dont est affecté le capital du permis de conduire. Il ajoute que le jugement de rectification du 9 juillet 2008 n’aurait ni annulé, ni modifié la décision judiciaire du 7 mai 2008 qui aurait partant acquis autorité de chose jugée en date du 17 juin 2008.
Quant au reproche d’un manque de transparence et de motivation du courrier déféré, le délégué du gouvernement renvoie aux textes légaux en cause pour soutenir que le demandeur aurait été informé suffisamment en l’espèce.
Force est au tribunal de constater que ni le nouveau code de procédure civile, ni aucune autre disposition légale ne contiennent des règles relatives à la rectification d'une erreur matérielle dans un jugement que ce soit un jugement civil ou administratif. Il est toutefois admis, en l'absence d’un texte légal afférent, que le principe, suivant lequel le jugement dessaisit le juge, connaît des exceptions, notamment dans l'hypothèse d'une erreur matérielle contenue dans le jugement prononcé. Il est ainsi constant que la rectification est légalement permise lorsqu’il n’existe aucune difficulté sur le sens et la portée de la décision et si le juge de la rectification ne modifie ni l’intégrité, ni l’économie de la décision concernée1.
Le principe luxembourgeois coïncide dans ses grandes lignes avec le système français en la matière, selon lequel, la décision rectificative fait corps avec la décision rectifiée et suit le sort de la décision rectifiée2, c’est-à-dire, elle obéit au même régime juridique que la décision rectifiée3. De plus, en l’espèce, le jugement de rectification précité du 9 juillet 2008, soumis 1 cf. Jurisclasseur Procédure, vol. 6, fasc. 510, n°122 2 cf. Jurisclasseur Procédure, Vol. 6, Fasc. 510, n°142 et suivants.
3 cf. Encyclopédie Dalloz Procédure, V° Jugement, n°499.
au tribunal, ordonne que « mention du présent jugement soit faite en marge du jugement rectifié n°1480/2008 du 7 mai 2008, et qu’à l’avenir il ne soit plus délivré ni expédition, ni extrait, ni copie du jugement no 1480/2008 du 7 mai 2008 sans la rectification ordonnée (…) ».
Dès lors que le jugement rectificatif suit le régime juridique du jugement rectifié et que la rectification est inscrite en marge du jugement rectifié, le ministre des Transports a valablement pu se référer dans son courrier d’information du 18 juillet 2008 au seul jugement initial du 7 mai 2008, sans souligner d’avantage la rectification dont ce jugement a fait l’objet par le jugement du 9 juillet 2008. En effet, même si dans le jugement du 7 mai 2008 figurait le nom d’une autre personne, aucune erreur sur l’identité de la personne condamnée n’est plus possible étant donné que la rectification de l’erreur par jugement du 9 juillet 2008, est inscrite en marge du jugement. C’est partant à juste titre que le délégué du gouvernement estime que le ministre des Transports n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en procédant au retrait des points du capital dont est doté le permis de conduire, en exécution du seul jugement du 7 mai 2008, de sorte que le moyen afférent du demandeur est à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant à la motivation insuffisante reprochée par le demandeur à la décision déféré, il échet de rappeler qu’en vertu de l’article 2 bis, paragraphe 2 in fine de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la règlementation de la circulation sur toutes les voies publiques « Toute réduction de points donne lieu à une information écrite de l’intéressé sur la ou les infractions à l’origine de la réduction de points ainsi que sur le nombre de points dont le permis de conduire concernée reste affecté. Les modalités de cette information sont arrêtées par règlement grand-ducal ». L’article 15 du règlement grand-ducal du 26 août 1993 relatif aux avertissements taxés, aux consignations pour contrevenants non résidents ainsi qu’aux mesures d’exécution de la législation en matière de mise en fourrière des véhicules et en matière de permis à points précise à ce sujet que : « 1. Le ministre des Transports procède à l’imputation des points retirés et en informe l’intéressé (…) Cette information est faite sous pli fermée et recommandé, accompagné d’un avis de réception dans le cas d’une déduction de points. Elle est faite par simple lettre postale en cas de reconstitution partielle ou intégrale des points. (…) L’information prévue au dernier alinéa du paragraphe 2 de l’article 2 bis de la loi du 14 février 1955 précitée mentionne le libellé de l’infraction et le nombre de points déduits ainsi que les dates et lieu des faits. Elle indique en outre si la déduction des points intervient sur base d’une décision judiciaire ou sur base d’un avertissement taxé. (…) L’information indique en outre le nombre résiduel de points et comporte, le cas échéant, un rappel sommaire des antécédents ayant entraîné une perte des points. Elle énonce la possibilité éventuelle de la reconstitution partielle de points ainsi que les voies de recours. » L’article 2 bis, paragraphe 4 de la loi précitée du 14 février 1955 dispose : « Le titulaire d’un permis de conduire qui justifie avoir participé à un cours répondant aux conditions de la formation complémentaire (…) a droit à la reconstitution de 3 points (…).
L’intéressé est informé par écrit de cette reconstitution de points ». L’article 15 du règlement grand-ducal précité du 26 août 1993 précise à ce sujet : « L’information prévue au premier alinéa du paragraphe 4 dudit article 2bis mentionne la date du cours de formation ainsi que le nombre de points restitués. Elle énonce le nouveau nombre de points dont dispose l’intéressé ».
S’il découle des textes précités que toute réduction de points, ainsi que toute reconstitution de points dont est doté le capital d’un permis de conduire, donne lieu à une information écrite de la personne concernée, il échet toutefois de constater qu’il s’agit de deux informations bien distinctes se déroulant selon des procédures distinctes.
En effet, quant à la réduction de points, il ressort de l’article 15 du règlement grand-
ducal précité du 26 août 1993 que l’information que le ministre des Transports fait parvenir à l’intéressé doit porter obligatoirement sur le libellé de l’infraction, le nombre de points déduits, les dates et lieu des faits la base de la déduction des points à savoir, la décision judiciaire ou l’avertissement taxé, le nombre résiduel de points, le cas échéant, un rappel sommaire des antécédents ayant entraîné une perte des points et enfin, la possibilité éventuelle de la reconstitution partielle de points ainsi que les voies de recours. Cette information se fait obligatoirement sous pli fermé et recommandé, accompagné d’un avis de réception.
Quant à la reconstitution de points, il ressort de l’article 15 du règlement grand-ducal précité du 26 août 1993 que l’information que le ministre des Transports fait parvenir à l’intéressé doit porter obligatoirement sur la date du cours de formation, le nombre de points restitués, ainsi que le nouveau nombre de points dont dispose l’intéressé.
Partant, si le ministre des Transports procède à l’information de la personne concernée de la réduction de points du capital dont est doté son permis de conduire, aucune obligation ne lui impose d’indiquer la reconstitution de points dont le capital du permis de conduire concerné a fait l’objet au préalable. En vertu de l’article 15 du règlement grand-ducal précité du 26 août 1993 il est uniquement obligé de rappeler sommairement les antécédents ayant entraîné une perte des points. Tandis que toute reconstitution de points du capital de points dont est doté le permis de conduire, fait l’objet d’une information séparée de la part du ministre des Transports, conformément aux articles 2 bis, paragraphe 4 de la loi précitée du 14 février 1955 et 15 du règlement grand-ducal précité du 26 août 1993.
En l’espèce, l’objet du courrier déféré était d’informer le demandeur de la réduction de huit points du capital de points dont est doté son permis de conduire, conformément aux articles 2 bis, paragraphe 2 in fine de la loi précitée du 14 février 1955 et 15 du règlement grand-ducal précité du 26 août 1993. Dès lors, aucune obligation légale n’imposait au ministre des Transports de rappeler dans le courrier déféré la reconstitution de points du capital de points dont est doté le permis de points du demandeur, intervenue en avril 2005 suite à un stage effectué en date du 8 avril 2005. D’ailleurs, il ressort des pièces versées au dossier que ladite augmentation de points avait bien fait l’objet d’une information de la part du ministre des Transports par courrier du 12 avril 2005 conformément aux articles 2 bis, paragraphe 4 de la loi précitée du 14 février 1955 et 15 du règlement grand-ducal précité du 26 août 1993. De plus, le ministre en effectuant le calcul des points restant s’est fondé sur le capital de points tel qu’il s’est présenté après la participation au cours de formation et à la reconstitution de trois points.
Partant, il ne peut pas être reproché au ministre des Transports d’avoir insuffisamment motivé son courrier déféré du 18 juillet 2008 en n’y rappelant pas la reconstitution de points du capital de points dont est doté le permis de conduire du demandeur, intervenue en avril 2005.
Par conséquent, le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 avril 2009 par :
Marc Feyereisen, président, Catherine Thomé, premier juge, Françoise Eberhard, juge, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
s. Arny Schmit s. Marc Feyereisen 5