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14/04/2009 | LUXEMBOURG | N°25390

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 avril 2009, 25390


Tribunal administratif Numéro 25390 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2009 1ère chambre Audience publique du 14 avril 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art.20.L-2006)

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 12 février 2009 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 25390 du rôle, par Maître Louis TINTI, avocat à la C

our, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … ,...

Tribunal administratif Numéro 25390 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2009 1ère chambre Audience publique du 14 avril 2009 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art.20.L-2006)

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 12 février 2009 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 25390 du rôle, par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 19 janvier 2009 portant rejet de sa demande en obtention d’une protection internationale comme n’étant pas fondée et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision du 19 janvier 2009 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2009;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardevan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Madame le délégué du gouvernement Anne KAYSER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 mars 2009.

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En date du 15 décembre 2008, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en date du 14 janvier 2009 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après « le ministre », l’informa par décision du 19 janvier 2009, notifiée à l’intéressé en date du 28 janvier 2009, que sa demande en obtention d’une protection internationale avait été rejetée comme n’étant pas fondée aux motifs énoncés comme suit :

« J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des fromes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 15 décembre 2008.

En vertu des dispositions de l’article 20 §1 de la loi précitée, je vous informe qu’il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée parce qu’il apparaît, au vu des motifs que vous avez présenté lors de l’entretien du 14 janvier 2009, que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale; » b) « il apparaît que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale. » c) « le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi ; ».

Ainsi, il convient de souligner que vous êtes originaire de l’Albanie, un pays qui, d’après le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006, est considéré comme pays d’origine sûr.

En mains le rapport de la Police judiciaire du 15 décembre 2008, ainsi que le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration du 14 janvier 2008.

Il ressort du rapport de la Police Grand-ducale que vous auriez quitté votre pays d’origine en raison de problèmes que vous auriez eus en relation avec une relation amoureuse. Vous dites que vous auriez été fiancé avec une femme et après l’avoir quittée, ses deux frères vous menaceraient. Après que la Police vous a informé que ceci ne constituerait pas une raison pour déposer une demande d’asile, vous commencez à vous contredire et vous n’arrivez plus à vous expliquer. Par la suite vous expliquez au Commissaire de Police que vous auriez quitté Durres en date du 3 décembre 2008. Vous dites qu’au port de Durres vous auriez déchiré, à l’aide d’un couteau, la bâche d’un camion pour accéder à l’intérieur de ce dernier. Il ressort également de vos déclarations que vous seriez sorti par le toit du camion après avoir passé deux nuits dans la remorque. A la gare ferroviaire du Luxembourg, vous auriez pris un taxi pour vous rendre au service des réfugiés du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration.

Vous ne présentez aucun document d’identité.

Il ressort des informations en nos mains que vous auriez habité, ensemble avec vos parents et votre sœur à Durres et vous expliquez que votre famille entière n’aurait pas travaillé. Vous dites qu’un mois et demi ou deux mois avant votre départ, vous vous seriez séparé de votre fiancée qui aurait également vécu dans votre maison parentale. Depuis lors, ses deux frères voudraient se venger et ils vous auraient menacé par téléphone de vous tuer. Selon leurs dires, vous « auriez laissé tomber leur sœur ». Vous dites que la première fois qu’ils vous auraient menacé aurait été une semaine après la séparation de votre ex-fiancée. La deuxième fois, ils seraient venus avec des armes chez vous à la maison, cependant vous n’auriez pas été présent.

Vous expliquez que vous saviez que ce serait dangereux de sortir de la maison, mais vous auriez quand même décidé de partir en ville.

Vous ajoutez que vous auriez également quitté l’Albanie parce que vous auriez des problèmes de santé et vous expliquez que depuis votre naissance vous souffriez de « problèmes de tête ».

Ainsi vous auriez décidé de quitter votre pays d’origine et vous ajoutez que vous ne pouviez pas vous installer dans une autre région de l’Albanie comme les frères de votre ex-fiancée vous retrouveraient partout dans le pays.

En tout état de cause, les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d’être persécuté dans votre pays d’origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section 1, §2 de la Convention de Genève, ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006. En effet, force est de constater que le fait d’avoir des problèmes en raison d’une liaison amoureuse qui est terminée, ne pourra être considéré comme acte de persécution ou crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Même en supposant que les deux frères de votre ex-fiancée vous auraient vraiment menacé, ces menaces constitueraient un délit de droit commun commis par des personnes privées du ressort des autorités de votre pays et punissable en vertu de la législation albanaise.

De plus, il ressort clairement des rapports d’entretien que vous n’avez pas requis le protection des autorités de votre pays. Il n’est ainsi pas démontré que celles-ci seraient dans l’incapacité de vous fournir une protection contre les menaces de ces deux frères. De même, il y a lieu de souligner que des raisons médicales ne sauraient davantage justifier une demande d’asile politique.

Force est ainsi de constater que vous n’alléguez aucun fait susceptible d’établir raisonnablement une crainte de persécution en raison d’opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d’appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l’octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vous n’invoquez pas non plus des motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteints graves définies à l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l’évaluation de votre demande d’asile, des raisons économiques ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire parce qu’ils n’établissent pas que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 20 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.

La décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée n’est susceptible d’aucun recours.

Néanmoins, la décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente.

Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l'ordre de quitter le territoire, simultanément et dans les mêmes délais que le recours contre la décision de rejet de votre demande de protection internationale. Tout recours séparé sera entaché d'irrecevabilité.

Je vous informe par ailleurs que la décision du Tribunal administratif ne sera susceptible d’aucun appel, et que le recours gracieux n’interrompt pas les délais de la procédure. ».

Par requête déposée le 12 février 2009 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle du 19 janvier 2009 en ce qu’elle porte rejet de sa demande en obtention d’une protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1.

Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale a) Statut de réfugié Etant donné que l’article 20 (4) de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de ce recours, le demandeur expose que ce serait à tort que le ministre a retenu que les menaces qu’il aurait subies de la part des deux frères de son ex-fiancée constitueraient un délit de droit commun commis par des personnes privées du ressort des autorités de l’Albanie et punissable en vertu de la législation albanaise.

Il explique qu’en Albanie les conflits, dans lesquels une des parties estime son honneur bafoué, se règleraient en règle générale par le sang. Il souligne que suite à cette dette de sang qu’il aurait vis-à-vis de la famille de son ex-fiancée il se serait vu menacé au moyen de diverses armes.

Il affirme que s’il avait été à la maison le jour où les deux frères de son ex-fiancée se sont rendus à son domicile, ces derniers auraient déjà mis leurs menaces à exécution.

Le demandeur explique ne pas s’être adressé aux autorités policières d’Albanie, alors que ces dernières n’interviendraient de toute façon pas dans des conflits d’ordre privé de cette nature. Il estime dès lors que dans son pays d’origine, sa protection réelle serait peu vraisemblable.

Monsieur … souligne que d’après l’article 28 de la loi précitée, les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les autorités du pays d’origine ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves.

Le demandeur estime encore que d’après l’article 32(2) de la loi précitée du 5 mai 2006, il serait indifférent de savoir si sa crainte de persécution résulte de motifs liés à sa race, sa religion, sa nationalité, ses opinions politiques ou son appartenance à un groupe social. Il affirme à ce sujet craindre avec raison d’être persécuté, alors que les agents de persécution, à savoir les deux frères en question, considéreraient qu’il aurait manqué à certaines règles non écrites du code de famille, lesquelles interdiraient toute séparation au sein d’un couple.

Finalement le requérant conteste encore la valeur probante du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 aux termes duquel l’Albanie serait à considérer comme pays sûr.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement rappelle en premier lieu qu’une crainte d’être persécuté implique à la fois un élément subjectif et un élément objectif qui doivent tous les deux être pris en considération et que la situation générale du pays d’origine ne justifie partant pas à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié (CA 12 juin 1997 (n°9879C du rôle)).

Le représentant étatique expose encore que le défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles le demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne est pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié (TA, 10 janvier 2001 n°12240 du rôle).

Le délégué du gouvernement souligne en outre que le demandeur aurait pu s’adresser directement aux autorités policières de son pays d’origine, alors qu’il serait erroné de prétendre que ces dernières n’interviendraient pas en cas de menaces par des personnes privées.

Il souligne encore que les deux frères de l’ex-fiancée du demandeur ne sauraient être considérés comme des acteurs de persécutions, alors qu’ils ne correspondraient pas aux cas de figure énoncés dans l’article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Finalement il rappelle que d’après le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, fixant une liste des pays d’origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006, l’Albanie constitue un de ces pays.

Le délégué du gouvernement soutient dès lors que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi précitée du 5 mai 2006, « le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants : a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; c) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 21 de la présente loi », tandis qu’aux termes de l’article 2 a), la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

Enfin, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) de la loi précitée du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée notamment lorsqu’il est manifeste (« apparaît clairement ») que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons de nature à fonder dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social dans son pays de provenance, ou s’il est établi que le demandeur est un ressortissant d’un pays d’origine sûr.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale lors de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’il n’a tout d’abord manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécutions dans son pays de provenance au sens de la loi.

En effet, une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions. Or force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal.

En effet, le demandeur se prévaut de la vendetta, selon la loi du Kanun, qui l’opposerait à certains membres de la famille de son ex-fiancée et des conséquences en découlant pour lui.

Le risque afférent se rattache partant exclusivement à un litige privé, à savoir à une dette de sang que ce dernier prétend avoir envers la famille de son ex-fiancée et non pas à son appartenance à une race, une religion, une nationalité ou à une tendance politique, voire même à un groupe social.

Dans cet ordre d’idées, le demandeur soutient encore que le ministre aurait dû examiner sa demande en tenant compte de l’article 32(2) de la loi du 5 mai 2006 précitée lequel prévoit que « Lorsque le ministre évalue si un demandeur craint avec raison d’être persécuté, il est indifférent qu’il possède effectivement la caractéristique liée à la race, à la religion, à la nationalité, à l’appartenance à un certain groupe social ou aux opinions politiques à l’origine de la persécution, pour autant que cette caractéristique lui soit attribuée par l’agent de persécution ».

Il y a dès lors lieu d’examiner si les deux frères de l’ex-fiancée de Monsieur … peuvent être qualifiés d’agents de persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006.

Il résulte de l’article 28c) de la loi précitée que les acteurs de persécutions ne peuvent être des acteurs non étatiques qu’à condition qu’il soit démontré que ni l’Etat, ni les partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, ne peuvent ou ne veulent accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves.

Or, en l’espèce le demandeur manque de prouver qu’il ne peut pas bénéficier d’une protection efficace des autorités albanaises en raison de son appartenance à une race, une religion, une nationalité ou à une tendance politique, voire même à un groupe social et ceci d’autant plus qu’il ressort clairement du dossier que Monsieur … n’a même pas essayé de s’adresser aux forces de police dans son pays d’origine.

Le tribunal est dès lors amené à retenir que les deux frères de l’ex-fiancée du demandeur ne sauraient être considérés comme acteurs de persécutions au sens de la loi du 5 mai 2006 et que partant l’article 32(2) n’est pas applicable en l’espèce.

Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève, respectivement au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Le tribunal est encore amené à constater que conformément au règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, pris sur base de l’article 21 de la loi précitée du 5 mai 2006, l’Albanie est à considérer comme pays d’origine sûr.

Bien que le demandeur conteste la valeur probante dudit règlement grand-ducal, il reste en défaut de prouver que les différents pays énumérés dans ledit règlement grand-ducal ne sauraient être considérés comme pays d’origine sûr.

Or, conformément à l’article 21 (2) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, « un pays est désigné comme pays d’origine sûr conformément aux paragraphes (3) et (4) du présent article peut uniquement, après examen individuel de la demande de protection internationale, être considéré comme étant un pays d’origine sûr pour un demandeur, s’il possède la nationalité de ce pays ou s’il avait précédemment sa résidence habituelle dans ce pays, et que le demandeur n’a soumis aucune raison valable permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle ». Le paragraphe (3) du même article prévoit encore que « une demande de protection internationale est rejetée, sans préjudice du paragraphe (2) qui précède, lorsqu’un pays est désigné comme pays d’origine sûr, soit par l’Union européenne, soit par règlement grand-ducal ».

Comme en l’espèce le demandeur est de nationalité albanaise et qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que l’Albanie ne saurait être considérée comme pays sur en raison de la situation personnelle de l’intéressé, la demande de protection internationale est à rejeter.

b) Statut conféré par la protection subsidiaire Comme le demandeur ne remplit pas les critères nécessaires au statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève, respectivement de réfugié au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, il y a lieu d’examiner s’il peut se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire au sens de la loi précitée.

Le demandeur se rapporte à la sagesse du tribunal en ce qui concerne le refus du ministre de lui accorder le statut de la protection subsidiaire.

Le délégué du gouvernement affirme dans son mémoire en réponse que le récit du requérant ne contiendrait pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il court un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006.

Aux termes de l’article 2 e) de la loi précitée du 5 mai 2006 est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère comme atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Si le demandeur explique certes les raisons qui l’amènent à croire qu’il est exposé au risque d’être tué par la famille de son ex-fiancée, il reste cependant en défaut de prouver qu’il ne saurait bénéficier d’une protection efficace des autorités policières d’Albanie, de sorte qu’il ne saurait prétendre qu’il risque réellement de subir, en cas de renvoi dans son pays d’origine, l’une des atteintes graves telles que prévues à l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006 et il n’est partant pas fondé à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire au sens de la loi précitée du 5 mai 2006.

Au vu de ce qui précède, le ministre a dès lors valablement pu rejeter la demande de protection internationale comme non fondée au sens de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006, étant donné qu’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

2.

Quant au recours introduit contre l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi modifiée du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision ministérielle déférée a valablement pu être introduite.

Le recours en annulation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 19 (1) de la loi modifiée du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire. Il en découle partant que l’ordre quitter le territoire constitue une conséquence automatique de la décision de refus de protection internationale.

Il s’en suit que dans le cadre d’un refus de protection internationale, l’ordre de quitter le territoire y contenu peut être attaqué en raison d’un vice propre à cet ordre, mais non pas pour tenir indirectement en échec le refus de la protection internationale.

Comme le tribunal vient de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale et à défaut par le demandeur d’invoquer un autre moyen susceptible d’énerver la légalité intrinsèque de l’ordre de quitter le territoire, le tribunal ne saurait mettre en cause la légalité de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision de refus d’une protection internationale du 10 février 2009 ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

Paulette Lenert, vice-président Marc Sünnen, premier juge Thessy Kuborn, juge et prononcé à l’audience publique du 14 avril 2009 par le vice-président, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

s. Schmit s. Lenert 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 25390
Date de la décision : 14/04/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-04-14;25390 ?

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