Numéro 24689 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er août 2008 2e ch ambre Audience publique du 2 avril 2009 Recours formé par Monsieur … et consort, …, contre un bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques de l’année 2005 en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 24689 du rôle et déposée le 1er août 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Paul Noesen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, les deux demeurant ensemble à B-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques du 6 septembre 2007 concernant l’année d’imposition 2005, en présence du silence gardé par le directeur de l’administration des Contributions directes suite à une réclamation du 20 novembre 2007 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2008 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2008 par Maître Jean-Paul Noesen pour compte de Monsieur et Madame … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin critiqué ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Paul Noesen et Monsieur le délégué du gouvernement Claude Lick en leurs plaidoiries respectives.
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Le bureau d’imposition Luxembourg X de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le bureau d’imposition », émit en date du 6 septembre 2007 à l’égard de Monsieur …, et de son épouse, Madame …, un bulletin de l’impôt sur le revenu relatif à l’année 2005, ci-après désigné par « le bulletin », avec la mention que « les intérêts débiteurs immobiliers ne peuvent pas être déduits puisque le prêt ne se rapporte pas à votre 1ière résidence ». Par courrier du 12 septembre 2007, le bureau d’imposition informa les époux …, sur base du paragraphe 205 (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », qu’il a dérogé à la déclaration de l’impôt sur le revenu, suivant la motivation suivante : «Ad prêt hypothécaire : Suivant l’article 98 L.I.R. (« … la déductibilité des intérêts passifs ne peut pas entrer en ligne de compte pour . ») les intérêts débiteurs immobiliers ne peuvent pas être déduits puisque aussi si l’hypothèque a changé, le prêt se rapporte à votre maison à …, ce qui n’est pas votre 1ère résidence. » Par deux courriers datés du 20 novembre 2007, adressés respectivement au préposé du bureau d’imposition et à « la direction », une réclamation fut introduite par Madame … à l’encontre du bulletin.
Ces courriers étant restés sans réponse, les époux … ont, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er août 2008, introduit un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin.
Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », ayant tranché une réclamation contre un bulletin d’imposition. Aux termes de l’article 8, paragraphe 3, point 3, de la loi du 7 novembre 1996 précitée, lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO a été introduite et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans un délai de six mois à partir de la demande, le réclamant peut considérer la réclamation comme rejetée et il peut interjeter un recours devant le tribunal administratif contre la décision qui a fait l’objet de la réclamation.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre le bulletin.
Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il est introduit par Monsieur …, faute par celui-ci d’avoir au préalable introduit une réclamation au sens du paragraphe 228 AO, tout en soutenant qu’en l’espèce, seule l’épouse de celui-ci aurait introduit une réclamation et qu’à défaut de mandat en ce sens, celle-ci ne saurait agir au nom de son mari.
Les époux … concluent à la recevabilité du recours. Tout en admettant que la réclamation n’a pas été signée par Monsieur …, mais uniquement par son épouse, ils donnent à considérer que la lettre de réclamation mentionnerait en en-tête les deux époux. Ils soutiennent encore, d’un côté, que les époux se représenteraient mutuellement en matière mobilière en vertu de leur régime matrimonial primaire, et, de l’autre côté, qu’ils se représenteraient mutuellement en tant que codébiteurs solidaires et indivisibles de l’imposition collective.
Un recours dirigé contre le bulletin dressé par le bureau d’imposition est irrecevable omisso medio si ledit bulletin et les contestations formulées n’ont pas été soumis préalablement pour examen et décision au directeur.
En l'espèce, il se dégage des pièces versées que la réclamation dirigée contre le bulletin a été signée seulement par Madame …. Elle n'a pas été signée par Monsieur …, et il n'y est pas fait mention d'un mandat conféré par celui-ci à son épouse à l'effet de réclamer contre l'imposition afférente. Le simple fait que la lettre de réclamation porte comme en-tête le nom des deux époux ne porte pas à conséquence, étant donné que Monsieur … n’a pas signé la lettre et n’a dès lors pas exprimé une manifestation claire de volonté d’introduire une réclamation, ou du moins de charger son épouse d’introduire une réclamation en son nom.
Les époux … ne sauraient utilement invoquer la solidarité entre deux époux imposés collectivement pour conclure à la recevabilité du recours, étant donné que s’il est vrai que l’article 3 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, en abrégé « L.I.R. », dispose que les époux vivant ensemble sont imposés collectivement et que le paragraphe 7 de la loi d’adaptation fiscale impose la solidarité aux époux imposés collectivement, il ne s’en dégage cependant ni qu'un ménage constitué par les époux vivant ensemble, dépourvu de personnalité juridique, soit à considérer comme contribuable, alors que les époux, en leur qualité de personnes physiques sont à considérer individuellement comme contribuables, ni que le recours introduit par un des époux imposés collectivement profite à l'autre, un tel effet ne découlant pas de la solidarité, même parfaite (trib. adm. 15 juin 1998, n° 10477 du rôle, Pas. adm. 2008, V° Impôts, n° 523).
Comme Monsieur … ne justifie pas avoir réclamé auprès du directeur contre le bulletin, son recours dirigé contre ledit bulletin introduit directement auprès du tribunal administratif est à déclarer irrecevable omisso medio.
Cette conclusion ne saurait être énervée par la référence faite par les époux … à leur régime matrimonial, à défaut par eux d’indiquer en quoi ce régime autoriserait un époux à agir pour compte de son conjoint en matière fiscale.
Le recours en réformation introduit par Madame …, régulier par rapport aux conditions légales de forme et de délai, est en revanche recevable.
Le recours subsidiaire en annulation est dès lors irrecevable.
La demanderesse critique le bulletin, au motif que le bureau d’imposition n’aurait pas accepté la déductibilité des intérêts débiteurs relatifs à un prêt hypothécaire qui grèverait sa maison d’habitation située à Arlon, à titre de dépense spéciale.
Elle précise qu’après l’acquisition de cette maison à Arlon, qui depuis servirait de maison d’habitation à elle et à son mari, ils auraient transféré sur cet immeuble un prêt hypothécaire ayant initialement été contracté pour l’acquisition d’une maison sise à …, laquelle aurait été utilisée comme maison de campagne par elle et son mari et comme logement par un parent. Elle précise encore qu’elle-même et son époux auraient contracté un prêt hypothécaire complémentaire pour l’achat de cette nouvelle maison à Arlon. Elle expose que le prêt pour l’achat de cette maison se serait élevé à 337.487 euros au 31 décembre 2005, et que les intérêts générés se seraient élevés à 11.698,21 euros à cette même date. Elle soutient qu’un montant de 8x672 euros, soit un total de 5.376 euros, duquel il faudrait déduire un montant de 337,66 euros relatifs à un prêt mobilier, aurait dû être accepté à titre de dépenses spéciales, alors que le bureau d’imposition n’aurait accepté que le prédit montant de 337,66 euros, correspondant aux intérêts relatifs à un prêt relatif à l’achat d’une voiture.
Elle critique le motif de refus basé sur l’article 98 LIR, en ce que la déductibilité des intérêts passifs ne serait pas admise pour « toute habitation en sus de la première », en faisant valoir qu’elle aurait contracté ensemble avec son mari un second prêt pour l’achat de la maison à Arlon, qui serait la résidence principale du ménage, et que les intérêts relatifs à ce prêt seraient déductibles, même si une partie du passif hypothécaire grevant ledit immeuble grevait autrefois une résidence secondaire. Elle soutient que le contribuable serait autorisé à rechercher la voie fiscalement la moins onéreuse et serait de ce fait autorisé à grever d’un passif hypothécaire l’immeuble sur lequel il peut déduire les intérêts à titre de dépenses spéciales, plutôt qu’un immeuble sur lequel il ne le peut pas.
La demanderesse souligne encore que, même à supposer que la partie du passif transféré sur l’immeuble situé à Arlon ne soit pas déductible, les intérêts correspondant au seul passif engendré par le prêt nouvellement contracté pour l’immeuble sis à Arlon dépasseraient à eux seuls le plafond déductible, de sorte que la question aurait un intérêt purement académique.
Le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse, souligne en premier lieu que les intérêts passifs en rapport économique avec un immeuble seraient, le cas échéant, susceptibles d’être déduits dans la catégorie des revenus provenant de la location des biens, mais ne constitueraient jamais des dépenses spéciales au sens de l’article 109 LIR et ne sauraient par voie de conséquence être déduits dans cette catégorie qui serait réservée aux intérêts qui sont à considérer ni comme dépenses d’exploitation, ni comme frais d’obtention et qui ne seraient pas en rapport économique avec des revenus exemptés. Le délégué du gouvernement en conclut que ce serait à juste titre que le bureau d’imposition n’aurait déduit, dans la catégorie des dépenses spéciales, qu’un montant de 337,66 euros, correspondant aux intérêts relatifs à un prêt contracté pour l’acquisition d’une voiture.
Le représentant étatique rappelle qu’en vertu de l’article 6 de la Convention entre le Luxembourg et la Belgique en vue d’éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune, signée à Luxembourg, le 17 septembre 1970, ci-après désignée par « la Convention belgo-luxembourgeoise », les revenus provenant de biens immobiliers seraient imposés dans l’Etat contractant où ces biens sont situés, en l’occurrence en Belgique. Il rappelle encore qu’en vertu de l’article 134 LIR, ces revenus exonérés seraient incorporés dans une base imposable fictive pour déterminer le taux d’impôt global. Le délégué du gouvernement relève que tel aurait été le procédé du bureau d’imposition pour l’année 2004, pour laquelle, dans le cadre de la détermination du taux d’impôt global, un revenu net exonéré de la location de biens d’un montant de -11.900.- € aurait été retenu.
Le délégué du gouvernement soutient que depuis l’acquisition de la maison sise à Arlon, qui constituerait la résidence principale, les intérêts débiteurs se rapportant à la maison sise à … ne seraient plus déductibles, dans la mesure où cette dernière serait considérée d’un point de vue fiscal comme résidence secondaire. Quant à d’éventuels intérêts débiteurs relatifs à un prêt hypothécaire contracté pour l’acquisition de la maison sise à Arlon, le délégué du gouvernement soutient que ces intérêts ne peuvent être déduits ni dans la catégorie des dépenses spéciales, ni intégralement, mais qu’ils seraient, le cas échéant, susceptibles d’être pris en compte dans le cadre de la détermination du taux d’impôt global, à condition que leur rapport économique direct avec ledit immeuble soit vérifié. A cet égard, le délégué du gouvernement donne à considérer qu’aucune des pièces versées en cause ne concernerait l’année d’imposition 2005, et que de plus, le contrat d’ouverture de crédit y afférent ferait toujours défaut, de même qu’une justification quant au mode de financement dudit immeuble.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse invoque l’article 24 de la Convention belgo-luxembourgeoise, qui assurerait un traitement non discriminatoire. Elle soutient que la prise en compte d’intérêts débiteurs en rapport avec la résidence conjugale située en Belgique, pour les conjoints proméritant l’essentiel de leur rémunération professionnelle au Grand-
Duché de Luxembourg, devrait se faire sur pied de l’article 134 LIR, ce qui aurait été fait par le bureau d’imposition pour l’année 2004. Elle estime que dans la mesure où le revenu locatif en Belgique serait négatif, celui-ci devrait être déduit lors de la fixation de la base imposable pour l’année 2005. Elle demande à ce que le dossier soit renvoyé devant l’administration, pour que celle-ci procède aux calculs concrets, dans la mesure où, en l’absence de réaction de l’administration des Contributions à son recours administratif, l’instruction serait seulement faite devant le tribunal administratif. Quant aux objections du délégué du gouvernement en ce qui concerne le contrat d’ouverture de crédit et la preuve du paiement effectif d’intérêts débiteurs, la demanderesse rappelle qu’à l’appui de son recours, elle a versé l’acte d’ouverture de crédit, aux termes duquel l’hypothèque frappant originairement un immeuble sis à …, a été reporté sur l’immeuble sis à Arlon, ainsi que l’acte d’acquisition de l’immeuble situé à Arlon.
Elle soutient que dans la mesure où l’acquisition a été faite par acte signé en juin 2005, il y aurait lieu, le cas échéant, à appliquer une règle ratione temporis, tout en précisant que ce dernier problème relèverait plutôt des calculs à effectuer par l’administration et ne devrait pas nécessairement être toisé par le tribunal. La demanderesse expose encore avoir versé un justificatif du paiement des intérêts à l’appui de son dossier, et que le total des montants payés pour l’année 2005 s’élèverait à 12.897,12 euros. Dans la mesure où ce montant serait supérieur aux revenus locatifs de l’immeuble sis à Arlon, il y aurait lieu d’appliquer, pour la détermination du revenu imposable global, un revenu locatif négatif, ce qui aurait pour effet que la base imposable serait moins élevée que le seul produit des revenus professionnels. La demanderesse marque son accord pour la prise en considération des intérêts débiteurs payés pour l’immeuble situé en Belgique par le biais de l’article 134 LIR et demande ainsi à ce que son recours soit déclaré fondé et que le dossier soit renvoyé devant l’administration pour les calculs détaillés.
Il est constant en l’espèce que les époux … habitent en Belgique, dans une maison sise à Arlon, ceci depuis l’acquisition de celle-ci en 2005, et que les revenus du ménage provenant d’une activité salariée sont imposés au Luxembourg. Dans le cadre de cette imposition au Luxembourg, la demanderesse fait valoir des intérêts débiteurs qu’elle met en rapport avec son habitation principale à Arlon.
Le tribunal est de prime abord amené à constater que si dans la requête introductive d’instance, la demanderesse entendait faire prendre en compte les intérêts débiteurs litigieux à titre de dépenses spéciales, suivant le dernier état de ses conclusions, et face aux contestations du délégué du gouvernement sur la possibilité de prendre en considération ces intérêts débiteurs dans cette catégorie des dépenses, celle-ci s’est déclarée d’accord « pour voir prendre en considération les intérêts débiteurs payés pour leur immeuble en Belgique de façon oblique par le biais de l’article 134 LIR comme l’Administration l’a fait à leur égard pour l’exercice fiscal 2004 » (dispositif du mémoire en réplique), ceci par « la prise en considération d’un revenu immobilier négatif lors de la fixation du revenu imposable global » (mémoire en réplique page 3). Il s’ensuit que la demanderesse a admis que les dépenses dont elle fait état se rattachent à un revenu provenant de la location des biens, impliquant qu’elle entend les voir prendre en considération à titre de frais d’obtention dans ce contexte. En ce faisant, sans formuler une réserve quant à une éventuelle prise en compte des frais litigieux à titre de dépenses spéciales, elle a nécessairement renoncé à ses conclusions antérieures tendant à voir admettre les intérêts débiteurs litigieux dans la catégorie des dépenses spéciales, de sorte que ce moyen a perdu son objet.
Les parties s’accordent encore pour faire application de l’article 134 LIR, mais sont en désaccord sur la question de savoir si, en l’espèce, les intérêts sont susceptibles d’être pris en considération, plus particulièrement au regard du transfert d’un prêt initialement contracté pour une maison qui n’est pas la résidence principale de la demanderesse, et au regard de la question de la preuve de la relation économique entre un éventuel nouveau prêt contracté et l’acquisition de la maison sise à Arlon.
Il ressort du bulletin qu’en l’espèce, l’imposition a été faite suivant le paragraphe 4 de l’article 24 de la Convention belgo-luxembourgeoise, qui dispose qu’« une personne physique, résidente en Belgique, qui, conformément aux articles 7 et 14 à 19, est imposable au Luxembourg du chef de plus de 50% de ses revenus professionnels, est, sur sa demande, imposée au Luxembourg, en ce qui concerne ses revenus y imposables conformément aux articles 6, 7 et 13 à 19 de la Convention, au taux moyen d’impôt qui, compte tenu de sa situation et de ses charges de famille et du total de ses revenus généralement quelconques, lui serait applicable si elle était un résident du Luxembourg ».
En vertu de l’article 6 paragraphe 1er de la Convention belgo-luxembourgeoise « les revenus provenant de biens immobiliers sont imposables dans l’Etat contractant où ces biens sont situés », et en vertu du 3e paragraphe du même article, le paragraphe 1er de l’article 6 de la Convention s’applique aux revenus provenant de la jouissance directe d’un bien immobilier.
La Convention accorde donc le droit d’imposer le revenu des biens immobiliers, y compris le revenu provenant de la jouissance personnelle d’une habitation, dans l’Etat de la source, c’est-
à-dire dans l’Etat dans lequel est situé le bien immobilier qui produit le revenu, en l’espèce la Belgique.
Néanmoins, l’article 134 LIR, rendu applicable par le biais de l’article 24 précité de la Convention belgo-luxembourgeoise, et qui dispose que « lorsqu’un contribuable résidant a des revenus exonérés, sous réserve d’une clause de progressivité prévue par une Convention internationale contre les doubles impositions ou une autre Convention interétatique, ces revenus sont néanmoins incorporés dans une base imposable fictive pour déterminer le taux d’impôt global qui est applicable au revenu imposable ajusté au sens de l’article 126 », permet de tenir compte d’un revenu locatif étranger exonéré, tel que c’est le cas de l’espèce, étant donné qu’un revenu locatif visant un immeuble situé en Belgique n’est, en vertu de l’article 6 paragraphe 1er de la Convention belgo-luxembourgeoise, pas soumis à l’impôt au Luxembourg.
Il convient cependant de relever qu’il se dégage de l’article 134 LIR qu’un revenu étranger exonéré, soit positif, soit négatif, n’est pas à incorporer dans le revenu imposable, de manière qu’une perte ne peut pas être directement déduite du revenu imposable de source luxembourgeoise, mais rentre dans la détermination d’une base d’imposition fictive incluant lesdits revenus étrangers exonérés dans le seul but de déterminer le taux d’imposition applicable au revenu de source luxembourgeoise (Cour adm. 12 février 2009, n°24642C du rôle, disponible sous www. jurad.etat.lu). La demanderesse ne saurait dès lors utilement aboutir dans sa demande de « prise en considération d’un revenu immobilier négatif lors de la fixation du revenu imposable global », impliquant qu’elle entend déduire du revenu imposable au Luxembourg un revenu locatif négatif, étant donné qu’un revenu locatif négatif ne peut être pris en compte qu’afin de déterminer le taux d’imposition applicable.
Face à la déclaration du délégué du gouvernement que pour l’exercice 2004 le bureau d’imposition aurait pris en considération un revenu locatif négatif et face à la demande de la demanderesse de « voir prendre en considération les intérêts débiteurs payés pour leur immeuble en Belgique de façon oblique par le biais de l’article 134 LIR comme l’Administration l’a fait à leur égard pour l’exercice fiscal 2004 », formulation qui, au regard de la demande de voir déduire les intérêts directement du revenu qui est imposé au Luxembourg, est certes ambigüe, il convient d’examiner si, en l’espèce, la demanderesse peut faire valoir un revenu locatif négatif, résultant du fait de la prise en compte d’intérêts débiteurs relatifs au prêt immobilier dont elle fait état, étant entendu qu’un tel revenu locatif négatif, tel qu’il a été retenu ci-dessus, ne peut avoir une incidence que sur le taux d’imposition applicable.
En l’occurrence, le délégué du gouvernement conteste, d’un côté, que les intérêts relatifs au prêt contracté initialement pour l’acquisition de la maison à … puissent être pris en considération, au motif que ce prêt viserait une résidence secondaire, et, de l’autre côté, que des intérêts éventuels en rapport avec un prêt contracté pour l’acquisition de la maison à Arlon puissent être pris en compte, au motif que le rapport économique avec ledit immeuble ne serait pas établi.
L’article 105 LIR dispose que « sont considérées comme frais d’obtention les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes ».
L’alinéa 2 dudit article précise que « constituent également des frais d’obtention: 1) (…) les intérêts débiteurs, dans la mesure où il y a un rapport économique direct avec des revenus d’une des catégories mentionnées sub 4 à 8 de l’article 10 », catégories parmi lesquelles rangent notamment les revenus locatifs et, aux termes du quatrième alinéa de l’article 105 LIR, « les frais d’obtention sont déductibles dans la catégorie de revenus à laquelle ils se rapportent. Ils n’entrent en ligne de compte que dans la mesure où ils sont en rapport avec des revenus imposables ».
Il se dégage de ces dispositions que d’une manière générale les frais d’obtention n’entrent en ligne de compte que pour autant qu’ils soient exposés en vue de l’acquisition de revenus imposables.
L’article 98 LIR considère comme revenu provenant de la location de biens le revenu provenant de la valeur locative de l’habitation occupée par le propriétaire, y compris celle des dépendances, tandis qu’aux termes de l’article 4 (5) du règlement grand-ducal modifié du 12 juillet 1968 concernant la fixation de la valeur locative de l’habitation occupée en vertu du droit de propriété ou occupé à titre gratuit ou en vertu d’un droit de jouissance viager ou légal, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 12 juillet 1968 », « (…) les intérêts passifs et les arrérages de rentes viagères ne sont pas déductibles lorsqu’ils sont en rapport économique avec une résidence secondaire », et aux termes de l’article 4 (2) du prédit règlement « la valeur locative ainsi déterminée ne peut être réduite qu’à concurrence des intérêts passifs déductibles comme frais d’obtention ».
Il s’ensuit que les intérêts débiteurs constituent des frais d’obtention en relation avec des revenus de location de biens seulement dans la mesure où ils se trouvent en rapport économique direct avec cette catégorie de revenus pour avoir été notamment déboursés en vue d’acquérir les recettes afférentes. C’est dès lors la relation économique entre le bien acquis (l’habitation à occuper) et la dette (le prêt contracté pour le financement de l’acquisition), c’est-à-dire l’affectation des deniers empruntés, qui est déterminante pour apprécier si des intérêts débiteurs sont à considérer comme des frais d’obtention.
Les intérêts débiteurs sont ainsi, en principe, à considérer comme frais d’obtention des revenus de la location de biens, si le contribuable a contracté un prêt pour le financement d’une habitation à occuper par lui, étant entendu toutefois que l’habitation à prendre en compte vise l’habitation principale, à l’exclusion d’une habitation secondaire.
En l’espèce, la demanderesse déclare qu’une partie du prêt hypothécaire, grevant actuellement son habitation principale à Arlon, a grevé initialement une maison à …, qui d’ailleurs a toujours été utilisée comme résidence secondaire. Elle déclare encore que l’inscription hypothécaire garantissant ce prêt avait été transférée vers la maison à Arlon. La demanderesse admet ainsi implicitement, mais nécessairement qu’il n’existe aucun rapport économique entre la conclusion du prêt dont l’inscription hypothécaire a ainsi été transférée, et l’acquisition de la maison à Arlon, alors que manifestement le prêt n’a pas été contracté en vue de l’acquisition de la maison à Arlon. Les intérêts relatifs au prêt hypothécaire contracté pour la maison à …, qui constitue une résidence secondaire, ne sauraient être pris en considération, au regard des dispositions précitées de l’article 4 (5) du règlement grand-ducal du 12 juillet 1968, qui exclut la prise en compte d’intérêts débiteurs en relation économique avec un prêt contracté pour l’acquisition d’une maison utilisée comme résidence secondaire.
La demanderesse fait encore état d’un complément de prêt contracté et en rapport avec lequel une inscription hypothécaire aurait été prise sur la maison à Arlon. Le tribunal est cependant amené à constater qu’il ressort d’un courrier émanant de la demanderesse et figurant au dossier fiscal, qu’aucun crédit n’a été contracté pour l’acquisition de la maison à Arlon (« Nous avions acheté une maison à … avec crédit hypothécaire. L’achat de la maison d’Arlon n’avait pas fait l’objet d’un crédit. »). L’acte de transfert de l’hypothèque, signé le 23 juin 2006 et figurant parmi les pièces versées par la demanderesse sous le numéro 10, ne laisse pas non plus apparaître qu’un prêt ait été contracté pour financer l’acquisition de la maison à Arlon.
Il s’ensuit que les pièces soumises au tribunal ne permettent pas de dégager un lien économique entre l’acquisition de la maison sise à Arlon et le prêt, et plus particulièrement les intérêts débiteurs, dont la demanderesse se prévaut. Le transfert d’une inscription hypothécaire visant un prêt n’est pas de nature à établir ce lien, puisque ce prêt avait été contracté pour financer la maison à …. Au demeurant, le transfert de l’inscription hypothécaire n’a été fait que par acte notarié du 23 juin 2006, donc postérieurement à l’année fiscale 2005 qui est actuellement litigieuse, de sorte qu’il ne saurait en toute hypothèse avoir un effet utile sur l’année 2005.
C’est dès lors à juste titre que le bureau d’imposition n’a pas tenu compte des intérêts débiteurs litigieux et n’a pas pris en compte un revenu négatif provenant de la location de biens afin de déterminer le taux d’imposition applicable.
Au regard des développements qui précèdent, le recours en réformation doit être rejeté comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare irrecevable le recours en réformation pour autant qu’il a été introduit par Monsieur … ;
déclare recevable le recours en réformation pour autant qu’il a été introduit par Madame … ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
déclare irrecevable le recours en annulation ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par :
Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 2 avril 2009 par le premier juge, délégué à cette fin, en présence du greffier Claude Legille.
Claude Legille Carlo Schockweiler 9