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02/04/2009 | LUXEMBOURG | N°24379

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 avril 2009, 24379


Tribunal administratif N° 24379 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 mai 2008 2e chambre Audience publique du 2avril 2009 Recours formé par Monsieur … et son épouse Madame …, Diekirch contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24379 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 mai 2008 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à l

a Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le ...

Tribunal administratif N° 24379 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 mai 2008 2e chambre Audience publique du 2avril 2009 Recours formé par Monsieur … et son épouse Madame …, Diekirch contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 24379 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 mai 2008 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Abadan (Iran), et de son épouse, Madame …, née le … à Abadan, les deux de nationalité iranienne et demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 27 février 2008, ayant rejeté leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme étant non fondée et leur ayant refusé le bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi que d’une décision de refus confirmative datée du 30 avril 2008, suite à un recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 juin 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions ministérielles critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Guillou-Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 novembre 2008 ;

Vu le mémoire complémentaire du délégué du gouvernement déposé le 24 novembre 2008 au greffe du tribunal administratif suite à l’autorisation afférente accordée par le tribunal à l’audience publique du 10 novembre 2008 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Fatholahzadeh et Madame le délégué du gouvernement Anne Kayser en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 mars 2009.

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Le 10 octobre 2005, Monsieur … et Madame … introduisirent auprès du service compétent du ministère du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Ils furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut en outre entendu en date des 22 novembre 2005, 23 février, 8 juin et 18 juillet 2006, et 6 mars 2007 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile. Madame … fut entendue par les mêmes services en date des 28 février et 18 juillet 2006.

La Commission consultative pour la protection internationale, dénommée ci-après «la commission consultative», rendit un avis en date du 15 février 2008, avis qui est libellé de la façon suivante :

« Vu le rapport n° 15/1549/05/ARGO du service de police judiciaire du 10 octobre 2005 et les rapports d'audition des 22 novembre 2005, 23 février 2006, 8 juin 2006, 18 juillet 2006 et 6 mars 2007 en ce qui concerne Monsieur ….

Vu les rapports d'audition des 28 février 2006 et 18 juillet 2006 en ce qui concerne Madame … .

Vu les pièces versées par les requérants Faits et procédures :

Le 10 octobre 2005, les époux …-… ont introduit une demande de reconnaissance du statut de réfugié au sens de la convention de Genève du 28 juillet 1951.

Le demandeur indique avoir quitté l'Iran, plus précisément la ville d'Abadan, 3 mois auparavant avec l'aide de passeurs. De Horramsahr, il a été emmené à l'aide d'un bateau vers un navire cargo. L'épouse a été emmenée en voiture de Shiraz vers Bandar et Ganave pour rejoindre son mari par après. Ils ont été emmenés au Luxembourg cachés dans la soute, puis dans un container pour être déposés à Luxembourg-ville après un voyage de 7 à 8 heures.

Le requérant précise qu'il n'est pas en détention de documents d'identités, son passeport lui ayant été confisqué à la frontière lors d'un trajet professionnel qu'il voulait effectuer, lorsqu'il travaillait encore pour une firme pétrolière en Iran.

Les demandeurs versent copie du permis de conduire de l'épouse et la carte d'adhérent au groupe de pétrole national.

Les demandeurs exposent qu'en 1988, leur fils unique Kamran … a été exécuté suite à une arrestation et un emprisonnement pendant deux ans.

Le requérant précise avoir lui-même été emprisonné tout de suite après l’exécution de son fils et torturé pendant les 3 mois de garde à vue en 1986.

Le demandeur expose encore avoir été membre d'un groupe iranien combattant dénommé GAM.

Le groupe aurait été formé et conçu par des anciens militaires retraités du Shah et son but serait de « destituer le régime et de remettre le fils du Shah sur le trône. » L'intéressé déclare avoir été membre de ce groupe depuis 1993. Il y était actif depuis cette période jusqu'à son départ de l'Iran. Il explique ne jamais avoir été inquiété par les autorités du pays.

Monsieur … précise que ce « groupe d'activistes » regroupait 3 amis d'enfance et que leur activité principale était la distribution de tracts ».

Cette distribution s'est faite de manière très irrégulière, de sorte qu'il n'y avait parfois pas d'activité pendant des périodes s'étalant de 2 à 3 mois.

Le demandeur explique avoir reçu les ordres d'un dénommé ESKANDAR, militaire dans l'armée de terre et agent de renseignement auprès des Services secrets iraniens.

Appréciation :

La Commission entend relever qu'il résulte de la lecture des rapports respectifs que les éléments à prendre en considération et sur lesquels il s'agit de porter une appréciation sont des faits qui remontent respectivement à 1988, 1995 ou encore à 2001.

La Commission note que le requérant, sur demande expresse, affirme n'avoir jamais été inquiété du fait de ses activités ou de son appartenance au groupe GAM pendant 12 ans et jusqu'à son départ de l'Iran.

Le demandeur est resté très vague dans ses déclarations relatives à la structure ou aux finalités politiques du groupe. Même sur question précise de l'agent du Ministère des Affaires Etrangères, le demandeur indique ne pas connaître très bien cette organisation, ni ses dirigeants et que son seul contact était le dénommé ESKANDAR.

A noter dans ce contexte, que l'intéressé ne rapporte aucune preuve pertinente qui établit la réalité de ses dires relatifs à son engagement actif dans ce groupe d'activistes.

Les allégations du demandeur quant aux risques de poursuites de la part des autorités se résument dans la simple affirmation et crainte d'avoir un « passé chargé » et avoir peur des autorités, en général ».

La Commission doit dès lors s'interroger sur les craintes réelles avancées par l'intéressée au regard d'éventuelles poursuites ou menaces à son encontre. Elle s'interroge sur l'existence d'un risque réel de persécution au sens de la Convention de Genève.

Dans ces conditions, la Commission considère que, même à admettre la véracité des dires des intéressés, ces derniers n'ont pas invoqué des craintes sérieuses de persécution au sens de la Convention de Genève.

Conclusion :

La Commission propose de rejeter la demande d'obtention du statut de réfugié de Monsieur … ainsi que de son épouse Madame … …-… ».

Par décision du 27 février 2008, notifiée par lettre recommandée en date du 14 mars 2008, et à laquelle était jointe le prédit avis de la Commission consultative, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, dénommé ci-après «le ministre», informa les époux … que leur demande en obtention du statut de réfugié avait été rejetée comme non fondée et que le bénéfice de la protection subsidiaire leur était refusé. Cette décision est libellée comme suit :

« J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 10 octobre 2005.

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du même jour et les rapports de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration datés des 28 février et 18 juillet 2006 et des 22 novembre 2005, 23 février, 8 juin et 18 juillet 2006 ainsi que du 6 mars 2007.

En mains également l'avis donné par la Commission Consultative pour la Protection Internationale daté du 15 février 2008, qui est annexé à la présente pour en faire partie intégrante.

Je me rallie à l'avis de la Commission Consultative.

En conséquence, je constate que vous n'alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre vos vies intolérables dans votre pays. Une crainte fondée de persécution pour raison d'opinion politique, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est par conséquent pas établie.

En outre, vos récits ne contiennent pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de vos demandes ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. Le bénéfice de la protection subsidiaire tel que prévu par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection doit également vous être refusé. (…). » Par courrier de leur mandataire daté du 11 avril 2008, les époux … introduisirent un recours gracieux contre la décision ministérielle précitée.

Par décision datée du 30 avril 2008, le ministre confirma son refus au motif d’absence d’éléments pertinents nouveaux.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 mai 2008, les époux … ont fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle précitée du 27 février 2008 et contre la décision de refus confirmative du 30 avril 2008.

Tant l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 3 avril 1996 », que l’article 19 (3) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 », prévoient un recours en réformation en matière de demandes d’asile et de protection subsidiaire déclarées non fondées.

Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est dès lors recevable.

Le recours subsidiaire en annulation, tel qu’il se dégage du dispositif de la requête, doit être déclaré irrecevable.

Les demandeurs invoquent en premier lieu des irrégularités de procédure, en faisant état de moyens de nullité, tout en s’appuyant sur une décision du tribunal administratif du 28 janvier 2008 (rôle n° 23173).

En l’occurrence, ils font valoir avoir soumis des éléments nouveaux au ministre dans le cadre de leur recours gracieux du 11 avril 2008 et reprochent au ministre d’avoir confirmé sa décision initiale, sans soumettre ces éléments nouveaux, respectivement le recours gracieux, à la commission consultative qui s’était prononcée par avis du 15 février 2008.

Ils soutiennent encore que la commission consultative se serait prononcée uniquement sur le volet de la demande visant l’attribution du statut de réfugié, sans se prononcer sur le volet de la demande visant l’obtention de la protection subsidiaire, conformément à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006. A cet égard, ils donnent à considérer qu’il ne serait pas à exclure qu’ils fassent l’objet de tortures, sinon de traitements inhumains en cas de retour dans leur pays d’origine.

Dans ce même ordre d’idées, les demandeurs soutiennent que le ministre ne se serait prononcé, ni dans sa décision du 27 février 2008, ni dans celle du 30 avril 2008, sur leur activisme politique ou sur le passé de prisonnier politique de Monsieur ….

Les demandeurs en concluent à une irrégularité procédurale, qui violerait les formes destinées à protéger les intérêts des administrés à l’égard de l’administration, en se référant plus particulièrement au règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des Communes, désigné ci-après par « le règlement du 8 juin 1979 ».

Face aux moyens tirés d’un vice de procédure, le délégué du gouvernement se limite à relever que la décision ministérielle du 27 février 2008 se référerait certes à l’avis de la commission consultative quant à la question de l’attribution du statut de réfugié, mais serait basée sur une motivation à part quant au volet visant la protection subsidiaire, pour conclure à l’absence d’un vice de procédure.

L’article 4 (3) de la loi du 5 mai 2006 qui, en vertu de l’article 74 de cette même loi, est applicable au présent litige, à l’exclusion des dispositions visées au point (2) du même article 74, dispose que « le ministre peut soumettre à la commission pour avis un dossier individuel constitué à l’occasion d’une demande de protection internationale (…) ».

Il se dégage de cette disposition que l’avis de la commission consultative est facultatif.

L’avis est facultatif à toute étape du processus décisionnel, que ce soit au stade de la prise de la décision initiale, ou que ce soit au stade de la prise d’une décision sur recours gracieux. Le caractère facultatif du recours à l’avis de la commission implique encore que le ministre, même s’il a demandé l’avis de la commission préalablement à sa décision, n’est pas obligé d’en faire de même s’il est saisi d’un recours gracieux contre cette décision. Il ne saurait dès lors être fait grief au ministre de ne pas avoir soumis à la ladite commission les éléments à la base du recours gracieux introduit par les demandeurs, de sorte que le moyen afférent laisse d’être fondé.

En raison du caractère facultatif du recours à l’avis de la commission consultative, il est encore loisible au ministre de soumettre à la commission soit uniquement un volet d’une demande de protection internationale, soit les deux volets de cette demande, de sorte que le moyen des demandeurs suivant lequel la commission ne se serait pas prononcée sur le volet de la demande visant l’obtention de la protection subsidiaire est à rejeter.

Le moyen suivant lequel le ministre ne se serait pas prononcé sur l’activisme politique ou sur le passé de prisonnier politique du demandeur, indépendamment du caractère pertinent de ce moyen au stade de l’analyse d’un éventuel vice de procédure, est factuellement erroné.

En effet, le ministre, du moment qu’il a fait sienne la motivation contenue dans l’avis de la commission consultative, pour avoir joint cet avis à la décision pour en faire partie intégrante, a pris en compte le passé des demandeurs et l’activisme politique dont ils font état, qui a été examiné dans ce même avis. Le moyen afférent est partant à rejeter.

Il suit des développements qui précèdent que les différents moyens d’irrégularité procédurale invoqués par les demandeurs sont à rejeter comme n’étant pas fondés.

Quant au fond, les demandeurs exposent que les motifs de leur départ de l’Iran en 2005 et les motifs de leur demande d’asile auraient été exposés à suffisance lors des différentes auditions. Ils font état de l’emprisonnement et de l’exécution en 1988 de leur fils, qui aurait été militant des moudjahidins. Ils font encore état de trois arrestations du demandeur, suivies de phases d’emprisonnements, en 1986, 1993 et 2001, pendant lesquels celui-ci aurait été torturé. Ils invoquent encore une arrestation suivie d’un emprisonnement de la demanderesse en 1986, lors duquel elle aurait été torturée et aurait subi des violences.

Finalement, ils font état de l’appartenance du demandeur à un groupe politique royaliste secret appelé « GAM » et de l’arrestation, suite à leur départ de l’Iran, d’un des membres de ce groupe politique, tout en exposant qu’ils craignent de subir le même sort, en cas de retour en Iran.

En droit, ils demandent la réformation des décisions critiquées pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits.

Ils reprochent en l’occurrence au ministre une violation de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 et de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève. Plus particulièrement, ils estiment que les faits exposés par eux démontreraient l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens des dispositions précitées.

Les demandeurs critiquent l’avis de la commission consultative, sur lequel sont basées les décisions critiquées, tant quant à l’appréciation faite par la commission des persécutions qu’ils déclarent avoir subies dans le passé, que quant à l’appréciation faite par celle-ci des explications données par le demandeur sur la structure et les finalités du groupe politique « GAM ».

Plus particulièrement, quant à la considération de la commission consultative suivant laquelle les faits pertinents pour l’analyse de la demande d’asile « remontent respectivement à 1988, 1995 ou encore à 2001 », ils font état de leur passé de prisonnier politique et de l’activisme politique du demandeur et argumentent, tout en se référant à l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, que la preuve ne serait pas rapportée que les persécutions qu’ils déclarent avoir subies dans le passé ne se reproduiront pas.

Quant à la considération de la commission consultative suivant laquelle il ressortirait des rapports d’audition que le demandeur n’aurait jamais été inquiété du fait de ses activités politiques, les demandeurs soutiennent qu’ils auraient été inquiétés du fait de l’activisme politique de leur fils et en raison de leur passé de prisonnier politique et que leurs craintes seraient devenues réelles après l’arrestation d’un membre du groupe « GAM », tout en précisant que suite à cette arrestation ils seraient d’ailleurs recherchés en Iran.

Les demandeurs reprochent encore à la commission consultative d’avoir retenu une absence de preuves concernant l’engagement actif du demandeur dans le groupe « GAM », alors que d’après eux, des explications détaillées auraient été données lors des différentes auditions et que par ailleurs, les conditions de l’article 26 (5) de la loi 5 mai 2006 seraient données en l’espèce. Ils renvoient encore à une attestation émanant du groupe « GAM ».

Subsidiairement, ils demandent la nomination d’un expert sur base de l’article 12 et de l’article 14 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, afin d’examiner le cas « quant aux risques de persécution en cas d’activisme politique contre le pouvoir en place respectivement pour avoir été prisonnier politique ».

Ils précisent avoir quitté leur pays d’origine en raison d’une crainte permanente de persécution et non pas en raison de convenances personnelles.

Les demandeurs font finalement état de la situation générale en Iran, en citant notamment un rapport d’Amnesty International de 2007, un rapport du Secrétariat du Conseil national de la Résistance iranienne de novembre 2007 et la position de l’ONU face à la question du respect des droits de l’homme en Iran.

Quant au refus du ministre d’accorder la protection subsidiaire, les demandeurs invoquent une violation des dispositions de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, en argumentant, tout en faisant référence à un rapport du Secrétariat du Conseil national de la Résistance iranienne, que les faits relatés par eux lors de leurs auditions précitées témoigneraient de ce qu’ils s’exposeraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, à des atteintes graves telles que des actes de torture, respectivement des traitements inhumains, en faisant en particulier état d’un risque d’être exécuté.

Le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse, souligne que les demandeurs déclareraient n’avoir jamais été inquiétés du fait des activités politiques de Monsieur … pendant douze ans et qu’ils n’auraient pas été inquiétés directement au moment de leur départ. Il met en doute le rôle d’un certain Eskandar, cité par les demandeurs, pour avoir fait entrer Monsieur … dans le groupement « GAM ». Le délégué du gouvernement fait encore état de renseignements pris auprès d’autres agents des autorités compétentes de la police des étrangers de pays de l’Union européenne, au sujet du groupe « GAM ». D’après ces renseignements, ce groupe serait peu connu et, de l’appréciation de ces agents, n’impliquerait aucun risque de persécution. Le délégué du gouvernement relève finalement que le sort du fils des demandeurs n’impliquerait pas d’office que ceux-ci seraient à qualifier d’opposants au régime et qu’ils seraient persécutés.

Quant à la situation générale en Iran, le délégué expose que d’après la jurisprudence, la situation du pays d’origine n’entraînerait pas d’office l’obtention du statut de réfugié.

Il en conclut que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte qu’ils seraient à débouter de leur recours.

Dans son mémoire additionnel, le représentant étatique souligne que suite aux recherches effectuées quant au mouvement d’opposition « GAM », il n’aurait trouvé aucun résultat, et que par ailleurs, le nom du colonel Madani serait inconnu. Il en conclut que ce mouvement, s’il existe, serait pour le moins insignifiant, de sorte que ses membres ne sauraient se trouver dans une position particulièrement exposée.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme de « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

Cette notion de réfugié est encore précisée par les articles 2, 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006.

Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande d'asile, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d'asile, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur, la crédibilité d’un demandeur d’asile constituant un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation de la justification d’une demande d’asile.

En l’espèce, les demandeurs font, en substance, état de craintes de persécutions du fait des activités politiques du demandeur, compte tenu également d’arrestations et tortures subies déjà dans le passé.

Le refus ministériel est, à la lecture combinée de la décision attaquée, ensemble l’avis de la commission consultative, et de la prise de position du délégué du gouvernement, motivé par une mise en doute de la réalité des craintes avancées et de la réalité de l’existence d’un risque de persécution, au motif que le demandeur serait resté vague quant à la structure du groupe « GAM » et au motif que la réalité de l’activisme politique du demandeur est mise en doute, et, de l’autre côté, par la considération que du moment que peu de personnes connaîtraient le groupe « GAM », celui-ci serait à considérer comme insignifiant et comme n’impliquant pas un risque de persécution pour ses membres, ce qui serait corroboré par le fait que le demandeur ait pu distribuer des tracts pour ce mouvement pendant douze ans sans être inquiété de ce fait, et, finalement, par une mise en doute de la crédibilité du récit en ce qui concerne le rôle du dénommé Eskandar.

Quant à la situation générale en Iran, les demandeurs font état de rapports d’organisations internationales, et plus particulièrement d’un rapport Human Rights Watch de 2008 sur l’Iran, qui accuse une détérioration du respect des droits de l’homme en 2007, et en particulier décrit une situation préoccupante des conditions de détention et du respect des droits de l’homme (« the authorities subject those imprisoned for peaceful expression of political views to torture and ill-treatment, including beating, sleep deprivation, and prolonged solitary confinement », page 473 du prédit rapport). Le tribunal se doit de constater que le délégué du gouvernement n’a pas fait état d’éléments de preuve, notamment de rapports d’organisations indépendantes, susceptibles de contredire les constatations de ces rapports. En effet, la situation générale en Iran telle que décrite par les demandeurs n’est pas mise en doute en tant que telle par le ministre, le délégué du gouvernement soulevant seulement que la situation générale du pays d’origine, à elle seule, ne saurait être suffisante pour se voir attribuer le statut d’une protection internationale.

Quant à la situation particulière des demandeurs, notons de prime abord que ceux-ci ont versé, parmi les pièces, plus particulièrement diverses lettres émanant d’un dénommé colonel Noushyravan Madani, dirigeant le groupe « GAM », adressées tant au mandataire des demandeurs, qu’au ministère de la Justice, dans lesquelles est décrit le fonctionnement dudit groupe. Au regard de ces pièces, dont l’authenticité n’est d’ailleurs pas mise en doute par le délégué du gouvernement, l’existence du groupe « GAM » ne saurait être mise en doute.

Il ressort encore des mêmes lettres, ainsi que d’une déclaration du 28 novembre 2005 du même groupement, dont l’authenticité n’est d’ailleurs pas non plus mise en doute par le délégué du gouvernement, que le demandeur était membre actif de ce même groupement. Le fait que lors de ses auditions le demandeur n’a pas pu donner des explications plus détaillées sur le fonctionnement et les structures supérieures du « GAM », n’est pas de nature à mettre en doute la réalité de l’activisme politique du demandeur. En effet, force est de constater que non seulement le demandeur a par ailleurs donné des explications très détaillées sur ses propres activités pour le groupement « GAM » et plus particulièrement sur le groupe de trois personnes que lui-même dirigeait, ainsi que sur son contact avec le dénommé Eskandar, mais encore qu’on peut admettre que, pour des raisons de sécurité, les dirigeants dudit groupe préfèrent que les membres travaillant « sur le terrain » ne disposent pas d’informations sur les structures hiérarchiques, et plus particulièrement sur les noms des personnes occupant des positions supérieures dans cette hiérarchie, pour éviter que ceux-ci soient amenés à dévoiler des informations compromettantes aux autorités.

Les lettres précitées émanant du groupe « GAM », ensemble les explications fournies par les demandeurs sur leur situation particulière, en l’occurrence celles en rapport avec le sort qu’a connu l’un des membres du groupe de trois personnes dans le cadre duquel le demandeur a déclaré avoir œuvré pour la distribution de tracts, permettent de mettre en doute les déclarations du ministre suivant lesquelles les membres du groupe « GAM » ne seraient pas exposés à un risque de persécution particulier. D’ailleurs, même à supposer que la situation soit telle que les membres du « GAM » ne sont, en général, pas exposés à un risque particulier de persécution, cela n’exclut pas que dans une situation particulière, un membre puisse être exposé à un tel risque. En l’espèce, la situation particulière des demandeurs est telle que leur fils a été exécuté dans le passé par le pouvoir en place, et qu’eux-mêmes ont, à différentes reprises, déjà fait l’objet d’arrestations et de détentions arbitraires, accompagnées de tortures, circonstances qui, au regard de l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, constituent un indice sérieux de la crainte fondée d’être persécuté, à moins qu’il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ne se reproduit pas. En l’espèce, de telles bonnes raisons n’existent cependant pas. En effet, s’il est exact que le demandeur admet que durant douze ans il n’a jamais été inquiété pour son activité clandestine pour le « GAM », il n’en reste pas moins qu’il ressort de ses déclarations lors de son audition du 23 février 2006 que la veille de son départ d’Iran, un des membres du groupe avec lesquelles le demandeur organisait la distribution de tracts, avait été arrêté et que les documents et imprimantes relatifs à cette activité avaient été confisqués (page 10/16 du rapport de l’audition), et que la propre maison des demandeurs a fait l’objet d’une perquisition après leur départ d’Iran (page 5/16 du rapport). Il ressort du même rapport d’audition que la prédite personne avait été torturée par les autorités et que sous la torture, qui a finalement eu comme conséquence son décès, elle a avoué avoir reçu les tracts à distribuer de la part du demandeur. Compte tenu de ces circonstances, combinées avec le passé des demandeurs, qui ont déjà été victimes de persécutions à différentes reprises dans le passé, ceux-ci peuvent valablement faire état d’une crainte fondée de persécution du fait de l’activité du demandeur pour le groupe « GAM ».

Compte tenu de cette conclusion, la demande subsidiaire des demandeurs en nomination d’un expert est à rejeter comme étant devenue sans objet.

Au regard des procès-verbaux des auditions des demandeurs des 22 novembre 2005, 23 février, 8 juin et 18 juillet 2006, 6 mars 2007, respectivement des 28 juin et 18 juillet 2006, le tribunal est amené à conclure que leur récit est cohérent et plausible dans son ensemble, tant en ce qu’il vise leurs explications en rapport avec les différentes arrestations et détentions déjà subies dans le passé, respectivement en rapport avec le sort du fils, qu’en ce qui concerne leurs explications en rapport avec les activités du demandeur pour le groupe « GAM ». Les interrogations soulevées par le délégué du gouvernement concernant le dénommé Eskandar ne sont, à elles seules, pas de nature à mettre en doute les explications tout à fait cohérentes des demandeurs, étant donné que même si le dénommé Eskandar est membre des services secrets iraniens, cela n’exclut pas que celui-ci œuvre en même temps et en secret pour un groupe monarchiste.

Dès lors, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs justifient à suffisance de droit de raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle fondée de persécution au sens de la Convention de Genève, étant précisé que les éléments soumis au tribunal ne permettent pas de retenir que les demandeurs puissent bénéficier d’une fuite interne.

Il s’ensuit que les conditions susceptibles de justifier la reconnaissance du statut de réfugié au sens des dispositions de la Convention de Genève, respectivement de la loi du 5 mai 2006, sont remplies dans le chef des demandeurs, de sorte que les décisions litigieuses encourent la réformation.

En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, il n’y a pas lieu de prendre position par rapport à ce volet des décisions entreprises et les moyens afférents, étant donné que le tribunal a déjà retenu ci-avant que les demandeurs font valoir une crainte justifiée d’être victimes de persécutions au sens de la Convention de Genève, en cas de retour en Iran.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, déclare le recours fondé ;

partant, par réformation des décisions déférées du ministre des 27 février et 30 avril 2008, reconnaît à Monsieur … et à son épouse, Madame …, le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève et au sens de l’article 2. c) de la loi du 5 mai 2006 et renvoie le dossier au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration pour exécution ;

déclare irrecevable le recours subsidiaire en annulation ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Annick Braun, juge, et lu à l’audience publique du 2 avril 2009 par le premier juge, déléguée à cette fin, en présence du greffier Claude Legille.

Claude Legille Carlo Schockweiler 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 24379
Date de la décision : 02/04/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2009-04-02;24379 ?

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